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3,99

sur 3000 notes
Zola manie la plume avec maîtrise. L'histoire est à la fois parfaitement menée, la structure du livre est parfaite, il y a des phrases "bijoux" à chaque page et les personnages sont d'un réalisme incroyable. Les amoureux sont si touchants! et les pourris le sont tellement! C'est un livre sur la désillusion, à une époque ou tout peut basculer. Magnifique.
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Comme le disait Jeanne Mas, c'est une toute première fois, toute, toute première fois pour moi et pour Zola la genèse de son oeuvre immense aux 20 romans.
Il y a tout dans ce livre, une très belle histoire d'Amour Miette et Silvère, des intrigues en veux-tu en voilà, un style qui assure (lorsque Hugo et Flaubert vous félicitent ça pose une qualité), une peinture humaine et sociale, des personnages terribles, mention spéciale aux Rougon, arrivistes, calculateurs et à ce fumier de lapin de Macquart, personnage aussi détestable que Thénardier.

N'étant pas plus que ça féru d'histoire, s'il y en que ça intéresse, les Rougon débute sous le second empire.

Miette est touchante, son symbole de la Liberté est magnifique, la fin du livre est superbe, le début du livre est superbe, ce livre est superbe, Zola est un artiste, je suis ravi de l'avoir découvert.
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Mon Premier Zola !
En fait, j'avais choisi au bonheur des dames pour mon challenge abc 2012/2013.
Après coup, j'ai trouvé idiot de ne pas découvrir cet auteur par le premier tome de cette fresque sociale et me suis offerte le tome 1 : la Fortune des Rougon.

J'ai adoré ! J'ai adoré la manière d'écrire de l'auteur, la trame de l'histoire, cette manière de mettre les personnages en scène, comment il peint les traits de caractère de chacun des personnages. Je pense qu'il est obligatoire, par souci de culture, d'avoir lu au moins un Zola (comme un Hugo) au moins une fois dans sa vie mais, en ce qui me concerne, je n'en reste pas là.... j'ai acheté les tomes suivants des aventures des Rougon.

Par contre, dans l'édition des classiques du livre de poche, j'ai détesté la préface qui révèle d'emblée une grosse grosse partie du suspense. On est d'accord Zola c'est pas Harlan Coben ni Grangé, on ne le lit pas pour le suspense mais tout de même, cette préface qui se traine en longueur et qui révèle l'histoire ça m'a vraiment dérangé.
Attention, je ne parle pas de la préface rédigée par Zola, mais bien de celle de Colette Becker;

Une belle rencontre en tout cas que cette famille des Rougon Macquart.
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L'intrigue de ce premier volume se déroule dans la commune fictive de Plassans, inspirée de la ville d'Aix en Provence où a grandi Emile Zola.
J'ai beaucoup apprécié les traits de plume caustiques avec lesquels l'auteur caricature les portraits des personnages principaux du roman. Il croque ainsi, avec beaucoup de talent, la cupidité, la duplicité et la rouerie de Pierre et de Félicité Rougon, ce couple d'arrivistes, prêts à toutes les infamies pour parvenir à asseoir leur notoriété et leur richesse dans leur commune.
Par opposition, il narre avec douceur et tendresse, la rencontre de deux enfants, Silvère et Miette, réunis par l'amour, la naïveté et la joie de vivre mais dont le funeste destin plongera le lecteur dans la tristesse à la fin du roman. Des personnalités variées, aux caractères bien trempés, plantent le décor de cette épopée familiale suscitant l'envie de connaître la suite de leurs aventures.
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Mieux vaut tard que jamais, je découvre pour la première fois un roman du célèbre Emilie Zola. Pour bien commencer la série, j'ai décidé de lire dans l'ordre les histoires des Rougon-Macquart.

Le texte est absolument sublime. Les descriptions des personnes, quelles concernent les personnages ou les lieux, sont détaillées et longues mais pas ennuyantes. On est plongé dans cette campagne où la révolte gronde à l'époque de Napoléon III et l'on ne souhaite plus en ressortir.

