AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,94

sur 1825 notes
Célèbre roman réécrit à la sauce philosophique, la première moitié traine en longueur : Robinson, seul sur son île, tente de recréer le mode de vie propre à sa civilisation. Cela donne lieu a un déballage de considérations métaphysiques farfelues, voire psychanalytiques (l'île étant assimilé à sa soeur puis à sa mère, et Robinson la fécondant au propre comme au figuré, Freud n'est pas très loin...). N'étant pas sûr de savoir si l'auteur cherche à montrer son personnage comme ayant perdu la tête ou s'il l'utilise pour pérorer sérieusement sur des abstractions délirantes, je vais lui donner le bénéfice du doute.
Ce roman n'a pas pour but d'être une représentation réaliste de la survie sur une île, mais de se servir du contexte pour déployer symbolisme et allégories, sur lesquels l'auteur a eu la main lourde. La postface souligne :
« "Je tâtonne à la recherche de moi-même dans une forêt d'allégories", affirme le personnage principal, (p.216). Ce pourrait être également la sensation du lecteur. »

Cela continue dans la seconde moitié mais le rythme décolle un peu grâce à l'arrivée de Vendredi. Si celui-ci donne son titre au roman, il reste néanmoins un personnage secondaire dont l'importance ne passe que par son impact sur la vie de Robinson. Ce dernier abandonne le mode de vie strictement planifié de la simili-civilisation qu'il a construit, pour adopter celui au jour le jour de Vendredi. La culture occidentale apparait chronophage, insatiable, stressante et insatisfaisante pour Robinson, sur qui elle finit par peser. Cet aspect rend cette seconde partie plus démonstrative, elle parle plus au lecteur. C'est d'ailleurs l'occasion pour l'auteur de caser des expressions comme "habitus" ou "éternel retour" pour bien signifier que c'est de la philo.
Pour autant, la vulgarisation des questions philosophiques n'est pas toujours à la hauteur. Michel Tournier voulait la faire passer sous la forme d'un roman qui puisse être accessible, populaire, agréable à lire ; or les cent premières pages ne manqueront pas d'assommer l'innocent lecteur qui pensait s'amuser.
Quant au lecteur détaché qui cherche un style artistique, il repartira aussi l'air contrit, la mine basse, car sans être mauvaise l'écriture ne sort pas non plus de l'ordinaire. Elle fourmille de petits mots inusuels, recherchés, et de jargon propre à certaines disciplines, par exemple la navigation, qui sont venus enrichir mon vocabulaire ; mais le langage soutenu ne décide pas plus du style que le sel la qualité d'une viande. le niveau de langage participe au style en correspondant au ton que l'auteur cherche à adopter ; plus soutenu ne veut pas dire mieux écrit. Dans notre cas, il n'y a pas de ton particulier ; il s'agit de phrases types, sans rythme, sans musicalité, purement fonctionnelles. Ce manque de style se retourne contre l'auteur lorsqu'on tombe sur le même mot pour faire bien plusieurs fois ; ainsi "déréliction", employé trois fois en moins de soixante pages, saute aux yeux du lecteur dans toute son artificialité. Je reprocherais de même à l'auteur de ne pas varier ses métaphores : "épées de feu" est employé plus de quatre fois pour parler des rayons du soleil. La figure sonne faux et met mal à l'aise la première fois ; il n'y a pas de raison pour que l'effet soit meilleur au bout de quatre.
Commenter  J’apprécie          83
Une formidable redécouverte de ce beau roman, de belles réflexions sur la société, la solitude, le rapport à autrui, un style majestueux. Je retournerai volontiers sur l'île Esperanza où " seul le sourire d'un ami aurait pu lui rendre le sourire".
Commenter  J’apprécie          80
Vendredi ou les limbes du Pacifique, de Michel Tournier, est de mes livres préférés.
Je l'ai lu adolescente, je l'ai relu récemment, et comme la première fois, il m'a éblouie. C'est un roman d'une beauté folle, étourdissante et lumineuse. Avec un style travaillé et limpide, l'auteur explore l'âme humaine, l'intime, l'inconscient, en l'ouvrant au monde qui l'entoure. Robinson Crusoé, le personnage central du livre, incarne cela.
Naufragé, livré à lui-même, fort de ses certitudes d'homme blanc civilisé du XVIIIème siècle, il échoue à vouloir reproduire sur son île le modèle qu'il connaît. Comme sur un organisme vivant, la greffe ne prend pas et le projet de civilisation de Robinson est rejeté par une explosion salvatrice . C'est le tournant du livre, où Robinson meurt pour mieux renaître grâce à Vendredi (jusque là considéré comme un être inférieur par Robinson) ; il devient alors son modèle, son initiateur, son jumeau. Robinson renaît donc à la vie, au plaisir, à la sensualité, au mysticisme, en faisant un avec la terre et le soleil.
Commenter  J’apprécie          71
Bon, l'histoire est connue et archi-connue donc pas de surprise de ce coté là. Mais la façon dont la traite Michel Tournier m'a complètement déstabilisée.
Robinson devient complètement apathique et résigné. Il se perd dans la contemplation. J'avais envie de le secouer et de hurler dessus.
Bref, déçue par le traitement de cette aventure.
Commenter  J’apprécie          73
Dans un monde où l'on a tendance à s'éloigner de la terre au profit du numérique, (re)lisons Vendredi ou les limbes du Pacifique. Ou, sous un autre titre (peut-être trop long) : Histoire d'une relation entre l'île de Sperenza et Robinson Crusoé. Une relation qui évolue avec le temps, la solitude, mais aussi avec la rencontre de cet indien, Vendredi.

