Derniers Jours

L'auteur suédois Carl-Henning Wijkmark (1934-2020) a situé cet ouvrage, paru à Stockholm en 1986, en 1962 : l'année de la fin de la guerre d'Algérie avec les accords d'Évian, le 18 mars ; l'attentat sur le général De Gaulle au Petit-Clamart, le 22 août, et l'accident mortel de l'auteur Roger Nimier et l'écrivaine Sunsiaré de Larcône, le 28 septembre.

Ces 3 événements jouent un rôle dans ce roman, où Roger Nimier, le père de l'écrivaine Marie Nimier (née en 1957) s'appelle René Masselon et le lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry passe comme le colonel Berthaud, chef de l'OAS (Organisation Armée Secrète, opposée à l'indépendance algérienne et fondée par les généraux Salan et Jouhaud).

Le récit commence par la rencontre de René et le journaliste suédois Lennart Gelin, le narrateur, à Majorque où se trouvaient à cette époque de nombreux Européens fuyant l'Algérie.

Lennart Gelin, l'alter ego de l'auteur, part à Munich en Bavière pour rencontrer Berthaud et apprendre si le but du guet-apens du Petit-Clamart était vraiment l'élimination physique du général De Gaulle ou, au contraire, seulement son enlèvement pour l'éloigner du pouvoir ?

Je ne vais pas entrer dans le détail de cette phase hautement dramatique de l'histoire de France, que vous connaissez tous de vos cours à l'école et de vos lectures, mais je tiens à mettre en évidence l'approche originale sur le plan philosophique et humanitaire de ces événements par un observateur étranger qui a adoré la France et sa culture.

L'affection de Carl-Henning Wijkmark pour la France est indiscutable comme en témoignent ses fréquents séjours et ses flâneries enthousiastes à Paris ainsi que ses traductions en Suédois d'oeuvres de notamment Roger Vailland et le comte De Lautréamont.

Je rappelle que le lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry a été fusillé le 11 mars 1963 au fort d'Ivry, qu'il n'avait que 36 ans et que sa fille, Agnès (1960-2007), a consacré à son père une émouvante biographie "Mon père, le dernier des fusillés" que j'ai lu à sa sortie en 2005.

Un dernier mot sur l'accident mortel du jeune Roger Nimier, également à l'âge de 36 ans, à bord de son Aston Martin DB à Garches (où sont décédés Guy Béart, Sidney Bechet et Henri Bergson) entraînant la mort de sa compagne, Sunsiaré de Larcône, qui n'en avait que 27 dans cette fatidique année 1962, il y a tout juste 60 ans.

"Derniers jours" de Carl-Henning Wijkmark constitue une curiosité littéraire qui, en dépit des évènements graves relatés, mérite d'être mieux connue.

Un livre dont la critique a été publié sous son autre titre : »1962 »


1962, une année avec une actualité brûlante … Mejesaistout nous rappelle les événements (1).
1962, le livre nous fait vivre en direct par l'intermédiaire d'un journaliste suédois en poste à Paris, les faits.
Le personnage de René Masselon ressemble fort à Roger Nimier, des archives du Monde nous rappelle ce qui s'est passé le 1 octobre 1962 (2).
L'année 1962 est vécue par le narrateur comme une année charnière, Paris laissant derrière lui ses traditions d'une vie particulière qui plus jamais ne seront identiques après, Paris tombant dans la mode de l'américanisation et ses corollaires de vie plus propres, plus chirurgicales et perdant sa fantaisie.
L'écriture est belle, travaillée parfois un peu érudite et nécessite quelques recours au dictionnaire (plutôt agréable).
L'étude des personnages est passionnante à la fois dans leur psychologie et dans leurs actes, pas toujours en accord mais n'est ce pas ce qui peut nous arriver à tous, à un moment où l'actualité se déchaîne et nous oblige à choisir notre camp