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Éric Boury (Traducteur)
EAN : 9782267050288
408 pages
Christian Bourgois Editeur (11/01/2024)
3.95/5   109 notes
Résumé :
Un écrivain qui ressemble beaucoup à Jón Kalman Stefánsson aperçoit Paul McCartney dans un parc londonien, en août 2022. L’ancien Beatles est le héros de sa jeunesse, et le narrateur rêve de lui parler. Mais il lui faut d’abord préparer cette conversation, trier ses souvenirs, mettre de l’ordre dans l’écheveau d’émotions et de récits de toute sorte qu’il aimerait partager avec son idole.

C’est donc à ce voyage dans le temps que nous invite Mon sous-ma... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
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« Mon sous-marin jaune », le nouvel opus d'un auteur à part, poète intransigeant devenu romancier poète, auteur de l'un des plus beaux romans de la littérature contemporaine, « Entre ciel et terre », donne libre cours à l'imagination débridée de Jón Kalman Stefánsson.

Ce roman, teinté de surréalisme, qui emprunte un mode d'écriture évoquant l'écriture automatique, chère à André Breton, semble se dérouler dans un parc londonien où le narrateur, 59 ans en 2022 comme l'auteur, aperçoit Paul McCartney. Il projette de lui offrir le plus ancien texte du monde, « L'Épopée de Gilgamesh », un long texte mésopotamien datant de plus quatre mille ans.

Si la présence concomitante du bassiste de Beatles et du narrateur dans un parc anglais en cet été 2022 est un motif récurrent du roman, il s'agit en réalité d'une diversion. « Mon sous-marin jaune », allusion transparente au célèbre « Yellow Submarine » est surtout une manière pour le narrateur de revenir sur une enfance islandaise austère et pieuse, marquée par le décès précoce de sa mère, un décès que, ni son père, ni lui-même, n'ont jamais réellement surmonté.

Dans un roman plein de joie et de tristesse, joyeusement foutraque, Stefánsson convoque le Dieu vengeur de l'ancien testament, tandis que son fils Jésus le miséricordieux se fait plus discret. le Dieu de la Torah se révèle être un compagnon de beuverie du père du jeune héros, avec qui il chante des chansons de marins jusqu'à plus soif, en compagnie de Johnny Cash.

« Parfois, la vie est une baleine qu'on vient de capturer, mais - où diable est donc Johnny Cash ? »

L'auteur prend un malin plaisir à découper son roman faussement désorganisé en chapitres aux titres tout droit sortis de « Vol au-dessus d'un nid de coucou ». Il insuffle à intervalles réguliers, une forme de vent islandais fou, dans un roman qui mêle le sacré et le profane avec une maestria qui n'appartient qu'à l'auteur.

« Ces choses qui peuplent ma tête, tout ce qui fait que la vie se pare d'étrangeté dans la mort, et Ringo Starr est l'évêque de Hólar ».

J'ai songé en ouvrant ce livre, qu'il serait parsemé d'allusions pour « happy few », ces fins connaisseurs des Beatles qui glosent des nuits entières sur les qualités respectives de « Sergent Pepper » et de l'Album Blanc. Funeste Erreur ! Paul McCartney est bien présent tout au long de ce roman inclassable, et sans doute adulé par l'auteur lui-même. le terrible assassinat de John Lennon par Mark Chapman représente la fin d'un monde, un monde où les Beatles pourraient se reformer, et les voix de John & Paul s'emmêler comme dans leurs plus belles chansons des sixties.

Et pourtant. « Mon sous-marin jaune » n'est pas un livre sur les Beatles, mais bien davantage une étrange farce métaphysique, où un jeune enfant déchiffrant l'Ancien Testament est horrifié par les horreurs indicibles qu'un Dieu sans pitié intime à Moïse de commettre en son nom. Et ce d'autant plus que l'Éternel a pris ses quartiers à l'arrière de l'inusable Trabant de son paternel, où il écluse des quantités titanesques de vodka en compagnie de Johnny Cash.

