Peshawar entre miel et fiel
Sacré défi que de repartir sur les traces de Scylax de Caryanda, explorateur de Darius, pour cette jeune archéologue britannique qui va braver les interdits de la bonne société britannique pour arriver à ses fins.
On suit donc les traces de Viviane Rose durant 15 ans de 1914 à 1930 : fouilles en Turquie, infirmière durant la première guerre mondiale, puis Peshawar, où elle reviendra au moment du massacre du Qissa Khawani Bazaar.
En parallèle l'histoire de ces jeunes Pachtounes qui ont combattu dans les tranchées et se sont illustrés à Ypres et qui de retour au pays s'engagent dans les combattants pacifistes avec Ghaffar Khan.
Il s'agit donc d'un roman qui repose sur des recherches historiques. Et aussi sur la vie pakistanaise de l'auteure puisqu'elle a vécu à Karachi jusqu'à l'âge de 35 ans.
Un roman qui n'est pas parcouru d'un même souffle, d'abord très poétique, Viv est une jeune fille amoureuse, qui trahira son amoureux par ignorance sur fond de génocide arménien, la période infirmière dans les hôpitaux de guerre traitée de manière trop superficielle, ensuite à Peshawar on entre à nouveau dans l'histoire, les rapports entre indigènes et britanniques, entre hommes et tout à la fin, entre hommes et femmes dans la société pakistanaise.
Même si je ne suis pas sûre que les personnages, en particulier féminins, qui déboulent à la fin servent l'histoire, bien que je comprenne qu'il lui soit difficile (à moins que ce le soit pour son éditeur) de passer sous silence la condition de la femme sous la bourqa.
Un livre peut-être un peu trop ambitieux mais qui n'a pas raté son but puisque je suis allée me replonger dans ces pans d'histoire que je connais peu.
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On entre dans l'Histoire de la 1ère guerre mondiale de manière très originale et d'un point de vue rarement relaté. La colonisation du Pakistan est assez méconnue, on oublie qu'il faisait partie intégrante des Indes et qu'à l'époque, elles étaient sous le joug anglais. le livre relate très bien le rapport de domination et d'oppression entre les colons et les autochtones et on vit avec les personnages les débuts du souffle d'un vent de liberté et d'indépendance. Un roman prenant, qui alterne passé et présent à travers l'archéologie de manière intéressante.
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Ne vous y trompez pas ! C'est sans doute un excellent roman !
Mais je crois ne pas être dans l'état d'esprit nécessaire pour en savourer chaque ligne, et je l'abandonne provisoirement, à la moitié, parce que j'ai la sensation que quelque chose manque.
Le destin de Vivian Rose est parfait de romantisme et d'aventure mêlés, on lit ses découvertes dans l'ancienne Carie avec avidité et on sentirait presque, comme elle, le goût des figues et la passion pour Tahsin Bey, l'arméno-turc.
Le retour de Qayum, blessé au front pendant la guerre de 1914-18, permet d'esquisser la vie à Peshawar et chaque mot nous entraîne dans cette vallée où le jihad (anti colonisation anglaise) commence.
C'est parfait jusque là, et ça sera sans doute parfait aussi ensuite, mais là, j'aurais presque voulu lire deux romans avec chacun son intrigue...
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Comme tous les autres romans de Kamili Shamsie, les personnages se trouvent confrontés à la question de la loyauté, avec une infinie subtilité, l'autrice rend compte des déchirements et des richesses d'un héritage divisé dont elle n'ignore ni le meilleur, ni le pire.
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Une bâche s'envola d'une charrette à âne. La cargaison de miroirs à main accrocha le soleil, projeta des cercles lumineux sur les façades environnantes dont les fenêtres renvoyèrent l'éclat dans les yeux des passants - chameliers, cochers de victoria, marchands, clients, voyageurs.
Oui, l'ancienne Carie, située à la marge de la Perse et de la Grèce. La patrie d'Hérodote, le père de l'histoire, c'est vrai. Avant lui, toutefois, il y a eu Scylax - le plus grand voyageur de l'Antiquité, réduit désormais à une poussière dans l'œil de l'histoire.
- Il est allé aux Indes! Hérodote a écrit sur lui.
Comme la victoria avançait dans la célèbre rue des Conteurs, Najeeb lui montra du doigt les conteurs - des hommes accroupie sur les estrades de boutiques ouvertes, un public installé face à eux sur des lits en cordes tressées à l'ombre d'arbres. Ils racontaient des histoires en forme de poèmes appelées badalas, expliqua Najeeb.
Trop d'entre nous se mutinent ou désertent. Surtout quand on leur ordonne de se battre contre nos frères musulmans. Ne prends pas cet air indigné, Lance-Naik, tu devrais être fier que ton peuple refuse de tuer ses frères sur les ordres des oppresseurs, déclara Kalam, un bout de fruit coincé entre ses dents de devant.
Il est des instants qu'un être vit en étant habité par la certitude inébranlable qu'ils seront à jamais parés d'un éclat exceptionnel, de plus en plus fulgurant au fil des déceptions inhérentes à l'existence. C'était moi, songea Viv, anticipant les réminiscences de son être en devenir; c'était moi qui cueillais des figues et les fourrais dans ma bouche en regardant le soleil flamboyer de la côte carienne à l'horizon sur une eau d'un bleu d'encre et tellement cristalline qu'on voyait les rochers au pied des falaises.
Interview sous-titrée de Kamila Shamsie pour la sortie de son roman "Quand blanchit le monde" (Ed. Buchet/Chastel, août 2010). Réalisée originellement par la maison d'édition américaine Bloomsburry.