Publié en Suède en 1978, ce livre propose une réflexion sur un sujet encore tabou : la gestion de la mort. Événement inévitable après la naissance, la mort fait donc partie de l'existence, mais elle y échappe une fois surgie. Elle apparaît comme étant en dehors de la vie et en dehors de nous, et par conséquent, ça revient au hasard de l'imposer.
Ce rapport passif avec la mort nous semble intemporel et toute tentative de contrôle est perçue comme un acte d'impiété, fût-ce au nom de Dieu ou des droits naturels. A ceci s'ajoute le traumatisme hitlérien qui, en Europe, inhibe d'emblée le débat sur ce sujet : ''Si Hitler est parvenu à un résultat quelconque, c'est bien à rendre ce genre d'idées impossible en Occident dans un futur envisageable. Mais on peut se demander s'il est normal que le simple nom de Hitler bloque également des formes douces et humaines de sélection pouvant s'avérer nécessaires pour pour sauver une nation de la ruine. Dans ce cas, il nous aurait vraiment vaincus, en fin de compte."
On peut être frappé par la cruauté et le cynisme en lisant ces phrases, car des mots comme "sélection", "nécessité" et "sauver" ont souvent été exploités dans des discours alarmistes et manipulateurs. Mais peut-on assurer une vie digne pour tout le monde? Et au cas où on n'y parviendrait pas, rendre possible une mort digne ne serait-il pas un acte de responsabilité sociale? Peut-on toujours éviter le conditionnement socio-économique qui applique un regard utilitariste sur la vie humaine? Traiter l'individu comme un moyen au lieu d'une fin en soi revient à lui enlever l'humanité. Mais quel est encore le sens de la vie dans un monde marqué par un transfert de sacralité de la vie elle-même vers la production et la spéculation financière? Est-ce que l'homme peut encore garder son humanité dans un monde où on applique déjà une sélection, mais d'ordre capitalisto-darwinien?
Sous la forme des discours prononcés lors d'une conférence, le livre aborde des sujets comme le rapport entre la manipulation et le sursaut de conscience. l'éthique individuelle et la nécessité collective, le droit et le pouvoir, le catholicisme et le luthéranisme. L'auteur ne cache pas son parti pris qui devient encore plus évident au sujet du recyclage du corps humain, présenté avec un cynisme qui tourne vers le grotesque.
Malgré la richesse réflexive que ces dialogues ont déclenchée, on reste un peu sur sa faim, car le livre est très court. Mais on ne peut pas espérer épuiser un sujet pareil et on ne devrait même pas le souhaiter. Un tel dénouement serait plutôt inquiétant.
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Ce qu'il a d'incongru dans la joie de vivre et dans la mort telles qu'elles existaient à Pompéi, c'est autre chose. Ce qu'on y ignorait, c'était la manie du progrès, le productivisme. Ce désir de substitut matériel au sentiment statique de sécurité qu'apportait la religion, il est typique d'un monde dans lequel le PTEH est à l'oeuvre. Mais tout aussi typique - faut-il ajouter - et sans équivalent dans une société non technologique où régnait l'esclavage, est cette pression incessante venue d'en bas visant à une plus juste répartition des richesses de la société industrielle. C'est le rôle de préposé à la justice matérielle qui justifie aux yeux des masses des bureaucraties sans cesse plus importantes. Ceux que l'on qualifie de défavorisés acceptent volontiers cette tutelle à la seule condition qu'elle leur permette d'avoir leur part du gâteau. Mais, dans une situation de crise telle que nous en connaissons actuellement, ceux qui sont favorisés cherchent eux aussi refuge sous le parapluie de la bureaucratie. C'est sans doute bon pour la discipline collective, mais cela exige un contrôle et une prise en mains permanents des individus, y compris pendant leurs loisirs. Et, pour finir, ce contrôle devient l'énergie qui fait marcher la machine sociale. Toute existence individuelle poussée à bout et toute combustion spontanée à la mode de Pompéi conduiraient très vite à un déficit de moyens et à la ruine générale.
N'ayez pas peur, je n'ai pas oublié Hitler, nous ne projetons pas l'extermination des personnes âgées, des handicapés ou des autres bouches inutiles. Et, si je l'avais oublié, les vieux me le rappelleraient, car ils étaient jeunes, alors. Si Hitler est parvenu à un résultat quelconque, c'est bien à rendre ce genre d'idées impossible en Occident dans un futur envisageable. Mais on peut se demander s'il est normal que le simple nom de Hitler bloque également des formes douces et humaines de sélection pouvant s'avérer nécessaires pour sauver une nation de la ruine. Dans ce cas, il nous aurait vraiment vaincus, en fin de compte.
Seule une société fondée sur le droit naturel peut se préserver de cela. Les procès de Nuremberg étaient, à l'origine, une tentative tout à fait digne d'éloges en vue de placer ces principes au centre de la morale politique. Ce tribunal était, en tant qu'institution, une sorte de frère jumeau de l'ONU mais, au bout d'un ou deux ans, on y a mis un terme. Par opportunisme: on voulait pouvoir réarmer
Allemagne. Mais aussi parce que les alliés ne pouvaient pas être eux-mêmes à la hauteur des normes qu'ils avaient édictées. La guerre du Vietnam l'a bien prouvé et le tribunal Russell s'est alors efforcé de ressusciter l'idée de Nuremberg. Le droit naturel constitue donc toujours à notre époque une sorte d'Internationale et je pense que la PTEH ne doit pas l'oublier.
Tu as vécu ta vie, tu as fait ce que tu avais à faire, nous espérons que tu en es satisfait. Nous te sommes en tout cas reconnaissants. Et si, de ton côté, tu désires remercier la société de ce qu'elle t'a procuré, tu sais ce qu'il te reste à faire. Comment, non ? Mais si. C'est ça. C'est comme de s'endormir paisiblement après une longue journée de tra-vail. Appelle le ministère des Affaires sociales et demande le service des personnes âgées.
Nous t'attendons, tu es le bienvenu. Ne tarde pas trop.
Mais il se trouve que l'économie estime que nous sommes allés trop loin dans l'autre sens, nous qui mourons à quatre-vingts ans. Or, il semble bien que les hommes de Pompéi vivaient intensément, avant de mourir, alors que notre problème est de mourir sans avoir pu vivre. On nous permet simplement d'exister. Tout d'abord en tant que facteurs de production. Puis on nous tolère, pour ainsi dire, quand nous sommes vieux - pour l'instant tout du moins.