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3,66

sur 120 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Grenouilles » m'a permis de découvrir Mo Yan mais également la littérature chinoise. C'est donc en novice, et en terre peu connue, que je m'exerce à la critique. A la fois loufoque et d'une construction minutieuse, ce livre offre une plongée fascinante dans la Chine, son histoire, ses croyances.

La complexité de l'oeuvre ne rend pas sa lecture difficile qui, au contraire, est très aisée. La complexité vient ici du travail de l'auteur. En effet, « Grenouilles » constitue à la fois une sorte d'essai historique romancé de l'histoire moderne voire contemporaine de la Chine à travers l'exemple de la mise en place de la politique de l'enfant unique et une mise en abyme du travail de l'auteur, de la production littéraire. Ce sont ces deux accouchements – celui des femmes chinoises qui cherchent à donner la vie malgré les dangers que cela implique et celui de l'auteur dans la mise au monde de son oeuvre – qui sont au centre du livre.

Tout le livre est donc construit autour du travail des parturientes et de l'écrivain pour se finir par une (ou deux) naissances, dans une ultime pirouette que nous offre Mo Yan. C'est ici tout le talent de l'auteur qui s'exprime : aucun détail n'est laissé au hasard ni aucune intention. On passe ainsi du début du livre, où le narrateur, enfant, adhère corps et âme à la politique du Parti Communiste dont le but ultime est l'ancrage du matérialisme dans les mentalités dans une Chine profondément rurale et pauvre, à la fin de l'ouvrage, dans une Chine urbanisée, puissance économique mondiale à la recherche de son âme et qui, nageant dans le confort matériel, revient à ses croyances millénaires.

Ce mouvement à la fois dialectique et complémentaire, circulaire comme le yin et le yang, est présent dans tout le livre dont le récit se déroule sous forme de roman, de roman épistolaire et de pièce de théâtre, avec un aller-retour permanent entre passé et présent. Au-delà de ses qualités littéraires, il faut également souligner l'habileté de Mo Yan à décrédibiliser le régime communiste chinois sans jamais le critiquer.

Un chef-d'oeuvre. A lire absolument !
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Dans la famille Wan, le narrateur est Wan le Pied, prénommé également Petit Trot, nom de plume Têtard. Celui-ci est écrivain et a la cinquantaine : il décide décrire l'autobiographie de sa tante Wan le Coeur.

Dans la première partie, Wan le Coeur devient sage femme à 18 ans, au début des années soixante. Pendant des décennies, elle va mettre des enfants au monde. le narrateur lui a dix ans(naïf et gaffeur).

Dans la deuxième partie, vingt ans après, la tante Wan gère, d'une main de maître le planning familial (car Mao a dit qu'il ne devait y avoir qu'un seul enfant par couple et que la Tante est obéissante (pour ne pas dire totalement soumise au grand timonier)
1982 : Wan le Pied n'hésite pas entre l'avis de sa femme qui attend un deuxième enfant (strictement interdit) et sa tante qui veut faire avorter sa femme de force !
Ce roman arrive en même tant à être triste à en pleurer et à faire rire…

Troisième partie (20 ans après à nouveau): la politique de l'enfant unique commence à s'assouplir et Wan entrevoit la possibilité d'avoir un deuxième enfant : pour cela il ne reculera devant aucun crime (si ce que dit Chen le Sourcil est vrai, mais Chen le Sourcil est une femme et ce que disent les femmes n'est qu'affabulations, comme chacun sait…)

Quatrième et dernière partie : il s'agit de la pièce de théâtre écrite par Têtard : elle permet de revisiter en quelques 9 tableaux tout ce qui s'est déroulé au préalable.

Ce roman est ironique et très critique vis à vis de la politique de l'enfant unique, politique que les riches arrivent à contourner.
Il est également révélateur de la (misérable) place des filles et des femmes dans la Chine de 1950 à 2000 (toutes classes sociales confondues)

Un livre enthousiasmant qui mérite une relecture ; je ne pense pas avoir compris la moitié de ce que veux transmettre l'auteur (Mo Yan, prix Nobel de littérature 2012) même si l'écriture parait simple au premier abord.
Bref un coup de coeur ! Au niveau de ce que j'avais ressenti pour « 100 ans de solitude » d'un autre prix Nobel. (Que l'auteur cite d'ailleurs p 404)

