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EAN : 9791091328524
374 pages
Gope éditions (14/12/2018)
4.4/5   10 notes
Résumé :
Les Nobles (roman)

Bangkok, milieu des années trente.
Wimon, belle jeune femme de 21 ans née dans une famille noble, est très courtisée et appréciée de tous. Sa vie aisée et insouciante bascule soudainement… La voilà chargée de sauver sa famille de la déchéance, de la maintenir unie et de pourvoir aux besoins de ses nombreux frères et sœurs. S’affranchissant parfois de conventions archaïques, elle fait preuve de pragmatisme et n’hésite pas à fa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Coucou mes petits amis ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'un livre réédité il n'y a pas si longtemps, en décembre 2018 : Les Nobles de Dokmaï Sot. Je tiens tout d'abord à sincèrement remercier la maison d'édition Gope éditions pour ce très bel envoi. Dès que j'avais reçu le mail d'information concernant la parution de ce livre, j'avais été très curieuse de le découvrir. Déjà parce qu'il s'agit d'un roman phare, d'une oeuvre emblématique dans son pays, la Thaïlande, qui est considérée comme un témoin de son temps, les années trente, une période où le pays est en plein bouleversement technologique et urbain et où les Siamois se remettent beaucoup en question concernant leur philosophie de vie. Ensuite, ce qui m'a fortement intriguée, hors le fait que la couverture est absolument sublime et que la jeune femme à l'air grave qui y est représentée incarne bien l'élégance et la beauté ravissante qui caractérisent notre héroïne Wimon, c'est le titre même du livre. Dès la première page, avant même de commencer le roman, on nous explique que Phou Di, le titre originel, signifie avant toute chose "noble d'âme et d'esprit" dans l'idéologie bouddhiste sacrée aux yeux de la majorité de la population siamoise. J'ai trouvé que le titre français rendait très bien cette idée et que son ambivalence était tout à fait adéquate, qu'elle correspondait bien aux personnages qui nous sont présentés au cours de l'intrigue. En effet, "Les Nobles" peut renvoyer à la noblesse provenant de la naissance, de l'appartenance à une famille aisée, d'une situation financière et matérielle bien particulière. Mais être quelqu'un de noble, c'est aussi être une personne honorable et vertueuse dans ses paroles, ses actes, sa façon de penser l'existence. Bref, j'ai trouvé pour ma part que le titre français était des plus appropriés pour un tel livre. Et avant d'entrer véritablement dans le vif du sujet, je souhaitais juste féliciter les éditions Gope pour ce sublime objet livre, très agréable à tenir en main. C'était la première fois en tout cas que je recevais un livre paperback (en tout cas aussi souple) venant de chez eux et cela m'a fait grandement plaisir d'avoir cette jolie surprise, étant donné qu'il s'agit de mon format préféré. Assez tergiversé, maintenant, place au livre !

Ce que j'ai énormément aimé avec ce roman, c'est la vision complémentaire qu'il m'a apportée de la Thaïlande si on l'associe à la lecture de Galant de Nuit (voir ma chronique ici). Là où ce dernier, roman d'apprentissage se déroulant dans les années soixante, se concentrait essentiellement sur les chamboulements culturels et éthniques que la Thaïlande connaît à ce moment-là, avec notamment les questions épineuses du racisme au sein d'une société nouvellement cosmopolite et du sexisme dans un cercle familial profondément marqué par le patriarcat, Les Nobles aborde en particulier cette dernière interrogation de la place dans la famille d'une femme mais aussi des enfants en général qui en incarnent l'avenir, mais creuse surtout le sujet de la conscience morale envers des traditions religieuses soit-disant immuables. Chaque chapitre est introduit par une citation du Bouddha lui-même qui nous inculque d'être généreux envers autrui, notamment envers les plus pauvres en matière de biens et d'intelligence, de ne pas faire preuve de vanité ou de cruauté, même si l'on jouit de la plus grande prospérité dans le monde terrestre.

