27 octobre 2020:
Deuxième lecture complète - certaines citations m'ont accompagné en périodes de tumulte, et il y en eut dans cet intervalle de 7 ans.
C'est par là que je commence: dans les moments de binarité outrancière et de manichéisme furieux du débat public ; quand l'injonction de choisir un “camp” devient insupportable ; quand on voudrait nous enfermer dans des alternatives abjectes, des “ou bien … ou bien” nauséabonds ; je reviens toujours à cet
Erasme de Zweig. Une consolation jamais démentie pour les natures conciliatrices.
Comme il y a 7 ans, j'entends la voix de l'humaniste du XVIème siècle plongé dans le chaos de la Réforme et des violences religieuses, unie à celle de l'intellectuel du XXème siècle plongé dans l'horreur des guerres mondiales, portant le même espoir de concorde universelle.
Malgré l'apaisement que je retire de ce texte, ma relecture est plus critique ; le deuxième chapitre en particulier, "Coup d'oeil rétrospectif", m'interroge en ce qu'il ne prend aucun recul face au constat suivant, tout à fait pertinent du reste : "Soudain s'élargit la place qu'occupait l'Europe dans le monde". Les significations de cet événement historique (1492 et ce qui s'ensuit) pour l'idée même de concorde (ou Erasmisme) que Zweig veut ici promouvoir lui échappent, béat qu'il est devant "l'héroïsme" européen (qu'on peut bien plutôt ranger du côté de la barbarie).
Cela ne m'empêche pas de recommander chaudement cette lecture, plus encore qu'il y a 7 ans. Une leçon d'humanisme avec son sel historique de la Réforme ; l'ultime cri d'un pacifiste en plein conflit mondial qui a sans doute quelque chose à nous apprendre en ces temps de polarisation et d'hystérie collective.
09 novembre 2013:
Erasme, je ne pourrai plus entendre ton nom sans lui témoigner le plus grand respect qui puisse être dû en ce monde. Je hais désormais le garçon qui savait ton nom et ignorait ton histoire !
Mais quel homme es-tu ? Est-il réellement un homme celui qui toujours trouva la force de préférer la paix, fusse au prix de railleries, de sacrifices épineux ?
Je ne parlerai pas plus longtemps du personnage d'
Erasme, bien que j'ai découvert là un homme - je me demande s'il en est bien un en réalité - digne de servir de modèle aux plus grands, sans cesser toutefois de leur être mille fois supérieurs, car c'est du livre qu'il faut ici parler, or un personnage ne fait pas un livre.
Il me faut donc d'abord parler de l'intérêt incroyable que m'a donné ce livre pour la Réforme Allemande de Luther, qui est merveilleusement bien décrite dans ce livre, sans la froideur et le désintérêt qu'elle a suscité pour moi dans les livres d'Histoire. Ici, on prend réellement conscience de la portée de cette Réforme, de ce qu'est un protestant, de l'Histoire qu'il porte en lui. L'auteur nous rend témoin avec un génie immense -puisque lui-même n'était pas témoin après tout - de cet affrontement idéologique entre papistes et évangélistes, réformistes.
L'auteur... Il faut aussi en parler évidemment.
Stefan Zweig... C'est le deuxième livre que je lis de vous, monsieur, et vous avez décuplé mon intérêt pour votre oeuvre, car vous avez plus de génie quand vous parlez des hommes de génies que lorsque vous écrivez des nouvelles.
J'ai lu, comme d'autres je pense, votre plainte, glissée entre les lignes de ce livre excellent. Oui j'ai lu votre cri d'agonie, vous qui, comme
Erasme, avez vu l'Europe en proie à la folie, au fanatisme et au déchirement, alors même que l'on avait tenté de l'unir. C'est la désillusion du nazisme et du fascisme, après l'espérance de la Société des Nations. C'est le trouble viscéral d'une deuxième guerre après un espoir vain et illusoire de paix !
Lorsque je lis : "Que peut faire l'intellectuel lorsque le fanatisme embrase les coeurs ?", c'est bien votre voix et non celle d'
Erasme qu'il faut entendre.
Lorsque je lis : "La croyance en un apaisement possible de l'humanité renaît toujours, et cela surtout dans les moments de furieuse discorde, car l'homme ne pourra jamais vivre ni rien faire sans ce consolant espoir de progrès moral, sans ce rêve de concorde finale.", c'est votre sursaut d'espoir que je lis, et non celui d'
Erasme.
Et enfin, lorsque je lis : "Ils seront toujours nécessaires ceux qui indiquent aux peuples ce qui les rapproche par delà ce qui les divise et qui renouvellent dans le coeur des hommes la croyance en une plus haute humanité.", j'entends votre conviction, ferme et aveugle, mais pleine de ferveur et d'espoir.
Livre excellent dont je conseillerai la lecture à tous mes amis !