Quant au titre de ce livre, il repose sur une homophonie en chinois ; le mot WA, selon le contexte, signifie soit « enfant », soit « grenouille »
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j'ai découvert avec un intense plaisir la prose de Mo Yan .son histoire de la tante gynécologue obstétricienne dans la chine des années 60 est absolument extraordinaire.Le sort des femmes est finement mis en lumière;Les personnages sont farfelus, les situations sont à la fois cocasses et tragiques.Il s'agit d'un coup de coeur sensass.Je rapprocherais ce roman du célébre"cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez c'est aussi génial!!!Désormais je n"ai qu'un désir, celui de lire les autres romans de Mo Yan et je vous engage à en faire autant.....
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Voila un livre intrigant. Déjà le titre laisse perplexe mais il s'explique au fil du roman puisqu'il repose sur le son "wa" qui signifie bébé ou grenouille mais avec un idéogramme different. Il faut savoir que les deux jouent un rôle majeur dans ce livre. Et je ne parlerai pas des grenouilles pour éviter de vous dévoiler la fin.

C'est un livre où les personnages se succèdent à un rythme effréné et il est parfois difficile de s'y retrouver surtout lorsque l'on n'est pas familier avec les noms chinois.

Plusieurs histoires se croisent dans ce roman. Un homme Chinois Têtard (son nom de plume) écrit à un vieillard Japonais. Têtard voue une grande vénération à cet homme lettré mais on ne saura pas vraiment pourquoi. Même si on peut supputer in fine une relation familale vu les détails de la fin. C'est surtout un prétexte pour que Têtard raconte la vie de sa Tante qui n'est pas une tante mais une grande cousine et également la vie de Têtard. Or la vie de ces deux personnes couvre la période de la fin de Mao (1953), la révolution culturelle, la période de la naissance unique puis enfin notre époque. La tante qui était sage femme, gynécologue va devenir une farouche avorteuse qui ne laissera aucun répit aux femmes qui enfreignent la loi du planning familial. Tout le long du roman on perçoit les rouages de la vie chinoise de ces différentes époques. Où le héros du jour pouvait être l'ennemi de demain. Où les trahisons étaient légions. Où la femme, malgré l'égalité communiste, vaut moins qu'un homme. Surtout lorsque l'on parle natalité et culte des ancêtres. Et même aujourd'hui où un capitalisme effréné cohabite avec un PC politique.

Bien que ce roman soit tragique par les faits et les atrocités qu'il dénonce. Mo Yan réussit l'exploit de faire sourire le lecteur. Il nous rend compte de toutes ces horreurs et tous ces abus de telle façon qu'il nous donne l'impression d'être dans l'histoire.

La fin du livre écrite sous forme de pièce de théâtre nous permet à la fois d'avoir le fin mot de l'histoire et l'impact contemporain mais également d'avoir un aperçu / une comparaison entre deux styles très différents et je dois avouer que cette pièce m'a ennuyée par son caractère emphatique. Mais je pense que c'était un choix de l'auteur.

Ce livre permet de mieux connaitre cette Chine qui est fantasmagorique pour les occidentaux. C'est un livre qui parle de la place et du rôle de la femme, de la famille.

C'est franchement passionnant. Cela fera parti de mes découvertes 2012. Et je pense comprendre pourquoi il a eu ce Nobel de Littérature.