On découvre ici l'histoire des Rougon et des Macquart, leurs failles et leurs convictions, et ce qui les va les animer pour la suite (appât du gain, folie, violence, passion et exubérance...).
Hâte de découvrir la suite de cette célèbre saga.
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Premier volet de la série des Rougon-Macquart (que je découvre enfin !), on apprend ici les origines et les premières lignées de cette famille. Ce fut une très bonne lecture, malgré des protagonistes que l'on ne peut pas vraiment qualifier d'attachants, car trop cupides et perfides. Il n'y a que Silvère et Miette, ainsi que tante Dide, pour qui j'ai eu de l'attachement, les seuls finalement qui savent ce qu'est d'aimer.

Comme d'habitude, Zola nous emmène là il le souhaite, avec son style bien à lui : minutieux, moqueur, osé, mais aussi tellement réaliste et visionnaire, et poétique. Je me répète après chacun de ses livres, mais je m'étonne à chaque fois de cette facilité à le lire. Il a ce don, pour un auteur classique, de m'embarquer dans chacune de ses histoires. Même ici, alors qu'en temps normal je n'aime pas trop quand la politique prend trop place dans l'intrigue, je me suis régalée !

Et pourtant, les protagonistes, presque tous méprisables, évoluent dans une société égoïste et rapace, où chacun de ses habitants, quelques soient leurs milieux sociaux et leurs opinions politiques, n'hésite pas à écraser l'autre et à retourner sa veste pour arriver à ses fins. Ce livre, publié pourtant en 1871, reste tellement moderne, les sujets abordés étant finalement encore d'actualité... Complots, coups bas, pouvoir, argent et jalousie sont les thèmes récurrents de ce premier tome de cette saga familiale.
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Cela faisait pile 10 ans que j'avais tourné la dernière page du Docteur Pascal, vingtième et dernier tome de la fresque socio-historique Les Rougon-Macquart ; je me suis dit qu'il était peut-être temps de relire l'intégralité de cette saga et me voilà donc replongée dans ce premier tome, douze ou treize ans après l'avoir lu pour la première fois.

De ce tome, je l'avoue, il ne me restait pas grand chose si ce n'est la scène d'ouverture, à l'aube du coup d'état de décembre 1851 par Louis-Napoléon Bonaparte. Il faut dire que La fortune des Rougon n'est sans doute pas le plus connu, ou du moins le plus lu, de la saga, la part belle étant généralement donnée à L'assommoir (mon préféré lors de ma première lecture), Germinal, Nana ou encore Au bonheur des dames (et j'en oublie forcément). S'il ne s'agit pas d'un des tomes les plus cités, il demeure cependant celui par lequel tout arrive puisqu'il expose le grand projet de Zola, soit l'étude d'une famille, par le biais de l'hérédité, sous le second empire. Plus qu'en auteur de fiction, Emile Zola s'est posé en témoin et analyste, le terme d'écrivain naturaliste n'ayant jamais aussi bien porté son nom.

Comme déjà dit, de cet opus, il ne me restait pas grand chose. Pourtant, il s'en passe dans ce roman d'ouverture. Déjà, nous rencontrons, si ce n'est l'intégralité des membres de cette famille, du moins les fondateurs, à commencer par Adélaïde Fouque, dite tante Dide, qui eut un fils avec son mari, monsieur Rougon, puis deux enfants avec son amant, monsieur Macquart. Ce roman place donc le lecteur en spectateur des origines de cette famille, des haines engendrées depuis l'enfance entre la branche légitime (Pierre Rougon) et ses demi-frère et soeur (Antoine et Ursule Macquart), « bâtards » de sa mère, le premier se sentant floué par l'existence des deux autres. Et on peut dire que tout n'est pas joli joli à Plassans, ville fictive du midi de la France, les comptes ne se réglant pas qu'en famille.
Zola, dans ce premier roman, n'épargne pas les « bonnes gens » et encore moins ses « héros », Pierre Rougon et son épouse, Félicité, en tête, qui retournent leur veste aussi souvent que nécessaire, dans le seul but d'amasser de l'argent, de la gloire, de la renommée et de la considération dans cette société qui ne les traite pas, selon eux, à leur juste valeur. C'est ainsi que peuvent se développer des rancoeurs ancestrales, se passant de génération en génération, quand on estime ne pas être à sa juste place. Seuls Silvère, le neveu de Pierre Rougon, et Pascal, son deuxième fils, et dans un moindre degré Adélaïde, l'aïeule de la famille, celle par qui tout commence, relèvent le niveau de cette famille à un degré acceptable de respectabilité.


