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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Mon sous-marin jaune », le nouvel opus d'un auteur à part, poète intransigeant devenu romancier poète, auteur de l'un des plus beaux romans de la littérature contemporaine, « Entre ciel et terre », donne libre cours à l'imagination débridée de Jón Kalman Stefánsson.

Ce roman, teinté de surréalisme, qui emprunte un mode d'écriture évoquant l'écriture automatique, chère à André Breton, semble se dérouler dans un parc londonien où le narrateur, 59 ans en 2022 comme l'auteur, aperçoit Paul McCartney. Il projette de lui offrir le plus ancien texte du monde, « L'Épopée de Gilgamesh », un long texte mésopotamien datant de plus quatre mille ans.

Si la présence concomitante du bassiste de Beatles et du narrateur dans un parc anglais en cet été 2022 est un motif récurrent du roman, il s'agit en réalité d'une diversion. « Mon sous-marin jaune », allusion transparente au célèbre « Yellow Submarine » est surtout une manière pour le narrateur de revenir sur une enfance islandaise austère et pieuse, marquée par le décès précoce de sa mère, un décès que, ni son père, ni lui-même, n'ont jamais réellement surmonté.

Dans un roman plein de joie et de tristesse, joyeusement foutraque, Stefánsson convoque le Dieu vengeur de l'ancien testament, tandis que son fils Jésus le miséricordieux se fait plus discret. le Dieu de la Torah se révèle être un compagnon de beuverie du père du jeune héros, avec qui il chante des chansons de marins jusqu'à plus soif, en compagnie de Johnny Cash.

« Parfois, la vie est une baleine qu'on vient de capturer, mais - où diable est donc Johnny Cash ? »

L'auteur prend un malin plaisir à découper son roman faussement désorganisé en chapitres aux titres tout droit sortis de « Vol au-dessus d'un nid de coucou ». Il insuffle à intervalles réguliers, une forme de vent islandais fou, dans un roman qui mêle le sacré et le profane avec une maestria qui n'appartient qu'à l'auteur.

« Ces choses qui peuplent ma tête, tout ce qui fait que la vie se pare d'étrangeté dans la mort, et Ringo Starr est l'évêque de Hólar ».

J'ai songé en ouvrant ce livre, qu'il serait parsemé d'allusions pour « happy few », ces fins connaisseurs des Beatles qui glosent des nuits entières sur les qualités respectives de « Sergent Pepper » et de l'Album Blanc. Funeste Erreur ! Paul McCartney est bien présent tout au long de ce roman inclassable, et sans doute adulé par l'auteur lui-même. le terrible assassinat de John Lennon par Mark Chapman représente la fin d'un monde, un monde où les Beatles pourraient se reformer, et les voix de John & Paul s'emmêler comme dans leurs plus belles chansons des sixties.

Et pourtant. « Mon sous-marin jaune » n'est pas un livre sur les Beatles, mais bien davantage une étrange farce métaphysique, où un jeune enfant déchiffrant l'Ancien Testament est horrifié par les horreurs indicibles qu'un Dieu sans pitié intime à Moïse de commettre en son nom. Et ce d'autant plus que l'Éternel a pris ses quartiers à l'arrière de l'inusable Trabant de son paternel, où il écluse des quantités titanesques de vodka en compagnie de Johnny Cash.

Le dernier roman de Stefánsson est en réalité un roman sur le questionnement profond et sans malice d'un enfant confronté à l'insondable violence des Écritures, qui ne comprend pas la colère irascible de l'Éternel et se reconnaît bien davantage dans la douceur du message du fils de Dieu, crucifié sur une croix à l'âge de trente-trois ans. Un enfant que sa belle-mère emmène dans les terres arides, sauvages, solitaires, du nord de l'Islande. Un lieu où il découvrira qu'il est en mesure de parler aux morts, que la frontière entre la vie et le trépas est plus ténue qu'on ne l'imagine...

« L'Éternel descend sur Terre, s'assoit dans la Trabant à côté de mon père, et quelqu'un verse des larmes de joie. »

Roman tout en digressions et en contretemps, « Mon sous-marin jaune » ne saurait se réduire à un roman loufoque, où son auteur laisse libre cours à son imagination débordante. Avec une forme de pudeur de clown triste, Stefánsson aborde des questions essentielles de notre bref passage sur cette terre. La mort précoce d'une mère aimante emportée par la maladie, l'alcoolisme d'un père qui sombre dans le chagrin, le regard innocent et empli d'une sagesse qui disparaîtra avec les années que porte un enfant de sept ans sur un monde devenu fou.

