L'Ent :
Lorsque le printemps déroulera la feuille du hêtre et que la sève sera dans la branche,
Lorsque la lumière sera sur la rivière de la forêt sauvage et le vent sur le front;
Lorsque le pas sera allongé, la respiration profonde et vif l'air de la montagne,
Reviens vers moi ! Reviens vers moi et dis que ma terre est belle !
L'Ent-Femme :
Lorsque le printemps sera venu sur le clos et les champs, et que le blé sera en herbe,
Lorsque la floraison, brillante neige, couvrira le verger,
Lorsque l'averse et le soleil sur la Terre de fragrance empliront l'air,
Je m'attarderai ici, et ne viendrai pas, car ma terre est belle.
L'Ent :
Lorsque l'Été s'étendra sur le monde, et que dans un midi d'or
Sous la voûte de feuilles endormies se dérouleront les rêves des arbres ;
Lorsque les salles de la forêt seront vertes et fraîches et que le vent sera à l'ouest ;
Reviens vers moi ! Reviens vers moi et dis que ma terre est la meilleure !
L'Ent-Femme :
Lorsque l'Été chauffera le fruit suspendu et de son ardeur brunira la baie ;
Lorsque la paille sera d'or et l'auricule blanche, et qu'à la ville arrivera la moisson ;
Lorsque le miel coulera et la pomme gonflera,
Je m'attarderai ici sous le soleil, parce que ma terre est la meilleure.
L'Ent :
Lorsque viendra l'Hiver, L'Hiver sauvage qui tuera colline et forêt ;
Lorsque les arbres tomberont et que la nuit sans étoiles dévorera le jour sans soleil ;
Lorsque le vent sera à l'est mortel, alors dans la cinglante pluie,
Je te chercherai et je t'appellerai ; je reviendrai vers toi !
L'Ent-Femme :
Lorsque l'Hiver viendra et que les chants finiront ; lorsque les ténèbres tomberont enfin;
Lorsque sera brisé le rameau stérile, et que seront passés la lumière et le labeur;
Je te chercherai, et je t'attendrai, jusqu'à ce que nous nous rencontrions de nouveau ;
Ensemble nous prendrons la route sous la cinglante pluie !
L'Ent :
Ensemble nous prendrons la route qui mène jusqu'à l'Ouest,
Et au loin nous trouverons une terre où nos deux cœurs pourront avoir le repos.
Ils virent qu'ils n'avaient pénétré que de trois ou quatre milles dans la forêt : les têtes des arbres descendaient le long des pentes vers la plaine. Là, à la frange de la forêt, de hautes volutes de fumée noire s'élevaient en spirale pour venir flotter en vacillant dans leur direction.
"Le vent tourne, dit Merry. Il est revenu à l'est. Il fait frais ici."
"Oui, dit Pippin ; je crains que ce ne soit qu'un rayon passager et que tout ne redevienne gris. Quel dommage ! Cette vieille forêt hirsute semblait si différente au soleil ! J'ai presque eu l'impression d'aimer cet endroit."
"Presque eu l'impression d'aimer la Forêt ! Voilà qui est bien ! C'est singulièrement bon de votre part, dit une voix étrange. Retournez-vous, que je regarde un peu vos visages. J'ai presque l'impression que vous m'êtes tous les deux antipathiques, mais pas de jugements hâtifs. Retournez-vous !"
Une grande main noueuse se posa sur leurs épaules et les fit doucement, mais irrésistiblement pivoter ; puis deux grands bras les soulevèrent.
Ils se trouvèrent alors regarder une figure des plus extraordinaires. Sa forme était semblable à celle d'un Homme, presque d'un Troll, de haute taille, quatorze pieds au main, très robuste, avec une haute tête et presque pas de cou. Il était difficile de discerner s'il était vêtu d'une matière ressemblant à une écorce verte et grise ou si c'était sa propre peau. En tout cas, les bras, à une certaine distance du tronc, n'étaient pas ridés, mais recouverts d'une peau lisse et brune. Les grands pieds avaient sept doigts chacun. La partie inférieure de la longue figure était couverte d'une vaste barbe grise, broussailleuse, presque rameuse à la racine, ténue et mousseuse à l'extrémité. Mais sur le moment, les hobbits ne remarquèrent guère que les yeux. Ces yeux profonds les examinaient à présent, lents et solennels, mais très pénétrants. Ils étaient bruns, traversés d'une lueur verte. Pippin devait souvent par la suite essayer de décrire la première impression qu'il en avait éprouvée.
