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sur 426 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En cet an de grâce 1922, la Mère Russie, désormais bolchevique, n'apprécie guère qu'on lui résiste. Le comte Alexander Rostov, aristocrate imperturbable et invétéré, en fait les frais. Refusant de renier sa classe sociale, il n'est condamné ni au peloton d'exécution ni au goulag sibérien, mais est assigné à résidence, et à vie, dans une mansarde du luxueux hôtel Metropol à Moscou. Noblesse oblige, le comte accepte la sentence avec élégance, sans amertume ni esprit de revanche, et prend le parti de régler sa vie comme du papier à musique pour éviter de sombrer dans l'abîme d'ennui qui le menace pour quelques dizaines d'années. Heureusement pour lui, l'hôtel est vaste et peuplé de gens intéressants, des grooms aux clients les plus illustres. A force de déambuler dans les couloirs, boutiques et restaurants du Metropol, il se lie d'amitié avec le chef-cuisinier et le maître d'hôtel; avec Nina, une jeune cliente intrépide de neuf ans (qui, des années plus tard, lui confiera sa fille Sofia); avec Anna, actrice célèbre. Il devient même chef de rang du restaurant, fréquenté désormais par l'élite soviétique et la diplomatie et la presse étrangères. Un poste de choix pour observer l'évolution de la vie politique, de Staline à Khrouchtchev, à travers les conversations et les confidences de ce microcosme. Regarder, écouter, se taire (ou presque), telle est la sainte trinité respectée par le comte, qui n'a pas renoncé à la liberté, et qui comprend qu'en réalité il est "l'homme le plus verni de Russie".

Dieu que ce comte Alexander Rostov est un personnage aimable ! Et comme on aimerait être l'objet de ses attentions! Un gentleman exquis, parfait, raffiné, séduisant,... un vrai prince charmant ! Et il faut reconnaître que cette belle histoire tient un peu du conte, avec des amitiés à toute épreuve d'un côté et de l'autre les sorcières malveillantes du stalinisme, qui tiennent votre vie entre leurs doigts crochus et arbitraires. Un jeu de chat et de souris dans les méandres de la bureaucratie et dans le labyrinthe des couloirs secrets du Metropol, entre des Gentils très attachants et des Méchants dangereux mais qu'on finit par faire tourner en bourriques. Les péripéties ne sont pas toujours très vraisemblables mais qu'importe, on a envie d'y croire et ça fonctionne, avec cocasseries, drames, grande cuisine, amour, amitié et loyauté. Mesdames, ce "gentleman à Moscou" est un pur caviar...

En partenariat avec les éditions Fayard via Netgalley.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Le comte Alexandre Illitch Rostov (Sasha pour les intimes) a été assigné à résidence à vie dans l'hôtel Metropol où il vivait dans une suite.

On lui reproche d'avoir écrit un poème, contre la révolution (1916 !) et d'être revenu d'exil « pour prendre les armes » et "d'avoir succombé de manière irrévocable au pouvoir corrupteur de sa classe", il est donc une menace pour le régime. Il n'échappe au peloton d'exécution que parce qu'il n'a pas été tendre non plus avec le régime tsariste.

Amor Towles fait démarrer son récit alors que la révolution d'octobre vient d'avoir lieu, et on va suivre ainsi le héros de 1922 à 1954 durant toute la période soviétique, on croisera ainsi Staline alias Soso, Khrouchtchev dont on suivra les manoeuvres pour prendre la succession.


Ce comte m'a énormément plu par la manière dont il réussit à transformer cet exil intérieur, cette prison qu'est devenue l'hôtel, où il a été relégué sous les combles dans un réduit qu'il va organiser pour le rendre habitable et lui donner une âme. Il fait rapidement le tri dans ce qu'il peut et veut y emporter, ce qui a de la valeur pour lui, pour se souvenir du passé, de sa soeur décédée très jeune : l'horloge de son père qui ne sonne que deux fois par jour : midi et minuit, ce que l'on a fait avant midi prouve que l'on a été efficace sans perdre son temps et quand elle sonne à minuit : il est trop tard…

Il voit défiler les nouveaux "grands du régime" : on est pour le partage, mais on garde le plaisir du bien manger et du confort (Léo Ferré ne disait-il pas : "on peut être anarchiste et aimer le confort") et leur réunionite, il rencontre Nina dont le père est un notable et cette petite fille, par sa curiosité, ses questions, va établir une relation profonde avec lui, lui faisant explorer tous les recoins de l'hôtel, les couloirs cachés, il va ainsi s'approprier un domaine qui lui était étranger.

