Sur l'orgueil de tolstoï
"L'orgueil de tolstoï est immense ; mais on en juge mal communément. Beaucoup de personnes sont blessées des arrêts tranchants qu'il porte, depuis qu'il prononce sur le bien et le mal, sur la bonne et la mauvaise qualité des oeuvres, par rapport à la morale chrétienne. Et peut-être n'est-on sensible à la sévérité de ses jugements que depuis le temps où il se mêle de prononcer sur les ouvrages de l'esprit. En France, comme à Florence ou à Athènes, la sévérité en cette matière ne se pardonne pas
; car chacun craint de passer par cette épreuve, s'imagine maltraité, et se révolte à l'avance de l'être.
Quand tolstoï ne faisait pas le procès de l'Art, il ne paraissait pas d'un orgueil si intolérable. Ce n'est pas qu'il l'eût moins âpre et moins fort, mais il ne s'exerçait que touchant la vie, la vérité et le bien ; et ce sont des petits objets, au prix de l'amour-propre et de la vanité d'auteur. Il est vrai qu'un jugement si dur, et si à l'aise dans le mépris, étonne venant d'une âme chrétienne et d'un esprit où la charité doit avoir le pas même sur l'exacte justice. Mais il n'est pas loisible, même aux plus grands apôtres, d'être chrétiens parfaits, comme les solitaires. Ils ont l'épée de saint Paul ; et même quand ils en détestent l'usage, - bien plus, quand le doute les prend de son utilité, - c'est sur la glaive qu'ils s'appuient, comme on voit, selon la profonde pensée de Raphaël, saint Paul méditer, la main sur son arme, aux mérites singuliers de sainte Cécile, à la victoire de la musique et de la seule douceur. Les apôtres sont nés pour combattre ; et la lutte porte en soi sa dureté.
Il est douteux qu'il y ait eu une grande âme sans orgueil, - ou une petite sans vanité. Toute la différence de l'orgueil des unes à l'orgueil des autres est de savoir où on l'a placé. Dans tous ses livres tolstoï est orgueilleux : il accuse son amour-propre d'enfant, comme son entêtement d'homme fait, qui s'opiniâtre dans ses vues, et les préfère à celles d'autrui. Toutefois, plus l'orgueil de tolstoï est sûr de lui et se déclare sans égards, moins tolstoï lui est sévère. Et il y aurait bien lieu de s'en étonner, comme d'une singularité morale tout à fait contraire à l'idée qu'on se fait d'un saint, d'un chrétien, ou seulement d'un sage, si ce trait n'était précisément le plus propre à marquer le véritable caractère de cet orgueil.
Au début de sa vie, tolstoï rougit de son amour-propre. Plus tard, il en souffre. Il est si loin de la vanité, qu'il ne craint pas, souvent, d'en avoir l'apparence. En quoi il fait bien : il n'y a qu'un petit homme, pour se tromper si grossièrement, et trouver de sa vanité dans ces grands orgueilleux. Jamais on ne surprend Lévine, ni Bésoukhov, satisfaits d'avoir raison. Ils sont déterminés critiques, et ruinent les opinions des autres, par besoin d'y voir clair et d'être sincères avec eux-mêmes. Mais ils ne se savent point gré de le faire. Ils en souffrent plutôt ; et même, quand ils semblent intraitables aux gens de leur société, fiers de penser à l'encontre de tout le monde, ils n'en sentent en secret aucun contentement. On les tient orgueilleux ; et, se défendant de l'être, il souffrent surtout de ne l'être pas..."
L'avantage quand il y a des gens qui pensent pour soi, ça rend peut-être dilettante, on n'est pas obligé de s'improviser critique littéraire, il n'y a plus qu'à dire merci. Pourquoi devrais-je avoir un avis quand il y a des gens qui ont défriché le terrain avant moi et dont pour moi la copie est facile : il y aurait même un abus ou de l'ignorance à n'en point parler.
