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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
On a souvent acclamé la précocité de Victor Hugo et d’Arthur Rimbaud, mais on ne mentionne que rarement celle de Verlaine, lui aussi poète à seize ans voire à quatorze ans (le poème intitulé "La Mort" de 1858, le choix du sujet annonçait déjà une certaine maturité). De même que lorsqu’on parle de Verlaine c’est pour discuter surtout de sa relation tumultueuse avec Rimbaud (qui a duré tout au plus quatre à cinq ans), une relation que je résume peut-être à sa petite contribution à l’Album zutique, car pendant cette période, aucun recueil ne paraît. Autre caractéristique qu’on ne cesse de répéter quand on parle de tous ses recueils est sa musicalité. On cite toujours ce vers célèbre qui est devenu une marque indélébile sur la réputation du poète :

De la musique avant toute chose.

En 1866, paraît son premier recueil. Il avait auparavant publié quelques poèmes dans le Parnasse contemporain. Le recueil des "Poèmes saturniens" divisé en sections comme "Les Fleurs du mal" comporte des pièces hétéroclites. On peut le qualifier de plurivoque. Il incarne parfaitement cette diversité extraordinaire de la poésie verlainienne qui est une expérience singulière dans la poésie française du siècle. Verlaine tout au long de sa carrière de poète n’a cessé d’écrire des arts poétiques ("Le Prologue" et "L'Épilogue" du recueil, "Art poétique" dans "Jadis et Naguère", ou encore "Prologue d’un livre dont il ne paraîtra que les extraits ci-après" dans "Parallèlement") et de positionner sa poésie à chaque fois dans une vague différente (les parnassiens, les symbolistes). Il assume volontiers son admiration et son respect pour les Maître et la Tradition, et revendique son apport nouveau, sa touche personnelle, sa "petite manière" qui le mèneront vers l’éternité :

Afin qu’un jour, Le chef-d’œuvre serein,
Fasse dans l’air futur retentir notre nom.

Cette maîtrise paraîtra dans des pièces comme "La Mort de Philippe II" (veine hugolienne) ou "Çavitri" (inspiré des poèmes de Leconte de Lisle). Certaines idées qu’on retrouve à la fin du "Prologue", figurent déjà dans la préface aux "Poèmes antiques" de Leconte de Lisle. L’autre grande source d’inspiration, on le sait tous est sans doute "Les Fleurs du mal". Les grands poèmes de ce recueil sont teintés de spleen et de nostalgie (la section "Melancholia"). Ces poèmes constituent un effort vers l’Expression, vers la Sensation rendue comme il l’annonce à son ami Mallarmé.

Placé au début du recueil, le poème "Les sages d'autrefois" nous rappelle l’histoire fantastique de ce "Chevalier double" de Gautier, mais cette fois notre chevalier Verlaine a subi l’influence maligne d’un seul astre; Saturne. Il a eu une "bonne part de malheur et bonne part de bile. Alors que l’Imagination, inquiète et débile, vient rendre nul en eux l’effort de la Raison". Vient ensuite ce fameux "Prologue" où Verlaine nous explique son choix poétique et la position qu’il prend :

Le Poète, l’amour du Beau, voilà sa foi,
L’Azur, son étendard, et l’Idéal, sa loi !
Ne lui demandez rien de plus, car ses prunelles,
Où le rayonnement des choses éternelles
A mis des visions qu’il suit avidement,
Ne sauraient s’abaisser une heure seulement
Sur le honteux conflit des besognes vulgaires,
Et sur vos vanités plates ; et si naguères
On le vit au milieu des hommes, épousant
Leurs querelles, pleurant avec eux, les poussant
Aux guerres, célébrant l’orgueil des Républiques
Et l’éclat militaire et les splendeurs auliques.
Sur la kitare, sur la harpe et sur le luth,
S’il honorait parfois le présent d’un salut
Et daignait consentir à ce rôle de prêtre
D’aimer et de bénir, et s’il voulait bien être
La voix qui rit ou pleure alors qu’on pleure ou rit,
S’il inclinait vers l’âme humaine son esprit,
C’est qu’il se méprenait alors sur l’âme humaine.

