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EAN : 9782715228207
64 pages
Le Mercure de France (08/11/2007)
3.74/5   34 notes
Résumé :

" C'est le seul point faillible, le seul point attaquable, la seule brèche dans cette entité parfaite que sont deux femmes qui s'aiment. L'impossible, ce n'est pas de résister à la tentation de l'homme, mais au besoin de l'enfant. " Ce texte de Marina Tsvétaïéva (1892-1941) sur l'amour des femmes entre elles est adressé à Natalie Clifford Barney (1876-1972) en réponse à ses Pensées d'une amazone ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Réponse de la bergère à la bergère… Marina TSVETAEVA (dont l'orthographe du nom varie en fonction des éditions), répond, dans son court ouvrage à Natalie Clifford BARNEY qui publia « Pensées d'une amazone » en 1920. La réponse fut écrite en octobre 1932 et nous donne véritablement à réfléchir sur le féminisme. Marina TSVETAEVA, auteure et poétesse russe (1892-1941), au dur passé, a choisi le français comme langue d'écriture. Pourtant elle fait figure d'illustre inconnue dans l'hexagone, parfois même rejetée par le mouvement surréaliste qui a cours à ce moment-là.

L'ouvrage se présente comme un récit épistolaire dans lequel l'auteure s'adresse directement à Natalie Clifford BARNEY, par ce « Vous » tant empreint de respect qu'il ne s'écrit qu'avec une majuscule à l'initiale. Tout comme le motif de « l'Enfant », lui aussi magnifié tant il est désiré. « Mais l'autre, ce n'est pas être aimée en Enfant qu'elle veut, c'est un Enfant à aimer ».

TSVETAEVA met en avant la sororité, il ne s'agit pas de dénigrer l'ouvrage-cible, il s'agit de préciser cette « lacune, ce laissé en blanc, ce trou noir (…) l'Enfant». L'auteure nous conte la détresse d'un couple lesbien confronté au désir d'enfant sans homme, où avoir un enfant c'est avoir un avenir de couple, qu'elle oppose aux amants, eux mourant tels Roméo et Juliette, tragiquement. Avoir un enfant sans homme, cet ennemi, être légitime pour demander un enfant d'elle et de soi sans avoir besoin de lui : « Les unes commencent par aimer le donateur, les autres finissent par l'aimer, d'autres encore finissent par le subir, d'autres finissent par ne le subir plus ». Refus que l'un des corps ne soit souillé par la semence masculine.

Une réflexion bien en avance sur son temps si l'on considère le débat qui existe toujours au XXIè siècle concernant la PMA pour les couples homosexuels. L'adoption n'est pas une réponse pour TSVETAEVA, les liens de sang répondent à ce besoin impérieux d'obtenir l'image de celle que l'on aime, un prolongement de l'être adulé, « une petite toi à aimer ». Vouloir un enfant. En choisir le géniteur. le choisir parmi une liste d'ennemis potentiels, parmi le masculin, l'autre, celui qui est en dehors des amours, qui n'a pas intérêt à entrer dans l'intime, dans la vie, ni trop près ni trop longtemps.

Pour l'auteure, c'est l'Enfant qui sauve l'homme, qui lui permet de changer de statut : d'être honni, fui, il devient être désiré, que l'on appelle de tous ses voeux, pour avoir accès à cet Enfant tant attendu. Il est aussi la perte du couple originel, de ces deux femmes, l'âgée et la jeune comme TSVETAEVA les désigne. L'âgée mourra seule de n'avoir pu combler le désir de la jeune qui sera partie avec l'homme et dont elle s'accommodera : « c'est (…) toute la chose qui est condamnée dans chaque cas d'amour entre femmes ».

Finalement, il n'y a pas plus contemporain que ce texte. Alors même que la maternité, dans les années 70, était largement décriée par les féministes de tout poil, elle est au centre de la réflexion de l'auteure. Au XXIème siècle encore, cette question est centrale : les mères ou les soupirantes maternelles côtoient les child free, ces dernières accusant les premières d'annihiler la cause féministe par des désirs paradoxaux de maternité, porte ouverte à la répression patriarcale.

Certaines vont se tourner vers Dieu, mais « Une fois pour toutes, Dieu n'a rien à voir dans l'amour charnel. Son nom, joint ou opposé à n'importe quel nom aimé, qu'il soit masculin ou féminin, sonne comme un sacrilège. Il y a des choses incommensurables : Christ et l'amour charnel. Dieu n'a rien à voir dans toutes ces misères, sinon pour nous en guérir. Il a dit une fois pour toutes : - Aimez-moi, l'Eternel. Hors cela – tout est vain. Pareillement, irrémédiablement vain. Par le fait même d'aimer un humain de cet amour-là, je trahis Celui qui pour moi et pour l'autre est mort sur la croix de l'autre amour ».

