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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un voyage en calèche vers la ville et le lycée , le déracinement d un petit garçon envoye à travers la steppe nous montre une autre époque. l'immensité de cette plaine russe, les collines et les quelques auberges perdues au milieu des champs , des herbes écrasées de chaleur , dévoile la dureté et les coutumes de chacun , paysans , religieux , commerçants, routiers. le regard de ce petit garçon dans ce groupe d adultes au sein de cette nature rude reste ébahi et plein de questions.
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Un merveilleux récit d'un Tchekhov jeune et débutant en littérature, lui dont j'admire tant les nouvelles et plus encore que ses oeuvre théâtrales.

Un enfant de 9 ans, Ieogorouchka, est envoyé par sa mère, veuve d'un « secrétaire de collège », dans une grande ville éloignée pour y faire des études. Il est accompagné par son oncle, frère de sa mère, Ivan Ivanytch Kouzmitchov, négociant et par un religieux orthodoxe, le père Khristofor Sirisky. Tous deux font le voyage pour rencontrer un Cosaque, un certain Varlamov, auquel ils veulent vendre de la laine
Au cours du voyage, l'oncle Kouzmitchov qui a appris où se trouve Varlamov et doit faire un détour, confie son neveu à un petit convoi de négociants en route aussi pour la grande ville, dont les chariots sont chargés de grands sacs de laine.
A la fin du voyage, l'oncle et le neveu se retrouvent dans la grande ville. L'oncle l'amène chez une amie de sa mère où il va être hébergé durant sa scolarité.

On le voit, une histoire toute simple découpées en 8 chapitres

Mais ce voyage est fait de toutes sortes de rencontres, tantôt agréables,tantôt pas. Et l'occasion pour l'enfant de voir une extraordinaire variété de personnages dont Tchekhov fait le portrait avec la très grande finesse psychologique qui le caractérise.
L'oncle Kouzmitchov un homme toujours inquiet, un peu rude, mais qui est attentif à son neveu, le père Khristofor, toujours souriant, toujours content de son sort, la belle comtesse Dranitsky qui embrasse affectueusement Iegorouchka, Panteleï, le vieil homme un peu radoteur mais plein de bonté, Dymov le jeune insolent qui harcèle Iegorouchka, Varlamov, le cosaque orgueil et cruel, et tant d'autres.
Et le lecteur se sent plongé dans cette vie frustre, si marquée par la religion, et la magie de la Russie rurale du 19ème siècle.

Et surtout, il y a la steppe avec ses merveilleux paysages, de jour comme de nuit, sous le soleil, la pluie, l'orage, la tempête. La steppe avec ses humeurs, décrite comme un des personnages à part entière de ce récit inoubliable. Et l'être humain face à la puissance de la nature.

J'ai mis sur le site quelques citations pour essayer de vous faire ressentir la beauté de ce récit

Et enfin, cette longue nouvelle a aussi le charme d'une sorte de parcours initiatique d'un jeune garçon dont l'avenir en forme de point d'interrogation clôt le texte, comme c'est souvent le cas des nouvelles et du théâtre de Tchekhov.
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Une chevauchée lente sur la mer verte…

Une mer d'un brun vert, vaste plaine sans limite, sertie de collines se fondant au lointain dans une teinte lilas puis une brume mauve. Tel est le cadre, et le personnage principal, de cette longue nouvelle de Tchekhov. Capturée en mille et une estampes sur lesquelles il est aisé d'imaginer chevaucher fougueusement ces cosaques qu'un certain Gogol a si bien mis en valeur dans Tarass Boulba.

La steppe montre à quel point la simplicité peut se parer de ses meilleurs atours. La steppe est en effet la simple histoire d'un voyage en calèche, celle d'un petit garçon de neuf ans, accompagné de son oncle et d'un pope, ayant pour but de l'amener dans une ville lointaine où il doit poursuivre ses études. le voyage part de Moscou pour aller à Taganrog et traverse ainsi la steppe russe et ukrainienne. Traveling lent au cours duquel Anton Tchekhov se fait naturaliste, nous offrant des observations à la beauté renversante de la flore et de la faune, et quelques arrêts sur image permettant de découvrir des personnages pittoresques, âme de la Russie. Et c'est tout. Il ne se passe rien d'autre. Mais cette simple histoire de la fin de l'enfance et du début d'une autre vie, la steppe faisant symbole de transition, m'a fait grande impression.