"Melancholia" comporte les poèmes (sept sonnets et un sonnet inversé) les plus prisés du recueil. Le titre (et même le contenu) nous rappelle ce fameux vers de Nerval "le soleil noir de la Mélancolie". Verlaine lui aussi est ténébreux, veuf et inconsolé :

(…) le gémissement premier du premier homme
Chassé d’Éden n’est qu’une églogue au prix du mien !

Verlaine change de ton dans la section suivante et rappelle cette alchimie qui existe entre peinture et poésie (lui qui était un dessinateur) et célèbre l'art de l'eau-forte. Ces impressions exprimées et ces sensations rendues apparaissent dans la troisième section "Paysages tristes". Ici apparaît sa musicalité dans des poèmes comme "Soleils couchants" ou "Chanson d’automne" :

Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

"Caprices" regroupe des poèmes d’une veine capricieuse et plaisante ou apparaît l’humour verlainien ("La chanson des ingénues", "Une grande dame", "Monsieur Prudhomme"). Les derniers poèmes du recueil n’appartiennent à aucune section. On appréciera des poèmes d’une grande perfection ("Nocturne parisien") où l’on devine l’apport des parnassiens avec la préciosité et la poésie impersonnelle.

L’Épilogue qui clôt le recueil est un excellent poème sur le métier de poète mélange d'inspiration ( "Ah ! l’Inspiration superbe et souveraine") et de travail acharné ("C’est l’effort inouï, le combat nonpareil, c’est la nuit, l’âpre nuit du travail").

Après vingt trois ans, dans un autre recueil intitulé "Parallèlement", apparaissent des réminiscences de cette époque saturnienne dans deux poèmes :

Dans le premier intitulé "Poème saturnien", Verlaine commence par ce vers qui décrit, peut-être, toute cette expérience verlainienne, "ce long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens" comme le décrit si bien Rimbaud :

Ce fut bizarre et Satan dut rire.

Dans le deuxième poème intitulé cette fois "Prologue d’un livre dont il ne paraîtra que les extraits ci-après", Verlaine le rappelle encore une fois :

J’ai perdu ma vie, et je sais bien
Que tout blâme sur moi s’en va fondre ;
A cela je ne puis que répondre
Que je suis vraiment né Saturnien.

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La musicalité des vers de Verlaine est envoûtante, et ici plus qu'ailleurs encore. Il faut se laisser porter au fil des mots, tant leur beauté réside dans l'entêtante musique dont Verlaine est l'artisan.
Le poète subjugue, et au fil de ce superbe recueil, on n'est jamais lassé de la virtuosité, si ce n'est du génie, dont il fait montre ici.

Je vous fait partager ici un poème issu du recueil, et que je trouve magnifique, intitulé "Marine":

"L'Océan sonore
Palpite sous l'oeil
De la lune en deuil
Et palpite encore,

Tandis qu'un éclair
Brutal et sinistre
Fend le ciel de bistre
D'un long zigzag clair,

Et que chaque lame,
En bonds convulsifs,
Le long des récifs,
Va, vient, luit et clame,

Et qu'au firmament,
Où l'ouragan erre,
Rugit le tonnerre
Formidablement."
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Influencé par Hugo, Baudelaire et Leconte de l'Isle, le jeune Verlaine le fut aussi par l'astrologie. Il convoque ici la planète Saturne associée à la mélancolie, au spleen pour reprendre l'expression de Baudelaire.
Il exprime ses états d'âme, ses amours, ses émotions face à la nature, la mort et se moque gentiment de telle dame ou tel homme. Ces poèmes sont doux, délicats, sensibles et bien sûr musicaux.
Qui ne se laisse bercer par la chanson d'automne et les sanglots longs des violons, qui ne sourit devant les pantoufles de monsieur Prudhomme ?

Un bel ouvrage de jeunesse à savourer encore et encore...
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La poésie, ça n'est pas ma tasse de thé. Mais, après que mon père m'eut récité un magnifique poème de Verlaine, je me suis achetée Les Poèmes Saturniens.
J'en suis arrivée à la conclusion que ça n'était pas la poésie qui n'était pas mon truc : c'est seulement que je n'avais pas rencontré le bon poète.