"On aurait dit qu'il y avait derrière un énorme puits, rempli de siècles de souvenirs et d'une longue, lente et solide réflexion ; mais la surface scintillait du présent : comme le soleil qui miroite sur les feuilles extérieures d'un vaste arbre ou sur les ondulations d'un lac très profond. Je ne sais pas, mais on avait l'impression d'une chose qui pousserait dans la terre – d'endormie, pour ainsi dire – ou qui se sentirait entre l'extrémité de la racine et le bout de la feuille, entre la terre profonde et le ciel, se serait soudain éveillée et vous considérerait avec la même lente attention qu'elle aurait consacrée à ses propres affaires intérieures durant des années sans fin."
"Hrum, Houm, murmura la voix, une voix profonde comme celle d'un bois très grave. Très curieux, assurément ! Pas de jugements hâtifs, c'est ma devise. Mais si je vous avais vus avant d'entendre vos voix – je les ai aimées, de jolies petites voix ; elles me faisaient penser à quelque chose que je puis me rappeler – si je vous avais vus avant de vous entendre, je vous aurais simplement écrasés, vous prenant pour de petits orques, et j'aurais ensuite découvert mon erreur. Vous êtes très curieux, assurément. Racine et ramille, très curieux !"
Pippin, quoique toujours étonné, n'avait plus de crainte. Il sentait, sous ces yeux, une curieuse incertitude, mais point de peur. "Qui êtes-vous, je vous prie ? demanda-t-il. Et qu'êtes-vous ?"
Un regard bizarre se montra dans les vieux yeux, une sorte de circonspection ; les puits profonds étaient de nouveaux recouverts. "Eh bien, hrum, répondit la voix ; enfin, je suis un Ent, ou c'est ainsi qu'on me nomme. Oui, Ent, c'est le mot. L'Ent, que je suis, pour ainsi dire, dans votre façon de vous exprimer. Selon certains, mon nom est Fangorn ; d'autres disent Sylvebarbe. Sylvebarbe conviendra."
"Un Ent ? dit Merry. Qu'est-ce que cela ? Mais comment vous nommez-vous, vous-même ? Quel est votre nom véritable ?"
"Hou, voyons ! répliqua Sylvebarbe. Hou ! Ce serait tout dire ! Pas tant de hâte. Et c'est moi qui pose les questions. Vous êtes dans mon pays. Qui êtes-vous vous-mêmes, je me le demande ? Je ne vous situe pas. Vous ne semblez pas relever des anciennes listes que j'ai apprises dans mon jeune âge. Mais cela, c'était il y a bien longtemps, longtemps, et on en a peut-être fait de nouvelles. Voyons ! Voyons ! Comment était-ce ?
Apprenez maintenant la science des Créatures Vivantes !
Nommez d'abord les quatre, les gens libres :
Aînés de tous, les enfants des Elfes ;
Le Nain, fouilleur, sombres sont ses demeures ;
L'Ent, né de la terre, vieux comme les montagnes ;
L'Homme, mortel, maître des chevaux ;
Hum, hum, hum.
Le castor, constructeur, le daim, sauteur,
L'ours, chasseur d'abeilles, le sanglier, lutteur ;
Le chien courant est affamé, le lièvre peureux...
Hum, hum.
L'aigle dans son aire, le bœuf dans son pâturage,
Le cerf couronné de bois ; le faucon est plus rapide,
Le cygne le plus blanc, le serpent le plus froid...
Houm, hum ; houm, hum, comment était-ce ? Boum tum, roum tum, roumty toum tum. C'était une longue liste. Mais de toute façon, il semble que vous ne cadriez nulle part !"
"Il paraît qu'on a toujours été oubliés dans les anciennes listes et les anciennes histoires, dit Merry. Pourtant nous nous sommes promenés pas mal de temps. Nous sommes des hobbits."