Ces paysages réveillent chez l'auteur des souvenirs d'enfance. Iegorouchka est sans doute Tchekhov enfant. Armé de son amour et de sa fierté pour son pays, comme l'ont fait également Tolstoï ou Tourgueniev par exemple, l'auteur nous offre de superbes tableaux de la steppe, des tableaux diurnes et nocturnes, des peintures du lever et du couchant, des estampes de chaleur méridienne et d'orages déchainés en pleine nuit. Au moyen d'étonnantes métaphores, l'auteur sait rendre ces tableaux vivants, comme si la steppe était animée de volonté, Tchekhov personnifie la nature et les éléments dans lesquels les humains et les animaux semblent n'être que des pantins voués à l'inéluctable.

« de grosses pelotes de fumée noire, épaisse, se formaient sous les toits de roseaux à ras de terre et s'élevaient paresseusement. le ciel au-dessus des fabriques et du cimetière était bistre ; les grandes ombres que projetaient les nuages de fumée rampaient dans le champ et traversaient le chemin. Dans la fumée, auprès des toits, bougeaient des hommes et des chevaux, couverts de poussière rouge… »

La steppe semble également refléter les états d'âme de ce petit garçon qui a été brutalement éloigné du giron maternel. Véritable cassure, douloureuse déchirure, le garçon sent que son enfance prend fin et éprouve une profonde tristesse tout en étant fasciné par la nature observée. Subtilement, à travers les descriptions de la nature, nous arrivons à ressentir par quels états il passe et quel sentiment de solitude il endure durant ces quelques jours et à éprouver peu à peu une vraie empathie pour lui.
« A peine le soleil est-il couché et la terre emmitouflée de ténèbres, que la langueur diurne est oubliée, tout est oubliée, et la steppe respire légèrement de sa vaste poitrine. Comme si, dans l'obscurité, l'herbe ne voyait pas sa vieillesse, elle devient le lieu d'un jeune et joyeux crépitement, inconnu dans la journée ; craquements, sifflements, grattements, basses, ténors et soprani de la steppe, tout se mêle en un grondement monotone, incessant, favorable aux souvenirs et à la mélancolie ».

Les personnages rencontrés par ailleurs sont particulièrement pittoresques. Durant les arrêts sur image, le naturaliste se ferait presque sociologue. Que ce soit l'oncle, homme d'affaires, le pope, la comtesse Draniska, le voyou Dymov, la famille juive dans sa pauvre isba, le cosaque croisé, cette longue nouvelle contient en elle les germes d'une étude possible de la société russe qui vie ou qui traverse la steppe. A travers les yeux du petit, ces personnages se font parfois inquiétants, dignes des contes et légendes russes.

Roman d'apprentissage, récit initiatique, récit de voyage, récit autobiographique, éloge de la nature et de l'âme russe, Tchekhov disait de ce petit livre qu'il était son chef d'oeuvre. Et en effet, sous une apparence de simplicité, voire d'indolence, ce livre contient beaucoup. Beaucoup d'humanité.