Le dernier roman de Stefánsson est en réalité un roman sur le questionnement profond et sans malice d'un enfant confronté à l'insondable violence des Écritures, qui ne comprend pas la colère irascible de l'Éternel et se reconnaît bien davantage dans la douceur du message du fils de Dieu, crucifié sur une croix à l'âge de trente-trois ans. Un enfant que sa belle-mère emmène dans les terres arides, sauvages, solitaires, du nord de l'Islande. Un lieu où il découvrira qu'il est en mesure de parler aux morts, que la frontière entre la vie et le trépas est plus ténue qu'on ne l'imagine...

« L'Éternel descend sur Terre, s'assoit dans la Trabant à côté de mon père, et quelqu'un verse des larmes de joie. »

Roman tout en digressions et en contretemps, « Mon sous-marin jaune » ne saurait se réduire à un roman loufoque, où son auteur laisse libre cours à son imagination débordante. Avec une forme de pudeur de clown triste, Stefánsson aborde des questions essentielles de notre bref passage sur cette terre. La mort précoce d'une mère aimante emportée par la maladie, l'alcoolisme d'un père qui sombre dans le chagrin, le regard innocent et empli d'une sagesse qui disparaîtra avec les années que porte un enfant de sept ans sur un monde devenu fou.

« ... et je deviens aussi triste que la commissure des lèvres de Ringo Starr »

Si le sens du tragique de l'existence s'invite dans ce roman foisonnant, il n'est justement jamais triste et recèle bien au contraire une vitalité joyeuse et bordélique. Une vitalité qui ressemble à la vie elle-même. Et c'est peut-être la véritable prouesse accomplie par l'auteur dans cet ouvrage qui ne ressemble à nul autre : nous restituer la grâce éphémère de cet improbable miracle que l'on nomme la vie.

---

« Some kind of innocence is measured out in years
You don't know what it's like to listen to your fears

You can talk to me
You can talk to me
You can talk to me
If you're lonely, you can talk to me »

Hey Bulldog - The Beatles

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Ça parlerait de quoi le dernier roman de Jon Kalman Stefansson ? Peut-être qu'il serait vain de chercher à le savoir, ça parlerait de tout et de rien, ça entremêlerait les époques et les strates, l'imagination et le réel, les lignes du temps s'y superposeraient entre vivants et défunts au dessous du cosmos, Johny Cash, le père et l'Éternel ou les Beatles, les sternes arctiques et les phoques, la mort d'une maman et l'arrivée d'une belle-mère. Ça parlerait en filigrane d'un merveilleux conteur à qui tout semblerait permis, sa baguette d'immunité de poète en défricheur de vie, allant de détails en digressions, de délocalisations en situations. Mieux que de la TNT pour tout exploser, le JKS agirait comme de la pure dynamite à narration, toute en festival poétique.
Ça parlerait surtout d'un livre de vies presque sans histoires mais qui serait l'histoire de la vie, un livre sous forme de littérature englobante adepte du grand tout et surtout de condition humaine, qui défocalise et débusque, titille les astres comme les aspérités d'une existence, une littérature envoûtante et débridée à l'affut de tant de choses surprenantes en ce monde, que « celui qui prétend le comprendre est soit un idiot soit un menteur».
Mais ça parlerait aussi d'une rengaine sous forme de rencontre en août 2022 de l'auteur avec Paul McCartney dans un parc londonien, avec la Trabant de son père en sous-marin et de son projet de redonner voix aux défunts et à sa mère, de sa jeunesse, de son copain Örn apostrophé par de vieux poètes de Mésopotamie, de tant de choses et encore d'autres, parfois drôles, même si la nostalgie est souvent là avec sa tristesse comme « une braise en nos coeurs ».
On croyait tout savoir de Jon Kalman Stafansson et ses méthodes de narration débridée, mais sans doute que l'on n'en savait rien ou pas grand chose tant la surprise et le plaisir à s'embarquer dans ce sous-marin jaune restent intacts, peut-être même qu'il nous livre ici son roman le plus personnel, traumatique et émouvant. Et magnifique.

