J’ai appris très tôt dans la vie que poser la première question incite son interlocuteur à faire de même, je fais donc semblant que tout est normal, que mon niveau de stress n’est pas du tout élevé, et continue à regarder mes vidéos tout en mangeant mon sandwich.
Peu importent les efforts que je fais pour enlever Chandra de mon esprit depuis que je l’ai rencontré, cela ne fonctionne jamais. Quand j’avais treize ans, « fantaisie » était encore pour moi un genre littéraire et non pas le synonyme de « fantasme », mais depuis que j’ai croisé son regard la toute première fois, « fantasme » est devenu synonyme de « Chandra ». J’ai découvert que mon corps réagissait de façon totalement primitive à la simple mention de son prénom, et ça ne s’est jamais arrêté, même neuf ans après.
Quand on part longtemps, il semble passer extrêmement lentement, puis, à notre retour, on a l’impression d’avoir traversé un vortex. Mes parents ne sont plus tout jeunes ; les filles grandissent ; mon fils n’est plus un bébé… Tout cela me perturbe et me rend coupable de ne jamais pouvoir être là quand il faut. Mais c’est la vie que j’ai choisie, la famille que j’ai créée, à deux bouts du monde…
Devoir publier du vide qui a été fait et refait, rebattu et recraché des milliers de fois m’est proche de l’insupportable, mais il faut bien que je paie mes factures. Même si je n’apprends rien dans cette rédaction, cela laisse au moins du temps à mon cerveau pour s’occuper de mes propres projets.
Je le suis depuis ma naissance, je le suis davantage encore depuis mon arrivée en France. Alors que tout le monde est en avance rapide, je marche dans le sens contraire et au ralenti. Je n’essaie pas d’aller plus vite, j’avance à mon rythme, au risque d’exaspérer mon entourage, Chandra en tête.