« ... et je deviens aussi triste que la commissure des lèvres de Ringo Starr »

Si le sens du tragique de l'existence s'invite dans ce roman foisonnant, il n'est justement jamais triste et recèle bien au contraire une vitalité joyeuse et bordélique. Une vitalité qui ressemble à la vie elle-même. Et c'est peut-être la véritable prouesse accomplie par l'auteur dans cet ouvrage qui ne ressemble à nul autre : nous restituer la grâce éphémère de cet improbable miracle que l'on nomme la vie.

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« Some kind of innocence is measured out in years
You don't know what it's like to listen to your fears

You can talk to me
You can talk to me
You can talk to me
If you're lonely, you can talk to me »

Hey Bulldog - The Beatles

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Il est là, assis sur une couverture, à l'ombre d'un vieil arbre dans ce parc de Londres. Paul McCartney a sorti un roman de son sac et tourne ainsi quelques pages en tendant l'oreille par moment sur la musique des oiseaux. Quel roman cela pourrait être, se demande l'auteur. Un roman islandais, peut-être. Un roman de lui-même ? La claque... Paul, le héros de sa jeunesse, il l'a accompagné tout au long de sa vie, qui lit un de ses livres. Mais comment oser l'aborder après ça ? Il a croisé souvent le regard de Paul, dans les étapes clés de sa construction d'écrivain, comme dans ce bus qui l'a emmené dans le Nord de l'île pour des vacances d'été, la bande des quatre assis au fond en train de composer de nouvelles musiques, une foire pas possible.

Mais il n'y a pas que Paul ou Ringo dans ce sous-marin jaune… Quand il était dans la voiture de son père, il se retournait souvent pour voir Dieu l'Éternel et Johnny Cash assis sur la banquette arrière de la Trabant en train de boire des bouteilles de vodka à même le goulot. Dieu et Johnny furent très complices pendant des années, faut dire que descendre des bouteilles de vodka ensemble, ça forge des liens solides. Puis un jour, Johnny a disparu. Et à l'arrière de la Trabant, à côté de Dieu l'Eternel, étaient assis Simon & Garfunkel. Toujours la vodka qui passe de main en main, fini les chansons de marins à tue-tête avec des femmes dans chaque port, the sound of silence sonne en guise de refrain. Où diable est donc Johnny Cash, pendant qu'une baleine semble souffler aux larges des côtes nordiques. Et puis un autre jour, c'est Rod Stewart qui est venu s'asseoir à côté de l'Eternel. Lui, était plus whisky. Et il parlait tout le temps de cette nana avec des jambes, longues, longues et belles, belles, hot legs, elle est chaude chaude et a l'oeil qui pétille à chaque fois qu'il en cause à Dieu l'Eternel. Moi aussi.