Amor Towles introduit un autre personnage savoureux avec Ossip, un dignitaire du régime qui veut tout apprendre de l'Europe, et demande à Sasha de lui expliquer la civilisation et la littérature françaises puis anglaises puis américaines ce qui donne des échanges savoureux, clin d'oeil au passage à Humphrey Bogart, au faucon maltais !

J'ai beaucoup aimé Nina et la relation qu'ils tissent tous les deux ; Nina qui veut qu'il lui explique l'éducation des filles sous le tsarisme, ou Nina qui veut vérifier la loi de Newton en faisant tomber divers objets du haut de l'escalier, chronomètre à la main, Nina pleine de fougue et d'idéalisme qui va partir loin dans la campagne participer à la réforme de l'agriculture, Nina qui prend conscience de la réalité…

Sasha évolue tout au long du roman, en même temps que la société bouge, que l'on nomme des gens incompétents mais pistonnés pour servir à table, surveiller les commandes et les stocks… et faire des dossiers sur le personnel… Par exemple l'épisode des vins est extraordinaire : on arrache toutes les étiquettes des bouteilles, et on n'aura plus qu'un seul choix : vin blanc ou vin rouge, où on pourra servir aussi bien un Petrus que de la piquette pour le même prix !

Sasha réussit à s'adapter, à l'imbécillité, à la surveillance à peine voilée, devenant à son tour serveur dans un des restaurants de l'hôtel, en gardant la même élégance, la même maîtrise et forme avec ses deux amis cuisinier et ce qu'ils appelleront le triumvirat

On suit aussi l'évolution d'un autre personnage, Mischka, l'ami de Sasha, écrivain qui peut continuer son métier : il veut publier des lettres de Tchékhov mais manuscrit refusé car la dernière phrase de la dernière lettre porte atteinte au régime ! comme il ne veut pas céder, déportation… il disait que Sasha était un assigné à résidence verni, car plus libre dans sa prison-hôtel que lui en liberté…

D'autres personnages haut en couleur passent aussi dans l'hôtel, véritable lieu de rencontre, avec des Américains, tel Richard avec lequel il échange des idées en partageant un verre au bar…

Pour ne pas spolier, je ne dirai rien d'un autre personnage qui jouera un rôle important dans la vie de Sasha et montrera les ressources de cet homme.

J'ai retrouvé dans ce roman l'âme russe que j'aime tant, j'avais l'impression que l'ami Fiodor n'était pas loin, alors que le régime dégommait la statue de Gogol car pas assez souriant pour la remplacer par celle de Gorki, tout acquis au régime…

On ne s'ennuie pas une seconde en lisant ce roman et on peut l'aborder par différentes clés, la politique, la réforme agraire, la révolte des paysans, le goulag, ou par le côté délation avec l'immonde Fou, ou l'amitié entre ces trois hommes, la relation paternelle, la résilience etc….

L'écriture est magnifique elle aussi, avec des références littéraires, un éloge des écrivains de Montaigne à Dostoïevski. Et la dernière partie est géniale ! j'ai fait durer le plaisir, car je n'avais aucune envie d'abandonner les personnages…

Bref, j'ai adoré ce livre, dont la couverture est magnifique, c'est mon coup de coeur de cette rentrée, qui hélas est passé beaucoup trop inaperçu à mon goût. En fait je l'ai découvert en lisant quelques critiques sur babelio et je vous engage vivement à le lire… et comme toujours quand j'adore, je suis dithyrambique mais j'assume !

Je remercie vivement les éditions Fayard et NetGalley qui m'ont permis de lire ce roman !
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Passer une trentaine d'années de votre vie dans un luxueux hôtel, ça vous tenterait ?
C'est ce que va vivre le comte Alexandre Illitch Rostov après avoir été condamné à vivre en résidence surveillée à l'hôtel Metropol de Moscou. Il va pour cela devoir quitter sa très belle suite pour emménager dans une minuscule chambre de bonne, mais il prend cette sentence avec philosophie, beaucoup de ses compatriotes n'ayant pas eu autant de chance et finissant plutôt au goulag ou devant un peloton d'exécution.

