Monumental. Riche d'enseignements pour un homme mûr.
N'étant ni latiniste, ni hélleniste et encore peu féru d'histoire antique, c'est une lecture exigeante: les références à des personnages et lieux antiques et mythiques sont nombreuses.
Cependant, rarement ai-je lu un récit aussi limpide et profond. Une envie de souligner quantité de passages; mais pourquoi sélectionner. La tâche serait immense et par conséquent vaine.
Tout au long du récit, les pensées d'Hadrien se portent fondamentalement sur des thèmes fondamentaux: la mort, l'amour, le pouvoir et la raison.
Mais aussi le temps qui se rétrécit: « Je n'en suis pas moins arrivé à l'âge où la vie, pour chaque homme, est une défaite acceptée ».
Et le temps qui éclaire: « La vie m'a éclairci les livres ». Moi aussi (modestement)!
Par le truchement d'une partie introductive très philosophique, on entre petit à petit dans le monde d'Hadrien qui nous dit expérimenter trois moyens d'évaluation de l'existence humaine: l'étude de soi, l'observation des autres, et les livres.
Les livres ne peuvent contenir la vérité. Les poètes, les philosophes, les historiens, les conteurs échouent à embrasser la réalité.
L'observation des autres est par nature biaisée.
Reste donc le plus difficile, l'étude de soi en analysant son parcours de vie. Que retenir de ce parcours? Les actes, la position, les faits, les évènements, les lieux, les vices et vertus?
Alors se voyant mourir, il adresse une lettre à
Marc Aurèle, son fils adopté tardivement, où il dresse le bilan d'une vie avec ses réussites, ses échecs.
On prend part dès lors à l'ascension d'Hadrien, à son exercice exalté mais humain du pouvoir puis le temps des désillusions arrive avec la maladie et la prise de conscience de sa vanité d'avoir voulu croire pouvoir contrôler la destinée des peuples sous son empire.
La complexité de la nature humaine avec ses vices et ses vertus est remarquablement décrite. Hadrien ne se place pas au dessus des siens sauf sur un point: la liberté, et sa volonté de puissance n'a été mise au service que de la liberté. Sa liberté de penser, d'agir.
Humanité, Liberté, Bonheur sont ses valeurs cardinales portées pour le peuple afin qu'il se les approprie. Encore une illusion.
La phase d'attente d'Hadrien de sa mort certaine est pour moi un grand moment de littérature, où l'on partage ses sentiments contradictoires de peur et d'avidité.
Absolument remarquable.
Je me demande encore par quel tour de force
Marguerite Yourcenar a-t-elle pu faire revivre l'empereur Hadrien? Quelle somme de travail, de sagesse et d'application!