Bref, c'est un roman musical, un roman d'initiation qui voit ce gamin errer dans l'adolescence sur cette île, entre souvenirs de campagne et de catéchisme. Et d'une telle vie, loufoque et solitaire, naîtra probablement un grand écrivain, si grand que ses romans seront traduits de l'islandais en anglais, et seront même lus par Sir Paul McCartney, c'est dire la qualité de l'écrivain qui m'a encore une fois embarqué dans son histoire, qui pour une fois fut nettement plus solaire que le crépuscule auquel l'auteur m'avait habitué. Un voyage dans le temps entre la Mésopotamie de 5000 av. J.C. et la ville de Keflavik dans les années 1980 où Ringo Starr serait devenu un évêque et à tout moment décapité… Heureusement les sternes arctiques continuent de voler dans le bas ciel, les gâteaux locaux sont préparés à base d'oeufs de goéland, « … et je deviens aussi triste que la commissure des lèvres de Ringo Starr. »
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Jón Kalman Stefánsson est un auteur singulier et son roman autobiographique, Mon sous-marin jaune, ne pouvait être banal, à commencer par sa construction, tout sauf linéaire. Ce voyage dans le temps, notamment celui de l'enfance, est donc chaotique et cahoteuse, comme une balade en Trabant, la voiture du père, en cette Islande de la fin des années 60, au moment où la mère du narrateur s'éteint. C'est l'événement majeur du livre, celui qui induit le passage entre plusieurs strates de réalité, l'une réelle, si l'on ose dire, et les autres imaginaires et fantasmées. Outre l'Islande, entre Reykjavik, Keflavik et la province des Strandir, à partir des années 70, le roman nous transporte sans crier gare jusqu'au Moyen-Orient en l'an 33 ou même, plus loin encore dans le temps, en Mésopotamie. le talent de l'auteur fait que l'on est parfois déboussolé mais jamais perdu tout à fait, même quand Dieu le père, lui même, à moins que ce ne soit le Démon, intervient comme personnage secondaire, buveur et colérique, à côté d'autres figures inattendues comme Johnny Cash, par exemple. Une mère disparaît et les Beatles se séparent : les deux drames se produisent à quelques mois d'intervalle et perturbent la vie d'un garçon islandais. Incapable de trouver une consolation auprès d'un père qui ne s'intéresse pas à lui, étonnez-vous que notre jeune héros se réfugie dans la chaleur du foyer d'un vieux couple et surtout dans des conversations hautes en couleurs avec des défunts ! Tissé de noir mais traversé de belles plages de tendresse, voire d'humour irrésistible, Mon sous-marin jaune est le livre d'un écrivain qui approche de la soixantaine, jamais remis d'un traumatisme d'enfance, mais qui a finalement trouvé l'équilibre et la sérénité. Au début du livre, de nos jours, le narrateur aperçoit Paul McCartney, son idole, dans un parc londonien. Il aurait bien quelques mots à lui dire mais ce ne sera pas avant 400 pages d'une aventure triste et extravagante à la fois, et qui s'appelle la vie.
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On est prié de vagabonder volontiers. le dernier roman de Jon Kalman Stefansson dépasse parfois notre capacité. Mais quel souffle et quelle poésie dans cette abracadabrante aventure qui se fiche de la chronologie comme d'une guigne. Tout le contraire de l'air confiné d'un sous-marin, fût-il jaune. La couverture de ce livre, je ne vais pas y revenir. Elle est assez claire, limpide et délicieuse. le titre qui s'y inscrit, ça y est, vous y êtes. Oui, on rencontre bel et bien les Beatles dans Mon sous-marin jaune. Et bien d'autres personnages autour du héros, tour à tour huit ans ou quatorze ou cinquante-neuf quand, devenu écrivain, dans un parc londonien, il rencontre Paul McCartney octogénaire (ça, ça fait toujours un peu mal). Il a envie de l'aborder mais il faut se préparer. Et que lui dire?

Une Trabant, tout un symbole, est de ce road mais aussi time movie septentrional. le père du héros y transporte parfois Johnny Cash, parfois Simon et Garfunkel. Souvent aussi Dieu lui-même, dit l'Eternel, très copain avec Cash, lequel partage son goût pour le whisky. La Bible tient également un rôle important. On y voit que l'Eternel, assez versatile ne s'entend guère avec son fils Jésus. C'est le cas aussi pour notre héros qui, enfant puis ado, se querelle avec son père, veuf remarié.

Rassurez-vous amis de JKS, les fjords islandais, les cascades, les moutons et les si plaisantes conserveries de poissons n'ont pas déserté l'oeuvre du magique Islandais. Mêlant agréablement l'Ancien Testament, la bibliothèque et son sous-sol où il passe des heures, qu'il appelle d'ailleurs son sous-marin jaune, et des leçons de conduites aléatoires, notre héros, en recherche de je ne sais trop quoi, retrouve les Fab Four au fond d'un car bringuebalant, faisant fi de toute logique temporelle, dans une sorte de Magical Mystery Tour où Ringo Starr manque de perdre la tête au sens propre.

Point n'est besoin pour ce voyage au bout du Nord de connaître l'oeuvre intégrale des Beatles. Ca ne nuit pas cependant et ces quatre là ne sauraient de toute façon être nuisibles, bienfaiteurs qu'ils sont de l'humanité depuis soixante ans. Ce statut de bienfaiteur planétaire, c'est aussi pour moi celui de Jon Kalman Stefansson, qui n'a pas besoin du prix Nobel de littérature, même si je pense qu'il aura peut-être du mal à l'éviter.