Pourquoi lire Emile Zola ?
Parce qu'il y a ce que tout lecteur peut aimer, même si, de prime abord, on n'est « pas trop littérature du XIXème ». Même si vous préférez les intrigues à la Dynastie ou autre Dallas, vous trouverez forcément votre compte ici. Entre intrigues, coups bas et trahisons, vraiment, les séries d'aujourd'hui n'ont rien inventé. Et en prime, c'est ici servi dans une langue truculente, teintée de cynisme et d'ironie.

Pourquoi lire les Rougon-Macquart dans l'ordre ?
Sincèrement, vous pouvez lire chaque roman de cette formidable série indépendamment les uns des autres, vous vous y retrouverez aisément, chaque livre ayant sa propre histoire et son propre développement. Mais si vous comptez vous lancer dans l'intégralité des romans, je pense que les lire dans l'ordre est important. Outre peut-être mon côté psychorigide (et encore, il faudrait me le prouver), si Zola les a écrit dans un certain ordre c'est bien pour qu'on chemine tranquillement dans les méandres de cette famille, sans oublier que l'on peut retrouver, par exemple, un personnage central dans le roman sept qui n'était finalement que très secondaire dans le premier.
La fortune des Rougon, de mon point de vue, doit être lu en premier pour comprendre les origines du concept, comme le docteur Pascal doit être lu en dernier, en conclusion de cette incroyable aventure humaine.

Je ne peux que chaudement vous recommander de vous lancer dans cette fresque socio-historico-familiale.

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Par une force insoupçonnée, je me suis replongée dans la lecture du célèbre cycle zolien, les Rougon-Macquart. Je dis "insoupçonnée", puisque cela faisait bien longtemps qu'étaient délaissées dans ma bibliothèque les lectures scolaires, les lectures trop classiques, celles que l'on avale souvent sous la force et la pression de mauvais professeurs. Bien que ne négligeant pas les "classiques", je ne me tournais depuis quelques temps que vers ceux qui me paraissaient dignes d'un intérêt personnel, liés à mes goûts et mes envies du moment. Et un Zola, comme un Balzac ou un Proust (quoique Proust...) ne se plaçaient pas en travers de mes lectures. Et puis pouf. Zola réémerge subitement. Un peu comme un oiseau qui frappe un pare-brise et oblige le conducteur (moi en l'occurrence) à s'arrêter, paniqué, pour reprendre sa respiration et observer l'élément perturbateur, attendant bien trop longtemps que de coutume pour reprendre sa route.
Je me suis laissée piégée par l'oiseau libre mais captivant qu'est Zola. Qu'est tout livre de Zola.

La Fortune des Rougon s'est donc imposé tout naturellement. Il est le premier de cette tragédie familiale de grande ampleur. de lui naît une filiation complexe, retors, tragique. La preuve qu'avec un peu de passion et de bonne volonté, on peut tout faire : d'une époque de l'histoire de France qui ne me passionne guère (les soubresauts de la République au XIXe), j'en suis venue à me délecter des histoires de chacun de ces personnages atypiques et de leur environnement social, politique et historique. Pire encore, j'en suis venue à attendre cette colonne des insurgés en marche depuis la forêt de la Seille et à espérer secrètement qu'il envahisse et démantèle le salon jaune de Plassans. Tout en sachant qu'il y aura des morts. Car la mort chez Zola ne se fait guère attendre. Elle rôde toujours, non pas surnaturelle et mystique, mais bien naturelle et froide. Elle est toujours là, à attendre ce moment où elle reprendra ses droits sur l'homme, où elle définira une fois pour toute le rythme et le sens de la vie humaine, d'un jugement sourd et sans appel. Elle n'est pas seulement l'aval de toute vie, la mort est aussi et surtout chez Zola, le barème et l'indice de l'amour. Plus un amour est fort et passionné, plus la mort sera proche. Ce pourquoi les deux adolescents éperdus, Miette et Silvère, sentent presque le souffre froid de la mort sur leur épaules, dans le terrain vague de Saint-Mittre.