Ce sont ces principes d'une immense sagesse que notre héroïne, Wimon, s'évertue à suivre depuis sa plus tendre enfance. Je me suis très vite attachée à ce personnage principal que j'ai trouvé extrêmement inspirant et qui, dès le début du roman, va connaître une horrible tragédie alors qu'elle vient juste de passer le cap de l'enfance à l'âge adulte : la perte d'un être qu'elle aimait plus qu'elle-même, son père. Impossible à ce moment-là de ne pas ressentir une profonde empathie pour la jeune femme, qui doit alors porter toutes les responsabilités liées au bien-être de la famille sur ses frêles épaules. En effet, dans un pays où un homme peut prendre plusieurs épouses, laquelle est la plus légitime pour devenir cheffe de famille ? Dans le cas présent, c'est Wimon qui va hériter de ce rôle et qui va devoir assurer la subsistance de ses petits frères et soeurs. Jusqu'à présent, Wimon était une jeune fille qui grandissait et qui continuait de s'épanouir telle la plus resplendissante des fleurs, profitant de la richesse accumulée par son père au fil de sa carrière, sans pour autant jamais en abuser ou ressentir du mépris et du ressentiment envers des membres de sa famille moins bien nés ou envers ses domestiques. Wimon s'est toujours montrée d'un infini respect, que ce soit envers son père, envers le personnel dévoué de la maison familiale, que Wimon considère avec une tendresse toute particulière, envers sa belle-mère, qu'elle estime plus que tout, envers sa mère biologique, même envers la dernière concubine de son père, qui est particulièrement insupportable et qui va lui mener la vie dure. D'ailleurs, beaucoup de personnes de l'entourage de Wimon vont essayer de la faire se sentir coupable de sa naissance, des facilités que la vie lui a accordées, alors que cette dernière ne s'est pourtant jamais montrée ingrate ou irrévérencieuse. Même après que le deuil et la pauvreté l'aient frappée de concert, ces mêmes personnages vont essayer de l'abattre encore plus moralement et de la salir. Pour ma part, je pense que ceux-ci n'ont rien compris. Depuis toujours, la plus grande richesse de Wimon a toujours résidé dans son coeur, dans l'amour qu'elle éprouve pour les gens qu'elle aime. Elle a toujours réussi à se montrer à la hauteur des personnes qu'elle respecte le plus, consciencieuse, attentive et compréhensive ; quoiqu'il puisse lui arriver, elle reste digne et garde la tête haute, malgré la souffrance qui la brise de l'intérieur.

Vous l'aurez compris, j'admire énormément cette jeune femme qui fait preuve au cours du récit d'un grand courage et d'une détermination sans failles afin de pas laisser sa famille dans le besoin. Pourtant, à de nombreux moments, elle ne va pas recevoir la gratitude qu'elle mériterait, sans même que son entourage direct ne s'en rende compte au fond, car elle prend tout sur elle afin de que les dernières volontés de son père soient respectées à la lettre et qu'il puisse reposer en paix comme il se doit. Wimon ne va pas hésiter à choisir de mener un mode de vie des plus modestes afin de privilégier le bonheur de ses petits frères et soeurs plutôt que le sien. Elle va accepter de son propre chef de faire beaucoup de sacrifices afin son frère jumeau puisse continuer ses lourdes études d'expert comptable, elle va patiemment endurer les privations et s'occuper de toutes les corvées de la maisonnée sans jamais se plaindre, contrairement à sa mesquine de cousine Sutchaï, une vraie langue de vipère qui ne manque pas d'air et qui aurait dû en prendre sérieusement de la graine. J'ai énormément apprécié aussi le fait que l'éducation des hommes comme des femmes soit également mise en avant, en poursuivant par exemple de longues études pour assurer un avenir serein à sa famille et contribuer au rayonnement de son pays, avec cet appel à embrasser le savoir et à ne pas baisser les bras face aux obstacles qui peuvent se dresser sur notre route. J'ai également été très touchée par la relation que Wimon entretient avec Khun Sae, celle qui est appelée de façon très belle et tout ce qu'il y a de plus vraie "l'épouse de coeur" de feu son père. le destin a fait de manière presque miraculeuse que Khun Sae et Wimon s'apportent à chacune ce qu'elles n'avaient pas ou croyaient avoir perdu à tout jamais. J'ai beaucoup aimé le fait qu'elles prennent le temps de discuter entre elles, de s'épancher sur les sentiments qui les animent, de se montrer franches l'une envers l'autre, et ce en toute circonstance. Wimon étant avant tout un être humain, qui en a vu des vertes et des pas mûres qui plus est, va parfois ressentir des sentiments très sombres et avoir envie d'exploser au cours du récit, et on peut tout à fait le comprendre. Sae va être l'âme sage, à l'écoute et de bon conseil, qui va rappeler à Wimon que tout ce qu'elle a fait jusqu'à présent, toutes ses restrictions et ce dur labeur, tout cela n'a pas été en vain. Elle va lui rappeler sa véritable valeur et est là pour elle, pour la soutenir et lui apporter ce dont elle a besoin : de la considération et l'amour d'une mère qui prend soin de vous. Je pense que j'aurais adoré rencontrer Sae ; c'est une femme d'une immense gentillesse et qui a beaucoup à nous apprendre. Elle est celle qui a élevé la femme d'exception qu'est Wimon, après tout. Surtout, je pense que, malgré le fait qu'elle respecte les us et coutumes de son temps et de son pays concernant la façon dont étaient traitées les femmes, l'autrice a voulu faire passer le message très discret mais éloquent qu'une femme a le droit de mener sa vie autrement, d'être autre chose qu'une épouse docile, de prendre en main son destin. Une personne visionnaire en somme, cette grande dame Dokmaï Sot.