Certes il ne fait pas toujours beau temps sur les landes islandaises. Il y souffle parfois des vents polaires et la pluie glaciale qui s'y abat est capable d'anéantir toute joie. Mais ce n'est pas si grave: Jésus rassemble des rayons de soleil, les change en sous-marin jaune et nous plongeons ensemble dans les profondeurs du lac de montagne qui nous offre refuge, amitié et joyeux poissons. le sous-marin jaune vogue dans ce royaume de sécurité, d'amitié, tandis que la pluie de la réalité frappe le monde. Puis le temps se lève, le vent s'apaise, nous remontons à la surface, le sous-marin se change à nouveau en rayons de soleil qui éclaboussent l'herbe, l'herbe odorante, Jésus me sourit, heureux, il s'apprête à me dire quelque chose - mais voilà que, tout à coup, l'air s'assombrit.

le ciel se fait ténèbres, un vent froid vient rider la surface du lac, et Jésus disparaît.
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Le récit commence par les souvenirs d'enfance d'un homme, il présente son lien avec les chansons des Beatles (dont « Yellow Submarine » qui a donné le titre à ce roman), sa relation à la religion avec « l'Éternel » présent dans son quotidien. C'était un gamin solitaire dont la mère a disparu trop tôt et pour qui la communication avec son père était compliquée. On apprend qu'il est devenu écrivain.
Et puis, on découvre ce monsieur assis dans un parc londonien, il aperçoit Paul McCartney pas loin de lui. Il s'interroge, lui parler ou pas ? Il aimerait bien mais est-ce une bonne idée ? Il pense et remontant le temps, il partage ses souvenirs, ce qu'il a vécu, sa solitude, son inquiétude, ses désirs… Il les laisse venir à lui comme ça dans le désordre, un fil en tirant un autre …
Pour combler le vide laissé par sa maman et le peu d'intérêt manifesté par son paternel, l'enfant lit la Bible, rencontre un Dieu, l'Éternel qui n'est pas toujours aussi « aimant » qu'il l'imaginait. Un peu comme son père. Il ne manifeste pas beaucoup d'intérêt pour son fils et ce dernier se questionne sur son affection…. Pour ce jeune garçon, Dieu intervient parfois mais pas forcément à bon escient, et il n'est peut-être pas celui qu'on imagine….. « [….] en réalité le Démon qui tente d'usurper son identité. Il y parvient si bien qu'il abuse tout le monde. Ce qui signifie que depuis lors, depuis des millénaires, c'est en réalité le Diable et non Dieu qui a façonné les hommes. » Alors il cherche des réponses ailleurs.
C'est un livre sur la tristesse d'un enfant solitaire, qui se construit au fil du temps, grâce aux rencontres plus ou moins réussies. Il cherche l'amour dans le regard des autres, dans ses actes, dans sa passion pour les Beatles qui lui apporte du réconfort.
Très personnel, déstructuré, le texte peut surprendre mais il est très riche. Riche de lieux, de dates, de personnages, de réflexions personnelles qui vont de plus en plus loin au fil des pages. Certains passages sont emplis d'humour, presque jubilatoires. Lorsque l'auteur (le « héros » du livre pas Jón Kalman Stefánsson, quoique….) prend une leçon de conduite et perd tous ses moyens parce que l'assassinat de Lennon est annoncé à la radio, c'est un pur moment d'humour et même de poésie. le moniteur d'auto-école est très en colère contre son élève qui a fait une bêtise, mais …..
« Il enfile ses lunettes et découvre Kolbrún dont la beauté et la gentillesse le changent aussitôt en ange de douceur, réduisant à néant le démon écumant et ses postillons. »
Ce recueil foisonnant, casse les codes de la temporalité, de la linéarité. Très libre, Stefánsson ose, il se confie l'air de rien sous le couvert d'une fiction. C'est un peu désarçonnant, surprenant, mais très original. Je pense sincèrement que c'est même très fort, car cette espèce de « mosaïque » en apparence sans queue ni tête est à mon avis quelque chose de parfaitement « construit » dans l'esprit de Stefánsson.
L'écriture (merci au traducteur) est tour à tour presque « philosophique », lyrique, humoristique. On sent toute une palette de styles, mais pour autant rien ne semble haché, c'est lié et fluide.
Une lecture exigeante mais une belle découverte !

