AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,27

sur 3350 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une rencontre,
une voix mystérieuse,
et soudain, la foudre.

L'on ne présente pas Marguerite Yourcenar, l'on ne résume pas ses Mémoires d'Hadrien. L'on peut, si l'on le souhaite, les rencontrer. Car Yourcenar est devenue Hadrien en lui prêtant sa voix. C'est ainsi que surgit, en plein vingtième siècle, la figure d'un empereur des débuts du second. Étrange alchimie où se mêlent vivants et morts, aristocrates bruxellois et empereurs quasi divinisés.

L'Hadrien des Mémoires est un homme complexe. Érudit, esthète, passionné de chasse mais ne voyant dans la guerre qu'un métier, amoureux épris de femmes et d'hommes mais dégouté de son épouse, s'infligeant une discipline de fer mais horrifié par les limites, contraintes et routines, il sait ne pouvoir réformer le monde mais veut l'améliorer. Ambitieux, passionné par la conquête du pouvoir, il se mue en despote éclairé dès qu'il a trouvé sa place, au sommet. Admirateur des philosophes et des poètes, il n'aime rien autant que régler des problèmes concrets. Un homme qui veut atteindre à une sorte de bienveillance universelle, pratique informée par la fréquentation assidue du bien, du beau et du vrai, et armée du pouvoir impérial. Une sorte de Jupiter éclairé, bienveillant ? Hadrien est ce que l'homme peut espérer devenir, s'il n'est assisté que de ses propres lumières, s'il ne peut s'appuyer sur aucune grâce supérieure à cette condition humaine que même l'empereur partage avec l'affranchi.

Pour ma part, je n'ai lu ce merveilleux roman ni comme un traité de philosophie politique, ni comme une étude historique du personnage d'Hadrien ou de son époque, mais comme une fiction littéraire, basée sur l'impressionnante culture classique de Marguerite Yourcenar. Dès les premiers paragraphes, j'ai eu le sentiment d'entrer, non pas dans un texte, mais dans une oeuvre. Chaque mot est choisi, ciselé, peaufiné. Les phrases, courtes, dénotent un contrôle, une maîtrise du verbe qui n‘admet aucune emphase déplacée. Des paragraphes serrés, des chapitres qui ont des noms là où d'autres mettent des chiffres. La vision d'une vie, un panorama net et clair, sans concessions, sans amertume ni mièvrerie. Hadrien vu par Hadrien, quand il se voit tel qu'il voudrait être vu par son successeur. Même s'il admet quelques omissions, s'il demande pour lui-même la mansuétude qu'il dit avoir accordé à d'autres. Un homme presque sage, dira Marguerite Yourcenar. Presque.

Je quitte ce livre sur l'image qui m'est venue à l'esprit au début de ma lecture : la scène initiale de l'Amadeus de Forman. Salieri, homme vaniteux, peu talentueux, aigri, se trouve à la fin d'une vie qu'il estime désastreuse. Aucune lumière dans l'esprit de cet homme qui, ayant raté même son suicide, se retrouve dans un asile d'alliénés. Un homme qui maudit le jour de sa naissance. Un prêtre essaye de le confesser, et bien vite la conversation porte sur la musique de Mozart. Et là, on voit ce teint cireux reprendre des couleurs, l'on entend la voix de Salieri s'adoucir, les gestes lui reviennent, il reprend figure humaine, et c'est avec une infinie douceur qu'il évoque une musique inconnue, inimaginable, une chose d'une beauté, d'une pureté au-delà de ce qu'il peut concevoir, imaginer, espérer même … C'est l'impression mystérieuse, magique que ce livre m'a fait. Un texte dont la beauté inexplicable m'a sidéré, et me laisse pantois. Ce que Cannetille appellerait “ Au-delà du Coup de Coeur”.



Commenter  J’apprécie          7114
J'avais lu les Mémoires d'Hadrien au lycée, avant même d'étudier plus tard l'histoire antique de plus près (précisément la période de la Rome des Antonins des Ier- IIe siècles) à la fac.
Pour écrire ces pseudo-mémoires, Marguerite Yourcenar s'est reposée sur une documentation abondante et une bibliographie scrupuleuse, avec à la clé, on le sait, un succès international amplement mérité !
C'est un récit sur la transmission du pouvoir, agrémenté de conseils paternels et avisés, reposant sur une grande expérience personnelle et la sagesse de la maturité.
Commenter  J’apprécie          10
« Ceux qui auraient préféré un journal d'Hadrien à des Mémoires d'Hadrien oublient que l'homme d'action tient rarement de journal : c'est presque toujours plus tard, du fond d'une période d'inactivité, qu'il se souvient, note, et le plus souvent s'étonne. »

Arrivé au crépuscule de son existence, l'empereur Hadrien écrit ses mémoires à l'intention de son successeur et petit-fils adoptif, le futur empereur philosophe : Marc Aurèle.