Pour conclure, je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans la lecture de ce très beau roman si vous en avez l'occasion ! Ne prenez pas peur face à la pléiade de personnages qu'il renferme et aux titres honorifiques très semblables que ces derniers portent en fonction de leur relation au roi, de leur position au sein de l'aristocratie du pays. On s'y fait très vite et un glossaire des personnages est là au tout début du livre pour vous rappeler qui est qui. Personnellement, j'ai beaucoup aimé m'y référer. Je suis extrêmement contente d'avoir pu découvrir l'autrice qu'était Dokmaï Sot, dont la plume fort agréable à lire nous dresse ici un sublime portrait de femme et une vision acérée et très juste de son époque, prise entre deux étaux : d'un côté, le respect inébranlable aux traditions maritales et religieuses, de l'autre, l'appel irrésistible d'un avenir qui annonce de grands changements. Ce que je retiens surtout de ce roman, c'est que la véritable beauté vient du coeur, de nos sentiments envers l'humanité, et de ce que notre conscience nous dicte. C'est là que réside notre joyau le plus étincelant. Si notre apparence est en adéquation avec nos actes emplis de bonnes intentions et tendant à faire le bien autour de nous alors les personnes qui nous entourent ne pourront que constater notre sincérité et le fait que nous irradions notre petit monde de lumière, tel un phare dans la nuit, même en temps de misère et de désespoir. Si l'on reste toujours fidèle à soi-même et que l'on fait preuve de bienveillance, l'esprit tourné vers la paix et l'harmonie, alors il y aura toujours une personne inattendue pour incarner cette sérénité et cette main tendue auprès de nous, comme nous le sommes pour autrui. Il ne faut jamais perdre sa foi en ses valeurs et continuer à aller de l'avant, malgré les épines de l'existence et la médisance crasse de certaines personnes. Merci à Wimon et à Dokmaï Sot pour cette belle leçon de vie, je la garderai précieusement dans mon coeur, à tout jamais.
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« Faire le bien est chose difficile pour beaucoup de gens. Les difficultés découragent, elles font hésiter le plus grand nombre à faire le bien. » A travers ces mots, Dokmaï Sot, une des plus grandes romancières thaïlandaises de son époque, interpelle son lecteur sur une valeur morale intemporelle, celle du bien.

La noblesse d'un individu émane-t-elle de la naissance, de l'hérédité ou bien des actes et des paroles ? C'est la question centrale que pose « Les Nobles », dont le titre original est Phou Di, « personne de grande valeur ».

Née à Bangkok en 1905 et fille d'un fonctionnaire de haut rang, la jeune Mom Luang Buppha Nimmanhemin née Kunchon – elle choisira plus tard un nom de plume, Dokmaï Sot qui signifie « fleur fraîche » - commence ses études au sein de la maison familiale et les poursuit au collège catholique Saint-Joseph. Elle entame sa carrière d'écrivain alors qu'elle n'a qu'une vingtaine d'années. Elle continuera d'écrire jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale. Ses premiers écrits sont plutôt des romances. La suite de son travail, en revanche, est une immersion au sein des élites du pays confrontées à des questions morales dans une société thaïlandaise en mutation, faisant la part belle à des personnages principaux féminins, ce qui est assez rare à l'époque. Son travail est très imprégné de valeurs bouddhistes, témoignant ainsi d'une foi profonde de la part de l'écrivaine. Elle meurt en 1965 à New Delhi où elle vécut avec son époux, diplomate et homme politique thaï. Elle reste l'une des plus grandes romancières thaïlandaises du XXe siècle.

