Le « Point Zéro », c'est « là où se trouvait le tout premier bâtiment construit de la ville. Sa forme évoquait celle d'un immense poisson qui reposerait sur la dune originelle. »
Nous sommes en 1999 à la Grande Motte. Cyril vient d'y emménager avec Claudia, sa mère. Il se trouve ainsi privé de son environnement habituel : ville, amis, école, père et doit se créer une nouvelle vie. C'est bientôt la rentrée, il entre en terminale. Parviendra-t-il à nouer de nouveaux liens ? A s'intégrer ?
Lorsque ce roman m'a été proposé au cours d'une Masse critique privilégiée, je ne savais pas à quoi m'attendre. Je n'aime pas beaucoup lire les quatrièmes de couverture qui, souvent, en dévoilent tellement sur l'histoire qu'une partie du plaisir de lecture en est gâché.
C'est le titre qui m'a attirée. Je n'imaginais pas du tout ce que représentait ce « Point Zéro ».
Lorsqu'on ouvre le roman, on ne plonge pas directement dans l'intrigue. En effet,
Frédérique le Teurnier commence par une genèse de son récit. Elle y rend hommage à la plage de ses vacances d'enfant, la Grande Motte et conclut par un vibrant témoignage d'amour à sa maman, disparue pendant la rédaction de ce livre. J'ai terminé ces quelques pages très émue et la gorge serrée.
La Grande Motte est une station balnéaire dont je ne connaissais rien. L'endroit ne m'attirait pas du tout pour deux raisons : il est réputé pour un afflux de touristes et je déteste la foule, son architecture moderne en béton me semblait froide et prétentieuse. Or, dans son ouvrage,
Frédérique le Teurnier transforme la ville en véritable personnage. Apparemment, elle la connaît bien et introduit, au fil de l'histoire, des évocations d'endroits, du style, les aspects féminin et masculin de celui-ci, des symboles dissimulés partout. Mais attention, rien d'ennuyeux dans ces digressions. Elles ne donnent pas du tout l'impression de se plonger dans un guide touristique, comme c'est parfois le cas.
Alice
Stern, l'une des principales figures de l'histoire a parcouru la cité en long et en large avec son père, féru de symbolique et qui a attiré son attention sur certains détails incongrus et intéressants, devant lesquels, sans lui, elle serait sans doute passée sans les remarquer. Alice est photographe et son oeil est exercé à déceler des éléments originaux et à les cadrer de manière atypique.
L'histoire se divise en trois parties séparées chacune par dix ans (1999-2009-2019). Ainsi, les adolescents rencontrés au début auront le temps de se transformer en quadragénaires.
Quatre amis très dissemblables se connaissent depuis toujours et vivent à la Grande Motte où ils sont nés.
Alice est très surveillée par ses parents, non qu'ils soient particulièrement sévères. Ils sont plutôt inquiets et craignent qu'il ne lui arrive un malheur. Jeanne est mince et coquette. Sa principale préoccupation est de plaire et séduire. Ludovic est le dernier de la famille. Bien loin de lui apporter tendresse et câlins, cette position fait de lui le souffre-douleur de sa mère qui dirige son hôtel de main de fer et le fait travailler comme un esclave. Quant à Clément, c'est un élève brillant que ses copains surnomment « l'intello ». Il a toujours en réserve une citation appropriée à chaque situation. Jovial et altruiste, il est aimé de tous. Son gros défaut est son addiction à toute sorte de substances parfois dangereuses. L'équilibre de ce petit groupe se trouve menacé par l'arrivée d'un « nouveau », Cyril. Il descend du Nord, sa mère ayant décidé qu'elle en avait assez de la grisaille et de la pluie. Et puis, elle veut mettre le plus de distance possible entre elle et son ex-mari qui, en dépit de ses belles promesses, s'est, une fois de plus, retrouvé à la case prison.
Cyril n'aime pas l'école. Il ne sort jamais sans son carnet de croquis et représente ce qui l'entoure. Ce qui le rapproche d'Alice, au grand dam de Ludo, son amoureux transi.
Selon les époques, on verra se développer des thèmes tels que l'adolescence, l'amitié, les passions, la jalousie, la responsabilité et l'amour (ou son manque) des parents pour leurs enfants, la drogue, le harcèlement, la culpabilité, la gloire, la mort et surtout l'art, omniprésent.
Les trois parties sont introduites par un dessin, oeuvre de Cyril, que nous devons, en réalité, à François Harrigau, le compagnon de l'auteure, auquel elle adresse ses remerciements.
Quant à ce fameux « Point Zéro », ce n'est pas seulement un endroit emblématique de la ville, mais c'est aussi le point de départ de nombreux événements, et l'état dans lequel retombent des personnages que la vie prend un malin plaisir à séparer.
Certains moments traversés par les protagonistes ont réveillé en moi des souvenirs : la jeune fille immobilisée par un plâtre alors qu'il fait si beau dehors et qu'elle ne peut pas bouger. Ou les mariages qu'Alice doit immortaliser en tant que photographe.
Frédérique le Teurnier décrit avec une ironie mordante ces « wedding planners » où « chaque fiancée semblait lancée dans le concours du " je ferai mieux que mes copines" » et développe des « idées (…) de plus en plus farfelues ». J'ai vécu une cérémonie dont on pouvait se demander où s'arrêterait cette extravagante folie des grandeurs.
J'ai adoré ce livre et j'ai été surprise et heureuse de découvrir que l'auteure me l'avait personnellement dédicacé, ce dont je lui suis reconnaissante.
Un grand merci aux éditions Récamier et à Babelio qui me l'ont envoyé.
PS : Un petit couac, cependant : la confusion de « veille » et « vieille » : « en repensant à sa balade de la vieille » ou « Cyril était arrivé la vieille ».