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Dans ce dernier tome, Jens redevient un personnage secondaire, voire tertiaire. Alors que la glace fond, que les journées se réchauffent (même si tout est relatif), le gamin va revenir dans un des villages du premier tome, auprès de Kolbeinn l'aveugle, d'Helga et de la "Femme libérée". Là, il va rencontrer une jeune mère rousse, un directeur d'école, il va se bagarrer pour la première fois de sa vie, perdre sa virginité, et même retrouver son frère.

Encore une fois, ce tome a été parfois ennuyeux, même si le changement de cadre (moins de neige et de congères) a pu être une bonne idée, j'ai trouvé que le survolage des personnages, alors que j'avais adoré ça en janvier pour son dernier livre est ici frustrant. Je ne me suis véritablement attachée à personne, j'étais pas vraiment engagée, j'avais hâte de terminer, (et à vrai dire, peur pour la suite).

Et pourtant, malgré ces défauts qui ont pu ralentir ma lecture, à la fin de la trilogie, des images me restent en tête, comme ce bonbon sucé et offert, cette vareuse oubliée, évidemment, point d'ouverture du livre, veste causant la mort de Bardur, le marin trop absorbé par la littérature, cette étreinte dans la nature, regrettée, comme si une part d'innocence était volée au gamin. On retrouve les thèmes chers à Stefansson. La mort, l'Islande, la poésie, le pouvoir des mots.

Je suis en train de préparer une vidéo sur Jon Kalman Stefansson " La naissance d'un poète", je vous partagerai le lien très prochainement. Lien : https://www.youtube.com/watch?v=IKgRikgsnoU




Lien : https://www.youtube.com/watc..
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Holà ! Qui va là ? Etes-vous vivant ou défunt ?
Je serai bientôt défunt si vous n'ouvrez pas la porte !
Jens, le postier, tambourine à la porte de la ferme perdue au milieu des montagnes, enveloppée de neige, muette face aux sifflements aigus du blizzard. Ce géant d'1 mètre 90, aux sourcils et à la barbe constellés de glace, est accompagné d'un gamin. le gamin dont on ne connaîtra jamais le prénom. Mais qui sont-ils ? Et que font-ils en pleine tempête ? C'est un véritable périple que de distribuer courriers, livres et journaux dans les villages et hameaux les plus reculés. Et quand la neige cesse de tomber et que les vents s'endorment, le brouillard vient les remplacer. Un brouillard tel que si l'on tend le bras, on ne voit plus sa main.

Le gamin a tout perdu. Père, mère, soeur et plus tard son unique ami avec qui il récitait des vers qui les éloignaient, au moins en pensée, du dur labeur de pêche. Ce pourquoi, il part. Recueilli par une femme indépendante et libre de ses mouvements, il obtient gîte et couvert contre services et travaux. le gamin n'est pas fait pour avoir les mains calleuses ni pour s'endormir comme une masse après la journée de travail et il est mal vu des pêcheurs à qui il a tourné le dos pour aller vers un ailleurs.
Mollasson ! Bon à rien ! Même pas un homme ! Il en a l'habitude mais rien ne le détourne de son amour pour les livres. Ce ne sont pas des mots qui vont remplir ton assiette ! Tout ça, c'est pour les mauviettes.
Les marins durs, travailleurs, exténués et incultes se vautrent dans l'alcool, véritable fléau d'où il n'en sort que bassesse, vulgarité, violence. Violence physique envers les femmes, les faibles, les sans défense, violence verbale envers les fortes, celles qui ne suivent ni convenances ni lois, vilipendées par la communauté.
Violence aussi envers les Danois, l'envahisseur depuis presque mille ans. Et ces Norvégiens, installés dans les fjords, donnant du travail à quelques centaines des leurs dans la pêche à la baleine, dont les carcasses éventrées, exposées au vent et au soleil attirent mouches et puanteur.
Le gamin est en perpétuel questionnement. Est-ce que les idées que font naître les mots vont nourrir la famille ? Que faire à part pêcher, profiter de ce que la mer offre ? Les hommes sont en mer tandis que les femmes nettoient les poissons et les font sécher au soleil. Tous, exploités pour une bouchée de pain. Mais que dire au nabab du village lorsqu'il fournir le travail à deux mille personnes ?
Il n'y a que les montagnards qui troquent leur liberté contre une solitude bien pesante. Eux vivent de ce que la terre donne. de magnifiques pâturages pour leur élevage de moutons, quand ils ne sont pas prêts à se rompre le cou en escaladant les falaises pour récolter quelques oeufs de macareux, qu'ils transportent en civières jusqu'aux villages, pour quelques sous.

