J'aime de temps en temps lire un bon roman d'anticipation dystopique. Ce livre m'avait attiré avec son titre et son bandeau rouge accrocheurs. le fait qu'il ait été redécouvert et réédité après tant d'années, vu qu'il avait été écrit en 1929, m'avait incité aussi à me le procurer.
Le début du livre était prometteur. Un homme ouvre les yeux dans un lieu qui lui est totalement inconnu et effrayant. Il voudrait s'en échapper mais comment faire ? Dans ce lieu, il n'y a que deux chemins possibles, descendre ou monter… des escaliers, encore des escaliers, pas de fenêtre, pas de porte, des paliers déserts entre deux étages…
« Il montait, montait obstinément, sans répit. Et, de nouveau, les étages se succédaient, sans fin, sans espoir. -Ce colosse monte-t-il jusqu'au ciel ? »
Qui est donc cet homme qui vit ce cauchemar ? En fait, il se demande lui-même qui il est, quel est son nom, et ce qu'il fait là, dans ce lieu sordide… Puis il découvre dans la poche de sa veste un petit carnet qu'il commence à feuilleter, où sont inscrites quelques phrases qui ressemblent à de curieuses missions à accomplir : -pénétrer dans des régions emmurées, déterminer qui est un certain Ohisver Muller, qui serait bienfaiteur de l'humanité, une divinité ou son contraire, un faux dieu…et pourquoi se cache-t-il aux yeux du monde…
Et puis du petit carnet de cet homme amnésique s'échappent des coupures de journaux et aussi une lettre scellée à l'adresse d'un certain Petr Brok.
De ce fait, l'homme sans mémoire se demande avec étonnement s'il ne serait pas lui-même un détective… Et il va se lancer dans une enquête semée d'embuches, une enquête qui s'annonce complexe et effrayante.
Quelle est cette bâtisse inquiétante, cette « Maison aux mille étages » ? Qui l'a conçue ? Qui y habite ? Comment y vit-on ? se demande-t-il…
L'homme, Petr Brok, va y découvrir la présence d'un vieillard aveugle, enfermé dans une pièce où il croupit en tant que prisonnier depuis des années. Sur chaque paume de ses mains un numéro est marqué au fer rouge. Il est l'un des ouvriers qui ont érigé Mullertown, cette maudite cité aux mille étages. Ce vieillard -qui n'a pourtant que trente ans- va en quelques mots décrire quel personnage immonde est cet Ohisver Muller…
Le héros, Petr Brok, grâce à son invisibilité, va réussir à pénétrer dans des lieux jusque-là tenus secrets, dans les coulisses de Mullertown. Il y découvre une humanité réduite à l'état d'esclavage, enfermée dans un univers sous contrôle, créé et dirigé par un tyran. En justicier, Petr Brok va défier, provoquer, et démasquer Muller, pour mettre fin aux agissements de ce dictateur tortionnaire.
Comme je le mentionnais au début de ma critique, le début de ce livre me semblait prometteur… mais plus j'avançais dans cette lecture et moins il me transportait…
Contrairement à ce que vantent la 4e de couv. et le bandeau rouge qui ceint le livre, «
La maison aux mille étages » ne mérite pas à mon sens d'être qualifié de chef-d'oeuvre ! Rien à voir avec les excellents ouvrages dystopiques que sont « le meilleur des mondes » d'Huxley, ou « 1984 » d'Orwell, pour ne citer qu'eux !
Avançant dans le livre, j'avais l'impression de voir défiler devant moi les images d'un pauvre film de série B !
Ce livre aurait certainement pu être intéressant s'il avait été traité différemment. Il n'est pas suffisant d'y insérer et de mélanger les exploits d'un homme-invisible, passe-muraille, dans une tour de Babel, avec des voyages cosmiques vers des étoiles, des lilliputiens, des esclaves qui se révoltent et des personnages autocrates et sanguinaires pour en faire un bon livre d'anticipation digne d'intérêt ! C'est trop touffu et confus, ça part dans tous les sens, ce qui fait que le récit perd en force et en qualité ! J'ai trouvé aussi que la quête de Brok pour trouver Muller est trop longue, rocambolesque, et au final, tombe dans une caricature assez ridicule.
J'ai été plusieurs fois tenté de refermer ce livre avant de le terminer. Trop de qualificatifs, des phrases interrogatives incessantes, trop d'actions répétitives, trop de phrases naïves et infantiles du genre : « le plafond est blanc comme du sucre et ta langue en goûte directement la douceur ». « Au plafond pend une ampoule laiteuse, on dirait un bouton de nénuphar qui sommeille. » !!! Et encore, un article sur comment torturer des fleurs … etc.
Ces visions, qui semblent relever d'un surréalisme naissant, sont aujourd‘hui bien kitsch !
Si, comme il est écrit dans une préface ancienne de ce roman, -l'intention de l'auteur était de nous montrer des aspects inquiétants et tourmentants de la situation de l'homme contemporain et de la médiocrité humaine, personnellement je trouve que son écriture est mal orientée, et sa portée bien insuffisante. J'aurais voulu y voir un cri de l'humanité désespéré ! Arrivé au bout du livre, le résultat n'est pas à cette hauteur du tout !
Petr Brok, à la fin du livre, se réveille. Il sort d'une léthargie typhique.
« Dans l'espace d'un éclair, il se souvint de lui-même, de son passé, de son nom… ».
Le constat final est que tout ce récit n'était pas réellement vécu par le héros. Tout cela n'était qu'un mauvais rêve de sa part !
L'auteur,
Jan Weiss (1892-1972) a été soldat pendant la Première Guerre mondiale et a été interné dans un camp de prisonniers dans une baraque en pleine épidémie de fièvre typhoïde. Ainsi, «
La maison aux mille étages » représenterait la vision de rêve fiévreux du soldat qu'il a été, qui luttait contre la mort, ayant contracté la maladie.
Ce mélange de pauvre dystopie et d'un rêve fiévreux n'est guère passionnant.
Le seul intérêt qu'on puisse trouver à ce livre, c'est d'être en quelque sorte un précurseur de la SF !
Ce roman de
Jan Weiss, écrit en 1929 en Tchécoslovaquie, a mal vieilli.
Contrairement à lui, un autre auteur tchèque, de la même génération, Karel Čapek (1890-1938), a écrit quelques années après, un roman entre science-fiction et politique-fiction, « La guerre des salamandres », qui dans le genre dystopique reste absolument moderne dans son propos et dans sa forme, en plus de faire preuve de certains talents visionnaires ! Ce livre-là est une véritable satire féroce du comportement humain par l'homme, et il conserve, lui, une extraordinaire modernité.
Pour moi, ce livre de
Jan Weiss gagnerait beaucoup à être épuré et modernisé, en étant transposé en roman graphique. Cela lui procurerait un meilleur avenir dans les bibliothèques !
Je ne peux donc que noter très faiblement cette « Maison aux mille étages » avec un 2 et demi/5.