D'appel lamentable, il y a aussi celui de tante Dide, point de départ à toute cette lignée des Rougon et des Macquart, délaissée par chacun de ses enfants dans sa petite impasse Saint-Mittre. Elle lutte contre l'appel tonitruant du passé. Les souvenirs douloureux de son dernier amour, Macquart, sont toujours pour elle source de douleurs. Seul Silvère, doux et charitable, reste auprès de cette femme meurtrie mais qui n'est pas sans faute, expiant pour elle, par sa pureté et sa générosité et dans une ignorance sincère, les anciens péchés commis. Malgré cela, Adélaïde n'est jamais à l'abri de crises aiguës provoquées par les fantômes du passé, ou de triste lamentations intérieures sur ce qui n'est plus mais qui toujours l'appelle et la retient. Elle apparaît alors comme la lamentable prisonnière de ces méfaits qui ne lui appartiennent plus, mais qui ressortissent désormais aux chemins de la mémoire.
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« La Fortune des Rougon » ouvre la vaste fresque sociale du deuxième Empire que Zola a construite à travers les 20 tomes de sa série des Rougon-Macquart dont nous nous sommes proposés à travers un Challenge de lecteurs (Forum : « Zola Rougon-Macquart au complet ») de lire l'entièreté à raison d'un ouvrage mensuellement.


Ce premier magnifique roman, peut-être moins généralement apprécié et pourtant superbement écrit et si intelligent, entretisse trois plans différents : une belle et tragique histoire d'amour entre deux adolescents, ensuite les origines de l'histoire d'une famille happée par un furieux désir d'enrichissement à quelque prix que ce soit, les Rougon-Macquart, et enfin le tableau historique d'une dizaine de journées en décembre 1851, en Provence, alors que se déroule à Paris le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte pour s'emparer de manière autoritaire du pouvoir.


De l'histoire d'amour de Silvère et Miette nous ne dirons presque rien pour ne pas la défrayer: elle est magnifique ! Quelle belle description psychologique de deux jeunes êtres blessés, qui deviennent tout l'un pour l'autre, et de leur timide et combien pudique découverte de la rencontre de leurs émotions et leurs corps !


De l'histoire familiale, quelques mots, car la connaissance de l'origine de cette histoire est essentielle à la compréhension de toute la saga. Adélaïde Fouque s'est retrouvée seule très jeune, héritière d'une petite fortune amassée par sa famille de maraîchers. Toute la ville s'étonne de la voir épouser un jardinier, rustre et pauvre, dont elle a un fils, Pierre Rougon. Ce père meurt très vite « d'un coup de sang », un an passe et le voilà remplacé dans les bras de la fantasque Adélaïde par un contrebandier et braconnier, Macquart, avec qui elle s'affiche au mépris des convenances. On découvre alors une Adélaïde un peu « fêlée », prises de terribles crises convulsives, indifférente à l'opinion publique et poussée par un très grand désir de cet homme qui lui aussi vit aux marges et ne lui rend visite que sporadiquement et mourra sous les balles d'un douanier. Ils ont deux enfants, Antoine et Ursule, qui portent le nom de leur père, qu'Adélaïde élève ensemble avec son fils aîné. Voilà l'origine de cette famille Rougon-Macquart, les trois enfants d'Adelaïde Fouque, Tante Dide, et leurs nombreux descendants, tels les tentacules d'un poulpe, dont on va suivre les péripéties, tout au long des 20 volumes des Rougon-Macquart.