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Embarquer à bord du sous-marin jaune de Jon Kalman Stefanson, c'est faire un voyage lyrique et débridé entre passé et présent, entre imaginaire et réel, entre intime et universel.
C'est aussi accepter d'être ballotté , malmené dans une narration débridée, qui cette fois nous entraîne au plus près de l'auteur, dans un texte où il se dévoile plus encore que dans ses autres textes.
Un voyage où à ses côtés on croisera Paul MC Cartney, Simon and Garfunkel, Johnny Cash et même Dieu lui même, de Londres à Keflavik, sur les chemins de son enfance, dans une ballade musicale et solaire.
C'est toujours difficile de raconter un roman de Stefanson, tant la trame romanesque est foisonnante. Alors, pour une fois, je ne m'y risquerai pas. Je vous dirai juste que l'auteur y raconte son enfance marquée très jeune par le décès de sa mère, qu'il vous fera partager sa passion pour les Beatles, qu'il vous invitera dans ses entrevues avec les morts, qu'à ses côtés vous vous installerez sur les siège de la Trabant paternelle, et que vous ferez un périple un brin mélancolique, un peu nostalgique, très poétique et bourré de la fontaisie et de la tendresse qui sont la douce signature de l'auteur.
Un roman lyrique et philosophique qui nous dit que quel que soit notre âge on test l'enfant qui un jour a souffert, et qui nous dit que la vie n'est rien moins qu'une folle aventure.
À lire en écoutant les Beatles, of course!
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J'étais au volant de ma voiture lorsque j'ai appris à la radio que le dernier roman de Jón Kalman Stefánsson venait de paraître.
À la seconde même où l'information a égratigné la croûte de ma conscience, j'ai bifurqué: direction la librairie la plus proche.

Chaque nouvelle parution de l'auteur islandais constitue pour moi une véritable joie. Des papillons s'agitent dans ma poitrine à l'idée même de mettre sous mes yeux les mots d'un des plus grands poètes que la terre islandaise porte.
Mais une fois le livre entre les mains, je constatais (avec une certaine déception) le changement d'éditeur de la traduction française. Si j'aimais infiniment les couvertures toutes en poésie des Editions Grasset, je trouvais à celle choisie par Christian Bourgeois - bien que fort à propos - quelque chose de trop littéral.

Et voilà ce, qu'au dos, je voyais figurer:
Un écrivain qui ressemble beaucoup à Jón Kalman Stefánsson aperçoit Paul McCartney dans un parc londonien, en août 2022. L'ancien Beatles est le héros de sa jeunesse, et le narrateur rêve de lui parler. Mais il lui faut d'abord préparer cette conversation, trier ses souvenirs, mettre de l'ordre dans l'écheveau d'émotions et de récits de toute sorte qu'il aimerait partager avec son idole.
C'est donc à ce voyage dans le temps que nous invite Mon sous-marin jaune. À commencer par l'histoire d'un jeune garçon qui apprend au détour d'une phrase que sa mère vient de mourir. Quelque mois plus tard, il passe l'été dans la famille de sa nouvelle belle-mère. La beauté sauvage des fjords de l'Ouest sera un puissant antidote contre la solitude, le chagrin et le silence pesant de son père. L'enseignement biblique, au contraire, le met en colère et lui fait comprendre qu'il devrait chercher les réponses ailleurs. Beaucoup plus tard, ce sera grâce aux livres piochés à la bibliothèque municipale qu'il se mettra à comprendre dans quelle direction il voudrait diriger sa vie.
Dans un récit où les lieux et les temporalités cohabitent, nous croisons un chauffeur de taxi fou, un moniteur d'auto-école au coeur fragile, ou encore Ringo Starr transformé en évêque médiéval, et c'est seulement la folie créatrice du romancier qui permet d'en faire son livre le plus audacieux et sans aucun doute le plus ouvertement autobiographique. Ce nouveau roman, ajoute l'éditeur, nous offre l'occasion de saisir la quintessence de toute son oeuvre.

