Une résistance pacifique légitime
Les organisations de soutien aux palestinien-ne-s ne sont pas en accord sur le périmètre applicable aux actions de Boycott désinvestissement Sanctions (BDS).
Actions citoyennes non-violentes, ces campagnes, à l'image de la longue campagne contre le système d'apartheid Sud-Africain, sont parfaitement légitimes.
Eyal Sivan et Armelle Laborie exposent les motifs du boycott universitaire et culturel de l'Etat d'Israël. « En rédigeant ce livre, nous souhaitons apporter soutien et encouragements à nos amis et confrères palestiniens vivants sous occupation militaire, à ces cinéastes, artistes, architectes, universitaires et chercheurs vivant un calvaire quotidien même hors des moments de crise qui font la une des médias – comme à nos nombreux partenaires palestiniens de la diaspora qui n'ont pas le droit de se rendre dans leur patrie ».
Les auteur-e-s détaillent les raisons de ce que les pouvoirs israéliens considèrent comme une « menace stratégique majeure ». Elle et il insistent sur la propagande israélienne, les explications développées, la hasbara, l'image de marque internationalisée de cet Etat, le projet de marketing politique, The Israël National Branding Project…
Elle et il soulignent les mesures et moyens de luttes développés par les gouvernements israéliens, entre persuasion et répression, utilisation d'Internet, volonté de réduire les paroles mettant en cause leurs politiques concrètes, délégitimation des actions de BDS, réduction de l'anti-sionisme ou du combat anti-colonial à de l'antisémitisme…
J'ai notamment été intéressé par les analyses sur la promotion de la ville de Tel-Aviv comme icône profane, les industries d'innovation technologique et leurs liens avec l'armée, les politiques universitaires, la « nationalisation des organisations juives par Israël », l'usage très particulier de la liberté d'expression…
Eyal Sivan et Armelle Laborie exposent les silences et les collaborations des universités à la politique israélienne, leur rôle d'auxiliaires dans la recherche militaire, les priorités « nationalistes » des recherches, la place – le plus souvent en immigration – des nouveaux historiens, les éléments de discrimination entre populations et étudiant-e-s…
Elle et il détaillent l'usage exporté de la culture comme propagande, les dissidences « officielles » de cinéastes ou écrivain-e-s et leurs limites. Elle et il analysent les réalités de la « gauche », du Camp de la paix, la place niée de la Nakba et des épurations « ethniques », le refus du droit au retour pour les Palestinien-ne-s et celui – extraordinaire en regard du droit international – des personnes considérées comme juives, les atteintes aux libertés fondamentales des palestinien-ne-s.
Dans leurs explications sur le boycott, les auteur-e-s insistent sur la différence entre un-e individu-e et celles/ceux qui représentent une institution israélienne, la place des dialogues, des échanges et des rencontres…
Eyal Sivan et Armelle Laborie reviennent sur la soit-disant politique discriminatoire que représenterait le boycott, la réduction systématique de l'anti-sionisme à l'antisémitisme, la différence entre le destruction d'un régime politique et celle de ses habitant-e-s, « les revendications du BDS pour l'égalité et la démocratisation de la Palestine-Israël aujourd'hui sous régime israélien et l'abolition des privilèges ethnico-religieux sont ainsi considérées par de prétendus démocrates comme une volonté de destruction », le traitement de faveur accordé à Israël – un statut d'exception à abolir – malgré ses violations du Droit international ou des résolutions de l'ONU…
Il reste donc légitime de boycotter cette exceptionnalité en droit et en pratique, d'autant qu'il s'agit bien d'une résistance pacifique.
Reste cependant quelques éléments à débattre : le périmètre commun des actions BDS dans la solidarité (la multiplication des propositions pouvant nuire à la diffusion et donc à l'efficacité), la mise (et le plus souvent la non-mise en relation) avec d'autres situations (confère le silence sur la colonisation des territoires sahraouis par l'Etat marocain, sur le peu d'émotions sur celle des Tamouls au Sri Lanka, ou sur l'ensemble des territoires à décoloniser pour ne citer que ces trois exemples). Il me semble indispensable de faire le lien entre les différentes situations vécues par les populations, veiller aux alliances possibles (et à celles qu'il convient de récuser : les antisémites masqués, les régimes colonialistes…) et ne pas perdre de vue le système de domination mondial. Ce qui participe au renforcement des activités de boycott ciblées, comme celles défendues par BDS.
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