L'aîné, Pierre Rougon, a hérité du côté « paysan massif » de son père mais aussi d'une ambition encore informe qui le pousse à se marier avec une femme appartenant à un milieu commerçant, Félicité Puech, avec qui ils auront 5 enfants (Eugène, Pascal, Aristide et deux filles) dont le premier tome, « La Fortune des Rougon », va exposer les tentatives d'enrichissement, les frustrations et les sordides combines, familiales puis politiques, dénuées de toute morale et de toute conviction idéologique autre que celle d'acquérir coûte que coûte une position sociale. Quel sombre tableau du désir d'ascension sociale, des combinaisons cyniques pour se mettre du côté du vainqueur et en obtenir des fruits que nos offre là Zola, quels cynisme, absence de scrupules et bassesse tout à la fois ! Antoine Macquart, le premier des enfants marqués par la bâtardise, encore un véritable stigmate à l'époque, n'a hérité que des défauts de tous côtés : il est buveur, peu intelligent, roublard, imbu de l'apparence de sa personne, effroyablement paresseux. Il se met en ménage avec une femme qu'il exploite de manière éhontée, leurs enfants - que l'on retrouvera dans de futurs volumes - dès qu'ils le pourront, fuiront ce père sans vergogne. Ursule enfin, par un mariage avec un honnête ouvrier tombé amoureux d'elle s'extrait de sa famille. Ils sont à l'origine de la lignée des Mouret, mais tous deux mourront très vite, laissant deux enfants orphelins dont le cadet, Silvère, recueilli par sa grand-mère Adélaïde est un des protagonistes principaux de « La Fortune des Rougon ». C'est autour de ces personnages, et de leur descendance, que Zola va articuler le portrait du deuxième Empire qui s'étend sur l'ensemble de la série.


« La Fortune des Rougon » se concentre sur le tableau des positions et aspirations sociales d'un milieu provincial dans une ville de Provence imaginaire, Plassans, qui a bien des traits de la ville d'enfance de Zola, Aix-en-Provence, au moment précis du coup d'Etat, en décembre 1851. Zola décrit très graphiquement la ville divisée en trois quartiers, trois quartiers qui sont aussi sa manière de nous présenter la composition sociale de Plassans. Dans le quartier de Saint-Marc vivent les nobles, ceux-ci vivent terrés chez eux, sans vie sociale qui les réunisse. Parfois appauvris ou déclassés ils vivent dans la nostalgie, dans le mépris, dans l'ostracisme. Dans la Vieille Ville, où se trouvent aussi les institutions administratives et judiciaires, vit le petit peuple, les ouvriers, les commerçants. Enfin dans la Ville Neuve, aux constructions plus récentes, se réunissent les bourgeois, ceux qui se sont enrichis, qui sont décrits comme aspirant à être reconnus par les nobles, et à se différencier à tout prix du peuple de la Vieille Ville. Ces bourgeois sont méprisés par les premiers, enviés par les seconds, leur identité est façonnée exclusivement par l'argent …. C'est le coeur du XIXème siècle français, avec en toile de fond l'industrialisation, les profonds bouleversements sociaux mais aussi les atavismes séculaires, et en pointe la construction démocratique, même si encore très balbutiante, avec le poids montant de la presse et de l'école et la perte d'influence de l'Eglise….


Tout ce petit monde d'une petite ville du Midi se trouve confronté aux bouleversements politiques et économiques de l'époque… Zola en donne un tableau très sombre. On les observe tapis dans leur coin, manigançant de sordides combines, essayant de deviner d'où vient le vent et de préserver leurs richesses, ou tentant, comme les Rougon, de pêcher dans l'eau trouble des désordres politiques, richesses mais surtout positions, reconnaissance sociale. Ils sont essentiellement conservateurs, aspirant à conserver leurs acquis, ils n'ont pas de compréhension du présent ni de vision d'avenir, pas de véritables projets si ce n'est d'intriguer dans l'ombre pour conserver ou gagner de bien petits et mesquins intérêts. Sur cette ville à peine un millier de « républicains », prêts à monter sur Paris pour défendre la République, qui sont décrits de manière épique : ces hommes - car c'est un univers masculin ou Miette fera figure d'exception, transcendant sa jeunesse dans une figure de Marianne portant le drapeau rouge- ces hommes, donc, sont corporellement forts, puissants, habités par une grande énergie, il faut les voir marcher tous ensemble dans la nuit chantant La Marseillaise… On pense un peu au début des Chouans de Balzac, aussi à quelque chose du réalisme soviétique par moment…. de leurs histoires, de leurs aspirations, d'une caractérisation plus fine de ces milieux ouvriers, on n'apprendra pas cependant beaucoup dans ce premier tome.