Lettre choc, à lire juste après « La femme brouillon » d'Amandine DHÉE dont la réédition en poche vient juste de sortir. En un sens ils se font écho, sont complémentaires. le texte d'Amandine DHÉE parle du fait d'avoir un enfant alors que l'on ne sent pas la « fibre » d'être mère, celui de Marina TSVETAEVA traite du contraire : ne pas pouvoir être mère tout en le désirant intensément.

Avant l'heure, TSVETAEVA enfonce une porte fermée à double tour et nous donne à lire la seule chose que nous devons retenir, nouEs, féministes, engagées ou non, mères ou non, hétérosexuelles, bisexuelles, asexuelles, lesbiennes… toutes différentes dans nos désirs, NOS CORPS NOS CHOIX, pour les Siècles des Siècles. Amen.

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Incipit

"J'ai lu Votre livre. Vous m'êtes proche comme toutes les femmes qui écrivent. Ne Vous offusquez pas de ce "toutes", - toutes n'écrivent pas : écrivent celles entre toutes.

Donc, Vous m'êtes proche comme tout être unique et, surtout, comme tout être unique féminin. "

Dans cette longue lettre adressée à Natalie Clifford Barney, Marina Tsvetaeva évoque tout particulièrement, dans un langage magnifique et très poétique, l'amour lesbien et ce que représente le désir d'enfant pour deux femmes qui s'aiment.

"L'enfant commence en nous bien avant son commencement. Il y a des grossesses qui durent des années d'espoir, des éternités de désespoir."

C'est un texte très personnel, puissant et touchant qui m'a donné très envie de découvrir les autres textes de l'autrice et en particulier "Vivre dans le feu".

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critiques presse (1)
Bibliobs
05 juin 2018
Dans "Mon frère féminin", l'auteure russe pose la question de l'enfant pour les couples de femmes. A relire avant la remise du rapport du Comité d'éthique sur la PMA.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Quand j'étais jeune, j'avais hâte de me dire, je craignais toujours de laisser passer la vague partant de moi et me portant vers l'autre, je craignais toujours de n'aimer plus, de ne plus rien savoir. Mais je ne suis plus jeune et j'ai appris à laisser passer presque tout – irréparablement.
Avoir tout à dire – et ne pas desserrer les lèvres. Tout à donner – et ne pas desserrer la main. Ceci est du renoncement que Vous appelez vertu bourgeoise et qui, bourgeoise ou non, vertu ou non, est le principal ressort des mes actes. Ressort? - le renoncement? Oui, car le refoulement d'une force exige un effort infiniment plus âpre que son libre déploiement – qui n'en exige aucun.
[…]
Agir ? Se laisser aller. Chaque fois que je renonce j'ai la sensation d'un tremblement de terre au-dedans de moi.
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L'impossible, ce n'est pas de résister à la tentation de l'homme, mais au besoin de l'enfant.
Seul point faible qui ruine toute la cause. Seul point attaquable qui laisse entrer tout le corps ennemi. Car si même nous pouvions un jour avoir un enfant sans lui, nous ne pourrons jamais avoir un enfant d'elle, une petite toi à aimer.
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Elle mourra seule, car elle est trop fière pour aimer un chien, trop souvenante pour adopter un enfant. Elle ne veut ni animaux, ni orphelins, ni dame de compagnie. Elle ne veut même pas de demoiselle de compagnie. Le Roi David se réchauffant à la chaleur inanimée d'Avizag était un rustre. Elle ne veut pas de chaleur payée, de sourire prêté. Elle ne veut être ni vampire, ni grand-mère. Bon pour l'homme qui, vieux, se contente de déchets, de côtoiements visant d'autres côtes, de coudoiements — d'autres coudes, de sourires allant à d'autres bouches — arrêtés, volés au hasard. — « Passez, fillettes, passez... » Elle ne sera jamais la parente pauvre au festin de la jeunesse d'autrui. Ni amitié, ni estime, ni cet autre abîme qu'est notre propre bonté, elle ne mettra rien à la place de l'amour. Elle ne renoncera pas à la splendide noirceur, à la noire et ronde brûlure — cercle autrement magique que le tien, Faust ! — du feu de joie d'antan. Contre tous les printemps, elle tiendra ferme.
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Pourquoi est-elle venue? Pour se faire du mal. C'est, parfois,tout ce qu'il nous reste.
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Quand je vois se désespérer un saule je comprends Sapho.
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Savez-vous quelle femme a écrit quelques-uns des plus beaux poèmes d'amour ? Elle était russe et voulait tout embrasser.
« Les poésies d'amour », de Marina Tsvetaïeva, c'est à lire aux éditions Circé.
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