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3,44

sur 118 notes
Antonia, le personnage principal, tient un journal intime. C'est celui des années 65-66 que nous découvrons.
Elle étouffe dans son mariage très conventionnel, à l'étiquette stricte, dans lequel elle peine à trouver un espace de liberté. Franco et elle vivent à Palerme, avec leur fils Arturo. Même son rôle de mère ne lui permet pas ou peu de moments de bonheur, son fils étant partagé entre la pension et la nurse anglaise rigide. Elle trouve un refuge dans les cartons contenant les lettres, photos et autres souvenirs ayant appartenus à sa grand-mère décédée.
Remontant dans ses souvenirs mais aussi le passé familial semble lui donner la force d'aller de l'avant dans le présent.
Un très joli roman plein de douceur et de poésie sur cette femme prise au piège des attendus de la société. Je regrette seulement qu'il soit si court!

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Antonia : Journal 1965-1966 signé par Gabriella Zalapì me laisse songeuse.

Nous sommes en 1965 à Palerme, Antonia est mariée à Franco, un homme d'affaire aisé. Il attend d'Antonia qu'elle soit une "épouse inodore, incolore et sans surprise." Elle doit être excellente maitresse de maison, une mère de famille hors pair et le faire valoir en toute discrétion de son superbe mari.. Mais voilà il y a erreur de casting Antonia n'est pas celle qu'il espérait, Franco n'est pas celui qui lui aurait convenu.
En explorant les malles de Nonna sa grand-mère paternelle Antonia arrive enfin à reconstruire son identité.Au fil des pages de son journal intime on voit Antonia émerger de la grisaille oppressante de sa vie.

Ceci dit il me semble que ce récit manque de consistance. Tout est effleuré, suggéré à l'image sans doute de la société sicilienne des années 60.
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Palerme, 1965. Antonia étouffe dans sa prison dorée et crache sur les injonctions que lui dicte la société bourgeoise palermitaine : sois soumise, porte un corset, fais la cuisine, organise des dîners mondains, éduque les enfants, et surtout, surtout, reste à ta place de femme. Et que dire de son mariage avec Franco ? Ennuyeux à mourir. Rebelle, Antonia ne veut pas obéir. Elle veut vivre. Son journal intime est sa bouffée d'oxygène dans cette vie qui l'asphyxie. Là où elle peut être elle-même.
À la mort de sa grand-mère Nonna, outre la villa de Palerme, les meubles et les appartements florentins, Antonia hérite de toutes les archives de ses aïeux : lettres, cartes postales, photographies, coupures de journaux, petits carnets. Ces trésors miroitant dans leurs cartons deviennent une douce consolation à son désespoir, une caresse nostalgique sur son corps étriqué. Jour après jour, elle va sortir de la pénombre chaque parcelle du passé, comme autant de souvenirs que l'on ravive. Ce chantier, comme elle l'appelle, sera le point de départ de sa renaissance, l'ancrage qui lui donnera le courage de suivre son instinct.

Premier roman de la plasticienne Gabriella Zalapì, « Antonia » est le journal d'un affranchissement, un cri de liberté. Les photographies que l'on découvre au fil du texte sont d'une beauté mystérieuse et intensifient ce court roman de 100 pages que l'on souhaiterait plus long !
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Très bon livre. Belle écriture. Type journal. Des phrases très incisives, marquantes dans leur contexte avec effets de style remarquable.
Thèmes abordés: tristes sur la condition féminine des femmes en Sicile (1965) dans des familles riches et respectées.
Le patriarcat, la mère violente (propos, rapports "humains") le mari brutal (propos, rapports homme/femme dans la société Sicilienne), le poids de la guerre 39/45 et de l'antisémitisme, se réfugier. Antonia aime son fils et semble incapable de l'aimer... . D'autres thèmes sont abordés encore.
Elle cite Fellini dans 8 1/2 et prend une dernière décision avant de finir les pages de son journal. Je ressens une grande humanité dans le personnage d'Antonia avec ses failles, ses rêves, ses recherches, sa volonté.
Bravo à Gabriella Zalapi. Cette autrice a trouvé un style d'écriture dont émerge une littérature vivifiante.
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Journal de Croquignolle : 3 septembre 2022 - 8 juin 2023