Robinson est à mes yeux un résumé de l'humanité : le conquérant, l'administrateur, le dominateur, le religieux. Or, un élément va tout remettre en question : Vendredi. On est d'abord impressionné avec quel racisme Robinson L accueille (alors qu'il n'a vu personne depuis près de 20 ans...!). Robinson, donc, le soumet d'abord...puis une relation bien plus complexe va se nouer entre les deux êtres.

Les réflexions du Log-Book sont par ailleurs éblouissantes et justifient le prix qu'a reçu ce roman. Tantôt philosophiques, tantôt religieuses, tantôt juste belles, M. Tournier nous permet ainsi d'apercevoir le cheminement d'un homme sur une île, vu de l'extérieur et de l'intérieur.

Ce qui peut aussi choquer, c'est la sexualité ! Car, concrètement, Robinson fait l'amour avec la terre ! Or, Tournier tourne cela d'une telle sorte que l'on y voit l'union de l'humanité avec la nature. En outre, le plus surprenant est le choix de Robinson : rester sur l'île alors qu'un bateau s'y présente. Plus impressionnant encore, la découverte de cet enfant, mousse échappé, qu'il appelle Jeudi, non significations.

Ce livre est donc une pure merveille, qu'il convient de lire et de relire, car le cheminement de Robinson et Vendredi peut en rappeler un autre : l'histoire de notre rapport à la terre, à la solitude et à l'altérité.
Commenter  J’apprécie          61
Robinson n'est pas cité dans le titre et laisse la préférence à Vendredi. Pourtant il s'agit bien de Robinson et de son retour à la nature.
Ce roman explore les états d'âme et les questionnements d'un être dont la solitude incline à l'essentiel. Les pulsions élémentaires, sexuelles et le désir de complétude viennent alors redéfinir les limites de l'homme. Puis, lorsque Vendredi se joint à son isolement, le partage entre égoïsme et acceptation de la différence se pose.
La vie dans cette microsociété engendre de nouveaux pouvoirs : domination-soumission, aliénation-renaissance, et dans cet espace clos que sont les limbes, entre enfance et coma, entre vie et mort, l'esprit humain erre et réapprend.
Commenter  J’apprécie          60
J'ai du rater quelque chose! Des mois que je l'attends, que je n'en entends que du bien, peut-être avais-je mis la barre trop haut. A mi-chemin entre le compte philosophique et le récit initiatique, on se permet de glaner quelques fulgurances de l'auteur ça et là, mais pour le reste, j'avoue être rester dubitatif.
Commenter  J’apprécie          64
Ce livre est plein de philosophie, à lire et à relire. le "moi" n'est-il qu'une illusion sans l'autre ? C'est autrui qui donne matière à notre existence. Seul, l'égo, se perd... Cette perdition de l'ego est magnifiquement racontée par Michel Tournier.
On y retrouve de la poésie, de la philosophie et une aventure hors du commun.
Que devient l'individu échoué sur une île déserte ?
Quelle sera sa relation à l'espace et au temps ?
Commenter  J’apprécie          60
Qu'advient-il à un homme, sans autrui, sur une île déserte ?
Au moment où Tournier faisaient des études d'ethnologie, le Robinson Crusoé de Daniel Defoe ressort alors en poche. Il l'a lu, en ayant en mémoire tout ce qu'il a appris dans ses cours : le langage, la notion de sauvage, de civilisé. Il décida alors de faire un nouveau Robinson, en prenant en compte les acquis de l'ethnographie.
Dans ces deux histoires, des points communs : le naufrage lors d'une tempête, un survivant solitaire, l'élaboration d'un nouveau monde, la visite de sauvages anthropophages.
Mais aussi des variantes conséquentes : Defoe plaçait sin histoire dans les Caraïbes, Tournier la replace dans le lieu d'un vrai ‘'Robinson'', un écossais qui choisit de vivre seul quelques années sur un archipel au large du Chili au XVIIIes, dans le Pacifique. C'est alors, du XVIIIe au XXes, le lieu où on pouvait espérer fuir la civilisation. Et alors que Defoe veut montrer un Robinson des origines, qui reconstitue une nouvelle société à l'image de celle qu'il connait, économique et sociale, Tournier veut montrer la déshumanisation : homme sexué dans un lieu fantastique, son Robinson humanise l'ile qu'il considère comme son épouse. Il féconde la terre et se fond en elle (p 159, enracinement de sa barbe).
Les deux histoires évoluent d'abord avec de nombreuses similitudes et on retrouve parfaitement dans le livre de Tournier les grandes étapes du Robinson de Defoe : abri dans une grotte, construction d'un navire inutilisable, nouvelle organisation et maitrise du territoire (‘'comme l'humanité jadis, il était passé du stade de la cueillette et de la chasse à celui de l'agriculture et de l'élevage''). A tel point que je me demandais l'intérêt d'une telle réécriture. Mais le Robinson à la lumière de l'ethnographie est bien plus humain, montre davantage ses faiblesses (‘'En vérité, il éprouvait une insurmontable répugnance pour tout ce qui pouvait ressembler à des travaux d'installation dans l'île'') , ses doutes. La mesure du temps semble lui donner un nouveau pouvoir sur l'Ile, une maitrise de son monde.
‘'Rien de tel pour percer l'âme d'un homme que de l'imaginer revêtu d'un pouvoir absolu auquel il peut imposer sa volonté sans obstacle''. Et cela s'applique parfaitement à Robinson dès que Vendredi entre dans sa vie. Là s'arrête les ressemblances. Alors que le premier RC fait preuve d'humanité, le second est le maître du monde, jusqu'à ce que son monde s'écroule. Alors commence pour les deux habitants de l'île une nouvelle vie. La fin, quant à elle, reste ouverte. Comment Robinson va-t-il se comporter avec Jeudi ?
Commenter  J’apprécie          60
" C'est ça qui est incroyable dans le personnage de Robinson Crusoé, c'est qu'il parle à tous les hommes, quel que soit le point de vue sous lequel on l'observe : il y a le technicien et l'administrateur, il y a le colonisateur puis le poète, l'homme de l'île déserte, le philosophe de la solitude et il y a le lecteur de la Bible." (M. Tournier)