Un regard introspectif sur près de vingt années de règne sur le plus grand empire du monde. Il en tire un bilan fait de réussites : ses succès militaires qui lui ont valu de rentrer dans les bonnes grâces de l'empereur Trajan, son goût pour les arts et la culture hellénique, qui vont connaître un essor culturel encore jamais vu jusqu'alors, et sa compréhension et son respect des cultes qui ont apporté une paix relative au sein de l'empire. Mais aussi un bilan fait d'échecs : son incapacité à régler pacifiquement les révoltes juives en Palestine, peu après la mort de son jeune amant Antinoüs, l'ont plongé dans une profonde mélancolie.

Marguerite Yourcenar offre sa vision de la figure historique qu'est l'empereur Hadrien. Un livre qu'elle a retravaillé pendant trente années. Elle avait songé, au départ, de créer une forme de dialogue, mais se résigna de peur de voir la personnalité de l'empereur Hadrien se noyer au milieu d'autres protagonistes.
Le choix des mémoires est judicieux car il permet à l'écrivaine de fusionner avec son personnage principal. À tel point que le jeu des comparaisons est tentant. L'homosexualité de l'empereur répondant à celle de l'écrivaine.

Là où un banal essai historique aurait affadi Hadrien, le roman historique déguisé en mémoires permet d'animer un personnage, qu'on aurait tort d'imaginer aussi monolithique que le marbre des statues. Sous la plume d'Yourcenar, Hadrien paraît sous un jour réaliste, contenant toutes les vertus et vices des hommes. Loin de s'astreindre à la discipline ascétique des stoïciens, c'est un être fait de passions, un amoureux des arts pour qui la vie est un banquet. Et c'est parce qu'il est un homme d'État éclairé que ses tourments apparaissent touchants au commun des mortels.
Commenter  J’apprécie          150
Un livre monde, sur le monde. Antique mais si moderne. Les interrogations sont les même, les ruptures, les sentiments, la recherche d'absolu. Une magnifique lettre, sa dernière, de l'empereur philosophe qui nous livre les secrets de son coeur, de son âme et nous montre combien le pouvoir appartient à ceux qui n'en abusent pas.
Commenter  J’apprécie          10
Il en est de ces rares livres qui vous marquent alors que vous n'avez pas tout compris au propos…
Parce que le style est magnifique, la réflexion profonde et que l'intelligence et l'aura de l'auteure transpirent à chaque ligne.
Alors oui c'est compliqué. Mais être allé au bout de ce livre sans jamais avoir décroché, en se sentant obligé, même inconsciemment, de réfléchir sur notre monde et sur soi est un vrai révélateur de la qualité immense de ce pur chef d'oeuvre.
Quand même le lecteur "béotien" finit par se sentir totalement immergé dans un tel niveau de réflexion et de finesse… tout est dit!
Commenter  J’apprécie          202
Quelle belle écriture ! Chaque phrase est dense, puissante , ciselée , riche et poétique. Exceptionnel texte qu il faut déguster lentement. On bascule dans l empire romain , on se sent dans la tête de l empereur Hadrien , dans ses réflexions, ses projets , ses espoirs de paix , de développement, de culture pour les peuples conquis. Il désire rompre l expansion pour maintenir l empire en paix dans ses frontières. le modèle de la Grèce, de ses philosophes comme de ses monuments , reste en lui tel un chemin à suivre.
Commenter  J’apprécie          90
Très bonne découverte, je n'avais jamais lu du Marguerite Yourcenar, c'était donc une première. Une vrai bonne expérience, un style fluide, très bien écrit, une qualité d'écriture mais à la fois très abordable. de plus le roman en lui même est passionnant, jamais je ne me suis lassé de lire la vie de cet Empereur Romain, ou tout est fait pour que l'histoire "glisse" en douceur, pour arrivé à l'aurore de sa vie et plus loin encore...
Commenter  J’apprécie          170
Monumental. Riche d'enseignements pour un homme mûr.
N'étant ni latiniste, ni hélleniste et encore peu féru d'histoire antique, c'est une lecture exigeante: les références à des personnages et lieux antiques et mythiques sont nombreuses.
Cependant, rarement ai-je lu un récit aussi limpide et profond. Une envie de souligner quantité de passages; mais pourquoi sélectionner. La tâche serait immense et par conséquent vaine.
Tout au long du récit, les pensées d'Hadrien se portent fondamentalement sur des thèmes fondamentaux: la mort, l'amour, le pouvoir et la raison.
Mais aussi le temps qui se rétrécit: « Je n'en suis pas moins arrivé à l'âge où la vie, pour chaque homme, est une défaite acceptée ».
Et le temps qui éclaire: « La vie m'a éclairci les livres ». Moi aussi (modestement)!

