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La force d'une vocation artistique peut-elle tout occulter ? Peut-elle faire oublier le monde extérieur, surtout lorsque ce monde s'assombrit dangereusement ? C'est la question qu'aborde Isabelle Stibbe dans son premier roman Bérénice 33-44.

C'est le récit d'une jeune fille, adolescente dans le Paris des années de l'entre-deux guerres, qui étouffe un peu dans sa famille, d'origine juive russe par son père, Maurice Capel né Moïshé Kapelouchnik, et par sa mère, née Valabrègue, appartenant à une vieille famille juive du Comtat Venaissin. Prénommée Bérénice en raison de la fréquentation par son père , au cours de la première guerre mondiale d'un instituteur ,Louis, très Troisième république , amoureux du théâtre classique et de Racine . Bérénice pressent , très tôt , que son existence va être remplie d'ennuis, de renoncements, si elle ne se consacre pas toutes ses forces à la réalisation d'un rêve qui revêt les caractères d'un impératif pour elle : monter sur les planches .Elle s'en aperçoit , en assistant à une représentation de la Comédie-Française Lorenzaccio .

Elle y éprouve l'appel de la vocation, la sensation du sacré dans le statut de comédien : « Sans s'en rendre compte elle venait d'introduire le sacré dans cette enceinte rouge et or .Désormais , le monde se partageait en deux : d'un côté les prêtres du théâtre-assemblée de ministres du culte composée des artistes-de l'autre les païens :ces gens qui s'éventaient avec le programme, discutaient chapeaux et coiffeurs, dîners en ville (….) »
Le monde qu'elle pénètre est alors passionnant, inédit. Elle découvre le Conservatoire de la Rue de Madrid après avoir passé avec succès l'examen d'entrée. Elle s'y fait des camarades, parmi lesquels Robert Manuel, affronte l'autorité de Louis Jouvet, professeur au Conservatoire, qui la fait rapidement progresser. Pour Bérénice, la rupture avec sa famille doit être totale pour s'accomplir, pour réaliser ses rêves les plus chers .Ainsi s'échappe t'elle du foyer familial, se fait procurer des faux papiers par une amie, richissime, qui l'a recueillie chez elle .Elle prend son pseudonyme, de Lignères, et se démarque définitivement, du moins le croit-elle, de ses origine juives.
Après être entrée à la Comédie-Française en 1937, elle joue au cabaret le Chat Huant .Elle rencontre Alain Baron, avocat et poète, ainsi que Nathan Adelman, réfugié politique ayant fui le nazisme, compositeur, qui rompt avec son engagement communiste après le pacte germano-soviétique de 1939. Tous ces personnages ont en commun avec Bérénice la conviction que la civilisation, les valeurs universelles de la culture peuvent et doivent s'opposer à la barbarie, constituer un rempart face à elle.
Pourtant, l'histoire rattrape Bérénice. Arrive la défaite de 1940, les premières mesures antisémites, le statut des Juifs de l'automne 1940. Cette situation catastrophique a pour conséquence la détention de son amant Nathan Adelman dans l'enceinte du stade Rolland Garros, dont on apprend au passage qu'il a servi de lieu d'internement durant la drôle de guerre … Bérénice, probablement dénoncée par une collègue de la Comédie-Française , est contrainte de quitter la vénérable institution en raison de la révélation de sa judéité . I

l y a toute une description de la vie de cette institution, de son organisation, de sa hiérarchie, de son indifférence au monde aussi : « Surtout, elle commençait à se rendre compte qu'au Français, ils avaient été terriblement égoïstes. Mis à part la Brette, alertée bien avant la guerre de la gravité de la situation, qui s'intéressait sérieusement à la politique ? »
Ce qui ébranle vraiment Bérénice, c'est la décision de Jacques Copeau, successeur d'Edouard Bourdet à la tête de la Comédie-Française, de céder aux exigences de l'occupant nazi : purger la troupe de ses éléments d'origine « israélite».

Le rêve de Bérénice est brisé par la déception de voir une institution aussi prestigieuse, à laquelle elle a tant donné, sombrer dans le collaborationnisme, dans l'injustifiable. Pourtant, sa conviction que la culture peut changer la vie, l'embellir, ne la quitte pas vraiment .On apprend qu'elle se met en relation avec des grands du théâtre tels que Jean-Louis Barrault ou Jean Vilar, à qui elle écrit régulièrement. Bérénice s'engage en 1944 dans l'Armée Juive, organisation juive sioniste ; elle est arrêtée lors d'un banal contrôle de police dans un café et démasquée par suite d'un impair d'une de ses interlocutrices qui l'a appelée par son vrai prénom. Elle est déportée et meurt en camp.

