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sur 358 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Introduire le village sur lequel l'auteur s'apprête à parler au long de trois cents pages presque en s'excusant, le présenter comme étant plutôt banal, sans aucune extravagance si ce n'est l'absence de cimetière ou d'église, si ce n'est peut-être aussi les quelques centenaires rigolards ou la recrudescence d'octogénaires qui le composent, il fallait oser. On pourra toujours y déceler une marque de confiance en soi, une assurance tout risque dans son propre talent de conteur. Toujours est-il, introduction par défaut d'intérêt réel ou simple ruse narrative, l'accroche est bel et bien là, originale et culottée. Jon Kalman Stefansson nous la joue à l'envers et ça fonctionne déjà, on a envie de savoir, et surtout de faire connaissance avec la population du village. le faisceau narratif qu'il dirige alors sur huit habitants pour autant de chapitres se révèlera à la fois caustique et pittoresque, lyrique et poétique.
Il y a le directeur de l'Atelier de tricot qui subitement se met à rêver en latin, il ne lui en faudra pas plus pour poursuivre sa destinée vers la maîtrise de l'idiome et tout plaquer pour scruter les étoiles.
Il y a Jonas le frêle adolescent rougissant au moindre frémissement féminin, hypersensible connecté au monde des oiseaux.
Il y a David fils de l'Astronome, en proie à la vie des fantômes au sein de l'Entrepôt.
Il y a aussi Kjartan son collègue à l'Entrepôt, réfractaire aux idées sur l'au-delà, plus ancré dans la terre et l'appel de sa chair.
Et il y a tous les autres, que le focus soit porté sur eux ou pas. Car le lecteur ne tient pas entre les mains un chapelet de destinées égrenées sur le tempo régulier d'un recueil de nouvelles, ça serait sans compter sur la maîtrise constructive de l'auteur. Celui-ci déroule au contraire une prose inspirée et libre sans paraître digressive, encline à suivre le fil d'une anecdote, d'une rencontre ou d'un événement pour façonner peu à peu une galerie de personnages et tisser l'écheveau d'une communauté de quatre cents âmes.
L'être humain reste ainsi placé au centre, comme toujours avec cet auteur. Non seulement de son village mais aussi d'un univers incommensurable parsemé d'astres, de présences spectrales ou de trous noirs, où le cosmos et l'au-delà ne manquent pas de le remettre à sa juste place métaphysique, en quête d'un sens qui lui échappe, « […] c'est la quête qui nous enseigne les mots pour décrire le scintillement des étoiles, le silence des poissons, les sourires et les tristesses, les apocalypses et la lumière d'été. » L'humain paraît à la fois grand ou envahissant, on ne parle que de lui et de ses tracasseries quotidiennes, son caractère et sa vie, mais il est aussi infinitésimal, replacé dans le contexte abyssal de l'univers et du mystère de la vie. Une question de point de vue. Il ressort aussi de ce roman une teinte de dérision et d'ironie, le rire rivalisant parfois avec le lyrisme, « […] un rire sincère est un étrange mélange de volupté et d'oubli de soi, nous nous désagrégeons en lui, nous tourbillonnons en surplomb du personnage que nous incarnons au quotidien, il fait de nous des êtres humains. »
Écrit en 2005 et publié maintenant en France, il m'a semblé plus mordant que ses précédents traduits en français. En tout les cas reconnaissable, les aficionados ne manqueront pas de replonger avec délice dans le style singulier de cet auteur, envoutant et aérien, en relation étroite avec le travail remarquable de son passeur, Eric Boury.
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Veiller dans l'encre de la nuit

Une nuit, un homme se met à rêver dans une langue morte, et c'est alors une vie nouvelle qui s'ouvre devant lui, ainsi que pour une communauté de quatre cents âmes. Les rigueurs du climat, la solitude, l'ennui et le vide du ciel invitent aux rapprochements charnels, au désespoir, aux gueules de bois, au commerce entre les vivants et les morts (lesquels ne dorment parfois que d'un oeil), aux manifestations fantômales, aux adultères, aux projets fous et à la magie de toutes ces petites vies qui veillent dans l'encre de la nuit — comme autant de bougies que le souffle du vent glacial ne parvient pas à éteindre tout à fait.

Avec son talent de conteur, teinté d'humour et de grande mélancolie, l'écrivain islandais tisse une toile faite de sexe cru et sans fard, d'espoirs déçus ou exaucés, de manteaux de neige, de larmes en forme de poissons, de poissons comme autant de larmes innombrables, d'ampoules qui explosent étrangement, de rochers qui font obstacle au bonheur et de désirs plus affamés que loups en plein hiver.