*

Oh non, me suis-je dit en regagnant ma voiture, il y est question de musique ! Et même si c'est relativement fréquent dans les textes de l'auteur islandais, sa place prépondérante dans Mon sous-marin jaune me chagrinait. Car pour une raison que j'ignore encore, je n'arrive pas à faire mien les romans entre les pages desquels la musique est reine et protagoniste. Comme si j'étais incapable de parler leur langue. Qu'à la poésie de leurs mots ne pouvait s'ajouter celle de mélodies.
Pourtant, laissant derrière moi ce deuxième apriori, je m'empressais de terminer les deux livres que j'avais en cours (Un si gros ventre de Camille Froidevaux-Metterie et Les soeurs d'Hippocrate de Jean-Noël Fabiani - excellents tous les deux, soit dit en passant), pour m'atteler au dernier né de Jón Kalman Stefánsson.

Mais j'avoue de pas avoir retrouvé la magie dont ses romans précédents (que j'ai tous lus, sans exception!) étaient revêtus. Si la langue était toujours aussi belle, intrigante et recherchée, j'avais le sentiment de quelque chose de beaucoup plus « extirpé ». Comme si les mots couchés sur le papier résultaient d'une immense douleur doublée d'un regard incessant sur ce qu'ils signifiaient. J'y voyais une forme d'acharnement, quelque chose de moins sensible (malgré le caractère éminemment personnel de ce dernier roman) que dans ses précédents textes, de plus terne et de moins libre. Comme si cette fois, et peut-être à cause de ce côté autobiographique, l'auteur s'était regardé écrire.

Pourtant, je n'ai pu m'empêcher de m'émerveiller, tout au long de ma lecture, des centaines de phrases dont l'auteur islandais a le secret: spirituelles, sensibles, capables de faire voler en éclat une vie, et transpercer un destin. Nombreuses sont encore celles que je garde contre mon coeur, gravées dans la chair de ma mémoire et le terreau de mes pensées.
Ce sont des phrases qui aident à vivre, car après tout, « C'est en nous que demeure ce qui commande la vie ».
Lien : https://www.mespetiteschroni..
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« Les pages qui suivent nous emmèneront dans bien des directions et nous conduiront à faire plusieurs haltes à des époques et en des lieux différents : en Mésopotamie il y a cing mille ans, au Moyen-Orient en l'an 33, rue Safamýri à Reykjavik, dans la province des Strandir à partir des années 1970, à Keflavik environ dix ans plus tard, et dans bien d'autres endroits, que je ne prends pas le temps de nommer pour l'instant - toutes ces routes aboutissent d'une manière ou d'une autre ici, dans ce charmant parc public londonien, où je croise les jambes par une belle journée d'août 2022, assis pas très loin de Paul McCartney, l'ancien Beatles âgé de quatre-vingts ans. »

Mon sous-marin jaune, Jón Kalman Stefánsson @editions_bourgois #rentreelitteraire

Le bonheur de cette rentrée littéraire, c'est de retrouver cette plume chère à mon coeur, celle d'un de mes auteurs contemporains préférés, j'ai nommé Jón Kalman Stefánsson!

Ce roman, empreint d'une nostalgie douloureuse, est sans doute, comme vous l'aurez déjà appris, le roman le plus autobiographique de l'auteur.

« […] mais il n'en va pas de même de « Yellow Submarine », que peu de gens considèrent comme un chef-d'oeuvre. Ma mère a essayé de m'apprendre à le jouer à l'harmonica que sa soeur nous avait envoyé de l'étranger, en me disant que le texte parle de notre désir à la fois douloureux et puéril de trouver un havre de paix, un lieu où l'on est en sécurité, un univers parallèle où les contraintes et les mauvais coups du monde ne nous atteignent pas.
Puis elle est morte. Elle a sombré dans les ténèbres, s'est évanouie dans le silence, où elle s'est changée en douleur muette, devenant le sommet le plus haut de l'Islande. »

Je n'y ai pas retrouvé l'envoûtement de ses plus beaux romans mais, en revanche, j'y ai trouvé la profondeur d'un roman plus intime, le talent de l'écrire en partie à la hauteur d'un enfant de 7 ans qui vient de perdre sa mère et s'invente un monde parallèle pour repeupler sa vie, allumer l'espoir dans son quotidien.

J'ai été touchée par cette nostalgie pleine de souffrance qui donne lieu à des passages d'une grande beauté, rappelant celle des romans précédents, pleins de grâce, de charme, d'enchantement!