Le gamin se sent inutile. Et pourtant… Sa sensibilité, sa soif de connaissances, son intelligence lui apprendront le coeur de l'homme. Comme il peut très vite se changer en pierre dans ces contrées si dures et sauvages. Il saura percevoir la petite étincelle dans le coeur de certains qui sont persuadés qu'elle n'existe plus ou qu'il est inutile de la raviver. Mais les mots ont cette force. Et l'étincelle devient flamme. Une flamme qui réchauffe et donne envie de s'en rapprocher. Hommes et femmes qui jamais n'auraient osé avouer leur amour des livres, de la poésie, de la musique, se rapprocheront. Et ça, c'est au gamin qu'ils le doivent.

« Entre ciel et terre », « La tristesse des anges » et « Le coeur de l'homme » constituent un seul et même livre et l'avoir divisé en trois en facilite la lecture. Je vous conseille de vous munir des trois avant d'entamer l'histoire du gamin et éviter la frustration des fins abruptes des premier et deuxième tomes. Pour ma part, j'ai enchaîné sans hésiter la lecture des trois et choisi de n'en faire qu'une seule critique.
Avec sa plume terriblement poétique, l'auteur rend hommage à ces hommes et ces femmes qui ont forgé le pays et, bien sûr, aux livres qui élèvent l'Homme.
J'ai trouvé cette trilogie magnifique  et prenante; ce n'est pas qu'un roman, c'est beaucoup plus que ça.
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« Ce maudit monde est habitable aussi longtemps que tu m'aimes ».


Voilà des jours, que dis-je, des semaines, que je n'ai pas écrit.
Mon temps s'est gonflé de quotidiennetés chahutées, de bouleversements heureux et d'épreuves affolantes.
Il a fallu mettre la poésie de côté.
Juste quelques temps,
quelques jours, quelques semaines,
le temps de reprendre mon souffle, de mettre sur ma tête un nouveau toit et de laisser aux rires de ma fille le loisir d'emplir mes oreilles et toute mon âme avec.


Tous les soirs pourtant, dans le tumulte de la vie et les soubresauts du changement, j'ai ouvert, l'un après l'autre, ces romans :
Entre ciel et terre, La tristesse des anges et le coeur de l'homme,
les magnifiques trépieds d'une saga signée de la main de celui qui est, à mon sens, le plus grand poète de notre temps : Jòn Kalman Stefànsson.
Des livres infiniment précieux.
Essentiels.
Merveilleux.


Alors je ne vais pas y aller par quatre chemins. Inutile même de tenter d'en rédiger un résumé. Cela n'aurait aucun intérêt.
Ce n'est pas pour cela qu'on lit Jòn Kalman Stefànsson.


On le lit parce que :


1. La vie est beaucoup plus douce entre ses mots,
les nuits moins sombres,
la solitude plus légère.
2. Parce que la tristesse y est immensément belle, et les larmes, des poissons transparents.
3. Parce que chacune de ses phrases est un miracle, recouvert d'une poussière dorée, subtile, sublime.
4. Que chaque ligne est un enseignement
issu du divin ou du démon, c'est selon.
5. Parce que regarde, lève les yeux, le ciel est plus bleu, la neige plus blanche, le printemps, délicieux!
6. Parce que le prix de la vie, sa beauté et sa grandeur, nous éclate au visage à chaque page tournée.
7. Que le froid y est glacial, la cruauté sans faille
mais qu'un détour d'une page, un rayon de soleil, deux bras pour enlacer,
viennent les effacer.
8. Parce qu'on y écoute les morts – mais vraiment – chuchoter, on y pleure les disparus, on y admire les vivants.
9. Que les tempêtes y sont sublimes, la mer glaciale, les éléments infatigables.
10. Parce que l'Islande est belle et le café salvateur.
11. Que sa langue est magique.
On marche pour un livre, on meurt pour quelques vers.
12. Et surtout parce que ce n'est pas du sang qui coule dans les veines des femmes et des hommes qui en peuplent la terre. C'est de la poésie. de la pure poésie.
Et que cela fait un bien fou !