Son roman Les Nobles, publié en 1937, est le seul de ces ouvrages traduit et disponible en français. L'histoire se tient au milieu des années 30 à Bangkok.
Ces années-là sont une période, pour la Thaïlande, où de nombreux paradoxes s'exacerbent. le pays voit, en effet, ses codes et ses normes traditionnels vaciller en raison d'une modernisation grandissante. Durant le mois de juin 1932, un coup d'état fait basculer le pays d'une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle. Mené par un groupe de révolutionnaires au sein duquel se trouve Phibun, il s'agit là d'un tournant fondamental dans l'histoire du pays de plus en plus en pris en étau entre un sentiment national très fort et l'éloignement du socle culturel siamois historique. Dans son roman, Dokmaï Sot ne l'évoque que très pudiquement : « cette année-la, il y avait eu de grands changements dans le pays, et beaucoup de gens en étaient perturbés. »
Ce militaire, qui a fait une partie de ses études en France, devenu premier ministre en 1938, est un fervent agitateur du sentiment patriotique. N'oublions pas que la mise en oeuvre de son programme aboutit notamment à la fin des années 30 à un changement du nom du pays, le Siam devient alors la Thaïlande (« pays des Thaïs »), à la naissance d'un slogan sans équivoque « la Thaïlande aux Thaï », à l'instauration d'un nouvel hymne national.

A travers le portrait de Wimon, une jeune femme de 21 ans, Dokmaï Sot offre une photographie complexe de la société de l'époque et de la culture thaïlandaise : les valeurs bouddhistes, l'acquisition de mérites, le rôle de l'argent et du statut social, les dilemmes sociaux auquel sont confrontés les différentes générations, la place des rêves aux moments marquants de la vie. Il faut noter aussi un questionnement très prégnant dans ce roman, celui de la place des femmes dans la famille et de l'éducation des jeunes filles dont les parents peuvent se demander « s'ils doivent les élever de façon libérale ou les tenir serrées. »
Wimon, née dans une famille noble, mène une vie agréable, à la limite de la futilité. Mais un jour, suite à un drame, son destin bascule. Elle est alors chargée de sauver sa famille, en proie à la déchéance et à la division.

Dès la première page, le lecteur est plongé dans ce contraste entre des valeurs morales et spirituelles très fortes et la frivolité d'un luxe ostentatoire : une sentence de Bouddha nous expliquant ce qu'est un Phou di précède la description d'une voiture rutilante.
Ce que Dokmaï Sot cherche à démontrer tout au long de son oeuvre c'est qu'une personne naît dans la noblesse par hasard. Cette naissance n'en fait pas d'office quelqu'un d'honorable selon les principes moraux bouddhistes. Ce sont les actes et les paroles qui forge la véritable noblesse d'un individu, en dehors de toute contingence sociale et matérielle.
Les sacrifices consentis par Wimon, qui fait passer le devenir de ses proches avant le sien sans se soucier du regard des autres et du qu'en-dire-t-on, sont l'expression même de la vertu de la jeune femme. Elle agit en vue de faire le bien, fidèle en premier lieu à sa conscience et non aux us et coutumes.
Sans faire de parallèle douteux avec la période que nous venons de traverser, où une part significative de la population mondiale a été confinée, pourrions-nous retenir de cette auteure thaïlandaise qu'il faut parfois savoir sacrifier son confort pour des raisons plus grandes que soi-même ?

Ce roman, proposé par les éditions GOPE dans une belle traduction ponctuée de notes explicatives sur les subtilités de la culture thaïlandaise, est très agréable à lire. Il ne devrait pas échapper à la connaissance des passionnés de la Thaïlande.

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Coup de coeur pour ce roman thaïlandais dans lequel nous suivons la jeune fille Wimon et sa famille. L'auteure nous plonge dans les années 30 et nous fait découvrir la société de l'époque, avec ces jeunes issus de familles riches partant faire leurs études à l'étranger, l'importance de faire de bonnes actions et d'acquérir ainsi des rétributions, les actes et formules de politesse utilisées, les difficultés de la cohabitation quand le mari a plusoeurs femmes etc.

Je me suis beaucoup attachée à la jeune Wimon, vive et très intelligente, ayant grandi trop vite suite à toutes les responsabilités qu'elle doit endosser. Elle fait preuve d'une grande générosité envers les autres et sait se priver pour aider son frère. Elle est néanmoins assez candide dans ses sentiments et vis à vis de l'attention que peuvent lui montrer les hommes.