Les limbes, ce séjour des innocents avant la Rédemption, ce sont aussi cet espace improbable où Robinson plus tout à fait vivant n'est pas encore mort : un flottement, une suspension...

C'est donc l'histoire d'une âme errante que nous conte ce magnifique roman de Tournier qui, quelques années plus tard transformera l'essai en un intangible chef d'oeuvre, "Vendredi ou la Vie sauvage", prouvant par là-même qu'il ne saurait y avoir de cloison entre la littérature jeunesse et la Littérature.

Semblable au Magnum Opus des alchimistes, le récit philosophique de cet homme qui s'apprivoise lui-même, passe par quatre étapes.

L'oeuvre au noir initie le roman qui voit Robinson, poussé par la solitude, se dissoudre (dans la souille, puis dans le coeur même de Speranza telle la fève dans son épiphanie).

L'insulaire se transforme en anachorète, c'est l'oeuvre au blanc par laquelle Robinson se purifie l'âme et le corps à travers le tamis de la Loi, celle de Dieu et des hommes.

Avec l'arrivée du sauvage Vendredi, c'est l'étape de l'oeuvre au jaune : la sublimation du héros qui devient maître de son île et de son serviteur.

Enfin, l'oeuvre au rouge, après la destruction de l'ouvrage de Robinson par l'indomptable Vendredi, ouvre une longue période, intemporelle, sous le signe du soleil. Chaque jour est une héliophanie (merveilleux néologisme de Tournier) célébrée par le "mercure" Robinson et le soufre "Vendredi", dans une union chaste mais féconde.

Le style de l'auteur est rêche, rocailleux et exige du lecteur une profonde attention (surtout le "Log-book" de Robinson, journal de bord philosophique d'un homme livré à lui-même). Mais les fusées poétiques de Tournier font mouche : comment rester insensible aux mandragores de la combe rose, à la harpe éolienne, aux flèches qui ne trouvent jamais le repos ou à la chute du cèdre, roi de l'île ?

Un roman inoubliable !

(à M. Hémery)
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
Commenter  J’apprécie          61




Lecteurs (6608) Voir plus



Quiz Voir plus

vendredi ou la vie sauvage

qui est le personnage principal

vendredi
robinsson
dimanche
samedi

4 questions
409 lecteurs ont répondu
Thème : Vendredi ou La Vie sauvage de Michel TournierCréer un quiz sur ce livre

{* *}