"Pourquoi ne pas faire un nouveau vers ? dit Pippin :
Les hobbits semi-poussés, habitants des trous.
"Mettez-nous parmi les quatre, auprès de l'Homme (les Grandes Gens), et vous y serez."
"Heu ! Pas mal, pas mal, dit Sylvebarbe. Ca irait. Ainsi vous vivez dans les trous, hein ? Cela paraît très bien et convient parfaitement. Qui vous appelle hobbits, toutefois ? Cela ne me semble pas elfique. Les Elfes ont créé tous les anciens mots ; ce sont eux qui ont commencé la chose."
"Personne d'autre ne nous appelle hobbits ; nous nous nommons ainsi nous-mêmes", dit Pippin.
"Houm, houm ! Allons ! Pas si vite ! Vous vous nommez vous-mêmes hobbits ? Mais vous ne devriez pas aller le raconter à n'importe qui. Vous allez révéler vos propres noms réels, si vous ne faites pas attention."
"Nous ne faisons pas attention à cela, dit Merry. En fait, je suis un Brandebouc, Meriadoc Brandebouc, encore que la plupart des gens m'appellent Merry."
"Et moi, je suis un Touque, Peregrin Touque ; mais on me nomme généralement Pippin, ou même Pip.
"Hum, vous êtes vraiment des gens irréfléchis, dit Sylvebarbe. Votre confiance m'honore, mais vous ne devriez pas être trop francs tout de suite. Il y a Ents et Ents, vous savez ; ou il y a des Ents et des choses qui ressemblent aux Ents, mais qui n'en sont pas, pour ainsi dire. Je vous appellerai Merry et Pippin, s'il vous plaît – ce sont de jolis noms. Car moi, je ne vais pas vous donner le mien, pas encore, en tout cas." Une curieuse expression mi-entendue, mi-humoristique se montra dans un scintillement vert de ses yeux. "D'abord ce serait un peu long : mon nom s'allonge sans cesse, et j'ai vécu très, très longtemps ; de sorte que mon nom est comme une histoire. Les vrais noms vous racontent l'histoire des choses auxquels ils appartiennent, dans ma langue, en vieil entien, pourrait-on dire. C'est une très belle langue, mais il faut très longtemps pour dire quoi que ce soit, quand on l'emploie, parce que nous ne nous en servons que pour parler des choses qui valent une longue narration et une longue écoute."
Tout ce qui est or ne brille pas,
Tout ceux qui errent ne sont pas perdus,
Le vieux qui est fort ne dépérit point.
Les racines profondes ne sont pas atteintes par le gel.
Des cendres, un feu s'éveillera.
Des ombres, une lumière jaillira;
Renouvelée sera l'épée qui fut brisée,
Le sans-couronne sera de nouveau roi.
Le soleil était bas et la lumière de l’après midi s’allongeait sur la terre quand ils descendirent la colline. Jusque là, ils n’avaient pas rencontré une âme sur la route. Cette voie était peu usitée, étant à peine propre à la circulation des charrettes, et il y avait peu de trafic en direction du Bout-des-Bois. Ils faisaient leur petit bonhomme de chemin depuis une heure ou plus, quand Sam s’arrêta un moment comme pour écouter. Ils se trouvaient alors en terrain plat, et la route, après beaucoup de méandres, s‘étendait droit devant eux a travers des prairies parsemées de grands arbres qui annonçaient l’approche des bois.
- J’entends un poney ou un cheval qui vient sur la route derrière nous, dit Sam.
Ils se retournèrent, mais une courbe les empêchait de voir loin :
- Je me demande si c’est Gandalf qui vient nous rejoindre, dit Frodon, mais tout en prononçant ces mots, il eut le sentiment que ce ne l’était pas, et il fut pris d’un soudain désir de se cacher a la vue du cavalier.
- Cela peut n’avoir que peu d’importance, dit-il d’un ton d’excuse, mais je préférerais ne pas être vu sur la route - par personne. J’en ai par-dessus la tête des gens qui épient et discutent mes faits et gestes. Et si c’est Gandalf, ajouta-t-il après réflexion, on pourra lui faire un peu la surprise pour lui revaloir son retard. Mettons-nous à couvert!