L'histoire est très intéressante et nous montre la bonté et le courage d'une jeune fille. Nous découvrons son quotidien, la façon dont elle fait face aux difficultés et aux contestations de ses aînés, son amour pur et candide pour un jeune homme et son attachement à ses jeunes frère et soeur. J'avais l'impression par moment de me retrouver dans un roman de Jane Austen mais sur un atre continent et à une époque différente, notamment concernant l'ambiance et le fil de l'histoire.

Nous y découvrons également la jalousie (cette cousine est impossible et tellement cruelle !), la difficulté de passer d'une vie aisée à une situation beaucoup moins prospère, le regard des autres sur ce changement de train de vie, mais aussi la maladie qui n'épargne finalement aucune strate de la société.

J'ai beaucoup aimé la traduction, découvrir les formules de politesse ainsi que quelques titres utilisés ("khun" pour Mr, Mme, "khun ying" pour la première épouse d'un "phraya" [un des titres donnés par le roi], "chao khun" formule de politesse quand on s'adresse à un Phraya etc.). La traductrice a choisi de traduire les expressions thailandaises telles quelles tout en ajoutant une note en bas de page pour nous donner l'équivalent français ou inversement. Cela nous permet de connaître quelques particularités de la langue.

J'ai aussi apprécié connaître les gestes de politesse ou en tout cas culturels comme par exemple "ramper", joindre les deux mains, s'accrocher aux jambes etc.

Ce roman est donc une très belle découverte qui m'a permis de voyager un peu en Thaîlande durant une époque particulièrement passionnante en Asie ! Je quitte à regret l'attachante Wimon.
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Lorsque j'ai lu le titre de ce roman, accompagné de sa charmante couverture, j'ai tout de suite pensé qu'il s'agissait d'un récit autour de la noblesse thaïlandaise.

En vérité, le sens de ce mot est beaucoup plus profond, il s'agit de la noblesse de coeur, celle qui régit notre vie, la justesse de nos principes moraux et de nos actions envers autrui.

L'histoire se passe au pays de Siam, dans les années trente. Wimon, l'héroïne, fait effectivement partie de la noblesse thaï. Elle appartient à une famille très riche, dont le père est un haut fonctionnaire estimé et titré par le Roi.
D'une grande beauté, parfaitement éduquée selon les principes des Phou di (que l'on peut traduire par des personnes comme il faut, sachant se comporter convenablement en toutes circonstances), elle vit avec sa famille élargie au sein d'une immense demeure, à Bangkok. Père, épouses, concubines, enfants de divers lits et serviteurs, cohabitent dans cette bonne société, sans soucis du lendemain.

Mais à 21 ans, l'âge du passage à la vie adulte, Wimon voit tout son univers basculer à la suite d'un drame familial. Et la voilà précipitée dans un abîme de difficultés, la faisant choir de sa condition sociale. le reste du récit lui donnera l'occasion de mettre en application cette fameuse noblesse de coeur.

En début d'ouvrage, il y a deux listes : l'une avec le nom des principaux personnages que l'on va rencontrer tout au long de la lecture, et l'autre comportant les titres utilisés soit par politesse soit qu'ils correspondent à une certaine hiérarchie. Nous sommes bien loin des simples « Madame, Monsieur, Mademoiselle » de l'occident !

J'ai dû me référer très souvent à ces listes au début de ma lecture, disons jusqu'aux cent premières pages. Les noms thaïs et tous ces titres m'ont embrouillé l'esprit et ont fait que j'ai peu accroché au récit pendant les quelques premiers chapitres.

Une fois accoutumée à ce nouvel univers, j'ai pris conscience de la richesse et de la profondeur de cette oeuvre de Dokmaï Sot. Sa plume est particulière, elle s'attache à décrire les sentiments, les postures et jusqu'aux moindres frémissements des différents protagonistes. Ce récit est un témoignage des moeurs et coutumes de la société thaïlandaise de cette époque.

Très axée sur les valeurs bouddhistes et celles du Phou Di, l'autrice a fait précéder chaque chapitre par une sentence de Bouddha. Le récit semble être au service de tous ces principes moraux, ce qui lui donne une tournure que je qualifierais de « didactique ».
Cet aspect-là m'a dérangée, j'aurais préféré que tous ces enseignements soient dilués, discrets, distillés au fil du récit pour être au service de celui-ci, et non l'inverse. Mais peut-être cette manière d'écrire est-elle simplement due au style de l'autrice, sa culture ou son époque.

Publié en 1937, ce roman est semble-t-il considéré comme un classique de la littérature thaïlandaise moderne. Je suis donc contente de l'ajouter à mon panel de littérature asiatique, jusqu'ici exclusivement chinoise et japonaise.