Que ces 600 pages m'ont semblé courtes !
J'ai adoré déambuler en compagnie du comte dans les immenses couloirs de ce magnifique hôtel, manger au Boyarski, le restaurant qui accueille les hôtes les plus prestigieux, monter et descendre les escaliers qui mènent de sa chambre aux cuisines, à la lingerie, au sous-sol regorgeant de trésors, côtoyer le maître d'hôtel, le cuisinier, les serveurs, le concierge, les femmes de chambre, les grooms, le directeur et les clients les plus illustres de la Russie ou d'ailleurs parmi lesquels des hommes politiques ou une célèbre actrice…

Ce roman est magistral, il nous raconte trente années de la vie d'un homme mais aussi d'un pays, il nous montre comment on peut vivre, vivre bien, et même être heureux alors que notre existence pourrait sembler si limitée et sans aucune perspective.
Il nous dévoile l'esprit et le coeur d'un homme, un homme qui aime les livres et les gens, un homme honnête avec lui-même, un homme qui aime manger, boire, rire, aimer.
Un homme qui a souffert, qui a beaucoup perdu, ses biens et ses proches, mais un homme qui garde espoir, un homme qui n'hésite pas à prendre des risques pour ce qu'il croit juste.
J'ai dévoré ce gros roman tout en essayant de ne pas le terminer trop vite, tant j'ai aimé passer du temps avec le comte Rostov, me sentant meilleure car j'ai presque eu l'impression que sa bonté, sa compassion, son humanité et son humour déteignaient sur moi.
Un très grand merci à Beverly qui m'a conseillé ce livre.
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"A la question du procureur sur les raisons qui le poussèrent à rentrer à Moscou après s'être enfui à Paris, le comte Alexandre Ilitch Rostov, imperturbable, répondit : « le climat me manquait. » Après une brève délibération, le comte fut condamné à rejoindre l'hôtel Metropol où il avait déjà passé quelques années de détention.
Arrivé en terrain connu et salué de tous, il atteignit la suite du deuxième étage dont « les hautes fenêtres donnaient sur les tilleuls de la place du Théâtre », pensant reprendre le fil des jours passés. Au lieu de quoi, le capitaine qui l'escortait lui montra ses nouveaux quartiers, trois étages plus haut, dans un grenier passablement encombré…
Après avoir récupéré quelques effets personnels, Alexandre Illitch mit un peu d'ordre dans son nouvel habita, sous l'oeil d'un chat « bleu de Russie borgne qui ne laissait jamais rien de ce qui se passait entre les murs de l'hôtel lui échapper », puis retrouva ses amis, Andreï, le maître d'hôtel, Vassili, le concierge et Marina, promue couturière, avec lesquels il trinqua joyeusement à leurs retrouvailles.
L'hôtel Metropol est le lieu privilégié des dîners officiels et des réunions politiques, témoin parfait de l'histoire de la Russie des années trente et de l'ambiance qui règne à Moscou à cette époque. C'est aussi le lieu où l'on raconte des histoires de princesses, où l'on croise des actrices, des touristes émerveillés, des journalistes et autres personnages influents de tous pays, C'est là, donc, que réside Son Excellence, le comte Rostov, aristocrate né à Saint-Pétersbourg qui, nullement déstabilisé par sa détention, donne vie à cet espace clôt, somme toute plutôt confortable, qui devient, au quotidien, ville, voire pays tout entier. Habitué à voir le meilleur en chacun, il met son éducation et son érudition au service d'un sens de l'observation inné et d'une rapidité de jugement qui lui permettent de dénouer les situations les plus improbables avec élégance.
Ce roman en forme de poupée russe ne cesse de nous surprendre et de nous enchanter. Par son verbe enjoué, parfois grave, le narrateur rend un bel hommage à la culture russe. On entend Pouchkine, Dostoïevski, Maïakovski, on déguste les mets et les vins qui rappellent le temps d'avant et l'on assiste aux drames qui accompagnent les transformations de la Russie soviétique."
Elisabeth Dong ( Extrait) pour Double Marge


Lien : https://doublemarge.com/un-g..
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Moscou, 1922. Alexandre Ilitch Rostov, comme beaucoup d'aristocrates de l'époque, est dans la ligne de mire du nouveau régime qui se met en place. Sur base d'un poème écrit quelques années auparavant, ré-interprété, il sera condamné et assigné à résidence, sa vie durant, à l'hôtel où il séjourne depuis quatre ans, le Metropol.
De la suite qu'il occupait, il sera "déménagé" dans une chambre de bonne au dernier étage; ses biens seront confisqués, hormis ceux qu'il choisira comme indispensable à sa nouvelle vie, dont ses livres et une grosse malle.