« Et peut-être la littérature est-elle en fin de compte le lieu qui nous permet de nous rapprocher un peu plus de la compréhension de l'existence ou d'en appréhender quelques éléments, en grande partie parce qu'elle abolit toutes les limites. Ou plutôt parce qu'elle ignore les frontières que l'homme est bien le seul à comprendre, il les éparpille autour de lui et les souligne avec tant de force qu'on peut aller jusqu'à dire qu'elles sont le principe selon lequel se définissent son existence et son univers. 
Même si lesdites frontières n'ont d'existence qu'à l'intérieur de sa tête. »


Un grand merci à Babélio masse critique et aux Éditions Christian Bourgois !
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Il est là, assis sur une couverture, à l'ombre d'un vieil arbre dans ce parc de Londres. Paul McCartney a sorti un roman de son sac et tourne ainsi quelques pages en tendant l'oreille par moment sur la musique des oiseaux. Quel roman cela pourrait être, se demande l'auteur. Un roman islandais, peut-être. Un roman de lui-même ? La claque... Paul, le héros de sa jeunesse, il l'a accompagné tout au long de sa vie, qui lit un de ses livres. Mais comment oser l'aborder après ça ? Il a croisé souvent le regard de Paul, dans les étapes clés de sa construction d'écrivain, comme dans ce bus qui l'a emmené dans le Nord de l'île pour des vacances d'été, la bande des quatre assis au fond en train de composer de nouvelles musiques, une foire pas possible.

Mais il n'y a pas que Paul ou Ringo dans ce sous-marin jaune… Quand il était dans la voiture de son père, il se retournait souvent pour voir Dieu l'Éternel et Johnny Cash assis sur la banquette arrière de la Trabant en train de boire des bouteilles de vodka à même le goulot. Dieu et Johnny furent très complices pendant des années, faut dire que descendre des bouteilles de vodka ensemble, ça forge des liens solides. Puis un jour, Johnny a disparu. Et à l'arrière de la Trabant, à côté de Dieu l'Eternel, étaient assis Simon & Garfunkel. Toujours la vodka qui passe de main en main, fini les chansons de marins à tue-tête avec des femmes dans chaque port, the sound of silence sonne en guise de refrain. Où diable est donc Johnny Cash, pendant qu'une baleine semble souffler aux larges des côtes nordiques. Et puis un autre jour, c'est Rod Stewart qui est venu s'asseoir à côté de l'Eternel. Lui, était plus whisky. Et il parlait tout le temps de cette nana avec des jambes, longues, longues et belles, belles, hot legs, elle est chaude chaude et a l'oeil qui pétille à chaque fois qu'il en cause à Dieu l'Eternel. Moi aussi.

Bref, c'est un roman musical, un roman d'initiation qui voit ce gamin errer dans l'adolescence sur cette île, entre souvenirs de campagne et de catéchisme. Et d'une telle vie, loufoque et solitaire, naîtra probablement un grand écrivain, si grand que ses romans seront traduits de l'islandais en anglais, et seront même lus par Sir Paul McCartney, c'est dire la qualité de l'écrivain qui m'a encore une fois embarqué dans son histoire, qui pour une fois fut nettement plus solaire que le crépuscule auquel l'auteur m'avait habitué. Un voyage dans le temps entre la Mésopotamie de 5000 av. J.C. et la ville de Keflavik dans les années 1980 où Ringo Starr serait devenu un évêque et à tout moment décapité… Heureusement les sternes arctiques continuent de voler dans le bas ciel, les gâteaux locaux sont préparés à base d'oeufs de goéland, « … et je deviens aussi triste que la commissure des lèvres de Ringo Starr. »
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Jon Kalman Stefansson

