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sur 426 notes
En cet an de grâce 1922, la Mère Russie, désormais bolchevique, n'apprécie guère qu'on lui résiste. Le comte Alexander Rostov, aristocrate imperturbable et invétéré, en fait les frais. Refusant de renier sa classe sociale, il n'est condamné ni au peloton d'exécution ni au goulag sibérien, mais est assigné à résidence, et à vie, dans une mansarde du luxueux hôtel Metropol à Moscou. Noblesse oblige, le comte accepte la sentence avec élégance, sans amertume ni esprit de revanche, et prend le parti de régler sa vie comme du papier à musique pour éviter de sombrer dans l'abîme d'ennui qui le menace pour quelques dizaines d'années. Heureusement pour lui, l'hôtel est vaste et peuplé de gens intéressants, des grooms aux clients les plus illustres. A force de déambuler dans les couloirs, boutiques et restaurants du Metropol, il se lie d'amitié avec le chef-cuisinier et le maître d'hôtel; avec Nina, une jeune cliente intrépide de neuf ans (qui, des années plus tard, lui confiera sa fille Sofia); avec Anna, actrice célèbre. Il devient même chef de rang du restaurant, fréquenté désormais par l'élite soviétique et la diplomatie et la presse étrangères. Un poste de choix pour observer l'évolution de la vie politique, de Staline à Khrouchtchev, à travers les conversations et les confidences de ce microcosme. Regarder, écouter, se taire (ou presque), telle est la sainte trinité respectée par le comte, qui n'a pas renoncé à la liberté, et qui comprend qu'en réalité il est "l'homme le plus verni de Russie".

Dieu que ce comte Alexander Rostov est un personnage aimable ! Et comme on aimerait être l'objet de ses attentions! Un gentleman exquis, parfait, raffiné, séduisant,... un vrai prince charmant ! Et il faut reconnaître que cette belle histoire tient un peu du conte, avec des amitiés à toute épreuve d'un côté et de l'autre les sorcières malveillantes du stalinisme, qui tiennent votre vie entre leurs doigts crochus et arbitraires. Un jeu de chat et de souris dans les méandres de la bureaucratie et dans le labyrinthe des couloirs secrets du Metropol, entre des Gentils très attachants et des Méchants dangereux mais qu'on finit par faire tourner en bourriques. Les péripéties ne sont pas toujours très vraisemblables mais qu'importe, on a envie d'y croire et ça fonctionne, avec cocasseries, drames, grande cuisine, amour, amitié et loyauté. Mesdames, ce "gentleman à Moscou" est un pur caviar...

En partenariat avec les éditions Fayard via Netgalley.
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1922. le comte Rostov est jugé par le Commissariat du Peuple et échappe à la peine de mort. Il doit désormais vivre à demeure à l'hôtel Metropol de Moscou. Mais est-ce si négatif ? Son meilleur ami lui avoue d'ailleurs que dans cette situation, il est probablement le plus verni des hommes de Russie.


Ce très gros roman m'a tenu en haleine. Je ne sais pas s'il faut le qualifier de roman historique, car il a l'allure d'un conte. L'auteur nous raconte la vie d'un microcosme grâce à une galerie d'anecdotes. Il est également le prétexte pour nous peindre en toile de fond l'évolution de la vie quotidienne en Russie et les événements politiques. L'auteur n'est pas avare en références littéraires et musicales. Rostov ne serait –il pas par ailleurs un clin d'oeil appuyé à un personnage de Tolstoï ? Les réactions des personnages, en particulier de Rostov, nous enseignent une certaine philosophie de la vie. J'ai aimé la finesse de ce personnage qui vit en exil chez lui dans un monde en plein bouleversement.
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Très décevant malgré les avis dithyrambiques. Je me suis profondément ennuyée. Il ne se passe quasiment rien durant 600 pages, un exploit ! L'auteur se complaît dans des descriptions creuses, par exemple 2 pages pour dire que le héros attend midi pour aller chez le coiffeur ... Bref je n'en rajoute pas .pas emballée mais à vous de vous faire votre opinion .
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Le comte Alexandre Illitch Rostov (Sasha pour les intimes) a été assigné à résidence à vie dans l'hôtel Metropol où il vivait dans une suite.