La première phrase est la suivante : "cher Monsieur Sugitami Yoshihito, Voila bientôt un mois que nous nous sommes quittés, pourtant je revois très nettement tous ces moments que nous avons passés ensemble dans mon pays natal."
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Un petit village de Chine, dans les années 50.
La tante du héros est sage-femme. Jusqu'à ce que le régime impose la régularisation des naissances. Son travail va consister maintenant à interrompre des grossesses. Dévouée au Parti, elle s'y appliquera. Consciencieusement, énergiquement.
Si le but à atteindre lui semble juste, qu'en sera-t-il de l'impact sur sa part d'humanité, sur sa conscience ?
J'ai beaucoup aimé ce livre. Très bien écrit, nuancé, sans jamais larmoyer. Écrit à la façon épistolaire sans toutes les tournures un peu pénibles (si, si, on ne nie pas), l'auteur prend le parti de décrire sans juger, de raconter, de distraire également.
Original et subtil.
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Depuis les années cinquante juste au moment du « grand bond en avant » de la période Mao jusqu'à nos jours (vers 2009, année du roman), Têtard ou Petit Trot se fait le narrateur de sa tante – tout le monde d'ailleurs l'appelle « la Tante » - gynécologue qui passe à travers toute cette histoire. Parallèlement, Têtard rend compte de l'évolution de la société depuis Mao.
On démarre dans une Chine pauvre dans laquelle les enfants meurent de faim à tel point qu'ils en viennent à manger du charbon puis dans celle du président Mao lors de la régulation des naissances pour justement empêcher ce genre d'excès. Au centre de ces évènements, la tante, qui de sage-femme, se fait avorteuse au nom de la loi du pays et du parti, actes qu'elle regrette à la fin de sa vie. Ayant épousé un artiste, un sculpteur sur argile, il lui façonne tous les bébés qu'elle « a tués » selon elle et elle leur voue un culte. Têtard est lui-même confronté au problème puisque sa femme attend leur deuxième enfant et essaie de fuir la loi du parti. Toutes celles qui ne se soumettent pas à cette loi sont rattrapées et priées d'avorter dans le centre local.
Plus tard, il s'agit d'une réflexion sur la maternité, le désir d'enfant des femmes qui ne peuvent en avoir et la « location » de mères porteuses sous couvert d'un élevage de batraciens, d'où le titre. Des femmes défigurées par un incendie par exemple, comme Chen le sourcil, - les prénoms viennent toujours d'une partie du corps comme l'explique Têtard au début du roman – sont louées à des fins de reproduction. Là encore, on joue avec la légalité, le respect des lois du parti qui a assoupli le régime de l'enfant unique mais pour les femmes, la grande frustration d'avant les incite à vouloir des enfants à tout prix. C'est le cas de la deuxième femme de Têtard, Petit Lion, ancienne assistante de « la Tante » qui veut son bébé en passant par le ventre de Chen le sourcil. Celle-ci, une fois qu'il est né, le réclame à en devenir folle et, à la fin dans la pièce de théâtre que Têtard prétend écrire et qui arrive en fin de roman, il y a un jugement de Salomon pour savoir qui des deux mères pourra s'en occuper de droit. Etonnant ces références des épisodes de la Bible dans un livre chinois. Têtard et Petit Lion ont aussi un enfant sur le tard comme Sarah et Abraham.
Ce roman grouille de vie, vie d'une petite province de la Chine populaire avec ses conflits, ses amours, ses jalousies ses traîtrises et ses pardons. Têtard grandit au milieu de tout ça et retrouve ses camarades de classe, dans un marché ou dans des bureaux où l'influence et le kitsch de l'occident commence à pointer le bout de son nez.
Un roman édifiant et prenant même si le début est assez complexe pour se souvenir de tous les noms, on sent une richesse énorme de tout ce qui est écrit et tout s'imbrique autour de jeu de mots chinois : « Wan » qui veut dire à la fois « bébé » et « grenouille. » Et tout est empli de sagesse, d'un regard bienveillant sur ces hommes et ces femmes qui s'ébattent avec leur vie et leurs ennuis.