Les qualités de ce roman sont multiples : Isabelle Stibbe nous fait partager l'enthousiasme de ses personnages, de Bérénice, de Nathan, d'Alain, qui veulent croire à la pertinence de la culture comme valeur. L'auteure nous rappelle que l'histoire , cruelle et arbitraire , peut emporter les bonnes volontés, et foudroyer des destins prometteurs .La reconstitution du Paris théâtral de l'avant-guerre est très réussie , les personnages attachants . On éprouve de l'empathie pour eux, de la tendresse. Ce roman est un hommage à la nécessité de l'idéal , de la passion , dans une vie humaine .Il rend aussi hommage aux victimes de cette sinistre période de notre histoire . C'est ce qui emportera l'adhésion du lecteur .
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Bérénice, cette enfant tant attendu par Maurice Capel immigré juif, est fasciné dès son plus jeune âge par le théâtre et cette passion demeure en elle malgré la désapprobation de ses parents, elle veut être comédienne mais surtout entrer au Conservatoire, alors elle apprend tous les textes qu'elle peut se procurer, connaît tous les mouvements de personnel de la Comédie Française.
C'est en 1934 que Bérénice réussit le concours d'entrée, inscrite avec l'accord de son père espérant qu'elle échouera sa surprise est d'autant plus énorme lorsqu'il apprend que non seulement elle a réussi mais qu'en plus son talent a fait toute la différence, elle est arrivée première.
Au matin du premier jour de cours et contre la volonté de son père Bérénice quitte son foyer et part réaliser son rêve, son père la renie ; elle se retrouve sans famille mais avec la possibilité de monter sur les planches.
Une carrière magnifique commence pour elle et grâce à Mme de Lignières qui la prendra sous son aile, lui offrant un toit et un petit revenu en attendant de pouvoir gagner sa vie elle-même. C'est le bonheur, on lui offre de beaux rôles et brille dans des costumes extraordinaires et rencontre l'amour mais à partir de 1939 les choses se gâtent, elle qui ne connaît que très peu ses origines son identité juive va lui sauter au visage. L'Histoire que l'on connait si bien est en marche et n'épargnera personne.

Ce beau roman qui parle de l'amour du théâtre, de la période trouble de l'occupation et de ses lois raciales, nous permet de rencontrer les grands noms du théâtre français et nous ébloui avec le velours rouge de la Comédie française, à côté de la beauté des lieux il y a le chagrin des exclusions, de vies brisées, l'amour perdu et la résistance.
J'ai adoré ce roman, de part cette époque de l'occupation qui me fascine et qui est ici abordé de façon originale en montrant son impact sur les artistes, mais surtout par ce destin extraordinaire et dramatique, cette femme courageuse et qui se bat pour ses rêves, tiraillée entre l'amour d'un homme et l'amour pour la scène malgré les dangers qui la guettent.
Une belle découverte que je recommande pour les fans de roman historique et ceux de la vie théâtrale

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Paru chez Serge Safran éditeur, lequel avait cofondé les éditions Zulma, Bérénice 34-44 d'Isabelle Stibbe est à la fois une fresque historique (la majeure partie du livre se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale), un hommage au théâtre (la jeune Bérénice formée par Louis Jouvet devenant pensionnaire de la Comédie-Française) et un roman portant sur l'exclusion des Juifs de la vie culturelle parisienne.

Dès les premières pages de Bérénice 34-44, le lecteur est séduit par le personnage principal, qui doit son nom à l'héroïne de Jean Racine. Lors de la Grande Guerre, le père de Bérénice s'était lié avec un jeune enseignant qui l'a initié à la poésie et au théâtre français. Pour cet expatrié voulant à tout prix devenir français, ayant même transformé son nom de Kapelouchnik en Capet, il n'y a rien de tel que s'approprier la culture d'un pays pour en devenir un véritable citoyen.