On lui reproche d'avoir écrit un poème, contre la révolution (1916 !) et d'être revenu d'exil « pour prendre les armes » et "d'avoir succombé de manière irrévocable au pouvoir corrupteur de sa classe", il est donc une menace pour le régime. Il n'échappe au peloton d'exécution que parce qu'il n'a pas été tendre non plus avec le régime tsariste.

Amor Towles fait démarrer son récit alors que la révolution d'octobre vient d'avoir lieu, et on va suivre ainsi le héros de 1922 à 1954 durant toute la période soviétique, on croisera ainsi Staline alias Soso, Khrouchtchev dont on suivra les manoeuvres pour prendre la succession.


Ce comte m'a énormément plu par la manière dont il réussit à transformer cet exil intérieur, cette prison qu'est devenue l'hôtel, où il a été relégué sous les combles dans un réduit qu'il va organiser pour le rendre habitable et lui donner une âme. Il fait rapidement le tri dans ce qu'il peut et veut y emporter, ce qui a de la valeur pour lui, pour se souvenir du passé, de sa soeur décédée très jeune : l'horloge de son père qui ne sonne que deux fois par jour : midi et minuit, ce que l'on a fait avant midi prouve que l'on a été efficace sans perdre son temps et quand elle sonne à minuit : il est trop tard…

Il voit défiler les nouveaux "grands du régime" : on est pour le partage, mais on garde le plaisir du bien manger et du confort (Léo Ferré ne disait-il pas : "on peut être anarchiste et aimer le confort") et leur réunionite, il rencontre Nina dont le père est un notable et cette petite fille, par sa curiosité, ses questions, va établir une relation profonde avec lui, lui faisant explorer tous les recoins de l'hôtel, les couloirs cachés, il va ainsi s'approprier un domaine qui lui était étranger.

Amor Towles introduit un autre personnage savoureux avec Ossip, un dignitaire du régime qui veut tout apprendre de l'Europe, et demande à Sasha de lui expliquer la civilisation et la littérature françaises puis anglaises puis américaines ce qui donne des échanges savoureux, clin d'oeil au passage à Humphrey Bogart, au faucon maltais !

J'ai beaucoup aimé Nina et la relation qu'ils tissent tous les deux ; Nina qui veut qu'il lui explique l'éducation des filles sous le tsarisme, ou Nina qui veut vérifier la loi de Newton en faisant tomber divers objets du haut de l'escalier, chronomètre à la main, Nina pleine de fougue et d'idéalisme qui va partir loin dans la campagne participer à la réforme de l'agriculture, Nina qui prend conscience de la réalité…

Sasha évolue tout au long du roman, en même temps que la société bouge, que l'on nomme des gens incompétents mais pistonnés pour servir à table, surveiller les commandes et les stocks… et faire des dossiers sur le personnel… Par exemple l'épisode des vins est extraordinaire : on arrache toutes les étiquettes des bouteilles, et on n'aura plus qu'un seul choix : vin blanc ou vin rouge, où on pourra servir aussi bien un Petrus que de la piquette pour le même prix !

Sasha réussit à s'adapter, à l'imbécillité, à la surveillance à peine voilée, devenant à son tour serveur dans un des restaurants de l'hôtel, en gardant la même élégance, la même maîtrise et forme avec ses deux amis cuisinier et ce qu'ils appelleront le triumvirat

On suit aussi l'évolution d'un autre personnage, Mischka, l'ami de Sasha, écrivain qui peut continuer son métier : il veut publier des lettres de Tchékhov mais manuscrit refusé car la dernière phrase de la dernière lettre porte atteinte au régime ! comme il ne veut pas céder, déportation… il disait que Sasha était un assigné à résidence verni, car plus libre dans sa prison-hôtel que lui en liberté…

D'autres personnages haut en couleur passent aussi dans l'hôtel, véritable lieu de rencontre, avec des Américains, tel Richard avec lequel il échange des idées en partageant un verre au bar…

Pour ne pas spolier, je ne dirai rien d'un autre personnage qui jouera un rôle important dans la vie de Sasha et montrera les ressources de cet homme.