3 septembre 2022 :
Mon rendez-vous annuel au Livre sur les Quais à Morges a ravi tous mes sens aujourd'hui. Sous la tente des dédicaces chauffée par le soleil, j'ai longuement déambulé en compagnie de Pancrace pour tenter de rencontrer l'un.e ou l'autre auteur.e de ma préférence. Quels beaux moments !
Soudain, je me suis retrouvée nez à nez avec ma cousine par alliance Véronique. Avec sa soeur, elle venait à peine d'échanger quelques mots avec Gabriella Zalapi dont le roman Antonia : Journal 1965-1966 les avait bouleversées. Les étoiles habitaient leurs yeux et leurs gestes et leur enthousiasme nous a fait nous diriger vers cette auteure encore inconnue. Gabiella Zalapi était toute petite derrière sa table de dédicace, seule, sereine. Maladroitement, je me suis approchée et je lui ai avoué que je ne connaissais rien d'elle mais qu'on venait à l'instant de me vanter son Antonia. Ravie, elle m'a gâtée d'une jolie dédicace.

4 juin 2023 :
Après de longs mois, j'ai enfin rencontré Antonia aujourd'hui à l'ombre d'un pin à la Villa Clara.
Une beauté rare et rayonnante émanait d'elle et côtoyait un léger voile de tristesse et de regrets que je pouvais percevoir au-delà des mots.
Elle s'est livrée à moi comme si nous nous connaissions depuis toujours. Comme si j'étais sa soeur de sang, sa soeur de coeur, sa soeur d'âme.

5 juin 2023 :
Antonia m'a parlé de Franco, son mari bourgeois certainement infidèle, toujours indélicat, maltraitant et exigeant. Elle a baissé les yeux comme pour reconnaître une sorte de responsabilité et de culpabilité , un manque de force et de caractère au moment de s'engager dans cette vie d'épouse ressemblant plus à une prison qu'à un bonheur.

6 juin 2023 :
Je ressens le dilemme d'Antonia. Sa soif de liberté, de voyage et de sérénité se fait pressente mais elle s'inquiète pour son fils dont les racines sont ancrées au coeur de ce monde patriarcal si éloigné de ses aspirations à elle.

8 juin 2023 :
Je viens de tourner les dernières pages de ce roman qui m'a laissée sans souffle parfois. Aux côtés d'Antonia, j'ai vécu la médisance, les doutes, la quête des origine, l'amour pour un fils, la peur de l'avenir, la détermination d'une femme forte, les souvenirs d'une aïeule aimée, la soif d'attention d'une enfant, la peine des séparations, le besoin de dépaysement et la douleur du déracinement.

La forme de ce roman est originale. le journal intime nous plonge au coeur des émotions et des sentiments de la narratrice. La réalité se mélange à la fiction et les mots rejoignent les nôtres en profondeur.

