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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Que dire ? C'est fantastique ! Je viens enfin de découvrir pleinement la philosophie humaniste, grâce à Erasme, et Zweig ; mais je pense qu'on peut l'étendre à pratiquement tous les philosophes : c'est une pensée qui, au delà des guerres et des religions, privilégie l'homme, la paix, et la tolérance.
Le monde, à l'époque d'Erasme, et toujours maintenant, je pense, se divise en deux catégories : les humanistes et les fanatiques.
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Prêtre de Rotterdam, Erasme, grâce à l'évêque de Cambrai, va étudier à Paris. Comme Rabelais, il déteste l'exagération de l'utilisation de la scolastique chez les théologiens de la Sorbonne. Puis, après un passage par l'Angleterre où il est l'ami de Thomas More, il va découvrir Rome . Scandalisé par les outrances guerrières et la débauche du Vatican, il repasse les Alpes et décide, en 1509, d'écrire un roman-pamphlet ironique, "Eloge de la folie", où Dame Stulitia ( Dame Folie ) montre que ses qualités permettent aux gens de ne pas s'ennuyer ; en fait, sous ces dehors bouffons, cette oeuvre, comme "Gargantua" quelques années plus tard, fait le procès de la guerre et de la religion. C'est la seule façon de critiquer et d'avoir la vie sauve, à cette époque : le pauvre Thomas More qui a proposé, de front, "Utopia" à Henry VIII a été décapité !
Quand Martin Luther, de Saxe, entre lice pour critiquer la religion catholique et ses excès d'indulgences, surtout réclamée par Rome à un pays étranger, l'Allemagne, il le fait comme l'est sa propre personne, avec force et brutalité, et là, le peuple se reconnaît. Erasme, qui pense la même chose, lui demande d'y aller avec diplomatie pour conserver l'unité européenne. Luther n'en a cure, et le verbe haut, fonce ! Il rallie les Européens du nord contre ceux du sud, une sorte de guerre de sécession qui durera des années. Erasme, le pacifique, le doux, le fin, le diplomate, se désole.
Stefan Zweig montre bien, et c'est là tout son art, l'opposition physique et mentale des personnages : le sanguin Luther et le fragile Erasme.... Erasme, l'Européen, qui rêvait d'une langue commune en Europe, le latin. Mais il est arrivé trop tôt dans ce paysage des conquêtes et d'ambition, et Zweig doit penser à Hitler, du fond de son exil, quand il écrit ces lignes ! Peut être que s'il avait attendu un peu avant de "partir", il aurait vu une paix durable en Europe, avec des échanges "Erasmus" pour les étudiants ; il aurait été fier que le philosophe, auquel le pape a proposé un poste de cardinal, puis qui fut sali des pires ignominies, ce philosophe dont il a fait l'éloge en 1936, soit enfin reconnu à sa juste valeur, avec toute la série de "confrères", Rabelais, Montaigne, Spinoza, Voltaire, Diderot, Kant, Goethe, Nietzsche, et lui-même, Stefan Zweig, sans parler de Gandhi, et, je pense Gorbatchev ou Mandela...qui ont oeuvré pour la paix dans le monde :)
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27 octobre 2020:
Deuxième lecture complète - certaines citations m'ont accompagné en périodes de tumulte, et il y en eut dans cet intervalle de 7 ans.
C'est par là que je commence: dans les moments de binarité outrancière et de manichéisme furieux du débat public ; quand l'injonction de choisir un “camp” devient insupportable ; quand on voudrait nous enfermer dans des alternatives abjectes, des “ou bien … ou bien” nauséabonds ; je reviens toujours à cet Erasme de Zweig. Une consolation jamais démentie pour les natures conciliatrices.
Comme il y a 7 ans, j'entends la voix de l'humaniste du XVIème siècle plongé dans le chaos de la Réforme et des violences religieuses, unie à celle de l'intellectuel du XXème siècle plongé dans l'horreur des guerres mondiales, portant le même espoir de concorde universelle.
Malgré l'apaisement que je retire de ce texte, ma relecture est plus critique ; le deuxième chapitre en particulier, "Coup d'oeil rétrospectif", m'interroge en ce qu'il ne prend aucun recul face au constat suivant, tout à fait pertinent du reste : "Soudain s'élargit la place qu'occupait l'Europe dans le monde". Les significations de cet événement historique (1492 et ce qui s'ensuit) pour l'idée même de concorde (ou Erasmisme) que Zweig veut ici promouvoir lui échappent, béat qu'il est devant "l'héroïsme" européen (qu'on peut bien plutôt ranger du côté de la barbarie).
Cela ne m'empêche pas de recommander chaudement cette lecture, plus encore qu'il y a 7 ans. Une leçon d'humanisme avec son sel historique de la Réforme ; l'ultime cri d'un pacifiste en plein conflit mondial qui a sans doute quelque chose à nous apprendre en ces temps de polarisation et d'hystérie collective.