J'ai retrouvé dans ce roman l'âme russe que j'aime tant, j'avais l'impression que l'ami Fiodor n'était pas loin, alors que le régime dégommait la statue de Gogol car pas assez souriant pour la remplacer par celle de Gorki, tout acquis au régime…

On ne s'ennuie pas une seconde en lisant ce roman et on peut l'aborder par différentes clés, la politique, la réforme agraire, la révolte des paysans, le goulag, ou par le côté délation avec l'immonde Fou, ou l'amitié entre ces trois hommes, la relation paternelle, la résilience etc….

L'écriture est magnifique elle aussi, avec des références littéraires, un éloge des écrivains de Montaigne à Dostoïevski. Et la dernière partie est géniale ! j'ai fait durer le plaisir, car je n'avais aucune envie d'abandonner les personnages…

Bref, j'ai adoré ce livre, dont la couverture est magnifique, c'est mon coup de coeur de cette rentrée, qui hélas est passé beaucoup trop inaperçu à mon goût. En fait je l'ai découvert en lisant quelques critiques sur babelio et je vous engage vivement à le lire… et comme toujours quand j'adore, je suis dithyrambique mais j'assume !

Je remercie vivement les éditions Fayard et NetGalley qui m'ont permis de lire ce roman !
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Condamné le 21 juin 1922 à l'exil intérieur l'aristocrate et sémillant Comte Alexandre Ilitich Rostov se retrouve contraint de vivre désormais dans le grand hôtel Métropol de Moscou où il avait ses habitudes , puisqu'il y séjournait déjà .....

Quittant sa luxueuse suite 217, aux dimensions grandioses il emménage dans un vulgaire bout de grenier, mansarde étroite avec deux fauteuils Voltaire, deux lampes de table en forme d'éléphant, la vaisselle en porcelaine de Limoges de sa grand-mère , un portait de sa soeur Helena disparue en 1916, deux bouteilles de cognac et surtout , surtout ses chers livres . ...

Sans amertume , en gentilhomme, reclus et décidé , il accepte la sentence et son huit- clos de bonne grâce .

Il consacre son énergie ——ni à la soif de vengeance , ni aux lamentations , ni aux aigreurs —— mais à «  la gestion des détails pratiques «  autrement dit : «  Continuer à vivre » .
Quelle belle histoire !
Où l'on côtoie les Essais de Michel de Montaigne—— Tolstoi , Techekhov, Guerre et paix, Tchaïkovski, Pouckhine , Gogol et les âmes mortes , Nicolaïsme Boukharme , directeur de la Pravda ——-et bien d'autres âmes Russes.

J'ai adoré déambuler sous les ors et les tentures épaisses ,au sein des couloirs feutrés du grand hôtel, monter les escaliers avec Alexandre ou les descendre avec lui de sa chambre à la lingerie, aux cuisines et au sous- sol qui regorge de tant de trésors , à la cave ——côtoyer femmes de chambre, couturières, serveurs polis et zélés, sans être serviles, le maître d'hôtel solennel et précis tout en retenue, les grooms , le directeur ——-
Accompagner Nina Koulikova , une fillette de neuf ans qui bouleversera le cours de la vie bien rangée d' Alexandre Rostov. ...
Cet ouvrage nous dévoile un homme charmeur .
Il a du coeur, aime se distraire, à force de vodka, de charme et d'esprit sait obtenir des confidences en nouant des liens étroits avec le personnel. ....
Ses aventures sont relatées en évoquant par petites touches la situation politique de la Russie au long cours , durant trente ans ....N'en disons pas trop !
Quel personnage!
Cet ouvrage est un maelström subtil , original, de drôlerie ,fantaisie , insondable et gravité .

L'auteur a su reconstituer avec habileté le côté historique et la personnalité de cet homme : hédoniste ,flegmatique parfois, méditatif, typiquement un anti - héros .

L'écriture colle parfaitement au personnage et à l'histoire : riche, raffinée, posée, réfléchie , soignée dans les détails .
L'on quitte à regret les couloirs de l'hôtel Métropol, les déambulations et les réflexions d'Alexandre Rostov ....
Un récit enlevé et original.
Je tiens à signaler la première de couverture stylisée, soignée , sur fond noir et ses motifs emblématiques de l'âme Russe !