Jón Kalman Stefánsson entrouvre les fjords, et nous invite à pénétrer les coeurs de ces hommes et femmes qui peinent à comprendre ce qui les pousse encore à vivre. Peut-être simplement pour le goût d'un baiser dans la bouche, pour une robe de velours noir, pour une chevelure couleur d'incendie, pour des corps qui s'enlacent, pour des seins lourds et des érections dures comme l'acier, pour des étés qui se consument aussi vite qu'une allumette, pour une langue que plus personne ne parle, pour les traits slaves d'un visage, pour les yeux profonds d'une femme qui ensorcellent le coeur de l'homme, pour les rêves qui peuplent le sommeil de leurs fantastiques couleurs, pareilles à celles des aurores boréales — et que l'on aimerait attraper avec des filets de pêcheur pour qu'ils ne finissent pas perdus tout au fond de l'eau.

Fragiles sont nos existences, qui pourtant demandent à aller jusqu'au bout de notre dernier souffle, jusqu'au dernier mot des histoires que nous nous racontons sans cesse pour ne pas perdre pied — et jusqu'à l'épuisement de la lumière qui nous habite.

Après tout, les étoiles mortes depuis des millions d'années n'en continuent pas moins de briller à nos yeux, avec la même ardeur infatigable qu'au premier soir.

© Thibault Marconnet
le 9 janvier 2021
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Il y a longtemps que je n'ai pas eu autant de plaisir avec un livre qui ne parle de rien mais de tout, non pas de quelqu'un en particulier, mais de tous !

C'est simple et la digression est élevée au rang de poésie. Les vies sont narrées comme des contes et des légendes qui nous emmènent dans le coeur et l'âme des habitants du village au bord du fjord.

Il faut de l'art pour faire des perles avec des choses banales, de celles que nous raconterions à nos amis ou à nos voisins !

Merci à Eric Boury pour avoir su, une fois de plus, transmettre toutes les sensibilités et les nuances de l'écriture de Jon Kalman Stefansson !

A lire et à déguster, même si j'ai fait preuve de gloutonnerie à le lire d'une seule traite ! Je prendrai mon temps, une autre fois, plus tard !

#Lumièredétépuisvientlanuit
#NetGalleyFrance
#rentreelitteraire2020"
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Lumière d'été, puis vient la nuitJon Kalman Stefansson chez Grasset.
Un petit village, sans église ni cimetière, au nord, à l'est, au Sud, la campagne à l'ouest l'océan , 400 âmes c'est peu et c'est beaucoup. Bien sûr pas question de nous raconter la vie de ces 400 âmes mais quelques unes suffiront. L'auteur nous propose 8 portraits et à travers eux c'est le portrait de tous qu'il brosse.
Une fois encore je suis tombée sous le charme de l'écriture de Jon Kalman Stefansson, une fois de plus je me suis laissée portée, emportée par les mots et la très belle traduction d'Eric Boury. La Mélancolie est, bien sur, au rendez-vous mais aussi le temps qui passe, le pourquoi , le but de nos vies, l'espace infime qui sépare la vie de la mort, l'amour , la tendresse, l'amitié, thèmes récurrents chez Jon Kalman Stefansson. Un minuscule espace sur la planète terre confié à une très grande plume. Magique.
Un grand merci aux éditions Grasset
#Lumièredétépuisvientlanuit #NetGalleyFrance
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Un petit village loin de tout où il ne se passe rien… mais où tout peut arriver.

Dans le décor de la vie banale d'un bourg islandais, où tout le monde se connaît, où les entreprises ouvrent et ferment, où les emplois sont rares et où l'alcool coule à flots, surtout le samedi soir.

Mais on y rencontre aussi des fantômes et des passions dévorantes, un chef d'entreprise qui lâche tout pour observer les étoiles, un ministre qui se fait écrivain, une postière qui sait tout, une téléphoniste devenue ligne d'écoute pour coeurs en détresse, un jeune homme qui peint des oiseaux sur les murs de l'usine.

Il n'y a pas que des choses étranges. le village recèle ses événements douloureux : un suicide, un meurtre ancien, des divorces et des amours malheureuses.

