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Les Pondeuses de l'Iowa » de
Deb Olin Unferth, traduit de « Barn 8 » par
Valérie Malfoy (2021, Grasset, 400 p.), un roman après une série de nouvelles dans de très bonnes revues « The Paris Review », « McSweeney's », « Granta », « Harpers's ».
Son dernier livre « Barn 8 » est paru en 2020, démarre de manière quelque peu surprenante. Janet, 15 ans, quitte New York, où elle vit pour retrouver son père biologique dans l'Iowa. Son père lui conseille de se rapprocher de Cleveland Smith, qui travaille pour la Fédération des producteurs d'oeufs de l'Iowa affiliée à l'USDA (US Department of Agriculture). Attention, ne pas confondre le poulailler de votre voisin et ses trois poules rousses (les bonnes pondeuses) avec « La Ferme Heureuse de la Famille Green », avec près d'un million d'animaux.
C'est là qu'entre en scène
le test du marshmallow. Quoi est-ce ? et quel rapport avec les poules ? C'est une étude, mise au point par
Walter Mischel psychiatre à Stanford University. Il s'agit d'offrir, au choix : -soit un marshmallow de suite, petite récompense, mais immédiate, et – deux marshmallows, ainsi avec un petit délai dans le temps.
Appliqué aux poules, le test se fait avec autre chose que le marshmallow, on s'en serait douté. Ne serait ce que pour des problèmes de compatibilité entre une guimauve mole et un gésier habitué à malaxer des aliments plus durs, sans compter les problèmes dentaires appropriés aux volatiles. L'origine de ces comportements est liée à l'activité de l'hippocampe, lobe temporal médian. En effet, ce dernier est impliqué dans les processus de la mémoire. Il joue un rôle central dans l'attention et la navigation spatiale. Il permet, en particulier d'appréhender les évènements à long terme.
Première impression à son arrivée en Iowa. Etait-ce le bon choix ? « Non, ce n'était pas sa seule erreur, mais c'était certainement sa plus grande, tout comme d'autres ont de grandes amours, de grandes idées ou de grandes tragédies qui leur arrivent. Tout ce que Janey pourrait faire serait minime par rapport à cette erreur. Elle pourrait tuer un homme. Elle pourrait se noyer dans un seau. Elle pourrait ne pas faire obstacle à un politicien qui continuerait à torturer des millions de personnes »
Impressions suivantes : une poule qui s'échappe. Non pas que la poule lui raconte ses malheurs, mais Janey prend conscience de ce que l'on fait subir aux volatiles. « Construit en grillage métallique galvanisé de calibre 14, vingt-cinq mille tétines d'eau, [….]. Six miles de mangeoire descendent des rangées, remontent des colonnes […] Chevrons en bois, passerelles en contreplaqué. Obscurité. Lumière soudaine. Trois cents mille yeux préhistoriques qui clignotent ». Se regroupent alors autour de Janey, Annabelle, la fille du fermier, activiste aux « Droits de l'Animal » et son later ego Dill. Il y a aussi un ancien directeur d''enquêtes secrètes, des centaines d'activistes. On a alors droit à des envolées sur ce que pourraient être les volailles dans 20 mille ans. A quoi pensent les poules quand elles meurent ? Par ailleurs, pensent elles ? Il leur faut agir. Et vite.
Aussi, sans avoir vu « Chicken Run », le groupe imagine un front de libération des poules, ou son équivalent. Il s'agit de libérer et de transférer un million de poules, de façon naturellement clandestine.
L'intérêt du bouquin réside dans sa description de la condition animale dans les élevages industriels. le problème y est traité avec beaucoup d'humour, ce qui fait qu'il a certainement plus d'impact que les vidéos tournées en clandestin des groupuscules écologiques. A ce niveau, il est intéressant de faire la parallèle entre le premier roman de
Deb Olin Unferth «
Revolution : The Year I fell in love and went to join the war » (2011,
Henry Holt & Company, 208 p.) dans lequel elle décrit son départ pour le Nicaragua pour soutenir les groupes sandinistes. Hélas, quand ils arrivent, les données ont changé entre les blocs Ouest et Est. Les Russes ont d'autres pensées en tête, on est en 1987. L'implosion de l'Urss est proche. Les joyeux révolutionnaires aux poches pleines de dollars ne font plus recette. C'est plutôt l'époque des lendemains qui déchantent.