Fut un temps où mon frère essayait de faire de moi quelqu'un de cultivé, depuis il a renoncé. Je devais avoir dix ans quand il m'a mit dans les mains ce pavé monumental. Ce fut la première fois de ma vie que je m'attaquais à un livre de plus de mille pages, et je n'eu pas à le regretter. Pour un livre écrit en Chine à la fin du XVIème, il est tout bonnement génial ! Par la suite il m'a été donné d'en lire des versions modernisées, mais aucune n'arrive à la cheville du texte original. En Chine, il a fait l'objet d'une telle quantité d'adaptation sous toutes les formes imaginables qu'il serait vain de vouloir les compter. Très rarement traduites, hélas…
L'histoire débute par la jeunesse d'un petit singe promis à un grand avenir… Mais aussi et surtout un fouteur de pagaille invraisemblable ! Sūn Wù Kōng, ou Souen Wu Kong,
le roi des singes, personnages mythiques de la littérature chinoise et cousin du Hanuman indien. Né d'un oeuf de pierre, il devient rapidement souverain de ses semblables. Mort, il réussit à ressusciter, avec un bon paquet de ses sujets dans la foulée. Ayant appris les voix du Tao et trouvé son arme légendaire, le bâton qui change de taille à volonté (eh oui c'est de là que ça vient) il devient si puissant que les dieux lui confient la garde du vergé où poussent les pêches qui confèrent l'immortalité.
Bien entendu… Il les mange toutes. Condamné à être cuit dans un four, il parvient à survivre, mais son corps est changé dans l'opération en métaux précieux. Devenu à peu près invincible, il sème alors le chaos dans le royaume des dieux ; en désespoir de cause ces derniers font alors appel au Bouddha pour le vaincre. Au cours d'une scène mémorable Souen Wu Kong finit rapetissé… A pisser dans la paume de Bouddha ! Vaincu mais immortel, on l'enfoui sous une montagne pour l'obliger à se tenir tranquille.
Quelques siècle plus tard, vient à passer par là le moine San Zang. Un grand saint aux vertus inégalables, qui s'est donné pour objectif de voyager jusqu'en Inde retrouver les sutras authentiques du Bouddha. Tellement vertueux qu'une bouchée de sa chaire donnerait dix mille ans d'immortalité ! Guan Yin, déesse de la compassion, qui veille sur lui, se dit que c'est le moment ou jamais de trouver une utilité à ce fichu singe. Il va donc devenir le compagnon de route et le garde du corps du moine. Un anneau d'or est placé autours de sa tête ; une formule permet de le faire rétrécir à volonté, de quoi lui enlever toute velléité de révolte. Mais Souen Wu Kong s'attache vite à son maitre.
Un démon repentant à tête de cochon, Tchou Pa Kai, un dragon transformé en cheval et un officier céleste déchu complètent peu à peu la troupe. Ils affrontent une quantité inimaginable de monstres et de démons, chacun équipé de quelque arme ou objet aux propriétés fantastiques, et tous amateurs de moine rôti.
Un formidable classique, dans laquelle mangas et dessins animés continuent de piocher sans vergogne – il est vrai que le puits est presque sans fond.