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C'est l'heure du classique, un par mois, pour rompre avec la vie trépidante de notre siècle.
Là, c'est la fin du 19ème, quelque part dans l'Est, entre Moscou et la mer d'Azov, la vallée du Don, vous savez non ? le Donetz, ça vous parle plus, ah oui c'est en..., et Kharkov ? Alors là, bien sûr, le Donbass, en..., allez savoir ?
Peu importe pour l'histoire, je veux dire l'histoire racontée ici, par un artiste russe, qui se passe "dans les steppes de l'Asie centrale". Un poème lyrique, ou une suite musicale, écrite en 1888, l'auteur avait 28 ans, une oeuvre de jeunesse.
Vous êtes sûr ? Ce n'était pas plutôt en 1887, juste avant sa mort, que Borodine a composé ce poème symphonique ?
Mais qui vous parle de musique ? Je viens de lire "La steppe", de Tchekhov, l'une de ses premières productions.
Ah bon, c'est bizarre cette confusion, ou plutôt cette similitude, même époque, même sujet. J'ai dû mal prendre mes notes, mais je suis de concert avec vous, qu'elle soit écrite ou composée, la steppe mérite qu'on s'y attarde.
Borodine a utilisé des instruments à vent pour illustrer la lente progression de la caravane dans cette plaine pleine de vide. Attention, le vide ne veut pas dire l'absence de vie, la faune et la flore sont bien représentées, mais c'est le désert. Il l'a située en Asie centrale sa steppe, déjà à l'époque ça permettait de ne pas raviver les tensions entre Russes et Ukrainiens, la musicalité du vent qui anime cette région se suffit à elle-même. Torpeur, somnolence, à la rigueur ennui, mais certainement pas conflits, combats, guerre. Une monotonie apaisante, relaxante, tout juste réveillée de temps en temps par un orage venu de nulle part.
Vous parlez du poème symphonique ou de la longue nouvelle ?
Pareil vous dis-je ! le mieux, c'est d'embarquer dans la lecture de Tchekhov en écoutant la musique de Borodine, l'association de ces deux moyens de communication nous emmène directement dans cette contrée magique. Il suffit de se laisser porter par les mots et les notes, et on vit ce lent voyage comme si on y était. Essayez, je vous assure.

