Il fallait voir les choses en face : il n’était plus exactement un jeune mâle séduisant. Rien à voir avec une vedette de feuilleton. Et, bien que sachant que c’était une attitude plutôt sexiste, Gar n’avait pas envie de se résoudre à ce qu’il croyait pouvoir avoir : une veuve grassouillette et douce de son âge ou une divorcée trop mince, trop bronzée, trop complaisante, et jouant au tennis. Que pouvait-il espérer d’autre ? L’idée qu’une jeune femme de vingt-cinq ans puisse entrer dans sa vie ne lui avait jamais traversé l’esprit. Surtout une belle jeune femme de vingt-cinq ans pleine de talent.
La vie ne comporte pas de garantie. Sauf celle qui stipule qu’il faut payer les dettes. Toutes, tôt ou tard. C’était la seule chose certaine dans tout l’univers, du moins du point de vue de Robert.
Il prit le temps de fermer la portière à clé, ce qui ne signifiait pas grand-chose, par les temps qui couraient, quel que soit le quartier. Son seul réconfort était l’idée qu’un voleur de voiture assez stupide pour lever le petit doigt sur son véhicule, quel qu’il soit, le regretterait. Amèrement. Et, d’une façon ou d’une autre, les voyous semblaient le savoir. Les malfrats n’étaient pas toujours aussi idiots qu’il y paraissait. En général, ouais, mais pas toujours.
Et comment expliquer que le fait que deux personnes s’entendent bien, rient souvent et aient des relations sexuelles au-dessus de la moyenne ne suffise apparemment pas à certaines femmes ? Elles voulaient toujours pénétrer dans son crâne pour voir ce qu’il était réellement. Robert ne comprenait absolument pas cette obsession ; et il se fichait bien de ce qui se passait dans leur cervelle.
Une fille aussi intelligente que toi devrait pouvoir se débrouiller dans la vie sans écarter les jambes pour les touristes.
Regarde les hommes tomber (1994) - extrait (Mathieu Kassovitz & Jean-Louis Trintignant)