Je viens de contempler à nouveau la reproduction du tableau «
le Siège de Vienne » (1683) de Franz Geffels dont j'ignorais l'existence et qui est le seul « élément décoratif de l'appartement quasi nu de Petru » (cf. p. 354). Il aurait peut-être aussi constitué une bien meilleure couverture. J'essaye de comprendre la clé de ce roman, ou en tout cas l'une des clés, tant il se veut riche. Mais voilà, cette richesse semble au final m'échapper. Pourtant tout avait si bien commencé. Jusqu'à la page 72, et même un peu après, avec le départ de Caïn (dernier Juif de la ville roumaine) pour Israël, j'avais adoré ni plus ni moins.
Toutefois, le style s'essouffle je trouve et il devient même assez pénible d'avancer sur le même rythme de déconstruction. L'auteur a mis 13 ans pour l'écriture de ce livre, aussi je me disais qu'il n'était pas anormal de mettre plusieurs mois (avec interruptions bien évidement) pour le lire.
Revenons déjà sur cette ville imaginaire (elle se veut ainsi, Apud) mais pour laquelle un détail laisse entrevoir un possible lien avec Târgu Mureș. C'est p. 19 qu'on nous apprend que Petru, l'universitaire et l'un des personnages principaux (mais y a t-il vraiment de personnages principaux, dans cette foultitude de personnages ?) travaille dans « la petite université Petru Maior de leur ville ».
L'action (le présent de la narration) a donc pour cadre une ville moyenne de Transylvanie, aux confins de la Hongrie et de la Roumanie, Apud (qui en latin désigne la proximité, le local), et occupe les trois journées (cf. p. 41) précédant le Nouvel An 1995. Mais beaucoup de digressions nous conduisent, tant bien que mal, dans le passé de tout le pays (par exemple à Pitești, Gherla et Aiud, lieux bien réels de la répression communiste). Il y donc ainsi une sorte de dialectique du imaginaire-réel qui ne m'a pas toujours convaincue. Dès lors et comme j'ai pu le lire ailleurs « Vienne aurait représenté la capitale rêvée, mythique symbole d'une diversité culturelle abattue sous les coups successifs du nationalisme et du socialisme réel, tous deux adeptes, à leur manière, de l'homogénéisation forcée ».
Il faut toutefois apprécier le sarcasme de l'auteur, même si l'on se sent perdu souvent dans cette technique du puzzle. J'ai ainsi tenté d'établir une liste des personnages, avec plus ou moins de succès (j'ai arrêté de comptabiliser vers la page 72). La voici, pour ceux, courageux qui voudraient aller « voir par eux même » :
1) Petru Șendrean : « un type nonchalant […] assistant universitaire à vie dans la petite université Petru Maior de leur ville » (p. 19), « depuis huit ans » (p. 61) « ni goulu, ni buveur » (p. 52), 2) Iolanda Filcz : « la trentaine bien sonnée » (p. 63), petite-fille d'Alida Übelhart, 3) Ignat P. Brândușa, 4) Sebastian Gavril Ghereta : facteur, 5) Monsieur Horacsek : répare le bicyclette du facteur gratuitement, 6) Monsieur Micou : ressemelle les chaussures du facteur, 7) Dionisié Précoupe : collectionne les journaux, 8) Alieta Ster, 9) Siméon Tabara : le buraliste, 10) Flavius Tiberius Moduna, 11) Monsieur Husvago, 12) Gratian Fourda : « seul citoyen de la ville suspecté de génie » (p. 43), 13) Toader Ducoin : professeur, 14) Alida Übelhart, 15) Monsieur Cuceu : fonctionnaire au fisc, 16) Madame Moduna, la mère de Flavius Tiberius et fille d'Amalia Moraru-Kobliska, etc.
Un dernier mot sur les nombreuses références littéraires et artistiques. Elles me semblent plutôt à propos et renforcent l'impression de documentation solide de la part de l'auteur, dont l'intention, à n'en pas douter, était des meilleures.