En premier lieu, le livre révèle un impensé important du sujet très médiatique des HPI. Sur la « petite noblesse », il touche à quelque chose qui me semble vrai, mais l'utilise surtout de manière répétitive et sarcastique (donc rhétorique) alors qu'on aurait préféré une véritable analyse sociologique à la Pincon-Charlot de l'hérédité nobiliaire appliquée au talent.
A l'inverse l'oubli sous-jacent est la confusion entre enfants et parents (le « petite noblesse » du titre évoque-t-il l'âge des enfants ou le degré nobiliaire ? le sujet n'est pas repris dans le corps du livre et c'est une vraie lacune, au point qu'on peut y voir une ruse commerciale de l'éditeur). La souffrance possible des enfants est seulement vue comme un prétexte au détournement de l'appareil psychologique. Au processus conscient (ou pas) des parents qui est très bien décortiqué à la façon d'un lobby, l'impact sur les enfants n'est pas étudié du tout. Il ne s'agit certes pas du sujet principal du livre, mais Lignier aurait pu, à la manière de Lemerle dans « le cerveau reptilien » consacrer un chapitre aux points qu'il laisse ouverts. Un autre point que l'on peut regretter est qu'il fasse remonter la généalogie du phénomène aux années 60-70, alors qu'il s'agit d'une tradition bien plus ancienne dans les familles à haut capital culturel. Et la notion de « transclasse » (comme Galland, Camus, avant ceux qu'on dénomme ainsi) pourrait aussi être vue comme adjacente.
Mais cet ouvrage garde pour moi la qualité essentielle d'être le premier à offrir un éclairage résolument sociologique au sujet des « HPI » : il ne pouvait donc à lui seul en dévoiler tous les angles morts.
Il m'a aussi permis de découvrir les autres livres de
Wilfried Lignier, qui pour moi sont beaucoup plus denses et passionnants.