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Tolstoï humilie de trop près ses voisins, ses parents, ses proches. Un homme si puissant est difficile à vivre : on ne peut l'accepter qu'en l'aimant. L'amour semble une servitude à des âmes trop petites. On croit garder son indépendance, en l'armant contre lui. On ne voit point que se débattre contre la tyrannie d'une force supérieure, ce n'est pas moins graviter dans son orbite. Sa vie est triste, dès qu'il la sépare de son Dieu et de son peuple. Elle ne lui serait, sans doute, pas supportable, sans la passion qui l'anime. Et enfin, sa plus belle récompense de s'être créé un monde, est qu'il y peut vivre.
Qui parle de bonheur, ruine la morale. Pourtant, il n' y a de morale solide qu'à chercher le bonheur pour soi et pour autrui. D'où la fragilité de toutes.
CHAPITRES :
0:00 - Titre
A :
0:06 - ACTE - Jacques Deval
0:16 - ACTION - Sacha Guitry
0:28 - ADMIRATION - Comtesse Diane
0:38 - ADULTÈRE - Daniel Darc
0:59 - ÂGE - Fabrice Carré
1:08 - AMI - Jean Paulhan
1:18 - AMIS - Madame du Deffand
1:30 - AMOUR - André Birabeau
1:40 - AMOUR - Madeleine de Scudéry
1:51 - AMOUR DES FEMMES - Edmond Jaloux
2:03 - AMOUR ET FEMMES - Paul Géraldy
2:16 - AMUSEMENT - Jean Delacour
2:36 - ANIMAL - André Suarès
2:47 - APPARENCE - Nathalie Clifford-Barney
2:57 - ARGUMENT - Léonce Bourliaguet
3:07 - AVARICE - Abel Bonnard
3:19 - AVENIR - Gustave Flaubert
3:28 - AVIS - Marie d'Arconville
B :
3:37 - BAISER - Tristan Bernard
3:49 - BEAUTÉ - Fontenelle
4:00 - BÊTISE - Valtour
4:13 - BIBLIOTHÈQUE - André de Prémontval
4:24 - BLASÉ - Louise-Victorine Ackermann
4:35 - BONHEUR - Henri Barbusse
4:45 - BUT - Richelieu
C :
4:54 - CAPITAL - Auguste Detoeuf
5:10 - CERVEAU - Charles d'Ollone
5:20 - CHANCE - Pierre Aguétant
5:31 - COMPRENDRE - Charles Ferdinand Ramuz
5:42 - CONSEIL - Maurice Garçot
5:55 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Jacques Deval : http://www.lepetitcelinien.com/2013/06/lettre-inedite-louis-ferdinand-celine-jacques-deval.html
Sacha Guitry : https://de.wikipedia.org/wiki/Sacha_Guitry#/media/Datei:Sacha_Guitry_1931_(2).jp
Comtesse Diane : https://www.babelio.com/auteur/Marie-Josephine-de-Suin-dite-Comtesse-Diane/303306
Jean Paulhan : https://jeanpaulhan-sljp.fr/
Madame du Deffand : https://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_du_Deffand#/media/Fichier:Mme_du_Deffant_CIPA0635.jpg
André Birabeau : https://fr.wikipedia.org/wiki/André_Birabeau#/media/Fichier:André_Birabeau_1938.jpg
Madeleine de Scudéry : https://www.posterazzi.com/madeleine-de-scudery-n-1607-1701-french-poet-and-novelist-wood-engraving-19th-century-after-a-painting-by-elizabeth-cheron-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0078786/
Edmond Jaloux : https://excerpts.numilog.com/books/9791037103666.pdf
Paul Géraldy : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Géraldy#/media/Fichier:Paul_Géraldy_by_André_Taponier.jpg
André Suarès : https://www.edition-originale.com/fr/litterature/divers-litterature/suares-correspondance-1904-1938-1951-79921
Nathalie Clifford-Barney : https://www.amazon.fr/Eparpillements-Natalie-Clifford-Barney/dp/B081KQLJ87
Léonce Bourliaguet : https://www.babelio.com/auteur/Leonce-Bourliaguet/123718/photos
Abel Bonnard : https://twitter.com/wrathofgnon/status/840114996193329153
Gustave Flaubert : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ea/
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