« La lecture élargit l'horizon de la vie, la vie devient plus grande, elle devient autre chose, explique le gamin, c'est comme si on possédait une chose que personne ne pourra jamais nous enlever, jamais, répète-t-il, et ça vous rend plus heureux. »


Merci Monsieur Kalman Stefànsson. Vous m'avez rendue heureuse.
Vos mots m'ont émue, touchée au coeur. Ils l'ont ouvert en deux, en ont fait sortir quelques larmes et beaucoup de lumière.
Ils ont caressé mon âme de la plus tendre des manières
et logé au creux de mes rétines, une once d'or et deux de poésie
pour le restant de ma vie.


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Il m'est souvent difficile de finir les pages d'une série qui m'a accompagnée des heures durant. Je clos là une trilogie particulièrement grandiose, avec des phrases bouleversantes, des sentences qui m'ont pour certaines touchée, pour d'autres transpercée. Avec ces paysages typiquement islandais emplis de glace, de montagnes vertigineuses, de neige sous toutes ces formes, de mer à la fois hostile et nourricière. Avec toute une galerie de personnages, souvent rugueux de prime abord, mais attachants qui ont tous eu leur lots de drames et de bonheurs.

« le coeur de l'homme », troisième tome de la trilogie de JK Stefansson, après « Entre ciel et terre » et « La tristesse des anges » doit-il son nom à une facette cette fois plus engagée, plus militante de l'auteur, plus introspective aussi ? En s'éloignant un peu des éléments naturels par rapport aux deux premiers tomes, il se concentre là davantage sur les injustices faites aux faibles, notamment aux femmes, aux artistes et aux pauvres. Comme s'il voulait davantage sonder le coeur de l'Homme, scindé en deux, oscillant entre bonheur et désespoir. Oui, JK Stefansson prend parti et donne la parole davantage aux opprimés. La musique, bien présente dans ce tome, et la poésie, encore et toujours, pour affronter la violence, l'égoïsme, les rumeurs et les préjugés, le pouvoir, la cupidité, la cruauté.

Et cette voix d'outre-tombe en filigrane, comme dans les précédents livres, qui nous ordonne de ne pas vivre comme un idiot, en oubliant d'être soi, en oubliant ses rêves. « Les rêves sont la lumière qui éclaire l'homme, la clarté qui le nimbe ; en leur absence il n'y a que les ténèbres ». Cette ritournelle nous met en garde

Mais comment survivre dans ce pays où même l'arrivée du printemps est compliquée et assassine les faibles : « il vient vers nous avec la lumière, les couleurs, le jaune des fleurs et les chants d'oiseaux, il verglace la couche de neige qui fond et se transforme en une insupportable soupe pendant quelques jours, l'humidité s'infiltre dans les fermes en tourbe dont certaines reposent encore sous le manteau neigeux, parfois profondément enfouies, les lits suintent, on est transi quand on s'endort, glacé lorsqu'on s'éveille, l'humidité s'immisce jusque dans les os » ?
Comment vivre dans une île où les étés sont si brefs et capricieux qu'on dirait parfois qu'ils n'existent pas ?

