J'ai apprécié cet ensemble de poèmes qui donne un vaste panorama de l'oeuvre de
Marina Tsvétaïeva, que je ne connaissais pas du tout, et que j'ai découverte grâce à la belle critique de @HordeduContrevent.
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Marina Tsvetaïeva a commencé à écrire très tôt - ici, les premiers poèmes datent de 1913, elle avait 21 ans. La poétesse a connu des jours sombres, durant la révolution russe (alors que son mari avait rejoint le parti des Blancs), puis durant la seconde guerre mondiale, pour se suicider en 1941, à 49 ans. Il n'est toutefois pas nécessaire de connaître sa vie dans les détails pour entrer dans ce recueil, sinon qu'elle adopte de multiples destinataires, le "tu" étant dans ses poèmes la personne naturelle qu'elle utilise pour les adresser.
Marina Tsvetaïeva a connu de nombreuses relations amoureuses, autant avec des femmes (Sofia Parnok par exemple, à qui elle dédie un groupe de poèmes) que des hommes ; ses poèmes rendent souvent compte de la passion, du déchirement des séparations, parfois de la déception amoureuse, de l'incompréhension, et souvent de la solitude qui devait résulter de ces échecs amoureux. Je me suis même fait la réflexion, en lisant un poème écrit alors qu'elle allait perdre sa petite fille, Irène, âgée de 3 ans, qu'elle était plus amante qu'aimante, et notamment mère aimante. Je me suis demandé si entre son coeur déchiré par les amours, réelles ou imaginaires, qu'elle vivait successivement, et son travail de poète, elle avait pu trouver de la place pour ses enfants.
Il est assez difficile d'entrer de manière continue dans ce corpus de poèmes, car si les thèmes sont universels, et si
L Histoire rend certains ensembles particulièrement intéressants, sa poésie très symboliste, voire épurée, peut être malaisée à suivre ; parfois, les mêmes images reviennent et usent un peu le sens (les ailes des poètes, comme des anges, ou encore Carmen et don Juan)... Toutefois, il se produit au fil du temps un effet d'habituation, comme si, étranger dans une demeure, alors que les volets battent et que la tempête de neige prend possession de la nuit sur la plaine, on pouvait y entrer se rapprocher du feu, qui nous chuchoterait des paroles amies dans une langue oubliée. Elle recrée des moments vécus, cette langue, et les étincelles en sont les intuitions fulgurantes de l'âme, nue face à elle-même. Il est facile alors de se rappeler des souvenirs personnels, de penser à nos êtres chers, et à notre tour, de leur parler, par le fil tendu de cette langue exigeante, par le rythme et la respiration égale insufflée au vers par un usage bien particulier de la ponctuation (les tirets, notamment).
J'ai trouvé que la plupart de ces poèmes, souvent assez courts et écrits en quatrains, s'ils avaient une forme originale, non conforme à la poésie classique, étaient très évocateurs, dressaient sous nos yeux des tableaux, des vignettes instantanées, de jour comme de nuit, posaient des jalons au cours de cette vie ponctuée d'amours, d'amitiés, d'admirations, de regrets. C'est finalement une somme qui implique davantage le lecteur qu'un seul recueil thématique ; on en ressort essoré, en se disant que si la vie est difficile, et que la tentation du vide, de la fin, du tombeau (tentation présente tout au long de sa vie poétique) reste obsédante, la poésie peut être une lumière qui guide l'âme errante et sans repos, et qui se partage.