Le Metropol était l'hôtel par excellence, où se côtoyaient hommes d'Etat, stars de cinéma, aristocrates de tous les horizons, offrant à ses hôtes le nec plus ultra des services et des plaisirs : restaurants, bar, salles de bal et de réunion, mais aussi barbier, couturière, etc...

Au cours des 32 années confiné dans cet hôtel (et oui, lui aussi...), Alexandre Rostov était pour tous "Votre Excellence" ou "Monsieur le comte". Il devient "Monsieur", puis "Alexandre". Il troqua son costume de ville pour le tablier de serveur au restaurant le Boyarski.
Mais jamais il ne se départi de son élégance, de son calme, de son humour. Savoir-vivre, bonnes manières, érudition, l'ont toujours aidé à se faire apprécier et respecté, auparavant par ses pairs, puis par les clients qu'il servait. de grandes amitiés sont nées.

Il en a vu passer des gens et des personnalités au fil des années ! Bien qu'il soit toujours resté égal à lui-même, comme vivant sur son nuage, il ne manqua pas d'observer que les suites de l'hôtel, la fine cuisine et l'orchestre, tout cela continuait à servir les nantis du pays. Mais, ce n'était plus "Votre Excellence" qui était usité, mais "camarade".

Alexandre Rostov est un personnage romanesque très caractéristique : haut en couleur, fidèle à ses valeurs, courageux, fin observateur, d'une élégance rare. Hautain, mais d'un caractère noble.
Aidé de ce personnage, Amor Towles nous emmène en Russie, à travers son histoire si lourde, si riche, si complexe, empreint de mélancolie, mais enveloppé d'un beau voile blanc.

Véritable coup de coeur pour moi, autant pour le héros principal et tous les personnages secondaires (qu'il faut découvrir aussi !), que pour la trame historique, le tout servi par une écriture fine et limpide, qui se lit comme un vrai roman d'aventure. Avec beaucoup d'humour aussi, des scènes dignes de grands vaudevilles, des bons petits plats, de la grande littérature russe. Bref, l'auteur est un amoureux.

Je relirai très certainement ce livre. J'ai appris aussi des tas de petits faits historiques amenés sous forme d'anecdotes dans l'histoire ou de notes en bas de page.

L'évasion est au rendez-vous.
Le plaisir est garanti.
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Aujourd'hui, nous partons à Moscou pour un confinement de trente ans dans un hôtel luxueux…

Suite à un procès, le comte Rostov est condamné à vitre en résidence à l'hôtel Metropol sans avoir le droit de mettre un pied dehors sous réserve d'être exécuté ! Autre surprise désagréable, il doit quitter immédiatement sa suite luxueuse pour s'installer dans une chambrette mansardée minuscule au 5e étage, que l'ascenseur ne dessert pas… Quelle dégringolade pour ce comte habitué aux fastes d'une existence bourgeoise.

N'ayez crainte, le comte n'est pas homme à s'apitoyer sur son sort, il va s'adapter. Sa rencontre avec Nina, neuf ans, va être un réel réconfort, elle va l'aider à supporter cet enfermement en lui faisant visiter tous les recoins de l'hôtel ; seules ses lombaires en souffriront !

Au fil du temps, Alexandre va se lier d'amitié avec une partie du personnel de l'hôtel et s'il ne peut pas sortir, le monde va venir à lui ! Il va ainsi recevoir la visite de son ami et côtoyer quelques clients de l'hôtel…

Au final, dans cette petite chambre qu'il saura aménager à son image, au sein de cet hôtel où il va avoir ses habitudes, la vie va lui réserver quelques agréables surprises…

Honnêtement, au départ, je me suis dis, oh la la, trente ans dans cette mansarde pourrie, et ce pendant 668 pages, on va un tantinet s'ennuyer ! Eh bien, pas du tout ! Parce qu'il va se passer de nombreux évènements, et que l'histoire est racontée de façon totalement addictive ! Et petit bonus, il y a de nombreuses références à la littérature !

