Il en a de la bouteille, ce Monsieur Tesson !!!
On voyage beaucoup dans le monde qu'affectionne
Sylvain Tesson, mais il faut avoir ses codes pour y accéder. Très érudit, il excelle dans l'art de la nouvelle dont la brièveté semble lui convenir.
Sans cesse en mouvement, il a beaucoup appris de la culture russe. Après avoir séjourné durant six mois, isolé dans une cabane au bord du Baïkal, notre aventurier en est revenu avec un ouvrage"
dans les forêts de Sibérie". le pofigisme, il l'a vécu et l'évoque dans nouvelle intitulée le train. Ce mot russe,sans équivalent en français, désigne " une résiliation joyeuse, désespérée, face à ce qui advient ...Les adeptes du pofigisme, écrasés par l'inéluctabilité des choses, ne comprennent pas qu'on s'agite dans l'existence...Ils s'abandonnent à vivre".
Dans ce recueil de nouvelles on trouve des personnages résignés qui vont accepter le cours de leur vie, prévisible ou ironiquement imprévisible, tel l'ermite, le facteur, l'insomniaque, ou Loïc l'apnéïste de renom emporté par sa passion.
Alors que d'autre rebelles, ne vont pas "s'abandonner". Ils vont se rebiffer et influer sur leur trajectoire de vie, tels les alpinistes du réveillon de Noël, le clandestin ou le snipper.
En observateur fin et attentif, ce vibrionnant baroudeur nous éclaire, sans empathie, sur la vie de chacun. Dans ses textes tout mot fait sens, le vocabulaire est très riche, parfois même un peu trop.
Les références littéraires et philosophiques sont nombreuses. Face à l'ironie que représente la vie en soi, l'auteur ne voit qu'une attitude possible : "
s'abandonner à vivre".
Pour nous, cela s'avère plus délicat de nous "abandonner " à la lecture de ses récits. Ils filent de l'un à l'autre, nous laissant en apnée et sans aucun répit pour nous rétablir après chacune de ses chutes, souvent saisissantes.
Un regret : en plaçant la nouvelle du train en tête,
Sylvain Tesson nous aurait facilité cette traversée initiatique.
Un conseil : chacun de ces fragments de vie doit se déguster à petites goulées.