Des escarmouches, conflits, revirements, traquenards, trahisons et massacres se déroulent sous nos yeux de lecteurs pris de vertige par le récit. On ne racontera pas ici toutes les intrigues et les événements tragiques qui remplissent les derniers chapitres laissant aux lecteurs la surprise de la découverte. le ton devient par moment grandiose, un art littéraire presque épique qui contraste avec la terrible mesquinerie, avidité et méchante indifférence qui dépeignent les Rougon, les mains et leur conscience ensanglantées, les Rougon adulés et enviés de leurs comparses, attablés à la fin de cette histoire pour fêter l'avènement d'un régime dont ils espèrent des bénéfices, la curée qui s'annonce : « En province on mange beaucoup et bruyamment. Dès le relevé, ces messieurs parlaient tous à la fois ; ils donnaient le coup de pied de l'âne aux vaincus, se jetaient des flatteries à la tête, faisaient des commentaires désobligeants sur l'absence du marquis ; les nobles étaient d'un commerce impossible (…). Au second service, ce fut une curée. Les marchands d'huile, les marchands d'amande, sauvaient la France. On trinqua à la gloire des Rougon. (…). La joie d'être sauvés, de ne plus trembler, de se retrouver dans ce salon jaune, autour d'une bonne table, sous la clarté vive de deux candélabres et du lustre, qu'ils voyaient pour la première fois sans son étui piqué de chiures noires, donnait à ces messieurs un épanouissement de sottise, une plénitude de jouissance large et épaisse ».


On peut avoir au moins trois lectures de ce premier tome. L'une est sociologique : Zola décrit la composition sociale et la manière dont politiquement cela s'organise. Chaque groupe, et même chaque individu dans la singularité de son histoire, a ses propres aspirations, ses méthodes, ses stratégies, ses positions. Nobles légitimistes ou orléanistes, petits bourgeois sans autre aspiration que celle de se terrer chez eux en protégeant leur magot, voilà la population sans ambition autre qu'extrêmement terre-à-terre que Zola décrit comme profondément conservatrice et le socle du futur gouvernement autoritaire de Napoléon III. Les ouvriers, le peuple, sont là, vécus comme menaçants ou au contraire porteurs des espoirs du futur, tout cela un peu en filigrane.

Une autre lecture est plus psychologique. Chaque personnage important est montré dans ses héritages familiaux, avec des traits croisés de ses mère et père. Anticipant certains aspects de la théorie du narcissisme de Freud, Zola montre comment des parents peuvent reporter sur leurs enfants leurs propres aspirations et blessures, à travers ce terrible portrait de Pierre et Félicité Rougon. Comme dans ce que Freud a appelé la figure de « his majesty the baby », ces parents frustrés et déçus projettent sur leurs enfants le désir de dépasser leurs propres échecs : ils les propulsent dans des études, moteur d'ascension sociale, avec le seul espoir qu'ils parviendront ainsi à glaner position sociale et richesses dont ils se sont sentis, eux, naturellement méritants mais injustement privés. Pierre et Félicité sont sordides car ils sont sans scrupules et n'aspirent pas à ce progrès pour leurs enfants, ce qui serait une forme de transmission générationnelle d'idéaux, mais directement pour eux, dans leur propre intérêt. Les fils d'Adélaïde, dont on n'a pas pris soin dans leur enfance, ont grandi dans l'envie et ne peuvent pas, à leur tour, prendre soin de leurs enfants si ce n'est pour tenter de les exploiter. Avec cette grille de lecture, on peut alors comprendre ces personnages, Pierre et Félicité, blessés dans leur estime de soi, et cherchant à travers le fonctionnement de leur couple des compensations à leur sentiment interne de honte et de déclassement, prêts à tout pour obtenir la reconnaissance dont ils pensent qu'elle est seule à même de soigner leurs blessures narcissiques. Pour chacun des autres personnages importants, Silvère et Miette, Eugène, Pascal et Aristide Rougon, Antoine Macquart, on pourrait aussi reconstruire la trajectoire psychologique, avec de fines descriptions de leurs identifications croisées à chacun de leurs deux parents.