Comment vivre heureux dans ce pays rude, au début du 20ème siècle, lorsqu'on est différent, poète ou femme libre notamment ? le gamin n'a que la poésie comme arme, et la soif de connaissances pour unique horizon alors que pour être un homme, un vrai, et se fondre dans la communauté, il faut être avant tout viril, vulgaire, costaud, peu sensible. Les femmes indépendantes, non soumises, qui vivent comme bon leur semble, sans mari, en faisant fi des convenances et de la bienséance sont également très mal vues car normalement : « C'est toujours la femme qui doit courir de toutes parts et penser à tout le monde en même temps ; quant aux hommes, ils engloutissent le repas, debout, parfois le dos appuyé contre quelque chose, c'est une vertu que de manger vite, celui qui mange le plus vite est le plus homme parmi les hommes, la nourriture est là pour être déglutie, et non dégustée. »
Comment espérer dans un pays où l'on travaille dur et où l'on s'épuise au travail sous les ordres de quelques hommes puissants et démoniaques ?

Oui comment vivre heureux dans ce pays mais, bon, « le café et le courant marin du Gulf Stream font de ce pays, de cette île reculée, calcinée, battue par les vents, mais parsemée de vertes vallées qui sont comme des rêves entre les murailles rocheuses, une terre pratiquement habitable ». Nous pouvons ajouter la poésie, celle de JK Stefansson, mise en lumière par l'exceptionnelle traduction d'Eric Boury, qui réchauffe et fait oublier ces injustices. La beauté des femmes est toujours autant magnifiée, qu'il s'agisse de la mystérieuse Álfheiður aux cheveux d'un roux flamboyant et dont « les taches de rousseur qui lui barrent le visage en passant par le nez et les joues forment comme une ceinture d'étoiles », ou d'une simple serveuse « elle remplit les tasses, les verres de cognac, elle est jeune, ses mouvements sont fluides comme ceux d'une longue herbe oscillant au fond d'un ruisseau, elle ne lève jamais les yeux, ils n'ont pas l'occasion de voir ces yeux, ces deux joyaux bleus, et elle ne se laisse pas impressionner bien que tous la regardent, l'observent, tandis que la braise remonte en crépitant doucement le long de leurs cigares rigides. »

Reconnaissons que l'homme n'est pas vraiment mis à l'honneur dans ce livre et que l'auteur islandais est parfois même sans pitié : « Les hommes tiennent des propos incroyables avant d'assouvir leur désir ou pendant qu'ils le font, tout ce qui se murmure, les phrases haletantes, les serments abyssaux qui ne sont que surface n'ont plus aucune valeur lorsque tout est fini, qu'on a joui, que le membre n'est plus érigé, tout gonflé de désir, de volonté de vivre, mais qu'il pend, épuisé, comme un lambeau de peau entre les cuisses. »

Cette trilogie est rude, poétique et surtout profondément humaine. La lumière du gamin scintillera longtemps en moi. Laissons la parole à l'auteur pour clore ce ressenti, auteur que je considère comme un grand, très grand Ecrivain, il me semble que tout est contenu dans cet extrait : « La délicatesse est mon rêve le plus vrai, dit un très vieux poème, et ce vers scintille à travers le temps, c'est vrai, la délicatesse et la fragilité sont le coeur de l'homme, nous le percevons douloureusement au printemps, lorsque l'existence danse sur le fil du rasoir, entre vie et mort. »

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Et voilà! le coeur lourd j'ai tourné la dernière page. Je n'étais pas prête à quitter le gamin. Une fois encore je suis revenue en arrière, mais la dernière ligne est arrivée et je me sens orpheline. Que c'est douloureux de quitter un tel univers.
Jon Kalman Stefansson est un grand, un immense écrivain.
Des personnages extraordinaires au sens littéral du mot.Un pays de neige , de glace, de mer, un pays dur et exigeant.
Une ronde de mots où le lecteur doit chercher son chemin. Une ronde de mots qui m'a touchée au plus profond. Une ronde de mots où le rêve tient toute la place« Les rêves sont la lumière qui éclaire l'homme, la clarté qui le nimbe ; en leur absence, il n'y a que les ténèbres, vous savez donc ce qui vous attend si vous cessez de rêver, vous savez aussi d'où vient la nuit en l'homme. »..
Je ne trouve pas les mots pour exprimer tout le bonheur ressenti à cette lecture. le coeur de l'homme est le dernier volet de la trilogie Entre ciel et terre, une trilogie qui a pris une place de choix dans mon coeur de lectrice.