Mon sous-marin Jaune

Il y a les livres… et il y a des livres.
Jon Kalman Stefansson est un des plus grands écrivains Islandais vivant. Et même grand écrivain tout court. Lu et publié dans le monde entier, il est en train de devenir, si ce n'est pas déjà fait, ce que l'on peut appeler d'une formule ambiguë et peut être pas très heureuse le concernant, un écrivain culte. 60 ans, une imposante oeuvre romanesque et poétique derrière lui, un public averti qui le suit, l'écoute et le lit, c'est le dernier Stefansson entend on ! Son précédent opus « Ton absence n'est que ténèbres « en a touché plus d'un, et si ce n'est pas déjà fait, je vous encourage à le lire. Pardon à le relire. Pardon encore, à le dévorer.
Une littérature âpre et exigeante, puissante, terrestre, humaine, qui nous vrille le coeur.
« Mon sous-marin jaune » est une fois encore, un livre extraordinaire, complètement baroque, si je n'avais pas peur d'effrayer, je dirais presque de la Punk Culture. Mais, ne soyez pas inquiets, car l'écriture reste classique dans sa forme. C'est toujours difficile de partager son enthousiasme et l'usage abusif d'adjectifs redondants et emphatiques ne nous conduit pas forcément vers l'envie de lire. Et pourtant, comment faire ? Stefansson est un créateur, au sens où il casse les codes de la littérature, il déconstruit, il déstructure comme le disent les pâtissiers pour en faire une oeuvre tout à la fois moderne, chorale, ambitieuse, sèche et rude comme les splendides paysages qu'il fait rayonner dans son livre. L'envie d'aller voir comment c'est, là-bas, en Islande, nous saisit, le vent, la mer, les côtes, les paysages, le ciel, je peux vous dire que ça me taquine !
Le Pitch : « My Yellow Submarine « C'est la chanson des Beatles, pas leur meilleure loin de là, Stefansson aime la musique, les musiques sont partout dans ses oeuvres au point de pouvoir confectionner des playlists des titres qu'il intègre dans tous ses textes. le narrateur c'est l'auteur lui-même. La trame : Assis sur un banc, dans un parc londonien, il aperçoit de loin, l'ancien Beatle Paul Mc Cartney, 80 ans, toujours en contre champ dans l'histoire, qui rêve, téléphone et peut être pianote sur son portable. Il brule de lui parler, mais pas comme ça, pas sans réfléchir. Il lui faut préparer cette rencontre. Pas sans avoir compris lui-même d'où il venait et ce qu'il était lui-même devenu, dans un parcours de vie pour le moins chaotique. C'est l'objectif du livre, construction et reconstruction d'un enfant-adulte, le narrateur va faire d'incessants aller et retour entre son enfance -ses 8 ans lorsqu'il perd sa maman, « je crains que ta mère soit morte lui dit son père. Oui c'est la réalité, je crains que ce ne soit la réalité » et sa vie d'aujourd'hui à presque 60 ans, là, sur son banc londonien.
de là, nous allons croiser une foule de personnages , comme des repères de vie, son père, maçon avec qui les relations sont impossibles parce qu'incomprises, sa belle-mère qui va un temps l'amener dans sa famille là-bas, dans les paysages arides des Strandir où planent les sternes arctiques et où l'on ramasse les oeufs des goélands , où il va passer plus de temps connecté avec les morts qu'avec les vivants, l'Éternel qui n'est autre que le Dieu de l'Ancien Testament, pas aussi aimant qu'il le voudrait , car plutôt prêt à défoncer son prochain qu'à l'aimer et lui tendre la main, d'ailleurs est ce bien Dieu ou le démon inversé, est-ce bien Dieu ou son double qui a façonné l'homme à son image? Il va essayer tout de même de plonger dans la lecture complexe de la Bible pour y chercher explications et solutions, il y a aussi la Trabant , emblématique, la voiture de son père qui s'invite régulièrement au fil des histoires pour nous en faire gravir les différentes strates , où l'Éternel et Johnny Cash planqués à l'arrière du père conducteur , avinés de vodka entonnent des chansons de marins. Quelle tambouille devez-vous vous dire ! Et pourtant ! Raconté comme cela, difficile d'attraper le fil romanesque, c'est en ce sens que le livre est grand et touche parfois au sublime, car ce petit garçon va forger son identité à travers des pièces