Le recueil comprend 24 très courtes nouvelles. Elles sont oniriques, dramatiques, tendres, drôles, pour certaines, ancrées dans le quotidien, teintées d'ironie. L'auteur a le sens de la chute. La première nouvelle donne son titre au recueil,
J'ai dix secondes pour vous dire .... Elle est particulièrement intense. En trois pages, c'est un condensé d'émotions et de couleurs qui s'accompagne d'un mouvement ralenti pendant lequel surgissent des souvenirs. Magistral. Peut-être aurait-il fallu la garder pour la fin ...
Les suivantes évoquent une rencontre, un rêve, une histoire d'amour qui n'a pas été, une déprime, l'origine d'un talent de musicien, un avare antipathique qui ne sait pas apprécier les joies de la campagne tourangelle. Elles s'inspirent souvent du passé, des périodes de guerre, donnent une perception des faits naïve par le truchement du point de vue d'un enfant. Les souvenirs surgissent par association de pensée, ou encore à partir d'un son, ou d'un objet. Certains textes basculent dans le surnaturel et le fantastique. La confusion envahit souvent les narrateurs, fragiles, vulnérables.
Le déménagement arrive en deuxième place dans ma sélection, en raison de la poésie qui se dégage de cette nouvelle. La fermeture des volets sur les pièces vides de la maison exprime dans une belle symbolique le temps qui passe, une période révolue, une tranche de vie qui s'achève. La confusion du personnage au bord du malaise est assez touchante.
Claude Sorel déploie beaucoup d'originalité et de sensibilité dans ses textes. La réalité y semble subir quelques torsions, sous l'effet de la mémoire sélective ou subjective. Ce qui fait l'unité du recueil, c'est bien l'expression dans chacun des textes de la fragilité de l'existence, et du doute qui fait vaciller la réalité.