L'intro est un peu longue, non ? Allons dans le vif du sujet. Considéré comme l'un des meilleurs novélistes de sa génération, Anton nous transporte dans son monde de précision et de concision. Avec des "mots passant" de descriptions minutieuses du paysage aux rapides dialogues des personnages, il alterne la lenteur et la vitesse pour maintenir l'attention du lecteur. le voyage de quelques jours du jeune Iégorouchka vers le lycée et le monde des adultes est ponctué de scènes où la confrontation des personnages présents le réveillent de cet ennui profond dû à la langueur du paysage.
Un fil rouge maintient l'attention, la chemise de la même couleur portée par le jeune garçon. Une tache écarlate qui éclate dans le mordoré omniprésent de la steppe infinie. Histoire de bien marquer sa présence qui serait sans doute passée inaperçue s'il avait porté un vêtement plus terne.
L'enfance et sa petitesse, la plaine et son immensité, le présent rassurant au contact de la famille, l'avenir incertain vers un monde inconnu. C'est tout l'enjeu de cette histoire, un brin autobiographique, entre récit et fiction. le détachement, charnel et naturel, un petit être qui veut exister dans un monde bien trop grand pour lui.
Et l'hymne qu'il "entonne, Tchekhov", est comparable à celui de Galsan Tschinag écrit près d'un siècle plus tard dans "La fin du chant".
Qu'elle soit mongole ou russe, la poésie ne cède pas à la mélancolie dans la steppe, elle la sublime. J'aurais aimé la lire en russe, mais cette langue m'est hermétique. Les traductions ne rendent pas toujours les mêmes sensations, en voici deux exemples d'un paragraphe pris au hasard.
Par Olga Vieillard-Baron : "A présent les voyageurs roulaient au milieu d'une vaste plaine coupée d'une chaîne de collines qui, se bousculant et se chevauchant, se fondaient dans un massif unique à droite de la route et s'étiraient jusqu'à l'horizon pour disparaître dans le lointain mauve".
Pour Vladimir Volkoff : "Cependant, sous les yeux des voyageurs, se déployait déjà une vaste plaine, sans limites, traversée d'une chaîne de collines. Se pressant et passant la tête les unes devant les autres, ces collines se fondaient en une éminence qui, à droite de la route, s'étendait jusqu'à l'horizon et disparaissait dans un lointain lilas".
Malgré tout, le rendu est tout aussi saisissant, même si la longueur est différente. Chaque lecteur se fait sa propre image, celle qui reste gravée à jamais dans les souvenirs littéraires. le son de la mélodie de Borodine résonne dans mes oreilles, j'y vois la chevauchée lyrique de Tchekhov.
Ecrit ou composé, le même art, sublime !
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LA STEPPE d' ANTON TCHEKHOV
Écrit en 1888 c'est le récit du voyage d'un jeune garçon qui doit rejoindre son lycée et pour cela traverser la steppe. Un hymne à la nature russe mais également de longues descriptions de personnages savoureux comme des cosaques ou des religieux. L'art de la description dans la simplicité.
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Quel bonheur de parcourir la Steppe de Tchekhov !
A l'aube d'une belle journée de juillet vous embarquez dans une vieille calèche brinquebalante. A son bord, outre l'imposant cocher, le père Christophe un moine original, épicurien et bienveillant ; le marchand de laine Ivan ivanovitch Kouzmitchov toujours préoccupé par l'argent et puis son neveu orphelin de père, le petit Iegorouchka à la chemise rouge. il pleure car sa mère l'envoie étudier loin de son village et du cimetière où dort sa grand-mère chérie. C'est avec la sensibilité à fleur de peau du petit garçon que vous découvrez l'immense steppe, ennuyeuse et envoûtante, sous son soleil brûlant. Elle s'anime, étouffe, se réjouit, chante selon les moments de la journée. Vous vous étonnez de trouver sur le parcours au beau milieu du vide, un aubergiste juif hospitalier et son frère moins commode, comme tout droit sortis de la Bible. le petit est somnolent quand il voit apparaître une belle Comtesse polonaise et qu'il entend des propos inquiétants à propos de ce Varlamov qui rôde au-dessus de la steppe comme un vautour. Dès l'aube du deuxième jour, le petit est confié aux rouliers. On le juche sur un tas de foin et il peut savourer son pain d'épices en contemplant le ciel bleu. Quand le soir tombe, des ombres noires envahissent le ciel et il se sent bien seul. le lendemain matin le convoi fait halte, le petit Iegor plonge gaiment dans l'eau fraîche et assiste à une partie de pêche à l'écrevisse. Vous découvrez le rude quotidien de ces rouliers mais également leur imaginaire fabuleux, effrayant et puis aussi leurs rêves brisés. Inoubliables personnages. Dymov le fort qui cherche querelle à tout le monde car il s'ennuie ; Vassia qui entend la plus petite des bestioles et qui croque des poissons vivants, Emelian le chantre qui a perdu sa voix mais qui continue de battre la mesure. le vieux sage Pantelei qui a tant vécu et qui a les doigts de pieds gelés et puis Constantin, l'amoureux solitaire. le voyage durera six jours et vous aura marqué.
Récit initiatique, reportage, épopée, suite musicale, poème en prose lyrique, il est très difficile de ranger l'immense Steppe dans un petit tiroir et c'est tant mieux. Voilà ce qu'en disait Tchekhov lui-même : "Chacun des chapitres forme une nouvelle à lui tout seul, et tous les chapitres sont liés comme les cinq figures du quadrille, par une intime parenté. Les tableaux se chevauchent, se bousculent, l'un cachant l'autre… Cela finit par être nuisible à l'intérêt général, et le lecteur s'ennuiera et crachera dessus. Mais c'est mon chef-d'oeuvre, et je suis incapable de faire mieux ».
