Aujourd'hui le Mécenat

Associé dans mon esprit, et peut-être de manière trop réductrice, à la défiscalisation, bien qu'il faille ici rappeler que cela s'accompagne souvent de conditions d'application et de mode de calcul complexes, le mécénat n'a pas que des détracteurs comme en témoigne cet ouvrage collectif qui, du haut de ses presque 20 ans reste un plaidoyer, si ce n'est une invitation à le pratiquer. Remo Vescia, ancien directeur de la communication d'une grande multinationale, évolue dans le milieu du mécénat institutionnel (ministère de la culture, ANAR, ministère des affaires étrangères, Unesco) depuis 1985. Il réunit ici "Treize entretiens sur le mécénat humaniste et humanitaire", sous-titre de l'ouvrage dans lequel, pour justifier et motiver cette participation plus ou moins intéressée à la création artistique sous toutes ses formes, il interroge des personnalités comme le président de la fondation Cartier ou de celui de la fondation EDF, le conservateur du musée Gauguin à Tahiti, un artiste peintre ou le président de l'institut français d'architecture.
Avant d'aborder ces exemples concrets pour conclure « qu'il contient les plus hautes valeurs éducatives au sens d'élévation de l'esprit, et qu'il devrait être considéré et encouragé comme important lien social et l'un des principaux éléments de la paix et la communion entre les hommes. le mécénat trouve sa cohésion dans les valeurs humanistes et humanitaires » et que, par conséquent, une « lecture entre les lignes » doit impérieusement continuer à être menée. le coordonnateur propose un assez long avant-propos où sont invoqués l'empereur Auguste, Caïus clinius Moecenas, les Médicis, Louis XIV, en tant qu'illustres prédécesseurs, il présente sommairement la notion de fondation, la situation particulière de l'institut de France ainsi que de celle de la Fondation de France (créée en 1969 par la volonté d'André Malraux), la fondation des pays de France, et enfin les fondations d'entreprises (titre protégé) dont il souligne l'intérêt majeur qui est souvent « la forte renommée qu'elle[s} procure[nt] ».
Considérant les incitations fiscales insuffisantes (il faudrait actualiser les connaissances et apprécier les évolutions récentes) et convaincu qu'on aurait tort d'assimiler le mécénat d'entreprise simplement "à une forme de publicité", Remo Vescia rassemble ensuite différentes opinions et approches du mécénat afin de les comparer implicitement. Cela constitue un corpus documentaire qui me semble intéressant y compris pour les photos. le ton m'apparaît néanmoins moins "éthique" et plus "égocentrique" dans la mesure où les intervenants n'oublient presque jamais de rappeler la responsabilité de l'État et même lorsque il s'agit de comparer avec la Norvège par exemple l'entretien s'achève en ces termes : "vous savez bien, la France est différente de tous les autres pays et c'est très aisément que nous arrivons à établir de bonnes relations avec les Français et je m'en réjouis."
L'enjeu reste au final la défiscalisation, malgré les meilleures intentions et de très bonnes résolutions prises par les mécènes eux-mêmes. L'artiste peintre Ladislas Kijno nous rappelle : "lorsqu'on fait du mécénat à des fins économiques et fiscales, au lieu que ce soit le désir profond de participer au bien-être et au mieux être de la société, c'est tout le sens de ce mécénat que l'on trahit et c'est devant une coquille vide que se retrouveront les artistes et le peuple tout entier."
Il est vrai que j'ai aussi aimé pouvoir visiter une exposition Jessica Hausner et une autre sur Frida Kahlo, une en Allemagne et l'autre en France, toutes deux sous l'égide de la fondation Würth.