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Lire Mo Han n'est pas particulièrement facile. Grenouilles est le 2ème livre que je lis de cet auteur (le premier, c'était le clan du sorgho). À chaque fois, je me prends une sacrée claque. Les sujets abordés sont lourds, durs, douloureux. Dans Grenouilles, il s'agit d'aborder la politique de l'enfant unique menée en Chine depuis Mao. La structure du roman est un peu difficile à saisir. Au demeurant, Mo Yan maîtrise l'art d'immerger son lecteur dans un monde étranger. C'est ce qui me frappe à chaque fois : quand ma lecture se termine, il me faut plusieurs jours pour revenir en France ! Je pense chinois, en qq sortes. Expérience puissante...
J'ai eu l'occasion de regarder le documentaire "un monde sans femmes" à la télévision juste après la fin de ma lecture et cela m'a confirmé le contexte global (restriction des naissances pas seulement en Chine) et les conséquences de cette politique sur les sociétés actuelles et la place des femmes.
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Grenouilles parce que la prononciation du mot en chinois est la même que celle du mot bébé. Et c'est bien de cela dont il s'agit tout au long de ce roman, à travers le personnage emblématique et ambivalent de Wan le Coeur, dite « la Tante », gynécologue de son état, qui nous est conté par son neveu Wan le Pied dit « Petit Trot».
L'histoire comprend deux parties :
- la première nous emmène dans la campagne chinoise au sein du canton de Dongbei où les compétences de la Tante lui permettront de réaliser avec succès plus de 1600 accouchements sauvant par là-même de nombreuses vies. Mais après la grande famine des années 60 puis le boom des « enfants patates douces », c'est la politique de l'enfant unique qui est lancée avec tous les excès et violences que cela a pu engendrer au sein d'une population paysanne attachée à avoir une nombreuse descendance et surtout un héritier mâle pour maintenir la lignée. Dans ce contexte, la Tante, fervente communiste, appliquera avec fanatisme la politique draconienne du planning familial avec avortements et stérilisations forcés, n'hésitant pas à pourchasser celles et ceux qui enfreignent les règles. C'est ainsi que Wang Renmei, la première épouse de Petit Trot, y laissera la vie ;
- la seconde partie nous transporte dans la Chine contemporaine où les déviances de la politique de l'enfant unique continuent ses ravages sous une forme plus sournoise. le narrateur est cette fois-ci au coeur de l'histoire, laissant la Tante un peu en arrière-plan (taraudée par le remords pour toutes les vies qu'elle a contribué à supprimer). Âgée de plus de 50 ans, « Petit Lion », la seconde épouse de Petit Trot, est « en mal d'enfant » et décide, via une société spécialisée clandestine, de faire appel à une mère porteuse. C'est la malheureuse Chen le Sourcil, défigurée suite à un incendie et devant payer les dettes de son père, qui sera la victime d'un système qui repose sur l'argent et la corruption et qui permet aux familles les plus aisées d'obtenir l'enfant qu'elles désirent.

C'est un roman très riche aussi bien au niveau de l'histoire et des personnages que de la construction et du style. Mo Yan mêle les genres avec brio : forme épistolaire, récit, conte, fantastique pour terminer par du théâtre. le roman foisonne aussi de symboles, de références mais aussi de correspondances et jeux entre les mots et les sons (que l'on comprend grâce aux explications de la traductrice).
Mais surtout, Mo Yan nous raconte avec verve et truculence l'histoire à la fois cocasse et tragique d'une communauté issue de la campagne chinoise qui, tout en restant toujours très imprégnée des anciennes traditions, a dû subir à marche forcée, le passage vers une société dogmatique et matérialiste.

J'ai lu avec énormément d'intérêt et de plaisir cette évocation très réaliste et pleine de fantaisie de la société chinoise du XXème siècle. Je suis assez intriguée par Mo Yan, écrivain reconnu en Chine, qui ose (dans certaines limites toutefois...) la critique vis à vis des excès commis sous Mao mais aussi pendant une période plus contemporaine. En tous les cas, c'est un auteur talentueux qui mérite vraiment le détour.
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C'est un roman bien curieux que Grenouilles, pour le lecteur sinophile le trouble est présent dès le titre, dont le mystère nous est expliqué en quatrième de couverture.
Fidèle aux ouvrages précédents de MO Yan, Grenouilles est un livre qui se laisse apprécié au fil de sa lecture. Il y a dans la langue de MO Yan un souffle, une ampleur surprenante. C'est un livre qui se distille à petite dose, un fouillis organisé. C'est au travers d' une succession d'anecdotes, tour à tour triste, gaie, drôle, de personnages tous plus haut en couleurs les uns que les autres que l'on va découvrir l'univers de Tétard. Et par sa vie, l'univers d'une Chine rurale dans une période de bouleversement. Bouleversement, la mise en place de la politique de l'enfant unique du planning familiale, pour ce pays de campagne c'est peu dire. Il faudra bien une femme de la trempe de la tante gynécologue pour faire appliquer, par tous les moyens, les directives de cette politique. MO Yan dénonce sans dénoncer, il laisse au lecteur le lire selon sa sensibilités. J' y ai lu des drames affreux, des histoires troublantes, le tout cachés derrières des situations cocasses et camouflés sous une bonne dose d'humour.
Si j'ai eu un peu de mal à passer les premières pages ce n'était qu' une sensation passagère.
Un très beau portrait, une lecture que conseille à tous ceux qui apprécie ou souhaite découvrir la littérature chinoise.


Il y a de très très nombreuses notes du traducteurs en bas de pages, elles sont toujours bien venues pour nous expliquer jeux de mots, humour et ironie ...etc
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Ces grenouilles sont un régal littéraire, à déguster sans modération!
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