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Son entrée prochaine au lycée offre à Iégorouchka, un garçonnet de dix ans, de traverser une partie de la steppe dont il découvre la surprenante beauté. Il y fait des rencontres de hasard, s'ennuie, tombe malade. le voyage terminé, une autre étape de sa vie commence.
Résumé de cette façon, on pourra trouver le contenu de la Steppe un peu léger, et, en un sens, c'est le cas ! Dans cette nouvelle, une de ses plus célèbres, Tchekhov se borne en effet à peindre la vie, à montrer simplement, modestement, les choses. Il ne s'agit pas d'une véritable histoire avec début et fin mais d'un simple récit de voyage. Dans ce poème à la gloire de la steppe, l'absence d'intrigue laisse le champ libre à la beauté de la nature, au bruissement du vent, au foisonnement des insectes, au chant harmonieux des oiseaux. Immense et monotone, la steppe se révèle indifférente au sort des hommes.
J'avais décidé de relire cette nouvelle, découverte il y a quelques années parmi d'autres dans la belle rétrospective parue chez Bouquins. Déjà, cette lecture m'avait beaucoup marqué. Toutes ces images s'étaient imprimées en moi, comme si j'avais moi-même effectué le voyage de Iégorouchka. Sans doute aussi parce que la steppe, je l'avais découverte pour de vrai à l'occasion d'un voyage en Russie à la même époque. A une centaine de kilomètres au sud de Voronej, la forêt se termine et commence l'infini de la steppe. Un milieu naturel très différent, d'une grande fragilité, que je n'ai fait qu'apercevoir, mais qui m'avait laissé une impression durable.
Cette nouvelle lecture m'a encore plus enthousiasmé que la première. En à peine une centaine de pages, Tchekhov exprime tout le côté tragique de la destinée humaine. Iégorouchka représente les enfants victimes des abus de pouvoir de leurs parents. Minuscule dans un paysage sans repères, il est désemparé par un avenir incertain. Les adultes qui l'accompagnent ne lui laissent guère de quoi espérer : les rouliers sont abrutis par une vie de travail et de servitude, les petits commerçants peuvent chaque jour perdre le peu qu'ils ont gagné la veille, tandis que les grands propriétaires s'angoissent sans arrêt pour leur domaine.
Vue de cette façon, la vie pourrait sembler absurde, mais elle ne l'est pas complètement. En dépit de tout, le goût de la vie et l'amour de la nature sont les plus forts. Émerveillé par ce qu'il voit, l'enfant témoigne de cette aspiration, de cette sincérité originelle. Les détails qui composent l'ensemble sont toujours choisi avec justesse. Aucune exagération, aucun effet gratuit, pas de commentaire inutile ni de réflexion moralisante. de là naît la force évocatrice de la nouvelle, qui ne participe pas du réalisme, mais qui pourrait plutôt faire penser à un tableau impressionniste. Un chef-d'oeuvre d'émotion, d'originalité, de vérité tout simplement.
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La steppe est une longue nouvelle, un chef-d'oeuvre délicat, poétique, plein de l'humanité si caractéristique de son auteur, Anton Tchekhov. Il y a d'abord l'évocation de la nature environnante, des paysages monotones de la steppe, pourtant magnifiés, animés par le vent, l'orage et la course des astres dans le ciel immense. Il suffit d'une croix ici, d'une auberge pour créer un monde riches de sensations. Cela m'a fait penser à la façon dont le réalisateur Terrence Malick filme la nature. Les portraits de la société provinciale, des paysans, des religieux, de la famille de Iégor, sont d'une justesse inouïe. Enfin, le récit est traité du point de vue d'un enfant. Les peurs, l'incompréhension, les petites injustices, les histoires autour du feu sur les bandits qui égorgent les négociants... le lecteur se rappellera sa propre enfance, ses impressions exagérées, transposées dans la Russie du XIXe siècle. Si tout cela sonne vrai, c'est aussi sans doute grâce au caractère autobiographique du récit.
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"La steppe" longue nouvelle écrite en 1888, marqua dit-on l'entrée de Tchékhov en littérature et fut saluée par ses pairs. le pitch est sommaire : un jeune garçon de dix ans quitte son village natal en carriole pour rejoindre la bourgade voisine où il doit poursuivre sa scolarité, il voyage à travers la steppe.
Donc il ne se passe rien au long de ces 167 pages, qui déroulent la steppe au rythme du cabriolet, tirés par deux chevaux. Sauf que tchékov se souvient de l'enfant qu'il a été et du regard que l'on pose à cet âge sur ce qui nous entoure. Un regard qui colore, qui anime, qui prête goût, sonorités, senteurs, lumière à tout ce qui vit alentour. le cheminement à travers la steppe est en fait passionnant, tout vit, tout éveille, les nuages qui roulent au dessus de la carriole, les récits effrayants que l'on se raconte aux étapes, le frémissement du vent, les plongeons dans le fleuve, l'eau qui ruisselle d'une brindille creuse.
C'est un adieu à l'enfance, un voyage vers ce qui nous émancipe et nous rend plus vaste, ce garçon ne participe plus au tumulte foisonnant des sensations enfantines mais s'affine comme observateur, comme centre de ce qu'il perçoit, la vie de la steppe c'est son point de vue.
Au final, on lit une nouvelle comme on le souhaite, je veux simplement dire que c'est un récit d'une beauté extraordinaire.
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C'est au cours de l'année 1887 que Tchekhov, partant de Moscou, revient dans sa ville natale Taganrog, en Crimée, au bord de la mer Noire. Il retrouve, émerveillé, les paysages et les souvenirs de son enfance chez son grand-père Igor, régisseur de la comtesse Platov dans un domaine situé entre Taganrog et Rostov sur-le-Don.