« Tout ce qui vit semble condamné à se dissoudre et à disparaître. Sans laisser de traces, comme si cela n'avait jamais existé, jamais compté.
Les rires de vos enfants, les baisers, les étreintes de vos amis, les heures les plus précieuses, la tendresse, la joyeuse impatience. La vie humaine n'est qu'une fumée qui s'élève, tressaille quelques instants, puis s'évanouit. »

Ce roman, c'est aussi celui de l'âge mûr: au-delà de la nostalgie qui sous-tend le récit, il y aussi la maturité de l'homme qui a vécu, qui analyse ses choix, ses chutes, sa vie… exprimés par le biais d'un langage profond, plein d'enseignements.

« Le temps est le seul juge qui soit fiable, tout le reste n'est qu'opinions qui se dispersent au vent. »

Je n'ai pas été subjuguée par ce livre, mais j'en ai aimé, malgré tout, la beauté douloureuse, la poésie, la mélancolie rêveuse…

« La nostalgie des jours engloutis, des amis perdus, de la clarté dissoute peut nous atteindre à une telle profondeur qu'elle nous met à genoux, elle est capable de paralyser les dieux, elle ferait sombrer le Démon dans la mélancolie.
Poète, rapporte-moi le monde, et je ne te demanderai plus jamais rien ! Rapporte-moi ces jours plus lumineux, gorgés d'une énergie capable de transformer le monde, l'époque où aucun de nos amis n'avait succombé aux ombres, où l'alcool n'avait fait d'aucun parmi eux une enveloppe vide, un sac qui pendouille : pour l'amour de Dieu, console-moi! »

L'émotion m'a gagnée néanmoins plus d'une fois à la lecture de certains passages et je garderai un souvenir tendre de ce roman plus personnel, poignant et sage…

« […] vivre, c'est être en paix avec soi-même, c'est la nostalgie, c'est ta main qui se pose sur moi, ta bouche qui dit mon nom, quelqu'un d'autre qui le prononce, vivre, c'est perdre. »

Un seul mot pour terminer: lisez cet auteur, ne commencez peut-être pas par ce roman, mais lisez son oeuvre, elle en vaut assurément la lecture 🌟
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Voici un excellent roman, bien sûr, puisqu'il 'agit du grand Jon Kalman Stefansson ! Plus déroutant encore que ses précédents opus : plus déjanté, embrouillé, délirant, mélangeant époques, personnages et sentiments. de longues digressions, des répétitions fréquentes. Il faut je pense appréhender ce livre un peu comme une mélopée, un conte, une odyssée. Se laisser aller. Surtout ne chercher aucune logique ! Enormément de tristesse, de regrets, de mélancolie. Parfois trop à mes yeux, ou de façon vraiment trop répétitive. Des moments désopilants - surtout dans le premier tiers - que m'ont fait hurler de rire... même si cela a été plutôt rare. J'ai donc beaucoup aimé, moins cependant que certains de ses précédents romans, comme "Ton absence n'est que ténèbres" ou "Entre ciel et terre" . Si vous n'avez jamais lu cet auteur, il me semble préférable de l'aborder par ceux-là, celui-ci étant plus atypique.
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Inclassable et c'est tant mieux. Une autobiographie pour le moins originale qui s'avère sincère, touchante et nous révèle un auteur dont on ne soupçonnait pas le surréalisme, si tant est que l'on puisse employer ce mot, par défaut. L'enfant de sept ans que fut Jon Kalman Stefansson avait en lui des interrogations dont les réponses ne pouvaient en aucun cas lui être fournies par son père, ni par une mère trop tôt disparue. L'imaginaire enfantin construit un univers qui lui appartient en propre, élabore des possibles et des repères dont lui seul a la clé. L'extraordinaire passerelle temporelle nous rend l'homme devenu adulte fort sympathique, dans sa tentative d'interroger Paul Mac Cartney à Regent's Park, sur un sujet dont on se demande encore quelle aurait pu être sa réponse tant les éléments se liguèrent contre l'intervieweur. Difficile de résumer, et je ne suis pas là pour ça.
La sincérité et la justesse du ressenti et des analyses de l'auteur-enfant sont confondantes de vérité. Cet homme-là a gardé une part enfantine en lui.
Le voyage est permanent, les évènements se mélangent dans un joyeux croisement temporel qui n'a rien à envier à certains classiques de la SF, l'humour en plus.
L'oeuvre de l'auteur islandais est plus sombre en règle générale et nous trouvons ici plusieurs éléments sur la dramaturgie contenue dans ses écrits.
A lire
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