Mais ce que le Juif Maurice Kapelouchnik ignorait en donnant ce prénom à sa fille est qu'il inspirerait si bien celle qui le portait qu'elle s'éprendrait du théâtre dès la première représentation à laquelle elle assisterait et que son amour pour la scène prendrait le pas sur le reste de sa vie, malgré le mépris de son père pour les comédiennes, à ses yeux des femmes de petite vertu.

Mais la passion de Bérénice est si forte qu'elle ne pourra y échapper. C'est donc en acceptant de porter le nom de celle qui a choisi de l'aider coûte que coûte en faisant fi de l'interdiction paternelle, que Bérénice de Lignières va faire son chemin, du Conservatoire à la Comédie-Française en passant par le cabaret où elle fait connaissance du Tout-Paris, celui des écrivains, des compositeurs, des actrices et des chanteuses d'opéra.

À l'heure de l'Occupation, il ne reste presque plus rien de la petite Juive partie de chez elle pour vivre sa vie et se tailler une place dans le monde du théâtre sinon des souvenirs, mais pas de regrets. Et pourtant, son passé finira par la rattraper, nous le savons dès le début, Isabelle Stibbe ne nous laissant aucun doute sur l'issue en glissant çà et là des indices discrets sur le fait que Bérénice sera à jamais jeune et sans descendants à qui raconter ce qu'elle a vécu.

Le fait de savoir que Bérénice n'échappera pas à son destin ne rend le roman que plus intense et plus dramatique, à la hauteur de la situation que vit Bérénice au quotidien et à laquelle est confronté chaque acteur de la troupe, qu'il soit juif ou non. Car le lecteur ne sait pas d'où le coup viendra, qui trahira son secret et pour quelles raisons, avant la toute dernière page.

Bérénice 34-44 révèle un véritable talent, une grande maîtrise du sujet, une plume alerte et vivante, un art de mêler l'Histoire et ses personnages à ceux et celles créés de toutes pièces par l'auteure, une rigueur quant à la forme imposée où une narratrice omnisciente s'impose sans prendre une place qui n'est pas la sienne et une étonnante et agréable maturité au niveau de l'écriture pour un premier roman.

Passionnés de théâtre et épris de romans se déroulant sous l'Occupation où interagissent des personnages attachants trouveront dans ce roman tout pour les séduire… et même quelques clins d'oeil au très beau film de François Truffaut, le dernier métro, ce qui est loin de me déplaire.
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Roman repéré lors de sa sortie, notamment en raison des nombreux billets enthousiastes, mais pourtant je n'étais pas pressée de le lire. Mais il y a quelques semaines, je l'ai croisé par hasard sur les rayonnages de ma bibliothèque préférée et j'ai saisi l'occasion.

Bérénice est née le jour de la signature du traité de Versailles. Son père, Moishe Kapelouchnik, devenu Maurice Capel, choisi pour le nouveau-né le prénom de Bérénice en souvenir d'un camarade de tranchées, en hommage à la France pour laquelle il s'est battu. Un prénom prédestiné puisque dès son plus jeune âge, la petite Bérénice rêve de devenir actrice. le rêve d'enfant devient une véritable vocation lorsqu'à l'âge de 8 ans elle assiste à une représentation de la Comédie Française. Si ses parents considéraient sa passion d'enfant d'un oeil à la fois perplexe et moqueur, sa vocation arrêtée suscite leur désapprobation sans appel. A 15 ans, malgré l'interdiction parentale, Bérénice entre au Conservatoire.

Bérénice est jeune, Bérénice est belle, Bérénice est talentueuse. Mais Bérénice est juive ce qui ne laisse guère de doute quant à l'issue du roman. D'autant que l'auteur insiste à de multiples reprises, et ce dès la première page, sur le fait que jamais Bérénice ne pourra raconter son histoire à ses enfants et petits-enfants. L'histoire de Bérénice est touchante, forcément. le personnage est attachant, forcément. Les destins brisés des milliers Juifs anonymes, intellectuels ou artistes, est un sujet qui a été abordé à maintes reprises (oserai-je dire rebattu ?) par la littérature. J'avoue être souvent partagée devant ce sujet. D'un côté l'émotion et le devoir de mémoire, de l'autre un sentiment de déjà-vu et de facilité.

