Un jeune américain fait un récit épistolaire, à destination de son frère, de ses aventures en Mythgarthr, univers au centre d'un multivers composé de sept mondes distincts, dans lequel il est subitement immergé…
Avec le Chevalier-Mage nous voilà plongés dans un Nème récit initiatique, si cher à la Fantasy. Tel est en tout cas l'a priori que tout amateur du genre pourrait avoir à la seule lecture des quatrièmes de couvertures. Mais il ne faut pas s'arrêter à cela et faire l'effort de lire ce diptyque pour se rendre compte que
Gene WOLFE a écrit là une oeuvre qui sort des sentiers battus, et ce à au moins deux titres.
En premier lieu le héros est tout sauf conventionnel. Enfant projeté dans le corps d'un adulte, il ne semble absolument pas dérouté par son aventure. Il affiche même une détermination à toute épreuve, en dépit des déroutes qu'il rencontre régulièrement. Able du Grand Coeur, puisque tel est son nom dans ce multivers, sait par ailleurs reconnaître ses torts et accepte candidement ses incertitudes. Mais rien ne le fait dévier de son objectif : obtenir le statut de Chevalier en trouvant l'épée légendaire Eterne, puis celui de Mage en restaurant l'ordre dans le multivers.
En second lieu, et surtout, le Chevalier-Mage se démarque de la production habituelle en Fantasy par son mode narratif. Sous la forme d'une longue lettre adressée à son frère, le héros semble apathique tout le long de son récit, comme si son immersion dans ce multivers était ce qu'il y a de plus naturel. de plus, il use régulièrement d'apartés à la seule destination de son frère, ainsi que de nombreux non-dits, comme si le lecteur pouvait comprendre à demi-mots son état d'esprit.
S'inspirant des légendes arthuriennes et de diverses mythologies, nordiques notamment, le Chevalier-Mage de
Gene WOLFE se démarque donc fortement de la production habituelle en Fantasy. Néanmoins, cette originalité ne suffit pas à retenir totalement l'attention du lecteur à cause des multiples niveaux de lecture de l'oeuvre. le nombre impressionnant de personnages ajoute aussi à la confusion, en tout cas pour un lecteur inattentif. Enfin,
Gene WOLFE fait largement usage du non sens à la façon de
Lewis Carroll, ce qui ne facilite pas non plus la compréhension globale du diptyque.
Le Chevalier-Mage est donc une oeuvre difficile d'accès. Mais elle est de ces oeuvres qui dévoilent leurs secrets avec parcimonie au fur et à mesure des lectures. Il est en effet évident que le diptyque de WOLFE mérite plusieurs lectures pour en appréhender toute sa valeur. La prose de l'auteur étant de qualité, et son humour très fin, cela ne devrait pas poser de problèmes.