Une fois n'est pas coutume, difficile concernant
Stefan Wul de passer après l'excellente critique du camarade Pavlik ! ^^
Sur la planète Ygan, les humains vivent sous la domination des Draags, soit en étant qu'Oms de luxe, animaux de compagnie, ou en tant qu'Oms sauvages vivants de rapines dans les interstices de la société draag et régulièrement victimes de campagnes de désomisation… Nous suivons la quête d'apprentissage puis la quête de liberté du jeune Terr, qui en écoutant les leçons de sa maîtresse Tiwa accède au savoir, à la technologie et au moyen de lutter contre les Draag avec leurs propres armes !
Nous sommes dans une version spartakiste des "Minipouces" ou des "Minimoys" car
Stefan Wul fil l'allégorie de la lutte des classes entre Guerre Froide et décolonisation certes, mais il met en scène de manière intéressante les différences d'échelle entre les petits oms et les draags géants, notamment dans le contraste dans l'écoulement du temps (1 journée draag correspond à 45 journées humaines).
Il y a une phase à La Planète des singes, tant les thématiques entre les deux romans sont proches. Terr et les siens sont traités comme des animaux de compagnie, et le héros n'a de cesse de se battre pour gagner sa liberté… Et une fois qu'il la gagné c'est livré à lui-même qu'il se rend compte que tout reste à faire quand il intègre une bande d'oms sauvages...
L'Om sauvage amène la pratique, l'Om civilisé amène la théorie, et en associant les deux la communauté clandestine à laquelle notre héros s'est joint améliore grandement ses chances de survie avant de penser à améliorer ses conditions de vie, mais quand Brave et ses compagnons périssent en combattant un seul et unique Draag, Terr comprend que les David ne peuvent rien contre les Goliath et qu'il va falloir changer radicalement de stratégie…
On passe ensuite à la vitesse supérieur car Terr ne mène plus une bande mais un peuple tout entier !
Il y ainsi une phase qui mêle "L'Exode" et "L'Odyssée", où la flotte improvisée du nouveau messie des hommes mène le peuple des oms vers une terre promise pleine de dangers en raison d'une flore et d'une faune dont le gigantisme qui les rendent particulièrement hostiles pour nos réfugiés révolutionnaires …
Il y a enfin une phase Spartacus où Terr et les siens mènent une guerre, défensive certes mais sans pitié, contre les Draag qui veulent anéantir les Oms rebelles avant que la nouvelle nation humaine n'ait le temps de se développer ou que la révolution ne grossisse suffisamment pour frapper à leur porte…
On dans l'allégorie même pas déguisée de la lutte des classes à l'échelle internationale dans l'entre-deux-guerres avec des nations capitalistes ne ménageant pas leurs efforts pour détruire l'URSS naissante (mais qui d'un autre côté ont laissé pour des raisons idéologiques l'Italie fasciste, l'Allemagne nazie et le Japon impérial faire à peu à près tout ce qu'ils voulaient… MDM !)
Mais là où l'épopée de Spartacus finissait tragiquement, Terr obtient la chance d'un nouveau départ pour les masses opprimées par l'oligarchie draag en recourant à l'une des marottes de l'auteur, à savoir le recours à la bioénergie ! (remember "Matrix" certes, mais on est vraiment dans l'allégorie de conquête de la liberté par le prolétariat car si l'union fait la force il ne faut pas oublier non plus qu'une bouche, c'est deux bras et deux jambes ^^)
L'auteur français de science-fiction, comme bien d'autres de science-fiction de son époque, n'a jamais été très loin du conte philosophique et dans l'épilogue par Maître Sinh amène deux morales :
- au lieu d'être ennemies et de viser leurs destructions mutuelles, les civilisations draag et humaines peuvent cohabiter pacifiquement en tant que rivales, chacune se servant de l'autre pour se remettre en cause et se dépasser… On est en plein Guerre Froide entre les USA et l'URSS et ma foi cette morale peut faire sens (je reste persuadé que les banksters, les patrons voyous et les managkillers seraient actuellement beaucoup moins arrogants si l'ogre communiste existait encore)
- on explique que tout est bien qui finit bien car
« Voilà ce que nous avons provoqué ! Nous avons... détribalisé l'om, nous l'avons rendu à son individualité. Il y a certes perdu les trois quarts de ses instincts sociaux tyranniques, mais non son instinct grégaire. Et il retrouve en plus son intelligence, son goût de la liberté ; peut-être demain son goût de la conquête. Nous l'avons sorti de l'impasse de l'instinct pour le replacer sur la route du progrès. »
On est dans le paternalisme colonial et là ça fait vachement moins sens, car on tous lu ou vu "La Planète des singes"* et asservir des gens et les traiter en inférieurs ça n'a jamais rendu les gens meilleurs hein !
Pour finir, Signalons l'adaptation cinématographique de 1973 intitulée "
La Planète sauvage" réalisée par
René Laloux sur des dessins de
Roland Topor, qui fit sensation à son époque et qui a longtemps fait les beaux jours des salles de cinéma d'art et d'essai
* D'ailleurs soit dit en passant, je trouve que l'oeuvre de Pierre Boule fait bien le lien entre les SF de
René Barjavel et la SF de
Stefan Wul… blink