Inspiration majeure des
Caractères de la Bruyère, qui l'a d'ailleurs traduite, l'oeuvre de Théophraste, qui date du IIIe siècle av. JC, est une galerie de personnages-types qui sont représentatifs de comportements humains guidés par un vice de prédilection : l'avarice, l'orgueil, le manque d'hygiène, etc… L'oeuvre est assez rapide à lire, puisque chaque portrait ne fait qu'empiler les observations les unes sur les autres, sans nécessairement instaurer de lien de continuité entre elles, et que celles-ci n'excèdent jamais une cinquantaine de remarques. C'est assez simple à lire, plutôt amusant, et même si le texte se réfère à une société disparue, la société grecque de l'époque, sur laquelle on apprend au demeurant un certain nombre de règles sociales, l'acuité de nombreux traits est applicable à la société française actuelle. Les portraits les plus marquants sont ceux qui peignent les intrigants, les individus qui font l'impossible pour faire partie de la bonne équipe au bon moment, sans véritables convictions propres, et qui l'abandonnent à la seconde où ils sentent le vent tourner. Les « fâcheux », comme dirait
La Bruyère, c'est-à-dire les individus qui vous assomment de discours et de politesses disproportionnées dont vous n'avez que faire, et qui n'ont pas la délicatesse de s'en apercevoir, sont aussi mémorablement démolis. Mais c'est aussi l'occasion d'un regard rétrospectif sur soi, puisque l'on se surprend en permanence à se demander si l'on correspond à tel ou tel caractère, à un peu de celui-ci, beaucoup de celui-là, etc. L'ouvrage ne peut que vous aider à vous connaître un peu mieux vous-mêmes et, qui sait, prenant conscience de tels traits sauvagement tournés en ridicule et où vous auriez le déplaisir de vous reconnaître, d'en changer. Une introduction tout-à-fait digeste et plutôt divertissante à l'oeuvre beaucoup plus complexe et austère
De La Bruyère.