Un roman tantôt amusant, tantôt profond, qui nous transporte ailleurs et qui amène son lot de réflexions critiques de l'âme humaine et la vie moderne.
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Un livre merveilleux, profond, tendre, poétique, anachronique. La beauté des mots étonne au détour du quotidien d'un petit village tranquille ou presque. Les jours cent, on écoute la pluie en regardant le fjord, ou on cherche l'apaisement en contemplant la mer éternelle, une chose plus vaste que nous. Jón Kalman Stefánsson égratigne allégrement le mode de vie actuel, certes plus confortable que jadis, mais si insatisfaisant à courir après tout et n' importe quoi. L'auteur s'amuse aussi à émailler les émois amoureux de traits coquins, ce qui agrémente d'un sourire intérieur la lecture d'une chronique gorgée d'humanité.
Lien : http://cinemoitheque.eklablo..
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L'auteur d' Astā, roman que j'ai beaucoup aimé, nous offre ici, en huit chapitres, un livre qui m'a complètement impressionnée.
C'est à la fois, plein de poésie, d'humour et de tendresse, de désespoir et cette façon si rare de comprendre aussi bien ses contemporains qui balancent toutes et tous entre désirs et peurs, entre découragements et envies, cherchent à vivre mieux, tâtonnent, essaient plus ou moins selon les personnages dans une époque en pleins changements.

Tout se déroule dans un petit village islandais.

Il y aura des spécificités locales et nationales.
Et pourtant c'est un récit certainement universel, je suppose.

J'ai adoré cette lecture.
L'originalité de certains personnages, l'abandon pour certains d'une vie toute tracée, le latin, le tricot, les conférences sur les étoiles...
Les femmes en robe rouge ou bien en jogging le long d'une clôture, des gars dans un hangar, une coopérative qui semble abriter des fantômes, une postière curieuse, une foule d'histoires qui disent tellement bien l'équilibre difficile, comme sur un fil, de ces humains, peinant parfois à se lever le matin, cherchant un sens à leur existence, se dépêtrant tant bien que mal avec les vissicitudes de leurs vies.

Beaucoup de moments de rire, des instants de poésie et de l'émotion.
Une très belle façon, dans une écriture lente, apparemment tranquille, de dire l'intranquille, l'absurde, mais aussi la beauté des paysages, des sentiments forts ou des destins hasardeux de nos existences.

Je me sens incapable de vous parler correctement de ce livre que je considère comme un excellent roman. A découvrir pour cette poésie et cette façon tendre, mine de rien d'aborder la destinée humaine .Très beau.
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Pour écrire un livre comme celui-ci, il faut du talent et ce n'est pas ce qui manque à Jon Kalman Stefànsson. Les phrases sont tellement bien construites, que l'on ne peut pas s'empêcher de faire défiler les pages avec le sourire.
Un roman envoûtant qui raconte la vie dans un village où il ne se passe pratiquement rien, au moins en apparence.
On fait la connaissance de personnages drôles, amusants et attachants et on vit (le temps d'un roman) leur vie, remplie de joies et de peines.
Une belle découverte que je dois au club de lecture de la bibliothèque.

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J'ai déjà chroniqué plusieurs livres de Jón Kalman Stefánsson. J'ai découvert cet auteur grâce au Prix des lectrices Elle et son magnifique, éblouissant, virevoltant roman, Asta (qui n'a rien gagné et qui n'a pas du tout fait l'unanimité mais qui a remporté par la suite le prix Folio des libraires 2020 ). Depuis j'ai cherché méthodiquement et un à un, les autres livres qu'il a écrits (et je me suis aussi plus penchée sur la littérature islandaise car même si chacun a sa plume, j'ai retrouvé une poésie, un regard sur le monde entre les auteurs lus). Lumière d'été puis vient la nuit est le dernier livre paru en France de Jón Kalman Stefánsson, toujours traduit par le formidable Eric Boury. En Islande, ce roman est paru en 2005, il est donc bien antérieur à Asta.

Alors soit Lumière d'été puis vient la nuit n'a pas cette construction qui vous donne le tournis, vous étourdit, il n'a pas la puissance romanesque d'Asta (qui pour moi reste son plus beau roman car sa plus belle histoire d'amour) mais quel plaisir de lire chaque page, chaque ligne, chaque mot de Jón Kalman Stefánsson si on est sensible à sa musicalité.

L'histoire (ou plutôt les histoires car ici l'auteur nous raconte plusieurs histoires) se passe dans un petit village d'Islande de 400 âmes, un village comme les autres, sauf qu'il n'y a ni église ni cimetière. Dans ce village, la proportion d'octogénaires est la plus élevée d'Islande mais personne n'a jamais découvert le secret de cette longévité. le village est en pleine campagne, près d'un fjord. Comme dans les autres romans de Jón Kalman Stefánsson, l'environnement parait à la fois hostile et sauvage et les nuits particulièrement noires et belles (l'écrivain sait si bien les décrire).