Les deux autres coururent vivement sur la gauche se réfugier dans un petit creux non loin de la route. La, ils se tapirent. Frodon hésita une seconde : la curiosité ou quelque autre sentiment luttait avec son désir de se cacher. Le bruit de sabots approchait. Au dernier moment, il se jeta à plat ventre dans une parcelle d’herbe haute derrière un arbre qui étendait ses branches au-dessus de la route. Puis il leva la tête et jeta un coup d’œil précautionneux par-dessus une des grosses racines.
Un cheval noir, pas un poney de Hobbit, mais un vrai cheval, s’avançait dans le tournant; et dessus était assis un homme de grande taille qui semblait ramassé sur la selle, enveloppé dans un grand manteau noir a capuchon, de sorte que seules ses bottes se voyaient en dessous dans les hauts étriers, sa figure était invisible dans l’ombre.
Arrivé à l’arbre, au niveau de Frodon, le cheval s’arrêta. Le cavalier resta immobile, la tête baissée, comme s’il écoutait. De sous le capuchon vint le son de quelqu’un qui renifle pour saisir une odeur
fugitive, la tête se tourna d’un coté à l’autre de la route.
Une peur irraisonnée d’être découvert s’empara soudain de Frodon, et il pensa à son Anneau. Il osait à peine respirer et pourtant le désir de le sortir de sa poche devint si fort qu’il commença de remuer lentement la main. Il sentait qu’il lui suffisait de le glisser à son doigt et qu’alors il serait en sécurité. L’avis de Gandalf paraissait absurde. Bilbon avait utilisé L’Anneau. «Et je suis encore dans la Comté», pensa-t-il comme sa main touchait la chaine a laquelle l’Anneau était attaché. A ce moment, le cavalier se redressa et agita les rênes. Le cheval repartit, doucement au début, puis à un trot rapide.
The sun was beginning to get low and the light of afternoon was on the land as they went down the hill. So far they had not met a soul on the road. This way was not much used, being hardly fit for carts, and there was little traffic to the Woody End. They had been jogging along again for an hour or more when Sam stopped a moment as if listening. They were now on level ground, and the road after much winding lay straight ahead through grass-land sprinkled with tall trees, outliers of the approaching woods.
“I can hear a pony or a horse coming along the road behind,” said Sam.
They looked back, but the turn of the road prevented them from seeing far. “I wonder if that is Gandalf coming after us,” said Frodo; but even as he said it, he had a feeling that it was not so, and a sudden desire to hide from the view of the rider came over him.
“It may not matter much,” he said apologetically, “but I would rather not be seen on the road - by anyone. I am sick of my doings being noticed and discussed. And if it is Gandalf,” he added as an afterthought, “we can give him a little surprise, to pay him out for being so late. Let’s get out of sight!”
The other two ran quickly to the left and down into a little hollow not far from the road. There they lay flat. Frodo hesitated for a second : curiosity or some other feeling was struggling with his desire to hide. The sound of hoofs drew nearer. Just in time he threw himself down in a patch of long grass behind a tree that overshadowed the road. Then he lifted his head and peered cautiously above one of the great roots.
Round the corner came a black horse, no hobbit-pony but a full-sized horse; and on it sat a large man, who seemed to crouch in the saddle, wrapped in a great black cloak and hood, so that only his boots in the high stirrups showed below; his face was shadowed and invisible.
When it reached the tree and was level with Frodo the horse stopped. The riding figure sat quite still with its head bowed, as if listening. From inside the hood came a noise as of someone sniffing to catch an elusive scent; the head turned from side to side of the road.
A sudden unreasoning fear of discovery laid hold of Frodo, and he thought of his Ring. He hardly dared to breathe, and yet the desire to get it out of his pocket became so strong that he began slowly to move his hand. He felt that he had only to slip it on, and then he would be safe. The advice of Gandalf seemed absurd. Bilbo had used the Ring. “And I am still in the Shire,” he thought, as his hand touched the chain on which it hung. At that moment the rider sat up, and shook the reins. The horse stepped forward, walking slowly at first, and then breaking into a quick trot.