09 novembre 2013:
Erasme, je ne pourrai plus entendre ton nom sans lui témoigner le plus grand respect qui puisse être dû en ce monde. Je hais désormais le garçon qui savait ton nom et ignorait ton histoire !
Mais quel homme es-tu ? Est-il réellement un homme celui qui toujours trouva la force de préférer la paix, fusse au prix de railleries, de sacrifices épineux ?
Je ne parlerai pas plus longtemps du personnage d'Erasme, bien que j'ai découvert là un homme - je me demande s'il en est bien un en réalité - digne de servir de modèle aux plus grands, sans cesser toutefois de leur être mille fois supérieurs, car c'est du livre qu'il faut ici parler, or un personnage ne fait pas un livre.
Il me faut donc d'abord parler de l'intérêt incroyable que m'a donné ce livre pour la Réforme Allemande de Luther, qui est merveilleusement bien décrite dans ce livre, sans la froideur et le désintérêt qu'elle a suscité pour moi dans les livres d'Histoire. Ici, on prend réellement conscience de la portée de cette Réforme, de ce qu'est un protestant, de l'Histoire qu'il porte en lui. L'auteur nous rend témoin avec un génie immense -puisque lui-même n'était pas témoin après tout - de cet affrontement idéologique entre papistes et évangélistes, réformistes.

L'auteur... Il faut aussi en parler évidemment. Stefan Zweig... C'est le deuxième livre que je lis de vous, monsieur, et vous avez décuplé mon intérêt pour votre oeuvre, car vous avez plus de génie quand vous parlez des hommes de génies que lorsque vous écrivez des nouvelles.
J'ai lu, comme d'autres je pense, votre plainte, glissée entre les lignes de ce livre excellent. Oui j'ai lu votre cri d'agonie, vous qui, comme Erasme, avez vu l'Europe en proie à la folie, au fanatisme et au déchirement, alors même que l'on avait tenté de l'unir. C'est la désillusion du nazisme et du fascisme, après l'espérance de la Société des Nations. C'est le trouble viscéral d'une deuxième guerre après un espoir vain et illusoire de paix !
Lorsque je lis : "Que peut faire l'intellectuel lorsque le fanatisme embrase les coeurs ?", c'est bien votre voix et non celle d'Erasme qu'il faut entendre.
Lorsque je lis : "La croyance en un apaisement possible de l'humanité renaît toujours, et cela surtout dans les moments de furieuse discorde, car l'homme ne pourra jamais vivre ni rien faire sans ce consolant espoir de progrès moral, sans ce rêve de concorde finale.", c'est votre sursaut d'espoir que je lis, et non celui d'Erasme.
Et enfin, lorsque je lis : "Ils seront toujours nécessaires ceux qui indiquent aux peuples ce qui les rapproche par delà ce qui les divise et qui renouvellent dans le coeur des hommes la croyance en une plus haute humanité.", j'entends votre conviction, ferme et aveugle, mais pleine de ferveur et d'espoir.

