« Les pages qui suivent nous emmèneront dans bien des directions et nous conduiront à faire plusieurs haltes à des époques et en des lieux différents : en Mésopotamie il y a cing mille ans, au Moyen-Orient en l'an 33, rue Safamýri à Reykjavik, dans la province des Strandir à partir des années 1970, à Keflavik environ dix ans plus tard, et dans bien d'autres endroits, que je ne prends pas le temps de nommer pour l'instant - toutes ces routes aboutissent d'une manière ou d'une autre ici, dans ce charmant parc public londonien, où je croise les jambes par une belle journée d'août 2022, assis pas très loin de
Paul McCartney, l'ancien Beatles âgé de quatre-vingts ans. »
Mon sous-marin jaune,
Jón Kalman Stefánsson @editions_bourgois #rentreelitteraire
Le bonheur de cette rentrée littéraire, c'est de retrouver cette plume chère à mon coeur, celle d'un de mes auteurs contemporains préférés, j'ai nommé
Jón Kalman Stefánsson!
Ce roman, empreint d'une nostalgie douloureuse, est sans doute, comme vous l'aurez déjà appris, le roman le plus autobiographique de l'auteur.
« […] mais il n'en va pas de même de «
Yellow Submarine », que peu de gens considèrent comme un chef-d'oeuvre. Ma mère a essayé de m'apprendre à le jouer à l'harmonica que sa soeur nous avait envoyé de l'étranger, en me disant que le texte parle de notre désir à la fois douloureux et puéril de trouver un havre de paix, un lieu où l'on est en sécurité, un univers parallèle où les contraintes et les mauvais coups du monde ne nous atteignent pas.
Puis elle est morte. Elle a sombré dans les ténèbres, s'est évanouie dans le silence, où elle s'est changée en douleur muette, devenant le sommet le plus haut de l'Islande. »
Je n'y ai pas retrouvé l'envoûtement de ses plus beaux romans mais, en revanche, j'y ai trouvé la profondeur d'un roman plus intime, le talent de l'écrire en partie à la hauteur d'un enfant de 7 ans qui vient de perdre sa mère et s'invente un monde parallèle pour repeupler sa vie, allumer l'espoir dans son quotidien.
J'ai été touchée par cette nostalgie pleine de souffrance qui donne lieu à des passages d'une grande beauté, rappelant celle des romans précédents, pleins de grâce, de charme, d'enchantement!
« Tout ce qui vit semble condamné à se dissoudre et à disparaître. Sans laisser de traces, comme si cela n'avait jamais existé, jamais compté.
Les rires de vos enfants, les baisers, les étreintes de vos amis, les heures les plus précieuses, la tendresse, la joyeuse impatience. La vie humaine n'est qu'une fumée qui s'élève, tressaille quelques instants, puis s'évanouit. »
Ce roman, c'est aussi celui de l'âge mûr: au-delà de la nostalgie qui sous-tend le récit, il y aussi la maturité de l'homme qui a vécu, qui analyse ses choix, ses chutes, sa vie… exprimés par le biais d'un langage profond, plein d'enseignements.
« Le temps est le seul juge qui soit fiable, tout le reste n'est qu'opinions qui se dispersent au vent. »
Je n'ai pas été subjuguée par ce livre, mais j'en ai aimé, malgré tout, la beauté douloureuse, la poésie, la mélancolie rêveuse…
« La nostalgie des jours engloutis, des amis perdus, de la clarté dissoute peut nous atteindre à une telle profondeur qu'elle nous met à genoux, elle est capable de paralyser les dieux, elle ferait sombrer le Démon dans la mélancolie.
Poète, rapporte-moi le monde, et je ne te demanderai plus jamais rien ! Rapporte-moi ces jours plus lumineux, gorgés d'une énergie capable de transformer le monde, l'époque où aucun de nos amis n'avait succombé aux ombres, où l'alcool n'avait fait d'aucun parmi eux une enveloppe vide, un sac qui pendouille : pour l'amour de Dieu, console-moi! »
L'émotion m'a gagnée néanmoins plus d'une fois à la lecture de certains passages et je garderai un souvenir tendre de ce roman plus personnel, poignant et sage…
« […] vivre, c'est être en paix avec soi-même, c'est la nostalgie, c'est ta main qui se pose sur moi, ta bouche qui dit mon nom, quelqu'un d'autre qui le prononce, vivre, c'est perdre. »
Un seul mot pour terminer: lisez cet auteur, ne commencez peut-être pas par ce roman, mais lisez son oeuvre, elle en vaut assurément la lecture 🌟