La nuit blanche, séculaire, qui va des grandes découvertes et du génocide des civilisations précolombiennes, du commerce des épices et des nègres à l’éclair d’Hiroshima, et où chaque progrès technique de l’Occident a signifié pour les autres hommes un surcroît de peine et de mort, ne finit pas de finir. C’est hier seulement, au moment où il portait contre lui-même les armes réservées jusqu’alors aux autres, que l’Occident a pu tout d’un coup contempler avec stupeur son visage dans la fumée des crématoires.
Nous vivons l’agonie de l’Occident envisagé comme une conception politique, morale, juridique du monde. Mais l’agonie est longue. Et c’est un moment assez grave pour que nous tâchions de le vivre correctement. Cela n’est possible que si, citoyens du monde, nous posons les problèmes du monde tels qu’ils sont, en sachant nous déprendre des réflexes acquis, en cessant de regarder vers les anciens maîtres, en chassant de notre esprit les fausses leçons de cette vieille maîtresse abusive, l’Europe libérale.
Interview de Roschdy Zem, pour son film "Omar m'a tuer" (2011), d'après le fait divers et le livre de Jacques Vergès.