Aujourd'hui je vais évoquer le rire essai sociologique de
Laure Flandrin. le sous-titre est Enquête sur la plus socialisée de toutes nos émotions. Avec cet ouvrage la sociologue propose une façon originale de s'intéresser à cette activité qui met en branle les zygomatiques.
Laure Flandrin dans l'introduction explique : « la première partie de ce livre propose une sémiotique du rire en ce qu'elle traite du rire comme d'un signe inclus dans une communication sociale. (...). Dans la deuxième partie il s'agira non plus de comprendre comment les expériences socialisatrices passées se répercutent dans le rire, mais bien de ressaisir le rire comme une activité socialisatrice en tant que telle. (...). La troisième partie relève d'un cran supplémentaire le niveau de généralité de l'enquête pour se hisser non plus au niveau du rieur singulier ou des groupes auxquels le rire apparie ou désaffilie, mais au niveau symbolique des cultures du rire. » Cet extrait montre bien les défauts de cet ouvrage érudit et très intéressant : le propos est parfois un peu jargonnant et abscons ce qui perd le lecteur dans des méandres théoriques complexes. Pour en terminer avec les reproches, précisons que les données de l'enquête avec le profil détaillé sociologique des répondants ne sont pas présentées. Ces mises en garde faites l'approche sociologique proposée pour analyser le rire (à travers ses différentes composantes) et les rieurs est pertinente. L'auteur met en évidence trois dimensions qu'elle explore successivement dans les chapitres : « sémiotique, pragmatique et symbolique ». Elle montre que rire est universel (d'ailleurs l'expressivité faciale associée au rire est reconnue de chacun et traduit une émotion particulière) mais il existe des facteurs sociologiques (sexe, catégorie sociale, âge) qui distinguent les motivations à rire. Cette émotion est profondément sociale ; le rire communicatif, les fous rires contagieux ne sont pas des légendes. La mise en perspective illustrée d'exemples entre typologies de rire et classes sociales montre l'empreinte sociale qui existe. C'est l'apport évident du travail sociologique par le biais de cette enquête issue d'une thèse de mettre en lumière ces liens qui ne sont pas forcément a priori évidents. Dans l'ouvrage il est question de comédies italiennes, de films avec
Louis de Funès, de comiques que chacun trouve plus ou moins drôle (
Pierre Desproges,
Anne Roumanoff,
Blanche Gardin,
Guy Bedos pour n'en citer que quelques-uns), de situations rigolotes. Et l'auteur interroge les enquêtés sur ce qui les fait rire et elle regroupe les résultats selon les classes sociales, l'âge ou le sexe et met en évidence des clusters de formes de rire. Selon
Laure Flandrin il faut distinguer notamment le rire de dégradation et celui de profanation. Elle précise : « un topos littéraire tenace attribue le rire de dégradation aux rieurs socialement sans-grade et politiquement dominés. » Voici quelques extraits épars de cet ouvrage qui apportent quelques exemples sur les thèses développées : « le rire est compris comme une réponse défensive aux mille et une vexations qui accompagnent le statut des dominés et vaut comme stratégie de reclassement symbolique. (...). le rire de suspension des automatismes pratiques n'est pas l'exclusivité du rire populaire ouvrier. (...). le rire serait d'abord intrinsèquement communautaire et affinitaire. (...). le dualisme entre le rire masculin et les pleurs féminins est un legs de la chrétienté, qui érige notamment les pleurs de Marie en modèle édifiant à destination des femmes. »
Le rire est un ouvrage sérieux, parfois un peu austère et ardu. Ce n'est donc pas un texte drôle qui provoque le rire mais cette lecture donne des clés sociologiques pour décrypter cette émotion qui est genrée et socialement distribuée.
Voilà, je vous ai donc parlé du Rire de
Laure Flandrin paru aux éditions La Découverte.
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