Quelle régalade ! Là, j'ai vraiment pris mon pied. J'ai lu certains poèmes cinq/six fois tellement c'était bon.
Je vais m'empresser de m'offrir un autre recueil pour poursuivre ce beau voyage.

CHALLENGE MULTI-DÉFIS 2018
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Premier recueil de Verlaine, à lire et relire à l'occasion pour leur lyrisme triste qui nous emporte, pour en redécouvrir la tendresse et la mélancolie. Et surtout la douce mélodie de la musique de ces vers dont l'un des plus connus, parce qu'appris à l'école, « Chanson d'automne » a été remarquablement mis en musique et chanté par Léo Ferré. L'un des plus beaux poèmes, très représentatif du recueil est tout aussi célèbre :
« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. »
Dans la première partie du recueil, intitulée Mélancholia on sent qu'il est obsédé par le souvenir d'Elisa, sa cousine, mariée, dont il était tombé amoureux. Les deux parties suivantes Eaux fortes et Paysages tristes contiennent beaucoup de très beaux poèmes. J'ai beaucoup moins aimé certains poèmes de Caprices, mais il y en a encore de très beaux, même si l'ensemble m'a paru plus disparate, et je n'ai pas du tout apprécié les deux poèmes historiques à connotations politiques sur César Borgia et Philippe II. A part ces deux poèmes l'appréciation des autres est probablement susceptible de varier selon l'état d'esprit dans lequel on est au moment de la relecture. J'ai aussi aimé la fin de son prologue, surtout pour un premier recueil à bien petit tirage : « Maintenant, va, mon Livre, où le hasard te mène ! » Songeait-il à être encore lu plus de 150 ans plus tard ?
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En 1866, un type va annoncer qu'il a fait un rêve étrange et pénétrant et qu'une femme qu'il aime n'est tout à fait la même, ni tout à fait une autre, et le comprend...Il va tout défoncer. A part Victor Hugo, occupé à apprendre l'anglo-normand, bien peu s'en relèveront et la poésie française, éreintée par une admiration éberluée, s'autocensurera peu à peu jusqu'à se limiter à la production bienveillante et conviviale d'un Maurice Carême ou René de Obaldia. Vous vous rappelez ? "J'ai trempé mon doigt dans la confiture, turlure"...
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Superbe recueil qui laisse parfois sans voix, la précocité de Verlaine est désarçonnante tant ses poèmes transforment l'écoute des mots et transportent l'esprit au-delà du papier.
Comme beaucoup j'admire et ne saurai conclure sans ajouter quelques vers du poète :
Chanson D'automne,

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,

Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure;

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.


Ne passez pas à côté, avec le temps les mélodies vous manqueraient, n'en doutez pas.
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Sans doute le recueil de Verlaine qui contient le plus de mes poèmes préférés de l'auteur. Et étant donné que j'apprécie grandement Verlaine... je ne peux que recommander.

Parmi eux on trouve Mon rêve familier et le crépuscule du soir mystique.

Mais je suis une mélancolique et donc ces poèmes sont fait pour me parler.
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Verlaine, 22 ans, bombe le front immense d'orgueil et de folie pour de se hausser à la hauteur de Baudelaire. Il sera poète, et il sait déjà toutes les beautés à venir de sa poésie : les mètres courts, la musique, le génie de l'image. Mais plus encore, Verlaine montre ici un talent qui m'est cher : il sait éconduire sa Muse. Rimbaud dira plus effrontément « J'ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l'ai trouvée amère. − Et je l'ai injuriée ». Quel frimeur.

Ici Verlaine se proclame parnassien, parnasso-baudelairien devrait-il avouer (du type « je hais le mouvement qui déplace les lignes ») mais touche à tout autre chose que des réminiscences antiques, que des émaux et camées ou des vases (« nous qui ciselons les mots comme des coupes / Et qui faisons des vers très froidement » écrit-il). Tout cela – comme le titre – est surcomposé. Verlaine déplace en vérité les lignes, ondule, s'évapore, il anime les choses, quoi qu'il professe. Ici ses tableaux, ses regrets, ses poèmes ruinent ce Parnasse imaginaire.
Verlaine consomme en creux l'idéal qu'il sculpte, et cette subtilité est à mettre en contraste avec la position brutale de Rimbaud évoquée plus haut.