Une très belle découverte littéraire que je recommande avec enthousiasme.
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Antonia vit à Palerme, d'une vie routinière que seules les lettres et les photographies léguées par sa grand-mère distrait.Son mari Franco l'épouse pour son nom et il attend d'elle qu'elle se cantonne au rôle traditionnel de la femme dans les années 1965.
Dans son journal, elle rend compte de sa vie, de ses doutes, de ses recherches. C'est par cela qu'elle trouve la force de s'émanciper pour l'amour.
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« Antonia - Journal 1965-1966 » est le premier roman (2019, Editions Zoé, 128 p.) de l‘auteur italienne Gabriella Zalapì. Roman remarqué et récompensé par le Grand prix de l'héroïne Madame Figaro et le prix Bibliomedia. Un peu surpris par ces prix, après avoir acheté, lu et critiqué « Willibald » (2022, Editions Zoé, 160 p.), j'ai voulu en savoir plus et me suis attaqué à son premier roman.
Gariella Zalapi est plasticienne, avec des origines anglaise, italienne et suisse, actuellement vivant à Paris. Etudes dans la « Haute Ecole d'Art et de Design » de Genève (HEAD Genève). L'HEAD s'est imposée comme l'une des meilleures hautes écoles de ce style en Europe avec la volonté d'établir un pôle d'excellence et entretenir des liens étroits avec la scène artistique. Gabriella Zalapi source son écriture dans sa propre histoire familiale. Elle reprend archives, souvenirs et photographies pour les agencer de façon parfois troublante entre histoire et fiction.
Elle reprend en cela les textes De W.G. Sebald (1944-2001), illustrés de photos en noir et blanc. Cet écrivain allemand détestait son prénom Winfried Georg, dans lequel il voyait un « prénom vraiment nazi ». Il préférait se faire appeler lui-même « Bill » ou « Max ». ll s'exile ensuite en Angleterre dans le Norfolk, où il meurt en 2001, victime d'un accident cardiaque au volant de sa voiture. C'est l'auteur en particulier de « Les Anneaux de Saturne » traduit par Bernard Kreiss (1999, Actes Sud, 352 p.) ou « Austerlitz », roman traduit par Patrick Charbonneau (2002, Actes Sud, 400 p.). Ce livre fait le portrait d'un émigrant déraciné, fragile, érudit et digne. C'est pour Sebald une sorte d'anti-monument pour tous ceux qui, comme lui-même, se retrouvent pourchassés, déplacés, coupés de leurs racines au cours de l'Histoire Et tous ces exils sans jamais en comprendre ni la raison ni le sens. C'est un peu aussi l'histoire de « Antonia ».
Pour cela, l'auteur nous fait suivre une jeune femme Antonia, de la grande bourgeoisie viennoise de la fin du XXeme siècle. Les grandes dynastie viennoises et anglaises de la Mitteleuropa au cosmopolitisme effréné. Mariée à un nanti de Palerme, donc soumise et contrainte à l'oisiveté, mais lucide tout de même, elle tient un journal de ses journées. Survient le décès de sa grand-mère, elle aussi appelée Antonia. Au profond malaise qu'elle éprouve de sa situation, elle va ajouter, celui hérité d'une quantité de boîtes contenants lettres, carnets et photographies. Bref d'un passé qu'elle essaye de reconstruire en dépouillant ces archives. Ce premier roman tente de reconstruire le puzzle du passé familial et de son identité intime.
Son second roman « Willibald » reprend ce thème de la reconstruction d'une identité à travers un passé chaotique, via une allégorie figurée par un tableau « le Sacrifice d'Abraham ». C'est l'illustration du sacrifice demandé par Dieu à Abraham, de lui immoler son fils Isaac. Evènement qui n'aura pas lieu, car en tout dernier ressort, Dieu fait apparaître un bélier qui sauve le fils. La tradition est similaire dans la religion musulmane, avec la fête de l'« Aïd al-Adhad » qui célèbre sacrifice de Ismaël, le frère aîné d'Isaac. Dans la mythologie grecque, on retrouve le mythe avec Athamas de Béotie qui s'apprête à immoler son fils Phrixos mais au dernier moment Zeus dépêche Héraclès pour épargner le fils, alors qu'apparaît un bélier appelé Chrysomallos, envoyé par Zeus. La symbolique du sacrifice est simple. Ce n'est pas le fils qui doit être sacrifié par le père en le tuant, c'est sa paternité pour que son fils devienne un homme adulte et libre. C'est, en miroir, l'interdiction de l'infanticide alors que le sacrifice d'enfants était une pratique relativement répandue chez les Romains et peuples sémitiques. L‘historien romain Tacite qualifie même d'excentrique la coutume des Juifs à ne vouloir supprimer aucun nourrisson. « Contrairement aux cruelles divinités païennes, c'était seulement la soumission spirituelle que Dieu exigeait ». Ce qui renvoie au sacrifice de Jésus par Dieu le père, comme exemple de relation entre l'homme et le divin.
Ce premier roman est construit sur le même schéma, d'un seul prénom pour titre et des photographies sans légendes qui dialoguent avec les mots du texte. On reconnaît la griffe de la plasticienne qui illustre une émancipation de la femme dans les années 60 par une série de photographies tirées de quantité de boîtes avec lettres, carnets et archives familiales. Tout comme chez Sebald, elles amplifient la puissante capacité d'évocation du texte.
