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EAN : 9781079465983
96 pages
Auto édition (09/07/2019)
5/5   1 notes
Résumé :
Paul Valéry, poète et philosophe, avec son style si particulier, nous offre avec l’Album de Vers Anciens, ses plus beaux poèmes de jeunesse. Il publia ces vers sous le conseil d’André Gide, son ami et fidèle conseiller. Valéry en véritable magicien des mots, nous invite à réfléchir sur sa vision naturaliste de la vie, de la nature et de la mort. Chacune de ses magnifiques poésies, pleines d’allégories, reste interprétable par le lecteur de multiples manières. Ce rec... >Voir plus
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Citations et extraits (45) Voir plus Ajouter une citation
6

Puisque ce mot de rêve s’est introduit dans mon discours, je dirai au passage
qu’il s’est fait dans les temps modernes, à partir du Romantisme, une confusion
assez explicable, mais assez regrettable, entre la notion de poésie et celle de
rêve. Ni le rêve, ni la rêverie ne sont nécessairement poétiques. Ils peuvent
l’être ; mais des figures formées au hasard ne sont que par hasard des figures
harmoniques.

Toutefois, le rêve nous fait comprendre par une expérience commune et fréquente,
que notre conscience puisse être envahie, emplie, constituée par un ensemble de
productions remarquablement différentes des réactions et des perceptions
ordinaires de l’esprit. Il nous donne l’exemple familier d’un monde fermé où
toutes choses réelles peuvent être représentées, mais où toutes choses
paraissent et se modifient par les seules variations de notre sensibilité
profonde. C’est à peu près de même que l’état poétique s’installe, se développe
et se désagrège en nous. C’est dire qu’il est parfaitement irrégulier,
inconstant, involontaire, fragile, et que nous le perdons comme nous l’obtenons,
par accident. Il y a des périodes de notre vie où cette émotion et ces
formations si précieuses ne se manifestent pas. Nous ne pensons même pas
qu’elles soient possibles. Le hasard nous les donne, le hasard nous les retire.
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J’ai dit : sensation d’univers. J’ai voulu dire que l’état ou émotion poétique
me semble consister dans une perception naissante, dans une tendance à percevoir
un monde, ou système complet de rapports, dans lequel les êtres, les choses, les
événements et les actes, s’ils ressemblent, chacun à chacun, à ceux qui peuplent
et composent le monde sensible, le monde immédiat duquel ils sont empruntés,
sont, d’autre part, dans une relation indéfinissable, mais merveilleusement
juste, avec les modes et les lois de notre sensibilité générale. Alors, ces
objets et ces êtres connus changent en quelque sorte de valeur. Ils s’appellent
les uns les autres, ils s’associent tout autrement que dans les conditions
ordinaires. Ils se trouvent, - permettez-moi cette expression, - musicalisés,
devenus commensurables, résonants l’un par l’autre. L’univers poétique ainsi
défini présente de grandes analogies avec l’univers du rêve.
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Cet échange harmonique entre l’impression et l’expression est à mes yeux le
principe essentiel de la mécanique poétique, c’est-à-dire de la production de
l’état poétique par la parole. Le poète fait profession de trouver par bonheur
et de chercher par industrie ces formes singulières du langage dont j’ai essayé
de vous analyser l’action.