Nous suivons donc Bérénice depuis l'enfance jusqu'à la fin de sa vie (les dates 34-44 du titre faisant référence à sa carrière Théâtrale). J'ai bien aimé les parties consacrées à l'enfance de Bérénice, à son apprentissage au Conservatoire, à sa carrière à la Comédie Française et les débuts de la période de l'Occupation. Toutefois, les derniers chapitres ne m'ont pas du tout convaincue. Tout s'enchaîne alors trop vite et sans trop de logique. Les dernières années de Bérénice ne remplissent que quelques dizaines de pages et tout ce qui avait fait jusqu'alors le charme du roman est absent.
L'auteur a un style assez surprenant, car elle semble osciller entre un point de vue narratif externe classique et des interventions rappelant plutôt la biographie. Ainsi, Isabelle Stibbe donne corps à Bérénice, ancrant le personnage dans la réalité. le réalisme du l'histoire de Bérénice est accentué par la présence de personnages réels, par des anecdotes historiques.

Mais bien plus que par l'histoire de Bérénice (qui ne brille pas par son originalité), j'ai été fascinée par la Comédie Française, son histoire, les acteurs. La Comédie Française est une institution mythique et j'ai vraiment aimé découvrir son fonctionnement interne.
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Ce n'est pas Bérénice qui raconte son histoire. Ce n'est pas elle qui exprime sa passion du théâtre, née peut-être de ce prénom donné par ses parents comme une pré-destination. Dès le début, on sait que ce n'est pas elle et cette information influe sur la lecture. On se doute de la raison qui empêche Bérénice de raconter elle-même ce qu'elle a vécu et, pourtant, on espère se tromper, on compte sur l'auteur pour négocier avec l'irrémédiable. La littérature n'a-t-elle pas l'immense pouvoir de contourner le réel ?
"Comédienne, ça n'est pas un métier pour les juifs !" affirme le père de Bérénice. Mais pour entrer au Conservatoire, sa fille est prête à tous les sacrifices, même à celui d'être reniée par sa famille. Comédienne, elle le sera, mais sous une autre identité et elle entrera ainsi dans une nouvelle famille : celle du théâtre.
Remarquée par Louis Jouvet, elle intègre son cours et apprend son métier avec acharnement. Ce pourrait être un conte de fées si la menace inscrite dès les premiers mots du roman ne s'incarnait dans une étoile jaune et dans l'interdiction de pratiquer son art. Que reste-t-il à un comédien qui ne peut plus monter sur scène ? Dépouillée de tout ce qui a fait sa vie, Bérénice s'engage naturellement aux côtés de ceux qui continuent à lutter.

Le roman d'Isabelle Stibbe est irrigué par l'amour du théâtre qui respire par tous les pores du texte. Il m'a semblé vivre en même temps que Bérénice l'exaltation ddes représentations, le travail des répétitions, les rencontres avec les plus grands noms de la scène de l'époque et le déchirement d'en être éloignée. le conte de fées se mue en cauchemar, nasse dans laquelle Bérénice - au nom de tous les autres - sera peu à peu emprisonnée.
Alors que le rideau tombe, on espère encore que la pièce va se poursuivre. On attend le moment où Bérénice reviendra saluer le public. On voudrait que l'échéance fixée par le titre soit un leurre avant l'ultime rebondissement. On voudrait continuer à lire Isabelle Stibbe très longtemps encore.
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Superbe roman.

J'ai commencé à le lire un peu "à reculons". Je n'avais pas envie de lire quelque chose de dramatique, et je "stressais" un peu dès le début, sachant comment cela allait se terminer.
De ce fait, la répétition comme un leitmotiv de phrases du type "Elle ne pourra pas dire cela à ses petits-enfants, ni même à ses enfants" m'a gênée au début, et un peu aussi les quelques longues énumérations du genre on dit ... qu'on lit presque sans respirer.

Et puis, j'ai été prise dans l'histoire, et tout cela n'a plus eu d'importance.

L'auteur est aussi à l'aise pour nous faire vivre la vie de cette petite parisienne qui rêve de théâtre, pour dépeindre la Comédie Française, ses grands noms et ses petites histoires, pour nous présenter de l'intérieur tout un pan de l'Histoire, et pour s'interroger et nous interroger sur les réactions des hommes face à de tels drames.
Tout ça avec un texte qui coule, pas une seconde d'ennui.