un peu brisées, un peu rafistolées, qui façonnent le puzzle de sa vie sans maman. « Celui qui prétend comprendre le Monde est soit un Idiot soit un menteur nous dit ce jeune garçon fou de lecture. « La vie nous arrache tant de choses. Nous n'y pouvons rien. Elle empile sur nous ces événements, ses tâches, ses factures impayées, son quotidien, nous nous éloignerons de nos amis, nous n'en prenons pas assez soin. Nous oublions que l'amour et l'amitié ne sont pas une lumière, une chaleur qui affluent vers nous depuis une source intarissable, qui fait verdir les bords des rivières que nous abritons en notre for intérieur, dans les moments de bonheur comme dans les tempêtes. Nous oublions que tout doit être cultivé, que tout doit être entretenu, sinon la clarté décline, le courant du ruisseau faiblit, la source refroidit. Vivre, c'est répondre présent, et celui qui le fait enrichit le monde. Il lui ajoute une valeur qui ne saurait être mesurée, des choses que nul ne pourrait vous ôter, et qui fait que vous n'êtes jamais tout à fait seul. »
Mon expérience de lecture fut étrange, car une fois fini, j'ai repris le livre immédiatement pour le relire, en boucle. Ça je ne l'avais jamais fait. J'aurais pu annoter de mon crayon tant d'aphorismes et de paragraphes à chaque page, dont celui-ci: « j'ai construit un vaisseau spatial ou un sous-marin taillé dans les mots, mais il est incapable de franchir les frontières entre les univers, je crois qu'en fait le réel est professeur de menuiserie, bientôt, il va m'empoigner par l'épaule m'entrainer vers la porte qui débouche sur les ténèbres. Pourquoi est-ce que je vis ? Bonne question, mais j'ignore la réponse parce qu'aucune place n'a été prévue pour moi dans l'existence, disons comme ça. « .
Je pourrais vous parler longuement , de cet orphelin de mère, et l'on comprend la souffrance de l'auteur-a t-il vécu ça?- par son style, alerte, par son humour (ne croyez pas le livre sombre, on se « marre » vraiment parfois, par ses mots et ses expressions, ces situations déjantées (« A dire vrai, je ne crains pas les mots, même lorsqu'ils sont capables de pulvériser la roche, en revanche je redoute les mains des adultes ».) On comprend sans peine où l'auteur nous entraîne dans cet incessant ballet entre l'enfance et l'âge adulte, (avec toujours Paul McCartney en contrepoint), qui parle, qui vit, qui souffre. Tout est profond et fort. Les murs tombent, on comprend ce qu'est qu'une création, les codes littéraires qui volent en poussière, notre chère unité de temps et de lieu s'écroule pour laisser place à un texte nu, dense et intense, qui nous émeut. Communication avec les morts, (« Prononce son nom et je suis vivant ») avec des voix d'outre-tombe souvent plus sympathiques que celles des vivants, nous serions en société ce garçon serait traité de psychotique. Parfois bouffon lorsque l'Eternel s'enivre de vodka avec Rod Stewart en tenue flashy à l'arrière de la Trabant, quand l'évêque du village voisin d'Holar s'appelle « Ringo Starr », forcément, l'avoir bombardé évêque va empêcher les Beatles de se reformer et de créer dans sa tête ces chansons inédites dont il a tant besoin. de très belles pages lorsqu'il apprend lors d'une leçon de conduite la mort de John Lennon, c'est un effroi pour lui, les Beatles ne pourront plus composer, comme de très belles lignes sur la Vie sans mère , tout simplement. Comme si, lorsqu'il évoque sa maman, il avait envie de lui dire : « ton absence n'est que ténèbres ! «
Et tout ça pour ça me direz-vous ? Et bien même pas, car il y a une « morale » tout de même : « je dois creuser plus profond encore, c'est alors que m'apparaît le principe de l'oubli, et je constate que c'est le terreau sur lequel prospèrent la cruauté, l'intransigeance et la violence. Je creuse plus profond encore, jusqu'au commencement, il est en langue sumérienne, et voyez, il est l'incarnation du désespoir, et en dessous se cachent ces lignes :
'
« Ne m'oubliez pas, et me voilà en vie.
Prononcez mon nom, et la mort recule.
Changez-moi en mélodie, et les missiles explosent avant de toucher terre.
Souvenez-vous de moi, et les chars d'assaut se figent. «