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Passer une trentaine d'années de votre vie dans un luxueux hôtel, ça vous tenterait ?
C'est ce que va vivre le comte Alexandre Illitch Rostov après avoir été condamné à vivre en résidence surveillée à l'hôtel Metropol de Moscou. Il va pour cela devoir quitter sa très belle suite pour emménager dans une minuscule chambre de bonne, mais il prend cette sentence avec philosophie, beaucoup de ses compatriotes n'ayant pas eu autant de chance et finissant plutôt au goulag ou devant un peloton d'exécution.

Que ces 600 pages m'ont semblé courtes !
J'ai adoré déambuler en compagnie du comte dans les immenses couloirs de ce magnifique hôtel, manger au Boyarski, le restaurant qui accueille les hôtes les plus prestigieux, monter et descendre les escaliers qui mènent de sa chambre aux cuisines, à la lingerie, au sous-sol regorgeant de trésors, côtoyer le maître d'hôtel, le cuisinier, les serveurs, le concierge, les femmes de chambre, les grooms, le directeur et les clients les plus illustres de la Russie ou d'ailleurs parmi lesquels des hommes politiques ou une célèbre actrice…

Ce roman est magistral, il nous raconte trente années de la vie d'un homme mais aussi d'un pays, il nous montre comment on peut vivre, vivre bien, et même être heureux alors que notre existence pourrait sembler si limitée et sans aucune perspective.
Il nous dévoile l'esprit et le coeur d'un homme, un homme qui aime les livres et les gens, un homme honnête avec lui-même, un homme qui aime manger, boire, rire, aimer.
Un homme qui a souffert, qui a beaucoup perdu, ses biens et ses proches, mais un homme qui garde espoir, un homme qui n'hésite pas à prendre des risques pour ce qu'il croit juste.
J'ai dévoré ce gros roman tout en essayant de ne pas le terminer trop vite, tant j'ai aimé passer du temps avec le comte Rostov, me sentant meilleure car j'ai presque eu l'impression que sa bonté, sa compassion, son humanité et son humour déteignaient sur moi.
Un très grand merci à Beverly qui m'a conseillé ce livre.
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"A la question du procureur sur les raisons qui le poussèrent à rentrer à Moscou après s'être enfui à Paris, le comte Alexandre Ilitch Rostov, imperturbable, répondit : « le climat me manquait. » Après une brève délibération, le comte fut condamné à rejoindre l'hôtel Metropol où il avait déjà passé quelques années de détention.
Arrivé en terrain connu et salué de tous, il atteignit la suite du deuxième étage dont « les hautes fenêtres donnaient sur les tilleuls de la place du Théâtre », pensant reprendre le fil des jours passés. Au lieu de quoi, le capitaine qui l'escortait lui montra ses nouveaux quartiers, trois étages plus haut, dans un grenier passablement encombré…
Après avoir récupéré quelques effets personnels, Alexandre Illitch mit un peu d'ordre dans son nouvel habita, sous l'oeil d'un chat « bleu de Russie borgne qui ne laissait jamais rien de ce qui se passait entre les murs de l'hôtel lui échapper », puis retrouva ses amis, Andreï, le maître d'hôtel, Vassili, le concierge et Marina, promue couturière, avec lesquels il trinqua joyeusement à leurs retrouvailles.
L'hôtel Metropol est le lieu privilégié des dîners officiels et des réunions politiques, témoin parfait de l'histoire de la Russie des années trente et de l'ambiance qui règne à Moscou à cette époque. C'est aussi le lieu où l'on raconte des histoires de princesses, où l'on croise des actrices, des touristes émerveillés, des journalistes et autres personnages influents de tous pays, C'est là, donc, que réside Son Excellence, le comte Rostov, aristocrate né à Saint-Pétersbourg qui, nullement déstabilisé par sa détention, donne vie à cet espace clôt, somme toute plutôt confortable, qui devient, au quotidien, ville, voire pays tout entier. Habitué à voir le meilleur en chacun, il met son éducation et son érudition au service d'un sens de l'observation inné et d'une rapidité de jugement qui lui permettent de dénouer les situations les plus improbables avec élégance.
Ce roman en forme de poupée russe ne cesse de nous surprendre et de nous enchanter. Par son verbe enjoué, parfois grave, le narrateur rend un bel hommage à la culture russe. On entend Pouchkine, Dostoïevski, Maïakovski, on déguste les mets et les vins qui rappellent le temps d'avant et l'on assiste aux drames qui accompagnent les transformations de la Russie soviétique."
Elisabeth Dong ( Extrait) pour Double Marge


Lien : https://doublemarge.com/un-g..
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Un gentleman à Moscou fait partie de ces histoires un peu grinçantes et enchâssées où le passé tout à la fois éclaire et trouble le présent.