Par ailleurs cela s'explique tout simplement par le fait que les poèmes ont été cousus ensembles sous forme de recueil et encadrés de deux pièces d'art poétique. Je ne vois pas en effet comment on peut se placer sous la lumière nocturne et mélancolique de Saturne et ensuite (dans l'épilogue) sous le jour éclatant du Parnasse le plus apollinien. Et ce qui est beau, les amis, c'est qu'il sait cette contradiction. Il sait aussi « L'Imagination, inquiète et débile », le romantisme mièvre et épuisé, mais livre en même temps les pièces lyriques du « rêve familier » ou de « chanson d'automne » que chacun connaît. J'avoue adorer cette lutte intérieure, ce fécond travail du paradoxe intérieur, dont témoigne ce recueil.

Mais cela va plus loin à mes yeux, par le fait de cette invocation à Saturne. Car malgré tout on la lit, on la sent. Grande figure goyesque, présente dans la section « Caprices » du recueil et quelques autres visions, par cette évocation de Saturne c'est tout un intertexte rêvé qui se déroule dans notre esprit. Pour moi cela reste la figure nocturne détournée du monde qui se donne au début du poème inachevé « Hypérion » de Keats : majesté vide, dieu endormi, régnant sur un Temps mort. Verlaine touche ici à une réinvention, loin de Keats ou de la mort des dieux hölderlinienne : la nostalgie est consumée, les dieux sont morts et n'ont plus de corps, nous y voilà, les rêves ne sont que des fumées dont on se régale. C'est une vision nouvelle pour la fin de siècle qui s'annonce, univers de visions tremblées et de sensations nuageuses.

Lien : http://www.senscritique.com/..
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Les poèmes saturniens doivent leur nom à Saturne, dieu associé à la mélancolie et à la tristesse dans l'Antiquité. Paul Verlaine est plus qu'un poète. Tantôt musicien, tantôt peintre, tantôt sculpteur… Ses poèmes sont des chansons, des tableaux, des statues. Les états d'âme se confondent avec des paysages qui nous transportent. La mélancolie nous prend la main, et fait danser notre coeur, dans un bal d'émotions, intenses, ô combien authentiques. L'âme vibre. Les poèmes saturniens s'incorporent en nous, telle une mélodie qui nous pénètre corps et âme.
La musicalité est le coeur de ce recueil. Verlaine nous donne à suggérer cette musicalité. Les poèmes deviennent des chansons, dont le rythme est palpant, dont la résonance est enivrante. le « Rossignol » est le pleur d'un coeur. On l'entend. « Nevermore » est la plainte du souvenir de l'amour passé qui ne reviendra jamais plus. On l'entend aussi. Chansons d'automne, est les « sanglots longs / des violons / de l'automne », une mélancolie profonde qui donne le vertige.
Outre, les paysages états d'âme, Verlaine consacre une section à des tableaux historiques ( Philippe II, par exemple). Verlaine rend les portraits vivants, les incarnent c'est-à dire leur donne corps, chair. le prologue, s'inspire d'éléments mythologiques, repose sur l'Art. Les Poèmes saturniens sont empreints d'une richesse humaine.
Emprisonné dans le monde du vulgaire, le monde moderne, le poète chante ses souffrances. Et tel un écho lointain, ses poèmes résonnent et résistent au temps. La preuve : ils résonnent en nos coeurs. Ils nous évoquent tous un souvenir, un sentiment commun. Ils nous murmurent un quelque chose déjà vécu, dans un ineffable concert mélodieux. C'est parce que le poète suggère, qu'il nous donne imagination. Et c'est parce qu'il donne imagination, qu'il réveille notre coeur, plein de rêves, de chagrins, de souvenirs, de joies, d'espoirs.
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