C'est vraiment bien, c'est vraiment fort. C'est une splendide lecture. Ne la manquez pas.

PS : je me suis fait une playlist de Mc Cartney , je vous dis pas!
PPS : Formidable travail de traduction par Eric Boury.
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Mon sous-marin jaune
J'ai attendu plusieurs semaines avant d'ouvrir le dernier roman Mon sous-marin jaune parce que lire Jón Kalman Stefánsson est comme être témoin d'une aurore boréale pour moi. On a envie que ce moment ne finisse jamais, on s'y prépare pour mieux le savourer et puis on se dit qu'il faudra attendre peut-être longtemps avant d'en revoir une autre.

Mon sous-marin jaune n'est pas mon titre préféré de Jón Kalman Stefánsson. Si vous me demandiez à l'instant précis par quel livre de l'auteur et poète islandais commencer, j'hésiterais entre Asta et Ton absence n'est que ténèbres, mes deux préférés. Pourquoi ai-je moins aimé ce roman que les précédents alors que c'est visiblement le plus personnel, le plus autobiographique ? Je crois d'abord que j'ai un souci d'adhésion en règle générale avec les livres à hauteur d'enfant (je pense en particulier à La vie devant soi de Roman Gary que j'ai abandonné très vite car je n'arrivais pas du tout à rentrer dans le livre alors qu'il est si souvent cité comme grand classique). Mon sous-marin jaune invite aussi beaucoup le lecteur dans l'imagination de l'enfant, c'est probablement le roman le plus loufoque de Jón Kalman Stefánsson et cela m'a moins emporté qu'habituellement.J'ai par contre été beaucoup touchée par le récit de la mort de sa mère alors qu'il a 6 ans et toutes les conséquences que cela va avoir sur sa vie. La perte ne cessera de le hanter (écrire ce livre est-ce une façon de la laisser enfin partir ?) et j'ai noté à ce sujet quelques phrases que j'ai trouvées trop belles pour les garder pour moi :

Le passé ne passe jamais, il nous colle à la peau et refuse de nous lâcher. Il est dans tout ce que nous faisons, pensons, ressentons, pourtant il ne revient pas.

Lorsque toutes les issues sont condamnées, lorsque le coeur est lacéré, quand tous les ponts sont brûlés ou effondrés, les routes disparues ou devenues impraticables, les larmes et les caresses sont sans doute les seules choses qui puissent aider ceux qui sont incapables de parler.

La perte est aussi celles de Sesselja et Gudmundur, ce couple de voisins âgés chez qui il se réfugie d'un père taiseux et parfois violent. Tous les passages les concernant sont magnifiques.Il me semble que grâce aux superbes traductions d'Eric Boury, j'ai lu aujourd'hui tous les romans de Jón Kalman Stefánsson. Cela me donne le privilège de pouvoir dessiner des ponts entre eux, de trouver des échos et d'en dégager une liste de petits plaisirs de lecture :