Par le truchement d'une partie introductive très philosophique, on entre petit à petit dans le monde d'Hadrien qui nous dit expérimenter trois moyens d'évaluation de l'existence humaine: l'étude de soi, l'observation des autres, et les livres.
Les livres ne peuvent contenir la vérité. Les poètes, les philosophes, les historiens, les conteurs échouent à embrasser la réalité.
L'observation des autres est par nature biaisée.
Reste donc le plus difficile, l'étude de soi en analysant son parcours de vie. Que retenir de ce parcours? Les actes, la position, les faits, les évènements, les lieux, les vices et vertus?
Alors se voyant mourir, il adresse une lettre à Marc Aurèle, son fils adopté tardivement, où il dresse le bilan d'une vie avec ses réussites, ses échecs.
On prend part dès lors à l'ascension d'Hadrien, à son exercice exalté mais humain du pouvoir puis le temps des désillusions arrive avec la maladie et la prise de conscience de sa vanité d'avoir voulu croire pouvoir contrôler la destinée des peuples sous son empire.
La complexité de la nature humaine avec ses vices et ses vertus est remarquablement décrite. Hadrien ne se place pas au dessus des siens sauf sur un point: la liberté, et sa volonté de puissance n'a été mise au service que de la liberté. Sa liberté de penser, d'agir.
Humanité, Liberté, Bonheur sont ses valeurs cardinales portées pour le peuple afin qu'il se les approprie. Encore une illusion.
La phase d'attente d'Hadrien de sa mort certaine est pour moi un grand moment de littérature, où l'on partage ses sentiments contradictoires de peur et d'avidité.
Absolument remarquable.
Je me demande encore par quel tour de force Marguerite Yourcenar a-t-elle pu faire revivre l'empereur Hadrien? Quelle somme de travail, de sagesse et d'application!
Commenter  J’apprécie          123
« Les catastrophes et les ruines viendront ; le désordre triomphera, mais de temps en temps l'ordre aussi. La paix s'installera de nouveau entre deux périodes de guerre; les mots de liberté, d'humanité, de justice retrouveront cà et là le sens que nous avons tenté de leur donner. Nos livres ne périront pas tous; on réparera nos statues brisées; d'autres coupoles et d'autres frontons naîtront de nos frontons et de nos coupoles; quelques hommes penseront, travailleront et sentiront comme nous: j'ose compter sur ces continuateurs placés à intervalles irréguliers le long des siècles, sur cette intermittente immortalité. »

Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar @editionsfolio #classique #paldevoyage

J'ai terminé cette oeuvre majestueuse dans un cadre magnifique (étant en voyage au Costa Rica) et, enchantée par mon environnement tout comme par cette lecture achevée, je me suis prise à songer à Hadrien, celui qu'il fut, l'homme, l'empereur, le lettré, le pacificateur, un homme dans l'Histoire de l'humanité…

J'ai songé à la manière dont l'autrice nous le rend humain, mais aussi semblable à nous: les siècles défilent, les hommes aussi, mais au fond tous se ressemblent! L'Histoire se réécrit sans cesse, guerres et paix… le monde ne change pas.

Et ce roman d'une belle érudition ne fait que mettre en lumière ce constat: «  Natura deficit, fortuna mutatur, deus omnia cernit. La nature nous trahit, la fortune change, un dieu regarde d'en haut toutes ces choses. »

Nous sommes tous un peu Hadrien, plusieurs entités à la fois et un seul être pourtant, face à son destin… soucieux de ce qu'il laissera après lui… si tant est qu'on laisse encore quelque chose…

J'ai aimé la raison pour laquelle Marguerite Yourcenar s'est penchée sur ce destin. Comme elle le dit elle-même dans ses notes: « Ce IIe siècle m'intéresse parce qu'il fut, pour un temps fort long, celui des derniers hommes libres. En ce qui nous concerne, nous sommes peut-être déjà fort loin de ce temps-là. »

Mille réflexions me sont venues après avoir lu ces quelques mots qui mettent en lumière bien des aspects de cette lecture fascinante!

Hadrien, tout comme Achille, eut également son Patrocle et l'histoire de ce dernier
sampereurace de laeire de vire aimé
n'est rien d'autre qu'un homme et le récit prend, à partir de cet épisode, un accent, une tournure differente... les evenements s'éclairent, L Histoire s'écrit et s'inscrit dans le temps... un jalon dans l'éternité!

Patientia, c'est le titre du dernier chapitre, pour moi le plus beau! Il vient clôturer le récit et offre cette mise en lumière sur les siècles à venir... ce parallèle, cette réflexion plus profonde sur l'Humain, L Histoire et ce qui fait l'Humanité.

« quelques hommes penseront, travailleront et sentiront comme nous »

Il n'appartient qu'à nous de poursuivre son oeuvre, ô combien nécessaire!

Un classique à lire ou relire!

Une oeuvre d'une beauté et d'une érudition peu communes!
Un flambeau à transmettre...
Commenter  J’apprécie          106
Un ouvrage magnifique.
Je craignais une lecture ardue, le récit est au contraire délié et très agréable.
On y évoque les rapports humains, le beau, l'art, l'amour, la philosophie, ce livre est d'une rare richesse.
J'ai découvert Marguerite Yourcenar avec ce livre, je recommande vivement
Commenter  J’apprécie          160




Lecteurs (11126) Voir plus



Quiz Voir plus

Marguerite Yourcenar

Quelle est la nationalité de Marguerite Yourcenar ?

Elle est belge
Elle est américaine

10 questions
282 lecteurs ont répondu
Thème : Marguerite YourcenarCréer un quiz sur ce livre

{* *}