Livre assez étrange. Il commence par un théorisation fort complexe de ce que le langage est, peut être, de l'importance des mots, de la compréhension de ceux-ci, de la compréhension mutuelle. A travers des emprunts aux psychanalystes, aux structuralistes, aux post-structuralistes,
Derrida... Tout ça pour dire qu'on ne se comprend finalement jamais, qu'on doit choisir une bienveillance réciproque, et croire qu'on (se) comprend (plus ou moins la même chose) et donc pouvoir travailler et évoluer ensemble.
Ensuite, de Shazer fait une comparaison entre deux types de « lecture » dans une « même » thérapie, l'une centrée sur le lecteur (Ackerman), le texte (
Bateson) avec un entre deux (Gustafson), très révélatrice des différences potentiellement énorme selon le point de vue adopté. Et qui évidemment survalorise la thèse qu'il défend : s'en tenir aux mots, aux mots-texte du client.
Le chiffre est puissamment évoqué, en tant que condensateur de choses indicibles, de progrès indicibles en mots, le chiffre est comparable aux autres chiffres et donc donne un langage tout à fait simple utilisable entre les interlocuteurs, thérapeute et client.
« 4 est toujours moins que 5 ». Pas de doute. Quant à savoir ce que ce 4 ou ce 5 signifie ou cache parfaitement, ce n'est au fond pas important. L'important c'est l'évolution du client !
Dès lors, l'auteur préconise et a développé tout un ensemble d'échelles d'évaluation chiffrée.
Et le plus intéressant est qu'on peut être extrêmement inventif et se servir de l'idiomatique du client, de ses idées à lui pour créer des échelles excessivement parlantes. Un vrai bonheur d'amusement et de potentiel curatif !! (En vrac : Echelle de réussite, échelle d'insouciance, échelle des progrès, échelle de réussite à la relaxation, échelle du désir d'arrêter de boire, échelle de confiance, etc.)
de Shazer développe à l'envi son concept de la « question-miracle », celle où l'on se réveille sans le problème et... à quoi est-ce qu'on le remarque, soi, les autres... qu'est-ce qu'on ferait alors de différent. Une fameuse question dans le monde de la thérapie...
Toute cette deuxième partie très illustrée par des transcriptions fidèles de séances presque entière. On voit vraiment comment les choses se co-construisent, c'est très appréciable.
Avec pour terminer deux sujets particuliers plus spécifiques : la thérapie « imposée par un tiers » et l'alcoolisme.
Bref bref, étonnant livre, entre une première partie d'intellectuel pur très difficilement abordable et cette deuxième partie hyper simple, claire, pratique, et praticable, il y a un monde, celui de Steve de Shazer sans doute. Un monde intéressant.
Peut-être pas le livre essentiel ni des thérapies brèves en général, ni peut-être même de l'auteur (bien qu'il y mette beaucoup de sa personnalité), mais, oui, donnons lui des étoiles : 3. (Pas si loin du 4).
Et laissons le dernier mot à l'auteur :
« Je n'avais sûrement pas l'intention de présenter une « théorie » ou un « grand modèle ». Plutôt de développer une théorie tentant d'expliquer tout et pouvant être utiliser comme si elle cherchait à tout expliquer, les parties théoriques de cet ouvrages devraient seulement être considérées comme la description de mes outils. Rien de plus. C'est dans la mesure où j'ai réussi à décrire mes outils que je peux dire que j'ai pratiquement fait ce que j'avais entrepris de faire.A cet égard, vous aurez peut-être une opinion différente de la mienne. »