Bref, un super roman, drôle, attachant, qui va vous embarquer dans ce Metropol duquel vous n'aurez aucune envie de sortir. Et une fin… Ah ! Lisez, vous verrez !

À lire confortablement installé(e) sur une méridienne, en dégustant des toasts avec du caviar (des oeufs de lompe, éventuellement) avec un verre de Vodka ! Bonne lecture !
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COUP DE COEUR !!!
Un gentleman à Moscou d' Amor Towles, Fayard, août 2018.
Nous sommes en 1922, le Comte Alexandre Illitch Rostov de retour à Moscou depuis 1918 est condamné par un tribunal bolchevique à vivre en résidence surveillée... Il devra donc loger à l'hôtel Metropol avec interdiction formelle d'en sortir. Cet homme raffiné, cultivé, habitué à voyager de par le monde accepte de bon gré son sort. Nous le suivons donc pas à pas, semaine après semaine, mois après mois , année après année, dans sa prison dorée .
Ne croyez pas que le Comte ne se tient pas informé de ce qui se déroule hors les murs de l'hôtel. Il est au contraire au premières loges, politiques, diplomates, journalistes, artistes tous se pressent au Metropol ...L'histoire se joue en grande partie autour d'une table ou d'un verre de vodka .
Voilà le décor est planté et après l'achimie opère. Amor Towles nous propose ici un roman que j'ai dégusté , savouré. Un gentleman à Moscou n'est pas à vraiment parler un roman historique même si l'histoire est là omniprésente, c'est surtout le magnifique portrait d'un homme hors du commun fier d'être russe, encore et toujours russe.
Un immense merci aux éditions Fayard via netGalley pour ce partage. #UnGentlemanàmoscou #NetGalleyFrance
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Je viens de passer un de mes meilleurs moments de lecture depuis un bout de temps. Dans la catégorie plaisir pur, procuré par des héros que l'on n'a pas du tout envie de quitter et une science de la narration qui vous transporte immédiatement au coeur de l'intrigue. J'avais déjà apprécié dans le premier roman d'Amor Towles, Les règles du jeu, l'atmosphère un brin désuète, voire nostalgique qui irriguait son histoire. Cette fois, il y a en plus une superbe élégance et une tonalité teintée de cet humour pince sans rire que l'on jurerait émaner d'un auteur britannique si l'on ne connaissait pas la nationalité de l'auteur. Quant au comte Alexandre Rostov, le gentleman du titre, comment ne pas succomber à son charme ?

Nous sommes donc à Moscou, au début des années 1920, époque de reconstructions et de transformations après une guerre mondiale et surtout une révolution sanglante. Les aristocrates ont en général opté pour l'exil mais Alexandre Rostov a préféré regagner son pays alors qu'il séjournait à Paris pendant les événements. Convoqué devant un tribunal révolutionnaire, il échappe miraculeusement à la peine de mort et à l'emprisonnement mais se voit assigné à résidence à l'hôtel Metropol où il a posé ses valises. Là, il doit dire adieu à sa suite et se trouve relégué sous les combles dans une sorte de chambre de bonne. Les consignes sont claires : il ne doit pas poser un pied en dehors du bâtiment sinon... Nous allons donc le suivre durant une bonne trentaine d'années et croyez-moi, cela n'a rien ni de statique ni d'ennuyeux.

D'abord parce que le comte Rostov est un pur produit d'un monde qui croyait avant tout dans le pouvoir de la culture et de la transmission ; nourri aux grands auteurs, philosophes, stratèges ou romanciers, il ne manque pas de références pour affronter les différentes situations qui s'offrent à lui. A commencer par trouver le moyen de garder la maitrise du cours de sa vie, malgré l'enfermement. Ensuite parce que l'hôtel Metropol n'est pas n'importe quel bâtiment. Idéalement placé au coeur de Moscou entre le Kremlin et le Bolchoï (un plan au début du livre permet de se faire une idée précise), il est au centre de la vie culturelle et politique moscovite. Des étages complets sont ainsi réquisitionnés au lendemain de la Révolution pour enfermer les membres de la commission chargés de rédiger la Constitution de l'Union Soviétique. Enfin, parce que ce lieu de passage offre au comte de multiples occasions de rencontres et que ses qualités d'observateur et d'homme du monde vont se transformer en ressources insoupçonnées, pour le plus grand plaisir du lecteur. Car savoir tenir une conversation, organiser un plan de table en évitant les fausses notes ou encore transmettre sa connaissance du monde à travers l'ouverture que lui a procuré sa culture, tout ceci va s'avérer éminemment politique.