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« Un antique traité des médecine arabe
affirme que le coeur de l'homme
se divise en deux parties,
la première se nomme bonheur,
et la seconde, désespoir.
En laquelle nous faut-il croire ? »

Après Entre ciel et terre et La tristesse des anges, le coeur de l'homme vient clore cette bouleversante trilogie.

« Où s'achèvent les rêves, où commence le réel ? Les rêves proviennent de l'intérieur, ils arrivent, goutte à goutte, filtrés, depuis l'univers que chacun de nous porte en lui, sans doute déformés, mais y a-t-il quoi que ce soit qui ne l'est pas, y a-t-il quoi que ce soit qui ne se transforme pas, je t'aime aujourd'hui, demain, je te hais – celui qui ne change pas ment au monde. »

Quand les histoires et la vie nous sont aussi bien contées, avec tant de poésie, comment ne pas succomber aux mots de Jón Kalman Stefánsson ?
Comme à son habitude, il nous transporte en Islande, à la fin du XIXème siècle, île brûlée par les feux de la terre et battue par les vents et nous donne à réfléchir sur le sens de la vie. Préjugés. Cupidité. Cruauté. Violence. Égoïsme. La différence. Les traditions.

« Pourquoi n'avons-nous pas le droit d'exister en paix, s'était insurgé le gamin, pourquoi n'a-t-elle pas le droit de vivre comme elle veut ?
Kolbeinn : Parce qu'ils ne supportent pas de voir quiconque debout. C'est en cela qu'ils ne sont que des misérables, cela dérange leur digestion de ne pas pouvoir tout régenter. C'est une véritable maladie. Et Geirþrúður les dérange. »

De nombreux personnages, hauts en couleur.
Une plume poétique pour nous parler du temps, de la mort et de l'oubli, pour nous conter la haine et les rancoeurs, pour mettre un peu de chaleur dans l'atmosphère glaciale et enneigée qui règne sur ces pages, pour nous parler d'amour aussi.

« L'homme est né pour aimer, les fondements de l'existence sont aussi simples que ça. Voilà pourquoi le coeur bat, étrange boussole ; grâce à lui, nous trouvons aisément notre route à travers les brumes opaques où les périls nous guettent de tous côtés, à cause de lui, nous nous perdons et nous mourons en plein soleil. »

J'ai beaucoup aimé cette lecture mais pour être tout à fait honnête, je pense, à mon humble avis, que Jón Kalman Stefánsson s'est laissé emporté par le vent des mots, le rythme est irrégulier, les phrases parfois bien longues, alourdissant la lecture et l'on peut facilement s'y perdre dans la multitude des personnages.

Une lecture qui pourrait donc en dérouter quelques uns, mais une lecture que j'ai tout autant appréciée que les précédents opus, tout aussi envoûtante.

« Notre plus grande tristesse est de n'exister plus. Nous n'avons pas oublié ce que c'est qu'abriter en sa poitrine l'étincelle de la vie. C'est le plus grand étonnement que nous ayons pu connaître, d'où provient cette force, cette lumière immense, terrifiante ? Les étoiles scintillent au-dessus de nos têtes, les oiseaux nous traversent de leur vol et nous avons maintenant conté cette histoire jusqu'au bout. Nous sommes allés puiser les mots dans l'abîme de la mort et dans les grands espaces de la vie, des coeurs ont battu, des plaies se sont ouvertes, nous avons retracé les choses telles qu'elles sont ou ne sont pas advenues, nous avons effectué un si long voyage en quête de tous ces mots qu'il ne reste presque plus rien de nous - et maintenant nous sommes presque uniquement constitués de silence. »
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Il s'en est fallu de peu pour que Jens le postier et le gamin ne sortent pas vivants de la tempête. Après leur chute, ils sont pris en charge par le médecin de Slettueyri, et reviennent miraculeusement à la vie dans la chaleur de sa demeure. le gamin est ressuscité par le baiser d'une rousse. Un baiser qui va littéralement changer sa vie.

