Philosophie et poésie

Grand livre, séduit dès le prologue, avec lequel je suis entré en débat, avant d'y retourner avec scepticisme et d'en ressortir avec l'impression du chef d'oeuvre. Je ne savais trop m'orienter face à cet essai éminemment littéraire que l'on pourrait trop facilement classer parmi les études. Mais l'ouvrage est bien supérieur à cette catégorie restreinte, puisque les enjeux en sont profondément ressentis et possèdent une sorte de grâce d'intelligence et de pertinence fondamentale. Et quel style !

Il y a un véritable plaisir archéologique à voir une telle pensée se découvrir et s'examiner avec une souplesse rigoureuse d'analyse extrêmement rare. Car l'auteur a ce sérieux de plonger dans les anciennes notions, jusqu'aux plus archaïques pour ranimer leur fascination et leur pouvoir de construction. de remonter depuis les mythes jusqu'à l'examen critique moderne.
L'auteur prétend dans son introduction, que ce livre fut engendré. Rappelant ainsi comment sont faits les livres, comment on les porte, les berce et les expulse, en fruit de soi dont on est le créateur et l'agent passif.
De plus, une défense de la poésie de cette nature, de compréhension de l'état de poésie, en tant que refus, déplacement, goût de l'irrésolu trouvant une pointe d'idéalisation en refaisant en permanence son environnement par biais de langage, par résistances de choix et liberté inconsciente, sans omettre ce nerf de l'expérience poétique senti nécessairement comme une forme d'ignorance volontaire pour abdiquer devant le charme des apparences, et sans noyade romantique, voilà qui mérite un bel étage dans ma bibliothèque. Finement placée parmi les plus fréquentables, des relectures à différents âges qui suivent et accompagnent.

Je le relirai même quand ma pensée vagabonde comme un chat qui marche sur un clavier et n'écrira plus que son incohérence ! Ce livre à se réciter avant l'oubli de la littérature.