Jón Kalman Stefánsson nous plonge dans ce village en nous parlant de l'Astronome, un homme qui dirige l'Atelier de Tricot et qui se met soudain à rêver en latin, de la factrice qui lit toutes les lettres qui transitent par elle, du maire et de sa femme, d'Elisabeth, d'Eyglo et de Jakob et de bien d'autres habitants. Il ne leur arrive rien d'extraordinaire mais Jón Kalman Stefánsson a le don de nous embarquer avec lui dans son récit en utilisant le « nous » (un peu déroutant au début) et en ayant une manière de raconter les histoires qui me donnent souvent l'impression d'être comme une enfant qui attend qu'on ouvre l'album de contes et de légendes (et même s'il s'agit bien d'histoire d'adultes) le soir venu.Comme dans ses autres romans, Jón Kalman Stefánsson touche à l'universel en nous questionnant, à travers ses récits, sur le sens de la vie, la solitude, la mort, le désir, l'amour, la douleur, le bonheur.

Il est des blessures si profondes et si proches du coeur, que même la pluie sur les vitres de la cuisine devient parfois mortelle.

Il y a des choses en ce moment qu'il faut se garder d'enfermer dans les mots pour ne pas risquer de les abîmer.

J'aime ses histoires de fantômes alors que ce n'est pas un genre qui m'attire, j'aime ses traits d'humour, sa poésie, sa mélancolie. J'aime la façon dont il parle d'amour et de sexe. Sous sa plume, les femmes sont souvent ensorcelantes, les timidités sont légions, certains se frôleront toute leur vie sans jamais oser faire le premier pas et j'aime cette idée.

Chez lui, il y a le goût des lettres manuscrites qu'on s'envoie (avec le facteur, la poste, elles ont souvent une grande place dans ses écrits) et je ne peux être qu'aussi nostalgique que lui à l'idée qu'aujourd'hui tous les messages sont instantanés et appelés à disparaitre avec nos ordinateurs. Ainsi nous ne laisserons aucune trace.

Lumière d'été puis vient la nuit est un roman qui se déguste. Pour moi, ce serait quasi un contre sens de le lire avidement, le plus vite possible comme certains pages turner car entre les lignes, Jón Kalman Stefánsson, nous incite à ralentir et à résister face à ce monde où il faut toujours aller plus vite, avoir tout tout de suite, produire et consommer plus.

J'ai attendu longtemps avant de me décider à lire ce roman car l'idée de ne plus avoir de livre de Jón Kalman Stefánsson sous le coude m'attristait beaucoup. Heureusement sur ma table de chevet, m'attendent L'embellie d'Audur Ava Olafsdottir et du temps qu'il fait de Bergsveinnn Birgisson (et j'ai une liste d'auteurs islandais toujours à découvrir).

Et vous, vous êtes sensible à la littérature islandaise ?
Lien : http://www.chocoladdict.fr/2..
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Jon Kalman Stefansson m'avait habituée à davantage de poésie, de rêveries, et de sérénité, même si celle-ci devait advenir après douleurs et souffrances.
Ici, ce roman m'a paru une sorte de patchwork, prenant le prétexte d'un petit village perdu en Islande, ce qui lui permet de camper des personnages incroyables, sympathiques, pitoyables, drôlatiques.
Ce n'est pas un roman linéaire. Il est construit comme un recueil de nouvelles, mais le coeur est bien ce village islandais qui centralise et focalise des rancoeurs, des amertumes, des échecs, des espoirs, des amours, des désamours, des croyances, des désillusions.
Pour ma part, j'ai aimé la plupart de ces personnages, sauf ceux qui se vengent et qui montrent de la cruauté. Stefansson ne nous épargne rien. C'est désagréable, mais il a raison.
J'ai été attristée, ayant lu presque toute l'oeuvre de cet auteur, traduite en Français, car j'y ai vu beaucoup d'amertume, et de désespérance.
Désespérance sur l'Islande d'aujourd'hui, mais désespérance sur le monde d'aujourd'hui (en tout cas au moment où le roman est écrit).
Mais Stefansson est un auteur et un romancier et de surcroît islandais. Il sait allier amertume et humour, désespérance et courage, lumière et obscurité.
Le lire est un grand moment, une belle évasion vers ces terres du grand nord, ces fermes et ces campagnes inconnues, mais il nous fait comprendre ce que sont enfermement et isolement.
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