C'est donc l'histoire d'Antonia, via son journal de bord et ses souvenirs. Une jeune femme de trente ans, mariée à Franco, un italien de la bonne société de Palerme, mais très pris par sa profession. Ils ont un petit garçon, Arturo, qui inspire très peu de sentiments à sa mère et pas du tout au père.
Tout débute donc par un incipit « 21 février 1965 / Ce matin, lorsque j'ai ouvert les yeux, j'étais incapable de bouger. Mon corps semblait s'être dissous dans les draps et baignait dans une sueur toxique. Ce n'est qu'en entendant la gouvernante – Nurse comme elle désire être nommée – que j'ai sauté du lit. Elle était sur le pas de la porte avec Arturo. Où allez-vous? « Nous allons à l'école, of course », a-t-elle dit de son petit air choqué. Elle m'a pratiquement claqué la porte au nez. Puis je me suis souvenue qu'hier soir au dîner, j'avais promis à mon fils de l'emmener en classe ce matin. J'ai eu honte ». Voilà qui commence bien l'histoire d'une famille aisée.
Et la jeune femme continue « J'ai 29 ans. Mes désirs tombent, s'enfoncent dans l'insonore. Impossible d'envisager une vie de perfect house wife pour le restant de mes jours. J'aimerais abandonner ce corset, cette posture de femme de, de mère de. Je ne veux plus faire semblant ». On sent que la suite sera, soit à tendance morbide et suicidaire, soit à tendance gore et digne des bons récits de la pègre de Palerme. Tout un monologue intérieur pour ne pas sombrer, pour se convaincre et tenter de se sauver. le journal intime est daté du 21 février 1965 au 3 novembre 1966. Il va falloir tenir.
D'autant plus que la cohabitation se transforme vite en haine, ce qui est fréquent dans les couples qui se défont. « Je ne serai plus seule avec cette bouche qui mastique bruyamment. Avec cette tête qui se penche si bas sur l'assiette qu'elle pourrait se décrocher et se noyer dans le gaspacho ». Et on la comprend. « Franco, avec son dos de prêtre, m'exaspère. Je n'en peux plus : de ses petits gestes maniaques lorsqu'il plie ses habits, de sa manie de se moucher bruyamment avant de se coucher, de ses affreux pyjamas rayés, cadeaux de sa mère, de ses crachats sonores lorsqu'il se lave les dents ».
Reste la famille. Tout au moins la sienne, du moins ses grands-parents Mutti et Vati. le grand-père Vati, juif collectionneur de tableaux, a quitté Vienne lors de l'Anschluss en 1938. Il vit désormais au Brésil. C'est lui qui incarnera la figure de Willibald dans le second roman éponyme de Gabrielle Zalapi. Ce sera alors la vie de cet exilé avec son tableau « le Sacrifice d'Abraham », d'un élève de Rembrandt. C'est le père de sa mère insaisissable, on l'apprendra dans « Willibald ». L'autre personnage important c'est Nonna, sa grand-mère, mère de son père disparu, appelée aussi Inge dans le second roman. Ce sont ses références, ses barrières qui l'empêchent de sombrer, ses anges gardiens.
Quand Nonna meurt, elle lui lègue des cartons de documents, et tout comme Mara dans « Willibald », elle va découvrir et essayer de reconstruire ce passé à partir de cette source. Ce sont des lettres, des photos en noir et blanc qui vont venir illustrer le texte du journal. Ne pas oublier que Gabrielle Zalapi est plasticienne. Antonia va donc se plonger dans l'histoire intime des grands parents afin de tenter de se reconstruire. « Grandir à toute vitesse et sortir de là. Je ne sais pas par où commencer. Je m'égare, je rature, je réduis, je construis, je compresse, je colle, je rêve éveillée, je crache sur l'injonction « Soyez heureux ». Seule la nuit je suis honnête ». le but est évidement de s'échapper de son carcan familial de Palerme, mais aussi de retrouver des racines de son passé d'Europe centrale, la Mitteleuropa d'avant la guerre. On pourra toujours retrouver cette ambiance dans les livres de Thomas Mann « La Montagne Magique » traduit par Claire de Oliveira (2016, Fayard, 784 p.) Arthur Schnitzler « Vienne au Crépuscule » (2000, Stock, 480 p.) ou Stefan Zweig « La Confusion des sentiments » traduit par Tatjana Marwinski (2019, Robert Laffont, 160 p.).
Et Antonia essaye de s'extraire de ce carcan. « J'attends comme un rat aveuglé par une torche que quelque chose, un accident, un événement fasse exploser ce tableau idyllique dans lequel je survis. Je négocie, je négocie, je négocie avec mon envie de tout détruire, mais serais-je capable de bâtir quelque chose ? »
Le testament de Nonna va lui apporter un moyen d'oublier quelques instants cette oppression. « 12 avril 1965 / Rendez-vous ce matin à 9h au cabinet du notaire Via Cavour avec Oncle Ben. Nous avons finalement résolu les derniers petits conflits liés au testament de Nonna. / Tout s'est passé dans le calme. J'étais anesthésiée. J'ai hérité de ce qui revenait à Papa: une importante somme d'argent, la moitié des meubles de Villa Clara (où vais-je les mettre?) et les six appartements de Florence (une entrée d'argent mensuelle). Cette affaire qui a traîné si longtemps est finalement close. Je suis heureuse de savoir que jamais je ne dépendrai financièrement de Franco. / Chez le notaire, j'ai réalisé que cinq ans se sont écoulés depuis la disparition de Nonna. Pourtant je me surprends encore, quand le téléphone sonne, à croire, à espérer entendre sa voix. Et cette sidération qui suit. Cette déception ».