Aussi, il met beaucoup de lui-même dans le jeune garçon de la Steppe, Iégorouchka, qui, à neuf ans, doit quitter sa mère, veuve d'un officier, pour aller étudier… Il est accompagné par son oncle Ivan Kousmitchov, négociant, et le père Christophe Siriiski, tous deux en déplacement pour leurs affaires.
C'est le début d'un long voyage de Taganrog à Rostov à travers la steppe, immense espace d'une beauté à couper le souffle, étendues sans fin coupées par les bosses des kourganes, petits tumulus préhistoriques, les réservoirs d'eau, et chaumières blanches, la steppe avec ses lointains couleur de lilas. le lyrisme mais aussi la limpidité du style de Tchekhov, très sobre, animent ces somptueux paysages peuplés d'une vie sauvage, corbeaux, pluviers, milans, gerboises, grillons... qui ajoutent aux splendides couleurs du tableau, le mouvement et le son. Mais la présence humaine se fait toujours sentir, bergers avec ses moutons et ses chiens bruyants, faucheurs qui brandissent leur faux, femmes qui lient les gerbes... de plus, Tchékhov n'oublie jamais que c'est un petit garçon sensible et imaginatif qui découvre ce paysage et il se place toujours à hauteur d'enfant. Ce point de vue donne une fraîcheur et une émotion toute particulière à la description!
Arrêts dans les auberges, rencontres avec des personnages pittoresques, bain dans une rivière glaciale, puis - quand l'enfant quitte la télègue de son oncle - suite du voyage avec un convoi de paysans, dans un char à foin, repas improvisé dans les champs, récits, discussions, disputes autour du feu, le soir, qui provoquent tour à tour l'admiration ou l'indignation de l'enfant sensible et entier, orage terrifiant, maladie de Iegor trempé par la pluie, soigné par le père Christophe. On rencontre toujours chez les écrivains russes de l'ancien Russie, des personnages surprenants, pleins d'humanité et de sagesse malgré leur ignorance, ou, au contraire, excessifs, tourmentés et violents mais jamais inintéressants. Tchekhov excelle dans la peinture de ces portraits de même que dans l'analyse des sentiments d'un tout jeune enfant.
La Steppe se nourrit de toute la beauté frémissante des paysages, de toute la diversité, l'humanité du peuple de l'ancienne Russie, de toutes les émotions rencontrées par un petit garçon séparé de sa maman et découvrant le vaste monde.

Tchékhov considérait La Steppe comme son chef d'oeuvre et il souhaitait un lecteur qui lise son récit comme « gourmet mange des bécasses ».

J'adore cette expression ! Un gourmet ! Effectivement, c'est ainsi que j'ai savouré ce livre !

Lien : https://claudialucia-malibra..
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