Le lecteur est entraîné dans les vestiges d'un monde aux apparences trompeuses.
Il est question de réclusion entre quatre murs d'un hôtel, sous cloche, et pour autant l'enfermement n'a jamais semblé aussi vaste, mouvementé, riche et enchanteur.

Cette fresque romanesque est perlée d'anecdotes, de témoignages d'amitié, de saveur de nostalgie, de plusieurs exercices de mémoire et des réflexions sur le temps qui passe.

On côtoie les grands noms de l'art, de la culture, de la musique, et de la littérature russe du début du siècle, ainsi que des grands moments qui ont marqué la vie socio-politique de la Russie de l'après la Première Guerre mondiale. L'âme russe de cette période est clairement omniprésente tout au long du récit.

Parfois l'ironie frise la loufoquerie car Amor Towles a une manière toute particulière de raconter la brillante épopée d'un gentleman exceptionnel qui refuse de tomber dans les affres d'une existence recluse.

Bien que souffrant de quelques longueurs, Un gentleman à Moscou et portée par une étonnante forte centrifuge et de belles envolées poétiques.


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Porté par un franc succès outre Atlantique, Un gentleman à Moscou se présente aux lecteurs francophones, derrière une très belle couverture noir et or, illustrée symboliquement par quelques thèmes du roman. Un bien beau volume de presque six cents pages, auquel on reprochera juste son poids. L'auteur, un Américain du nom d'Amor Towles, est devenu romancier sur le tard, après une carrière d'analyste financier.

J'ai toujours aimé les histoires d'aventuriers gentlemen. Leur élégance, leur sang-froid, leur humour, dissimulant des qualités intellectuelles et physiques exceptionnelles, ont nourri mes rêves d'enfant et d'adolescent : Phileas Fogg, le so british héros de Jules Verne, m'a fasciné ; j'aurais voulu être Arsène Lupin, le génial gentleman-cambrioleur ; j'ai été ébloui par James Bond, l'agent très spécial et très séducteur au service secret de Sa Majesté. Un gentleman à Moscou m'a donc ramené à ma jeunesse et m'a fait penser à un best-seller des années soixante, que je me souviens d'avoir lu et relu avec enthousiasme à l'époque : On n'a pas toujours du caviar, de Johannes Mario Simmel.

Le propre du gentleman est de s'en tenir scrupuleusement à une éthique et à des règles de comportement qui lui sont propres, sans se préoccuper de l'air du temps, sans se soucier de l'opinion du commun, sans chercher non plus à en imposer. Tel est bien le personnage imaginé par l'auteur, le comte Alexandre Ilitch Rostov, membre de l'ordre de Saint-André, membre du Jockey Club, et j'en passe. Ce comte Rostov, Sasha pour les intimes, n'est ni français, ni british, mais russe, profondément russe, russe jusqu'au bout des ongles, russe de la première à la dernière ligne du roman.

Mais en 1922, du seul fait de sa naissance, cet homme se trouve hors des normes bolcheviques, un crime qui dans le régime soviétique, mérite la peine de mort, ou à minima, la déportation au fin fond de la Sibérie. Heureusement, grâce à un poème dont on lui attribue – à tort (*) – la paternité, le comte Rostov n'est condamné qu'à une assignation à perpétuité à son domicile, le luxueux hôtel Metropol, en plein centre de Moscou, où il réside depuis la Révolution et la perte de la propriété familiale.

Pendant plus de trente ans, le comte ne franchira pas les portes de l'hôtel, où l'on lui attribue une minuscule mansarde sous les toits, un lieu qu'il saura agrémenter à sa façon, à l'insu de ses geôliers. Pendant toutes ces années, son ingéniosité, son entregent et son humour lui permettront de tirer les ficelles d'intrigues et de manipulations en tout genre, pour la plupart avec bienveillance. Il influera sur le fonctionnement de l'établissement, notamment celui des restaurants, qui conserveront grâce à lui un niveau de qualité apprécié par les nouveaux maîtres du Kremlin et leurs visiteurs étrangers.