Outre que ce livre possède tous les ingrédients romanesques qui captent le lecteur, il nous parle avec élégance du temps qui passe, des transformations voulues ou subies, des mondes qui changent. Il y a dans le personnage de Rostov quelque chose du Prince Salina dans le Guépard. En tout cas j'ai eu le visage de Burt Lancaster à l'esprit pendant toute ma lecture. On y lit également de très jolies choses sur la littérature, russe notamment, et des observations savoureuses sur les différences culturelles entre URSS et Etats-Unis à travers les différentes périodes traversées. Car c'est aussi un pan de notre histoire récente qui nous est offert, par le prisme de cet endroit singulier, excellent poste d'observation. Comme le dit Rostov à la fin du livre "entre ces murs, le monde est passé".

Un roman au long cours, qui invite à prendre le temps et dans lequel on s'immerge avec un rare plaisir. Compagnon idéal de soirées plaid et boisson fumante (ou vodka), savoureux, élégant et puissamment romanesque. J'aime décidément beaucoup cet auteur.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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1922, condamné pour sa noblesse, le comte Alexandre Rostov est assigné à résidence dans le luxueux hôtel Metropol, face au Bolchoï. Un huis-clos d'une trentaine d'années, élégant, raffiné et gourmand, un monde à part de la tourmente politique et pourtant en son centre, où se croisent dirigeants du parti, journalistes, cuisinier et serveurs, couturière et concierge, et de petites filles curieuses. Un roman léger et grave, drôle et nostalgique, pertinent et impertinent, social, politique et terriblement humain.
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La couverture est absolument superbe, et c'est ce superbe écrin qui m'a attiré en premier, pour ce roman de 571 pages. D'où l'importance des belles couvertures qui, si on l'examine de près, en disent beaucoup et laissent planer une part de mystère. Ce qui m'a intéressé aussi, bien sûr, c'est le sujet du livre : l'existence du comte Rostov, assigné à résidence pendant trente ans à l'hôtel Metropol. Libre de ses mouvements, oui, mais à l'intérieur de l'hôtel - et sa chambre ne sera pas la suite où il avait l'habitude de séjourner.
Philosophe, le comte ? Oui, à sa manière. Rentré dans son pays alors qu'il vivait à Paris, il accepte son sort, et l'on peut comprendre ce choix, à la lecture de son passé à la découverte de sa personnalité. A l'intérieur de l'hôtel, il noue des amitiés solides, au fur et à mesure que le temps passe, et même, gardien des traditions dans une société qui du passé semble avoir fait entièrement table rase, il devient serveur dans le restaurant Boyarski. Il assiste ainsi à des ascensions, à des chutes aussi suivies de disparition, ou d'éloignement. Lui qui est véritablement en résidence surveillée connaît le petit monde qui se retrouve à l'hôtel, mais aussi qui se rend au Bolchoi tout proche. Il s'interroge aussi, sur les particularités de l'âme russe, ce qui la différencie des manières d'être des autres nations - lui qui se retrouve à donner des cours de "culture"(devrai-je dire de savoir-vivre mondain ?) à un diplomate du nouveau régime.
Surtout, surtout, c'est l'amour qu'il rencontre dans cet hôtel. Je pourrai vous parler de l'amour dans le sens le plus traditionnel du terme, avec une belle actrice qui saura mener sa carrière devant la caméra comme en coulisse. Non, je vous parle de l'amour à mi-chemin entre le paternel et le fraternel qu'il éprouve pour Nina, et à qui il devra la découverte de maints secrets. Elle lui offrira la plus belle et la plus douloureuse des surprises : des vies n'ont pas fini d'être broyées en Russie.
Une oeuvre dense et intense.
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