On est alors au mois d'avril. En Islande, cela signifie que l'hiver se termine enfin. La neige commence à fondre, la nature et la vie reprennent leurs droits. le duo décide de se séparer et chacun retourne à sa vie, ses occupations.

Le gamin, revenu du bout du monde, retrouve sa famille de coeur, celle qu'il s'est choisi. Un peu grâce à son ami Bárður, finalement. Ces gens, cette petite communauté forme un ensemble puissant, fort. Mais le gamin lui, qui est-il vraiment? Un messager ? Il semblerait presque envoyé par l'au-delà. Par ses mots, il rassemble les gens, les ramène à la vie. Ce n'est pas commun à cette époque pour un jeune homme, de choisir la douceur des mots plutôt que la brutalité afin de s'imposer et protéger les siens. Il détonne de bien des façons dans cette communauté du début du XXe siècle.

Le coeur de l'homme clôture ce triptyque islandais de façon magistrale. Bouleversante de beauté . On ne veut pas le terminer, on relit certaines pages... On est triste, heureux, on pleure un peu aussi. Il est bien difficile de qualifier la plume de cet écrivain qui a pondu là une oeuvre remarquable . Jón Kalman Stefánsson est un poète. Un homme qui transporte avec ses mots d'une finesse, d'une sensibilité que je n'avais encore jamais rencontré. Et qui donne le courage d'être soi, d'oser, de ne pas se trahir.
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Dernier de la trilogie qui a commencé par Entre ciel et terre, puis La tristesse des anges, ce dernier volume, nous emmène toujours en compagnie de Jens le Postier.
Pour ma part, depuis le début, je suis complètement (du verbe suivre).
J'ai adopté les personnages.
Comme pour les autres romans, la nature islandaise est implacable, je pense que après Jean et son "gamin", la nature est la troisième invitée et elle est d'une ingratitude...
Comme pour les autres, j'ai été bouleversée par la poésie, la violence de la nature (oui pourtant on le sait...), l'âpreté des rapports humains.
L'écriture est belle, précise, fine, ciselée, sans être lourde, ou alourdie par des tas de points de vue des uns et des autres.
On l'aura compris...j'ai passé auprès des trois ouvrages (sans savoir au départ qu'il s'agissait d'une trilogie) une merveille de moment de lecture.
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Dernier tome de cette sublime trilogie. L'exemple type pour moi de ce qu'est un bon livre : celui dans lequel le lecteur a envie de s'attarder pour en apprécier les subtilités. Une certitude aussi, dans quelques années je la relirai avec autant de plaisir et j'y ferai d'autres découvertes, car c'est une histoire foisonnante d'une écriture somptueuse.
Le blizzard a failli engloutir le gamin et Jens. Mais ils sont à l'abri, bien vivants, dans ma maison du docteur, le temps pour eux de se refaire une santé.
Seulement six jours se sont écoulés depuis son embarquement avec Jens. Une éternité en intensité, un temps étiré.
Le gamin a encore plus de mots dans la tête et il ose les utiliser de sa propre initiative. Il écrit deux lettres qui vont changer la vie de leurs destinataires. Il va ainsi prendre conscience des choses.
« Vivre. Ne pas oser parler. Ne pas oser avoir peur. Ne pas oser se battre et triompher des…des tempêtes qui nous agitent. Si on reste les bras croisés, on trahit tous ceux qui nous sont chers. Pour peu qu'on ait des êtres qui comptent pour nous, je veux dire, des êtres qui soient en vie. »
Le retour à la vie d'avant, oui mais, avec une autre capacité à s'insérer dans la communauté. Chacun va avoir à coeur de parfaire son éducation et de le révéler à lui-même.
Le printemps est là, saison de l'éclosion.
« Les traductions, il est difficile de dire à quel point elles sont importantes. Elles enrichissent et grandissent l'homme, l'aident à mieux comprendre le monde, à mieux se comprendre lui-même. Une nation qui traduit peu et ne puise sa richesse que dans ses propres pensées a l'esprit étroit, et si elle est nombreuse, elle devient en plus un danger pour les autres car tant de choses lui demeurent étrangères en dehors de ses propres valeurs et coutumes. »
La vie grouille, la nature gronde. Chacun son rôle, sa place.
« …maintenant que la tempête s'est figée et que les gouttes de pluie ne sont plus des gouttes, mais des yeux transparents. Et ce que les yeux voient, ils le disent au ciel. »
Chacun des personnages est ancré dans cette communauté, mais chacun a ses failles et trouve refuge où il peut, à sa façon et ceci sans jugement.
La vie est multiple et ici elle est décrite avec la simplicité des poètes qui mettent en chaque chose de la lumière.
La géographie a toute son importance dans ces destinées et les protagonistes sont telles les fourmis, une colonie en mouvement.
Empreint d'une grande humanité sans concession qu'il est possible de résumer en « se forger une âme robuste. »
Chaque acte a ses conséquences et certains se croient autorisés à le rappeler.
Le lecteur suit le gamin dans ses apprentissages livresques mais aussi sur le terrain d'un quotidien rude, où chacun a à coeur d'oeuvrer à ce qu'il puisse développer une vie intérieure intense.
Je sors éblouie de cette histoire à nulle autre comparable. Une fin en apothéose.
Par le fond et la forme c'est un hymne à la littérature.
Il y a un tel foisonnement d'idées, d'images et d'humanité que le lecteur se laisse porter, puis interrompt sa lecture pour mieux savoureux et l'auteur l'emporte par la puissance de sa virtuosité.
« Vis !
Tels furent les derniers mots qui lui vinrent de sa mère. Son ultime conseil. Vis, instruis-toi, ne laisse pas la misère t'étouffer et ne te laisse pas écraser par les déceptions.
Nous avons le devoir de vivre debout, on ne saurait vivre autrement. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 14 avril 2020.


