Dan Simmons est un de mes auteurs préférés, mais j'ai souvent du mal à entrer dans ses romans.
J'ai dû m'y reprendre à deux fois pour la série des « Cantos d'Hypérion », mais je me félicite d'avoir persévéré car ce cycle est un de mes meilleurs souvenirs de lecture.
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L'Abominable » m'a aussi demandé des efforts, les premières pages ont été laborieuses, puis petit à petit, le récit s'est mis en place et j'ai pris du plaisir à suivre le trio d'alpinistes dans son ascension de l'Everest.
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La raison principale de mes difficultés à entrer dans le livre est que je ne m'attendais pas à un récit d'aventure, mais plutôt à un thriller fantastique, avec une petite pointe d'horreur. Je pensais que l'histoire se rapprocherait de «
Terreur » du même auteur dont le scénario évolue autour d'une créature des glaces mystérieuse qui attaque des marins et s'évapore dans le froid glacé.
On suit ici trois alpinistes dans leur tentative de vaincre le plus haut sommet du monde et le yéti n'est mentionné que tardivement dans le roman et de manière très sporadique.
Alors, le titre est-il bien choisi ou est-ce un titre aguicheur ? La dernière partie du roman permet de comprendre le choix judicieux de l'auteur.
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J'aime beaucoup cet auteur qui sait se renouveler en proposant des récits d'aventure, de science-fiction, de fantastique, d'horreur ou de policier.
Dan Simmons aime s'emparer de faits divers pour construire son récit, les zones d'ombre laissant l'auteur libre d'orienter son récit vers le fantastique.
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Terreur » revient sur l'expédition maritime dans l'Arctique du capitaine Franklin en vue de découvrir le passage Nord-Ouest. L'Erebus et le Terror quitteront l'Angleterre en 1845 avant de disparaître.
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L'abominable » quant à lui, revient sur la mystérieuse disparition du célèbre alpiniste George Mallory et de son compagnon de cordée Sandy Irvine dans l'ascension de l'Everest le 8 juin 1924.
Cette affaire a créé une vive émotion dans le monde de l'alpinisme. Un témoin aurait aperçu les deux alpinistes gravissant l'arête nord-est de l'Everest en direction du sommet, avant que la brume ne s'élève et ne les dissimule au regard. Les maigres indices retrouvés sur les lieux à l'époque ne permettront pas de retrouver la trace des deux hommes, ni de savoir s'ils sont parvenus ce jour-là au sommet tant convoité. Cette énigme continue à obséder les nombreux passionnés d'alpinisme.
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En marge de l'accident qui a coûté la vie de Mallory et Irvine,
Dan Simmons nous relate, sous la forme d'un journal de bord, un autre accident, fictif celui-ci, du jeune Lord Percival Bromley et de son compagnon de cordée, un dénommé Kurt Meyer.
Un trio inattendu composé trois alpinistes passionnés monte alors une expédition ayant pour but de retrouver le corps du jeune lord : Jacob Perry, un jeune étudiant américain arrogant et narrateur de l'histoire,
Richard Deacon, un ancien colonel anglais vétéran de la première guerre mondiale, et Jean-Claude Clairoux un guide français de Chamonix.
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Ce roman est incroyablement bien documenté sur le monde de l'alpinisme. Il aurait pu ne pas me plaire, car très loin de mes goûts : je n'aime pas le froid, la neige, la glace, les pentes abruptes, j'ai le vertige, bref, la montagne, c'est un endroit magnifique et merveilleux, mais de très loin. Et bien, cette ambiance glacée, rude, vertigineuse, mortelle, bien au chaud emmitouflée dans ma couette toute douce, m'a conquise.
Pour entreprendre une aventure aussi audacieuse et périlleuse, il fallait être très courageux, totalement inconscient, voire suicidaire.
Le récit est tellement ponctué de renseignements, d'anecdotes et de détails sur l'alpinisme, le matériel et les techniques d'escalade, véritablement passionnant même pour un néophyte, que le lecteur est totalement absorbé par cette atmosphère. On vit l'expédition comme si on y était. On ressent le froid tranchant, le mal des montagnes, les difficultés pour respirer, la lumière aveuglante et impitoyable.
Une véritable immersion.
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Si cette première partie est très intéressante, le scénario est très long à se mettre en place et peut décourager certains lecteurs qui pensaient lire un récit surnaturel sur le yéti, ce démon des montagnes. Il faut attendre le troisième quart du roman pour que l'histoire s'accélère vraiment et monte en puissance pour devenir un vrai thriller. En effet, l'expédition va être attaquée par … Je vous laisse le découvrir !
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L'abominable » allie plusieurs genres : roman historique, thriller, récit de voyage, fantastique. Il met du temps à se mettre en place, mais il est passionnant du début à la fin. Si vous recherchez un roman au rythme trépidant, je vous le déconseille. «
L'abominable », comme «
Terreur » par ailleurs, est un roman qui se vit au ralenti, qui s'apprivoise doucement. Je l'ai lu, en prenant tout mon temps, en suivant les pas de ces intrépides aventuriers. Un presque coup de coeur, à lire.
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"Atteindre son but... Est-il dans la vie pire désenchantement ?"
Stevenson
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