la découverte de ses sous-titres à l'intérieur de chaque chapitre si « Stefánssoniens »
ce savoureux mélange de mélancolie, de nostalgie et d'humour
la place des livres et l'importance des mots dans le destin de ses personnages
l'importance des lettres manuscrites (à chaque fois je regrette de ne plus en envoyer ni recevoir)
l'impression d'être transportée dans ces paysages hostiles de froid et de neige
brancher son casque et chanter à tue tête Da ya think I'm sexy ? (j'avoue je préfère cette chanson et la fabuleuse I'm sailing qui me colle des frissons à chaque fois à celles des Beatles ).
Si vous voulez savoir quelle est l'importance de cette Trabant, voiture présente sur la photo, si vous voulez savoir pourquoi l'écrivain aime autant les Beatles, si vous vous demandez comment la vie personnelle de l'auteur a influencé son oeuvre, il ne vous reste plus qu'à entrer à votre tour dans Mon sous-marin jaune.
Lien : https://www.chocoladdict.fr/..
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critiques presse (4)
FocusLeVif
27 février 2024
Jón Kalmán Stefánsson est de retour avec Mon sous-marin jaune, étonnante dérive autobiographique.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
LaLibreBelgique
02 février 2024
"Mon sous-marin jaune" est une formidable ode au pouvoir des mots et au rôle sans pareil de la littérature.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
02 février 2024
De Paul McCartney, croisé dans un parc londonien en 2022, à une enfance dans les fjords, l'auteur islandais, sexagénaire, se raconte via un double.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
09 janvier 2024
Le grand romancier islandais fait du chanteur une figure centrale de son dernier roman. L’écoute intensive des Beatles est-elle un prolongement logique à l’étude de la Bible ?
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
J’ai plongé dans ce beau sous-marin jaune, la tête la première dès la première ligne. Étonnant ce livre qui n’arrive pas à se séparer de mes mains. C’est à croquer, déguster sans modération. Je vous invite vivement à plonger sous les mères, il arrive que celles ci un jour disparaissent et l’enfant, même vieux scrute les profondeurs pour retrouver si ce n’est quelques vestiges. Merci JK Stefánsson! Vous êtes délicieux
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Les chansons "Things We Said Today" et "Yellow Submarine", la seconde interprétée par Ringo Starr, étaient mes titres préférés des Beatles à la fin de l'année 1969 et au début de la suivante. Il est inutile d'expliquer pourquoi j'aimais tant le premier, mais il n'en va pas de même de "Yellow Submarine", que peu de gens considèrent comme un chef d'oeuvre. Ma mère a essayé de m'apprendre à le jouer à l'harmonica que sa soeur nous avait envoyé de l'étranger, en me disant que le texte parle de notre désir à la fois douloureux et puéril de trouver un havre de paix, un lieu où l'on est en sécurité, un univers parallèle où les contraintes et les mauvais coups du monde ne nous atteignent pas.
Puis elle est morte. Elle a sombré dans les ténèbres, s'est évanouie dans le silence, où elle s'est changée en douleur muette, devenant le sommet plus haut de l'Islande. Quelques mois plus tard, la vie et les profiteurs ont semé la discorde parmi les Beatles. Le groupe s'est séparé, dissous dans l'hostilité, le monde a commencé à se disloquer et l'être humain à se perdre.
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La traban avance lentement. Nous sommes dans la seconde quinzaine d'octobre 1969. Elle est sur la route de Keflavik, et un long voyage l'attend. Elle va aussi vite qu'un chien mélancolique, pourtant elle finira par atteindre sa destination. Elle vogue, entêtée, à travers les années, à travers les décennies...
Elle est morte, je crains qu'elle ne soit partie, c'est la réalité. Il s'agrippait au volant parce que chacune de ces syllabes était aussi lourde qu'un sac de ciment.
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Nous vieillissons, notre passé prend toujours plus de place en nous, la vie se change en deuil de ceux qui sont partis, elle n'est plus que le souvenir des cimetières que chaque jour nous visitons- et la tristesse est cette braise en nos coeurs.
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Nous finissons par atteindre le bout du chemin, quoi que nous puissions faire, parce que tout a une fin. Les voyages, les baisers, les tasses de café, les désaccords, les randonnées, les bières, les étés, les angoisses, les journées de travail,
la vie,
et aussi le crayon à papier qui écrit ces lignes - il se consume peu à peu, c'est inexorable. Tout comme moi qui suis assis à la fois à Londres, dans l'herbe inondée de soleil, tout près de McCartney, avec la Trabant, l'Éternel et mon père entre nous, et ici, penché sur le vieux bureau de mon grand-oncle maternel, le poète capable de changer les mots en systèmes solaires, les phrases en voies lactées. Nous nous consumons tandis que le souffle du monde entre par la fenêtre : le ronronnement de la circulation, le chant douloureux des cygnes qui voguent à la surface de l’étang de Tjörnin tels des îlots couverts de neige, les cris des sternes arctiques, les trilles des oiseaux, la voiture qui passe devant la maison, la jeune fille qui tousse à l'étage d'en dessous, les résultats des élections dans deux pays, d'antiques tablettes d'argile exhumées des sables d'Irak, la Terre saccagée qui tourne sur elle-même et poursuit sa révolution autour du Soleil, emportant à son bord l'être humain, l'hymne à la vie, le plus destructeur des nuisibles, le plus cruel des prédateurs.
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Videos de Jón Kalman Stefánsson (32) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jón Kalman Stefánsson
Jón Kalman Stefánsson vous présente son ouvrage "Mon sous-marin jaune" aux éditions Bourgois. Rentrée littéraire janvier 2024.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2980041/jon-kalman-stefansson-mon-sous-marin-jaune
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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