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Un beau moment de lecture! 

Dépaysement et poésie, à la limite du rêve et de la réalité. le roman commence avec une terrible tempête de neige d'où émergent les héros engourdis à la limite entre la vue et la mort, perdus, ils sont recueillis et soignés dans un village isolé. Furtive rencontre avec une femme aux cheveux roux intense dont on saisit mal le rôle, mais qui laissera un souvenir tenace et émerveillé.

Qui est donc ce gamin? Recueilli par des femmes singulières dans un port, il joue le messager, portant des lettres d'amour qu'il rédige pour les autres. Il me fait penser, dans un décor tout autre, au jeune homme de Théorème de Pasolini qui séduit et déstabilise toute la famille. Par une simple lettre, il bouleverse la vie d'Andrea qui quitte son mari, Pétur. D'autres lettres porteront des promesses d'amour... Dans cette petite ville isolée,le gamin fait circuler livres et poèmes. Dans cette campagne reculée, il rayonne de culture, butinant le savoir auprès des femmes ou du directeur d'école. Surprenante importance de la musique où l'on voit un orgue voyager par bateau....

Roman onirique, aussi roman réaliste qui raconte des rapports de pouvoir entre la famille de commerçants, la concurrence acharnée entre Fridrik, homme d'affaire prospère et Triggvi "qui transforme le labeur en or", Snorri le marchand failli et ruiné, et surtout la belle Geirthrudur, libre et riche qui tente de faire des affaires dans un monde d'homme qui ne lui pardonne ni son sexe, ni son habileté à manoeuvrer. Au village, tout tourne autour du poisson: les  pêcheurs pêchent, on sèche ou sale la morue qu'on exporte. Capitalisme  primitif, où l'on achète, transmet ou vend, des parts dans les bateaux, des droits pour faire sécher la morue.

Passage à la modernité, dans le village traditionnel, le téléphone fait son apparition, puis une pompe et un bateau à vapeur....

Le récit conte aussi bien la vie quotidienne que la beauté de la lumière des nuits d'été, la nature qui se pare de fleurs et de mousses, toujours la poésie!

Un vrai coup de coeur!
Lien : http://netsdevoyages.car.blog.
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