Livre excellent dont je conseillerai la lecture à tous mes amis !
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Il fallait lire cette bio avant d'aller voter ! Pauvre France mal barrée !
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Sous la plume de Stefan Zweig, la vie d'Érasme est avant tout le destin d'une idée, d'une mission, d'un legs spirituel : un idéal de culture, de tolérance, de liberté de conscience absolue et de tolérance vaincu par le fanatisme auquel ce pacifiste acharné s'opposait de tout son être. Érasme fut ainsi inspirateur et précurseur de la Réforme, dont il s'est protégé des dérives fanatiques derrière le rempart de ses livres. La limite de son humanisme est qu'il a surestimé le civilisé en ne prêtant que peu d'attention au monde des réalités, où s'impose la force originelle des bas instincts.
Zweig reconnaissait la tragédie de son époque dans celle de la Renaissance. On le sent bien dans la peau d'Érasme. Et voilà que la crise revient en force aujourd'hui. Elle s'annonce peut-être plus périlleuse, je le crains. Car le fanatisme ne s'alimente désormais plus à de grandes idées, mais au désespoir. En dépit de tout, le legs d'Érasme, l'érasmisme, continue à couver…
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Trois nuances de protestantisme


Zweig n'est jamais décevant, en particulier lorsqu'il s'attelle à rédiger une de ses biographies-essais dont il a le secret. Lorsqu'il engage une quête spirituelle, poursuivant les traces de personnages qui ont marqué son imaginaire.

Par cet « Érasme » brillant, on découvre la vie et une part de l'oeuvre de celui qui aura enfanté la Réforme. Homme de mesure ou pusillanimité selon les points de vue, il aimait autant les idées qu'il détestait l'engagement.

C'est autant un livre sur Érasme que sur Martin Luther et l'amorce du protestantisme. Zweig en explore et en analyse toute la chaîne de causalité qui lui assurera son pinacle. Érasme enverra les premières flèches en direction de l'institution catholique, et se verra très largement dépassé en férocité par les pères de la nouvelle doctrine, Martin Luther et consorts, eux-mêmes débordés par des révolutionnaires radicaux, non contentés par le simple acte de conversion.

Zweig tente de dépeindre une époque, un air du temps où les égarements de l'église attisent la révolte de quelques penseurs qui bouleverseront l'histoire de l'europe et du monde.

L'éloge permanent qu'il fait d'Érasme, à un détail près, nous en dit évidemment plus sur Zweig lui-même, qui se célèbre à chaque page dans la douce notion de tempérance. Erasme est l'incarnation du pur penseur, désengagé de tout militantisme prosaïque, qui se désole que l'on ne l'entende pas et s'effraie qu'on le prenne trop au sérieux.

Pour conclure, un livre majestueux, qui enrichit culture et réflexion, sur un personnage central de l'histoire européenne légèrement occulté dans nos contrés, devenu essentiellement le nom de voyages estudiantins devant censément découvrir la culture de leur voisin. L'écriture de Zweig rend également hommage à son sujet d'étude, précise, noble et agréable, elle sublime Érasme, lui conférant une flamboyance artificielle.


Samuel d'Halescourt
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Quel plaisir d'apprendre les grandes heures de l'Histoire avec Stefan Zweig ! Et le talent de son traducteur, Alzir Hella, n'y est certainement pas pour rien.
Point d'accumulations de "mots compte-triple" ou de formules trop ampoulées qui vous lassent et vous font oublier l'essentiel. Tout est parfaitement limpide, je conseille ce livre à tous. Oui, à tous !

Stefan Zweig nous établit là le portrait sans concessions d'un homme libre, père de la littérature politique, et son héritage. Ce n'est pas sans nous rappeler Conscience contre violence, qu'il écrivit peu après.

Le livre commence par un rappel historique appréciable (certes inévitable) puis se termine en proposant d'autres pistes de réflexion, pour faire durer le plaisir.

Alors, Stéphan Zweig ? Stop ou encore ? Vous aurez deviné, je pense ;)
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Humaniste, philosophe du 16ème siècle, Erasme est une lecture agréable grâce à la plume de Sweig. Chaque phrase est un bijou. Je le recommande à qui aime se nourrir l'esprit.
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