La poésie ainsi entendue est radicalement distincte de toute prose : en
particulier, elle s’oppose nettement à la description et à la narration
d’événements qui tendent à donner l’illusion de la réalité, c’est-à-dire au
roman et au conte quand leur objet est de donner puissance du vrai à des récits,
portraits, scènes et autres représentations de la vie réelle. Cette différence a
même des marques physiques qui s’observent aisément. Considérez les attitudes
comparées du lecteur de romans et du lecteur de poèmes. Il peut être le même
homme, mais qui diffère excessivement de soi-même quand il lit l’un ou l’autre
ouvrage. Voyez le lecteur de roman quand il se plonge dans la vie imaginaire que
lui intime sa lecture. Son corps n’existe plus. Il soutient son front de ses
deux mains. Il est, il se meut, il agit et pâtit dans l’esprit seul. Il est
absorbé par ce qu’il dévore ; il ne peut se retenir, car je ne sais quel démon
le presse d’avancer. Il veut la suite, et la fin, il est en proie à une sorte
d’aliénation : il prend parti, il triomphe, il s’attriste, il n’est plus lui-
même, il n’est plus qu’un cerveau séparé de ses forces extérieures, c’est-à-dire
livré à ses images, traversant une sorte de crise de crédulité.
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Cet échange harmonique entre l’impression et l’expression est à mes yeux le
principe essentiel de la mécanique poétique, c’est-à-dire de la production de
l’état poétique par la parole. Le poète fait profession de trouver par bonheur
et de chercher par industrie ces formes singulières du langage dont j’ai essayé
de vous analyser l’action.

La poésie ainsi entendue est radicalement distincte de toute prose : en
particulier, elle s’oppose nettement à la description et à la narration
d’événements qui tendent à donner l’illusion de la réalité, c’est-à-dire au
roman et au conte quand leur objet est de donner puissance du vrai à des récits,
portraits, scènes et autres représentations de la vie réelle. Cette différence a
même des marques physiques qui s’observent aisément. Considérez les attitudes
comparées du lecteur de romans et du lecteur de poèmes. Il peut être le même
homme, mais qui diffère excessivement de soi-même quand il lit l’un ou l’autre
ouvrage. Voyez le lecteur de roman quand il se plonge dans la vie imaginaire que
lui intime sa lecture. Son corps n’existe plus. Il soutient son front de ses
deux mains. Il est, il se meut, il agit et pâtit dans l’esprit seul. Il est
absorbé par ce qu’il dévore ; il ne peut se retenir, car je ne sais quel démon
le presse d’avancer. Il veut la suite, et la fin, il est en proie à une sorte
d’aliénation : il prend parti, il triomphe, il s’attriste, il n’est plus lui-
même, il n’est plus qu’un cerveau séparé de ses forces extérieures, c’est-à-dire
livré à ses images, traversant une sorte de crise de crédulité.
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Vous savez à quelles épreuves nous le soumettons quelquefois. Les valeurs, les
sens des mots, les règles de leurs accords, leur émission, leur transcription
nous sont à la fois des jouets et des instruments de torture. Sans doute, nous
avons quelque égard aux décisions de l’Académie ; et sans doute, le corps
enseignant, les examens, la vanité surtout, opposent quelques obstacles à
l’exercice de la fantaisie individuelle. Dans les temps modernes, d’ailleurs, la
typographie agit très puissamment pour la conservation de ces conventions
d’écriture. Par là, les altérations d’origine personnelle sont retardées dans
une certaine mesure ; mais les qualités du langage les plus importantes pour le
poète, qui sont évidemment ses propriétés ou possibilités musicales, d’une part,
et ses valeurs significatives illimitées (celles qui résident à la propagation
des idées dérivées d’une idée), de l’autre, sont aussi les moins défendues
contre le caprice, les initiatives, les actions et les dispositions des
individus. La prononciation de chacun et son « acquis » psychologique
particulier introduisent dans la transmission par le langage, une incertitude,
des chances de méprises, un imprévu tout inévitables. Remarquez bien ces deux
points : en dehors de son application aux besoins les plus simples et les plus
communs de la vie, le langage est tout le contraire d’un instrument de
précision. Et en dehors de certaines coïncidences rarissimes, de certains
bonheurs d’expression et de forme sensible combinées, il n’a rien d’un moyen de
poésie.
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Videos de Paul Valéry (45) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul Valéry
https://www.laprocure.com/product/1525906/chevaillier-louis-les-jeux-olympiques-de-litterature-paris-1924
Les Jeux olympiques de littérature Louis Chevaillier Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. » Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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