Bonne lecture.
Lien : https://lebouddhadejade.blog..
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« Les Nobles », un roman d'une douce langueur

Patrice Montagu-Williams, lui même auteur de plusieurs romans, a lu « Les Nobles », le roman de Dokami Sot réédité par les éditions Gope. Paru pour la première fois en 1938 sous le titre Phu di (« Une personne de grande qualité »), la première édition française (éditions de l'Aube) date de 2008. La présente version (éditions Gope) reprend le texte intégral dans une traduction révisée.

L'auteur, Dok Mai Sot (« Fleur fraîche ») de son nom de plume, est née dans une famille d'aristocrates.

Mom Luang (le titre indique qu'elle est l'arrière arrière petite fille d'un roi) Buppha Nimmanhemin fut la plus importante romancière Thaïlandaise d'avant la Seconde Guerre Mondiale.

Élevée au palais familial puis au collège catholique St Joseph, elle commence sa carrière littéraire très tôt, dès sa vingtième année.

Ses romans furent d'abord des romans d'amour puis devinrent plus réalistes après la révolution de 1932.

Le mécénat royal ayant disparu, les auteurs durent vivre de leur plume et plaire à leur lectorat, ce qui eut une influence directe à la fois sur le choix des sujets et sur l'écriture elle-même.

Son style, remarquable par la richesse de son vocabulaire, valut à Dok Mai Sot le surnom de « romancière à la plume d'argent ».

Réputée pour la complexité des sentiments dont elle dote ses personnages, elle est la première auteure Thaï à écrire des romans centrés sur une héroïne.

Phu di « Les Nobles » est considéré comme son meilleur roman.

La littérature de l'époque ne se fait pas l'écho de la révolution et des changements politiques survenus après le coup d'État du 24 juin 1932 au Siam qui mit fin à la monarchie absolue et instaura une monarchie constitutionnelle.

Le roman explique cependant parfaitement quel est l'idéal féminin post-révolution et Dok Mai Sot plaide pour une éducation moderne qui ne serait pas antinomique avec la doctrine bouddhiste.

L'histoire se déroule à Bangkok, au milieu des années trente.

C'est celle de Wimon, dite Lek, une belle jeune femme de vingt et un ans au grand coeur née dans une famille noble dont la vie aisée et insouciante bascule soudainement…

La voilà chargée de sauver sa famille de la déchéance, de la maintenir unie et de pourvoir à ses besoins.

Elle se bat en particulier pour conserver le palais (symbole de ce que ce qu'il représente sur le plan social) que son père avait presque perdu dans des combines financières.

Pour l'auteur, le lecteur doit comprendre, au travers de cette histoire, que, selon la vision bouddhiste, une personne ne nait dans l'opulence que par accident.

Il y a une sorte de douce langueur dans ce livre, qui raconte pourtant une destinée tragique.

Même si le roman n'échappe pas au happy end de rigueur (comme dans les contes et les films hollywoodiens, Wimon finira par rencontrer le prince charmant), il faut noter - et c'est l'un des traits marquants de ce texte - l'omniprésence de la foi de l'auteur, rare à l'époque (pour chacun des treize chapitres, elle met en épigraphe un enseignement du bouddha), ce qui lui permet en passant de condamner fermement des sentiments comme la jalousie ou la colère et de creuser ainsi, concernant l'idéal féminin, un gouffre béant avec la littérature postérieure (voir This Human Vessel de Krisna Asoksin, par exemple).

Pour tous ceux et celles que passionne ce pays, un livre à lire donc, très bien écrit par l'écrivain le plus important de son époque, apparemment facile d'accès mais en réalité beaucoup plus complexe et subtil qu'il n'y paraît au premier abord.

Patrice Montagu-Williams
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Quand on sait que l'on est ainsi, c'est qu'on ne l'est pas vraiment. C'est comme celui qui se dit sot. S'il se sait sot, cela veut dire qu'il n'est pas si sot que cela.
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Garde toujours à l’esprit, dis-toi sans cesse que si tu fais ceci ou cela pour telle ou telle personne, c’est parce que tu y crois. Et ensuite, quoi qu’il arrive, ne l’accuse pas de manquer de reconnaissance. Les bonzes disent qu’il existe des personnes qui apportent leur aide aux autres, qu’il y en a qui savent reconnaître les bienfaits et pensent à remercier, mais qu’elles sont rares.
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