En plus de cela, j'ai aimé retrouver les grands noms du théâtre, ceux qu'on connaît comme importants historiquement, et d'autres dont je n'imaginais pas qu'ils étaient déjà présents, comme Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault (que j'ai bien plus tard croisés "en vrai" sur un petit sentier des Baux !!) Robert Manuel, etc ...
Tout à fait par hasard, je venais juste de terminer "3 000 façons de dire je t'aime" de Marie-Aude Murail, où le Conservatoire et la Comédie Française ont aussi le premier rôle, mais de nos jours, et c'était surprenant de retrouver les lieux et les traditions plus d'un demi-siècle avant.

Et il me semble que personne n'a parlé d'Alain Borne.
Une de ses poésies ouvre le livre, et le personnage d'Alain Beron est manifestement plus que fortement inspiré par le poète trop méconnu. Bien que je soies arrivée dans la Drôme plus de dix ans après sa mort, ici, on le connaît (le lycée de Montélimar porte son nom !) mais c'est émouvant de retrouver ainsi en personnage de fiction cet avocat poète.
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Dès le départ, les choses sont claires, la fin sera tragique. Bérénice 34-44 comme la Bérénice de Racine est bien une tragédie, c'est en 1944 que l'histoire s'arrêtera. Reste à savoir comment.
Deux parties dans ce roman, le théâtre d'abord, l'entrée au conservatoire, Jouvet, la comédie française, le fonctionnement de cette institution, des comités aux emplois, des ascenseurs interdits à certains, aux habilleuses.... Et puis la guerre, l'exclusion, la résistance, l'Armée juive. La déportation.
Deux étapes, autour d'un personnage féminin fort, autour duquel se croisent personnages de fiction et acteurs bien réels, choix d'écriture qui fait l'intérêt de ce roman (même si parfois on s'y perd un peu et l'on se surprend à taper un nom dans un moteur de recherche pour vérifier qui a existé pour de bon! L'entrée dans la lecture a été de ce point de vue-là un peu difficile pour moi, comme le passage d'un personnage à un autre dans les premiers chapitres, avant d'être happée par la deuxième partie).
Une page noire de la Comédie française, de trahisons en opportunisme, de rivalités en lâchetés. S'y croire protégée, à l'abri du reste du monde, l'art et la culture comme bouclier face à la barbarie...
On croise Louis Jouvet, Jean Vilar, Véra Korène, Béatrice Bretty, Marie Bell Jean Gabin, Jean-Louis Barrault et tant d'autres figures du monde du théâtre, on plonge dans une ambiance, dans des ambiances plutôt, des cabarets de l'avant-guerre, du conservatoire d'art dramatique, de la comédie-française, de l'armée juive, toutes bien dessinées.
Ce que j'ai beaucoup apprécié dans cette lecture également, c'est qu'elle donne envie d'aller plus loin. On a envie d'écouter Kurt Weill, de se plonger dans l'histoire de la Comédie Française, dans celle de l'aventure du Massilia, de relire Bérénice et autres pièces de théâtre évoquées , de revoir l'Ange bleu, et surtout Entrée des artistes avec Louis Jouvet, film évoqué au début du roman, pour la scène du concours d'entrée au conservatoire d'art dramatique en particulier, ou pour les difficultés de l'héroïne à faire comprendre sa vocation théâtrale à son entourage.
Bref, les amateurs de théâtre y trouveront leur compte, les amateurs d'Histoire également!

Lien : http://lecture-spectacle.blo..
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Cet ouvrage m' a beaucoup intéressé. Bien écrit, facile à lire, il décrit le courage et la volonté d'une jeune fille qui malgré le refus de ses parents (nous sommes dans les années 1940) embrasse la carrière théâtrale. le seul bémol, ce qui m'a gêné dans ma lecture, c'est de savoir que le personnage principal était imaginaire un peu comme si cela enlevait de la force au récit, bien que les évènements et les vies relatées ne soient en aucune façon de la science fiction.
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Je n'ai probablement pas su apprécier ce roman à sa juste valeur.
Je n'ai pas su entrer à la comédie française avec Bérénice
Je ne suis pas arrivée à la cerner.
Beaucoup de personnes gravitent dans son entourage, des artistes que je connaissais et beaucoup d'autres-trop- que je ne connaissais pas.
Une immersion totale dans le monde du théâtre, sous l'occupation, mais sans émotion pour ma part malgré les événements douloureux qu'il décrit.
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Quelle idée d'appeler sa fille Bérénice quand on est russe, juif, installé en France pour fuir les pogromes dans son pays d'origine. S'il avait su quel destin attendait sa fille, Maurice Capel y aurait réfléchi à deux fois. Très tôt Bérénice n'a aucun doute sur ce qu'elle veut faire. Elle n'a qu'une passion : le théâtre, qu'un but : la Comédie Française. Comme si son prénom, l'historique de son choix, avaient conditionné la vie de la petite fille. Mais ses parents, fourreurs, voient d'un très mauvais oeil la vocation de leur fille. Avec la complicité de Madame de Lignières, Bérénice trouve le moyen de passer le concours d'entrée au Conservatoire dont elle sort première. Sa vocation est telle que la jeune fille soumise à un cruel ultimatum de la part des ses parents, préférera quitter le cocon familial, être reniée par son père pour pouvoir vivre sa passion pleinement;