Mais la démarche est amorcée. « Quand est-ce que je reverrai Oncle Ben ? À l'aéroport, j'ai mesuré à sa démarche combien il a vieilli. Lui rendre visite à Londres absolument ». Surtout, il y a cet amoncellement de courrier, de photos, de bribes de sa grand-mère. « Dans une enveloppe vierge, j'ai trouvé la photo de mariage de Maman et de Henry, qui avait eu lieu à l'ambassade de Nassau. C'est aux Bahamas qu'elle a trouvé son deuxième mari. Combien de temps après la mort de Papa ? Quelques mois ? Peu après, Maman m'a annoncé qu'elle était enceinte de Bobby, ce demi-frère, ce petit putto. Son arrivée a tout modifié : j'étais devenue un rappel encombrant d'une vie passée, il fallait que ma naissance reste un acte invisible. J'ai littéralement sursauté en revoyant le visage d'Henry. le jour de leur mariage, Maman, avec une voix mielleuse, m'avait dit : « C'est lui ton nouveau papa. Il faudra l'appeler Daddy » ».
Bref, un premier roman original. Suivi d'un second « Willibald », qui lui ressemble en partie, ou du moins est bâti sur un schéma similaire. Il est vrai qu'il reste encore un gap de temps d'une dizaine d'années entre les deux romans.
La photo de couverture pourrait être tirée d'un film du début des années 1960, de Godard ou de Truffaut. le cliché noir et blanc montre une jeune femme abandonnée au sommeil, à l'arrière d'une voiture, entre deux passagers endormis eux aussi. Ils roulent à la rencontre de leurs rêves, indolents et confiants. Ils s'aiment, c'est évident, regardez comme ils se prêtent leur épaule en guise d'oreiller. La photo dans l'auto n'était qu'une fausse promesse, un mirage cotonneux. Attention, la réalité va sauter aux yeux, des mots aiguilles vont administrer leur vérité, des photographies de famille vont crier leurs mensonges.
Le tout pour dénoncer en finesse un scandale sexiste qui a assez duré, enduré ici par une trentenaire sicilienne en voie de pré-bovarysme, bousillée depuis l'enfance par trop de malveillances. Grâce à la forme même du journal, Gabriella Zalapì parvient à restituer toutes les failles de l'enfance de son héroïne : « Pour moi, l'enfance est synonyme de cassures », écrit Antonia.
La photo de couverture de l'édition du livre de poche fait partie de la collection privée de Gabriella Zalapi. Elle montre trois personnages errant dans un sous-bois. Sont-ils ceux qui dorment sur l'épaule l'un de l'autre de la couverture de l'édition chez Zoé. Mais on ressent combien les deux visages de ce premier roman, celui de la jeune enfant et celui de la jeune femme, sont à la fois indissociables et importants. L'appropriation d'une image de l'enfance paraissent indispensables à cette indépendance, même s'il s'agit de reconstruire une vie à partir d'un journal intime. Ainsi une photo d'Antonia enfant, sautant dans un jardin appelle cette réflexion « J'y figure presque en pleine chute. Déjà en déséquilibre ». Tut comme dans « Willibald », les photographies de son enfance ramènent Antonia à l'image de sa mère, mais aussi à celle de son fils, Arturo. Tout comme Mara dans « Willibald » ramène le tableau « le Sacrifice d'Abraham » à Isaac, et par effet miroir au lien entre Mara et son arrière-grand-père, qui s'est exilé avec son tableau.
C'est tout le travail de cette jeune auteur, écrivain, photographe, plasticienne. « Comment regarde-t-on les choses? Comment donner du sens aux images ? Comment l'agencement des images influe sur le sens qu'on leur donne ? Que cache, que révèle une image ? ». En fait tout est parti d'« un coup de téléphone d'un musée autrichien qui voulait reconstituer des biens spoliés à mon arrière-grand-père, pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet arrière-grand-père, Vati, juif autrichien, était collectionneur d'art. le musée nous demandait de fournir quantité de documents. J'ai dû me plonger dans les archives familiales, ce que je n'avais jamais fait jusque-là. Parmi les lettres, les papiers, les photos a émergé la vie d'Antonia que je ne connaissais pas ou plutôt dont je ne connaissais pas les deux années que je raconte dans le livre. Elle m'a immédiatement intriguée ».
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Ce roman est celui d'une émancipation féminine, dans les années 1960. Rythmé de photographies tirées des archives familiales de l'autrice, ce roman très court (160 pages) se lit par petites rasades. On accompagne Antonia dans ses élans de colère, dans ses hésitations, dans cette lassitude aussi. Elle n'est pas toujours sympathique, mais surement parce que nous avons le même âge, elle m'a embarquée dans ses questionnements. Je ne peux pas dire que j'ai été transportée, mais cette lecture a été pour moi une belle parenthèse.
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L'auteure nous propose un récit à l'écriture simple sous la forme d'un journal tenu par une femme entre 1965 et 1966. Des photographies de famille viennent s'intercaler pour rythmer les pages d'écriture.