Un gentleman à Moscou, c'est trente ans d'anecdotes romanesques plaisantes, drôles, parfois émouvantes, mêlées de commentaires philosophiques de bon aloi, émaillées de références culturelles brillantes et d'évocations de l'âme russe, le tout sur fond d'histoire de l'Union Soviétique, depuis la rédaction de sa Constitution, jusqu'à l'habile prise de pouvoir par Khrouchtchev en 1954.

Les déviations absurdes du régime sont illustrées dans leurs applications les plus ridicules. L'exemple le plus cocasse est l'arrachage systématique des étiquettes sur les bouteilles de la somptueuse cave à vins de l'hôtel, afin de mettre un terme à une inégalité contraire aux idéaux de la Révolution. Désormais, au Boyarsky, le meilleur restaurant de Moscou, ce sera rouge ou blanc, à prix unique.

Le livre est très agréable à lire, même si le texte français aurait peut-être mérité un peu plus de fignolage. Il faut saluer la cohérence globale des nombreuses péripéties. Je m'interroge juste sur une paire de chaussures disparue dans la dernière partie du livre, sans que j'aie vraiment compris l'intérêt de cette disparition. Ce n'est qu'un détail sans importance.

(*) L'histoire du poème en prologue est dévoilée dans les dernières parties du livre. Si tu veux la connaître, chère lectrice, cher lecteur, tu devras lire le roman jusqu'au bout.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Moscou, 1922. Alexandre Ilitch Rostov, comme beaucoup d'aristocrates de l'époque, est dans la ligne de mire du nouveau régime qui se met en place. Sur base d'un poème écrit quelques années auparavant, ré-interprété, il sera condamné et assigné à résidence, sa vie durant, à l'hôtel où il séjourne depuis quatre ans, le Metropol.
De la suite qu'il occupait, il sera "déménagé" dans une chambre de bonne au dernier étage; ses biens seront confisqués, hormis ceux qu'il choisira comme indispensable à sa nouvelle vie, dont ses livres et une grosse malle.

Le Metropol était l'hôtel par excellence, où se côtoyaient hommes d'Etat, stars de cinéma, aristocrates de tous les horizons, offrant à ses hôtes le nec plus ultra des services et des plaisirs : restaurants, bar, salles de bal et de réunion, mais aussi barbier, couturière, etc...

Au cours des 32 années confiné dans cet hôtel (et oui, lui aussi...), Alexandre Rostov était pour tous "Votre Excellence" ou "Monsieur le comte". Il devient "Monsieur", puis "Alexandre". Il troqua son costume de ville pour le tablier de serveur au restaurant le Boyarski.
Mais jamais il ne se départi de son élégance, de son calme, de son humour. Savoir-vivre, bonnes manières, érudition, l'ont toujours aidé à se faire apprécier et respecté, auparavant par ses pairs, puis par les clients qu'il servait. de grandes amitiés sont nées.

Il en a vu passer des gens et des personnalités au fil des années ! Bien qu'il soit toujours resté égal à lui-même, comme vivant sur son nuage, il ne manqua pas d'observer que les suites de l'hôtel, la fine cuisine et l'orchestre, tout cela continuait à servir les nantis du pays. Mais, ce n'était plus "Votre Excellence" qui était usité, mais "camarade".

Alexandre Rostov est un personnage romanesque très caractéristique : haut en couleur, fidèle à ses valeurs, courageux, fin observateur, d'une élégance rare. Hautain, mais d'un caractère noble.
Aidé de ce personnage, Amor Towles nous emmène en Russie, à travers son histoire si lourde, si riche, si complexe, empreint de mélancolie, mais enveloppé d'un beau voile blanc.

Véritable coup de coeur pour moi, autant pour le héros principal et tous les personnages secondaires (qu'il faut découvrir aussi !), que pour la trame historique, le tout servi par une écriture fine et limpide, qui se lit comme un vrai roman d'aventure. Avec beaucoup d'humour aussi, des scènes dignes de grands vaudevilles, des bons petits plats, de la grande littérature russe. Bref, l'auteur est un amoureux.

Je relirai très certainement ce livre. J'ai appris aussi des tas de petits faits historiques amenés sous forme d'anecdotes dans l'histoire ou de notes en bas de page.

L'évasion est au rendez-vous.
Le plaisir est garanti.
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