Au départ, l'idée n'est pas mauvaise : écrire une pièce où les personnages parlent plusieurs langues, un peu comme cela se rencontre dans les métropoles : Paris, ou, ici, Bucarest… Certains passages fonctionnent d'ailleurs assez bien (les références aux chansons, l'allusion à Leonid Dimov, qui a été emprisonné pour avoir uriné sur une statue de Staline, belle mise en abyme). À l'arrivée, plusieurs problèmes se posent néanmoins : la pièce d'un auteur roumain, nous dit-on, a d'abord été écrite en anglais puis traduite en roumain. le livre se présente comme une traduction du roumain, donc une traduction du rewriting, en quelque sorte, pas de l'original. Ensuite, les passages en anglais, assez nombreux, plus quelques mots de bulgare (?) ne sont pas traduits, ni dans le texte ni en note. Je lis assez bien l'anglais donc ça va pour moi mais si vous ne connaissez pas la langue de
Shakespeare, vous avez payé votre livre (neuf euros pour une trentaine de pages tout de même!) pour rien, et ce n'est précisé nulle part, surtout pas en quatrième de couverture, où l'éditeur a préféré reproduire un dialogue qui est déjà à l'intérieur et laisser plein d'espace, et autres graphismes !
Pour le reste, la pièce est assez proche des pièces courtes de
Matei Visniec, avec de l'absurde en moins, quelques clichés (celui de l'homme de l'est, surtout d'origine qu'on devine modeste, qui, dès lors qu'il est en couple, est systématiquement un étalon, qu'est-ce-que j'ai pu le rencontrer !) en plus, un langage, sans doute pour faire "grand public", un peu plus relâché encore. C'est un euphémisme et j'avoue avoir du mal, dès lors que ce n'est pas justifié par un souci d'ultra-réalisme ou autre, à acheter un livre (ou à voter pour un homme politique) pour y retrouver les mêmes conversations que dans le tramway (faites l'expérience, vous y trouverez un peu de tout, mais moins de vulgarité qu'on ne pense et que dans certaines émissions, notamment télévisuelles) avec un vocabulaire plus limité et des raisonnements moins développés, car, au fond, il s'agit bien de déprécier le peuple, dont je fais partie comme l'auteur et tout un chacun, et qui, en général, n'est pas plus ou moins sot que lui, Babelio et moi, et n'a donc pas spécialement vocation à sortir des "merde", "foutre", "baiser" à tout bout de champ, ou, en l'occurrence, à demander sa fiancée en mariage ivre mort sur le toit d'une boîte de nuit.