Enfin, on peut aussi prêter attention aux qualités stylistiques et romanesques de ce beau roman. Un grand artiste, Zola, qui tient tous les fils de la description sociale et psychologique de tout un univers avec un langage éloquent, un style qui emporte l'adhésion : combien de belles phrases qui comme un torrent nous emportent dans un grand souffle, combien de beaux paragraphes qui semblent des tableaux colorés, des vastes panoramas imaginés, avec une consistance épique mais aussi presque cinématographique ! « La Fortune des Rougon », c'est aussi une construction romanesque très structurée, comme une symphonie musicale où différentes mélodies, thèmes et harmonies apparaissent progressivement, se rencontrent, se détournent et s'entretissent chaque fois plus étroitement pour arriver au final, laissant le lecteur avec la gorge nouée. Des thèmes s'anticipent dès le début par des images prémonitoires (ainsi du destin tragique de la jeune Miette et de son amoureux), des fils reviennent en arrière (ainsi de l'enfance de Silvère dont on peut comprendre a posteriori qu'elle l'ait conduit à la fois à devenir révolutionnaire et amoureux de Miette comme on le voit dans le premier chapitre du livre), le récit termine au même endroit qu'il a commencé, cet ancien cimetière désaffecté, symbole des héritages et atavismes passés, transformé en lieu de travail – le présent industrieux – et lieu de rencontre amoureuse – un futur d'espérance plus douce.


C'est toute la construction du roman qui est habilement tramée et qui rend la lecture de ce roman absolument passionnante et ma foi pour moi presque une découverte : je n'avais lu que certains tomes des Rougon-Macquart, toujours avec plaisir mais dans le désordre et sans vision d'ensemble. Là, avec « La Fortune des Rougon », je perçois mieux comme on entre par le seuil d'une grande et vaste fresque dont on va ensuite découvrir les multiples réseaux et ramifications.


Du tout grand art romanesque et le plaisir de voir se déployer un récit tout à la fois pictural et perspicace !
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Ce premier tome de la saga des Rougon-Macquart pose les bases, les racines de l'arbre généalogique de cette famille que nous suivrons pendant vingt tomes. C'est,  en quelque sorte,  la genèse de cette oeuvre.
J'ai découvert cette saga alors adolescente et j'ai eu un véritable coup de coeur pour Nana, Pot-bouille et Au Bonheur des dames. Il semblait bizarre à mes camarades d'aimer Zola, réputé assommant et aussi effrayant que Proust ou Stendhal. Mais moi j'ai adoré Zola le conteur et vint ans plus tard j'ai eu envie de reprendre cette série depuis le début et de gribouiller sur mon marque-page les liens qui unissent les différents personnages.
Zola place l'origine de ses personnages à Plassans, ville fictive de Provence, peu de temps avant le coup d'état de décembre 1851.
L'origine des Adélaïde Fouque, la mère, mariée à Rougon et ensuite amante de Macquart. Ses enfants auront bien des tares et perversions. Fainéants, vils, méchants, violents, bref infects. "Affreux, bêtes et méchants".
Mais au milieu de ces plus bas instincts il y a aussi l'amour, la bonté et le dévouement de certains. Des personnages qu'on déteste et d'autres très attachants, émouvants d'innocence, des personnages qui ne peuvent laisser indifférents, au destin tragique, que je garderai sûrement longtemps en tête.
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