La première partie du roman nous montre les différentes étapes qui mèneront la jeune Bérénice Capel, devenue Bérénice de Lignières, jusque sur les planches de la Maison. On y découvre l'apprentissage des futurs comédiens, les coulisses du Conservatoire puis de la Comédie Française. On y vit la passion de Bérénice, son intégration complète dans ce milieu, ce sentiment de troupe, de famille qu'elle ressent comme jamais avant. Mais sa vocation, Bérénice la vit dans une période agitée et une petite phrase sinistre vient comme un refrain nous avertir que le drame est proche.

"Elle ne racontera pas à ses petits enfants, ni même à ses enfants..."

Car la tempête gronde, Hitler est au pouvoir en Allemagne et ses visées expansionnistes vont mettre le feu aux poudres. Malgré les suppliques de son mari, juif allemand ayant quitté l'Allemagne à l'arrivée au pouvoir d'Hitler, Bérénice ne vit que pour la Comédie Française, que pour la tragédie.


Ce roman nous peint le portrait d'une femme passionnée, d'une femme pour qui le théâtre est la vie. Une personnage tour à tour attachant et agaçant tant sa passion l'aveugle. Sa vocation d'actrice la rend pendant une bonne partie du roman, complètement aveugle et sourde à ce qui se passe en dehors du théâtre. Elle se croit protégée par sa célébrité.

Bérénice 34-44 nous montre cette sinistre période de l'histoire sous une angle particulier. La majeure partie du roman se passe sur scène, en coulisses et la guerre à l'extérieur, n'est qu'une musique de fond qui prend peu à peu de l'importance. On y retrouve des comédiens célèbres comme Louis Jouvet qui sera la professeur de Bérénice, ou Robert Manuel, l'ami des débuts. Un milieu décrit avec précision par un Isabelle Stibbe qui sait de quoi elle parle puisqu'elle a travaillé pour la Maison. La Comédie Française nous y apparaît comme un microcosme, on y retrouve tout ce qui constitue la société mais en concentré. Les amitiés, les jalousies, les rivalités, le tout exacerbé par l'horreur de la guerre.

Isabelle Stibbe nous livre un roman passionnant porté par une plume efficace, par moment poétique. le seul petit bémol que je mettrais à ce livre passionnant tient dans la disproportion entre le traitement de la vie dans le théâtre, et la vie extérieure, les décisions politiques, l'avancée du conflit. Mais malgré tout un excellent moment de lecture.

"C'était vers cela qu'elle voulait tendre en tant que tragédienne, elle ne serait satisfaite que quand elle parviendrait, par l'amplitude de sa voix, par la variété de ses couleurs, à faire ressentir la difficulté d'être, le frôlement avec la folie et la mort, ce moment de basculement subtil où chacun pourrait passer sans crier gare de l'autre côté de la normalité. L'art ne doit pas être réaliste, songea-t-elle, il doit amplifier la vie."

"Quand reviendra le jour, tout s'arrangera, murmura Alain Béron à l'oreille de Bérénice, nous avons tant lutté, tant souffert que tout sera merveilleux ensuite, tout deviendra possible. Il suffira de vouloir pour que nos désirs se réalisent, quand reviendra le jour, même revoir Nathan sera facile et nous jouerons enfin La Harpe de David. Après tant d'horreurs, l'art triomphera, l'humanité comprendra qu'il est le seul salut, que l'art est tout ce qui nous préserve de notre part d'ombre, c'est pour moi l'évidence..."
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