Celle qui tient ce journal, c'est Antonia. Elle a 29 ans. Mariée à un homme de Palerme qu'elle ne supporte plus, elle vit une vie aisée, mais reste au foyer. Elle a un fils Arturo. Déprimée, oppressée dans son couple et dans sa vie de femme et de mère, un certain mal-être et une frustration ressortent de ses notes.

Lorsque sa grand-mère Nonna décède, elle lui laisse un héritage important, mais également plusieurs cartons contenant des correspondances et des photographies de famille dans lesquelles elle se plonge.

Il est question aussi de son grand-père Vati, juif qui a quitté Vienne, collectionneur de tableaux qui vit désormais au Brésil, de sa mère, de son autre grand-mère Mutti. Mais tout cela est survolé.

Le début me plaisait plutôt - comme un recueil de pensées - mais je pensais qu'on entrerait davantage dans l'histoire de cette famille, que l'on remonterait le temps pour découvrir ces personnages plus en profondeur. Au final, j'ai été assez déçue et ai refermé le livre en me disant "ah ok, bon".
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Palerme 1965. Antonia, jeune femme presque trentenaire s'ennuie à mourir dans un ménage où elle se sent enfermée, désoeuvrée, méprisée.
C'est dans un journal qu'elle se livre, qu'elle avoue ses déceptions, ses peines, ses doutes, ses rancoeurs.
Ce sont parfois de simples pensées, parfois des flashbacks poignants où, sans chronologie, elle évoque ses souvenirs d'enfance souvent douloureux. Des souvenirs ravivés par l'exploration méthodique de lettres et de photos héritées de sa grand mère, seule personne à l'avoir réellement aimée.
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Tranche de vie, portrait d'une époque, ce livre délicat dresse un tableau sensible de la condition féminine dans les années 60. C'est la voix d'un « desesparate housewife » de la bourgeoisie sicilienne qui, à peu de mots, par touches subtiles, décrit la profonde solitude de ces femmes dont l'unique horizon était d'être de parfaites épouses, oisives et entièrement dévouées à des maris insipides et méprisants.
Ce journal intime est aussi le portrait d'une femme forte. Une femme qui pour s'opposer au poids des conventions, àvl'emprise d'une famille toxique, à la vacuité d'une existence monotone va puiser au plus profond d'elle pour combattre et se libérer.
En quelques mots on est plongé dans l'intimité de cette femme d'une grande modernité. Par bribes, on l'accompagne dans sa prise de conscience, avec intensité mais aussi avec pudeur. J'ai aimé cette construction, comme un puzzle subtil vers l'émancipation, où le vide de certaines pages fait écho au vide de ses « journées lignes » comme elle aime à les qualifier.
Cependant il m'a manqué un peu de densité pour avoir un vrai coup de coeur. J'aurais aimé un peu plus de détails, de profondeur et finalement trop d'ellipses m'ont laissé un peu sur ma fin.
.
Très belle première lecture cependant, toute en finesse et en subtilité
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