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Critiques de Fiodor Dostoïevski (1682)
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L'Idiot

On connaît la formule : « Dostoïevski voulait représenter un être parfaitement bon. Par dérision, il en fit un idiot. » Est-ce vraiment par dérision ? Et qu’entendait-il par ce mot « idiot » ? Le prince Mychkine est un être simple, qui ne comprend rien aux conventions sociales ; il ne comprend que les êtres humains et ce qui est bien. Et c’est pour cela que Dostoïevski lui décerne ce titre amer.



A bien des égards il me rappelle Saint François d’Assise, le Povorello, parlant aux oiseaux et citant devant le pape la sagesse des alouettes. Son amitié avec Rogojine ne rappelle-t-elle pas le loup de Gubbio apprivoisé par la simple douceur ?



Mais il n’y aura pas de miracle. La bonté du prince restera impuissante ; son sacrifice ne suffira pas à racheter Nastassia Philipovna. Rendu à la sauvagerie, Rogojine la tuera. Et Aglaé, la seule qui était en mesure de comprendre vraiment le prince, ne deviendra pas Sainte Claire d’Assise mais préférera ruiner consciemment sa propre vie. La figure christique du prince n’est pas aux prises avec un monde mauvais, mais en proie à l’autodestruction. C’est un monde qui refuse d’être sauvé. Un monde qui refuse la venue du Christ, et veut mourir avec son péché originel.



Grâce à la critique d’Yves, j’ai appris que Dostoïevski s’inspira du tableau de Holbein du Christ mort. Peint d’après le cadavre d’un juif retrouvé noyé, il rompait radicalement avec toutes les traditions et le style de l’époque. Ce n’était pas le fils de Dieu dans sa gloire qui était peint, mais un simple cadavre. « Un tel tableau peut faire perdre la foi », déclara-t-il en le découvrant.



On explique généralement cette phrase par la découverte brutale de l’athéisme et du néant – ou de leur peur – qui s’expriment avec une incroyable force sur ces planches de tilleul. Il n’y a pas de Dieu, pas de sauveur, pas de salut, pas d’amour, pas de pardon. Rien. Mais il me semble qu’un tel esprit, ayant fréquenté les révolutionnaires et les bagnards, avait déjà dû être confronté à ces questions.



Contrairement à la plupart des représentations, le corps est seul. Il n’y a ni ange ni disciple. Tous se sont détourné de lui, l’ont abandonné. Et si le monde refuse d’être sauvé ? Alors le sacrifice du Christ est inutile...



Kurozawa en tira un film en noir et blanc de deux heures et demie qui compte parmi les monuments du cinéma, et parmi mes films préférés. Pour plus de cohérence avec le livre, il le plaça dans l’Hokaido, l’île du nord du Japon, au climat froid. C’est une œuvre monumentale et magnifique, peut-être le summum de l’art de Kurozawa. Et, mais c’est une impression très personnelle, il m’a toujours semblé que s’y exprimait un terrible et violent rejet de la société japonaise traditionnelle...
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Le rêve d'un homme ridicule

Si Dostoïevski est plus connu pour ses - énormes - romans, voici une nouvelle certes bien plus courte mais non moins exceptionnelle.

Nous voici, nous, lecteurs, plongés dans l'âme d'un homme moqué par tous, qui est et se dit ridicule. Acceptant la fatalité, il tente alors de se détacher petit à petit du Monde pour devenir jusqu'au fond de son âme, un zéro absolu, sans réelle pensée, sans émotion, sans attachement aucun à la Vie. C'est ainsi qu'un jour, se promenant dans la rue, il prend la décision de se suicider le soir même. Mais une fois assis, le revolver devant lui, il s'endort et alors lui est révélée la Vérité.



Ce petit ouvrage se lit fort rapidement et est tout à fait formidable. Prônant un message universel, Dostoïevski nous fait le portrait d'un narrateur, qui, transformé par son songe, est animé par le rejet d'une vie guidée par la raison, et prône l'Amour brut, sans conscience de lui-même. Il veut que les Hommes vivent la vie telle qu'elle est, menant ainsi au bonheur, plutôt que de continuellement rechercher ce qu'est la vie; et place la vie au-dessus de la conscience de la vie, et le bonheur au-dessus de la connaissance de ce qui fait le bonheur. Et ainsi, le plus naturel des sentiments de la Vie, qui mène au bonheur, hors de toute raison, est l'amour. Le narrateur décide donc de prêcher l'amour, et privilégie la foi à la connaissance. Si croire est un acte naturel et irrationnel (propre à la nature de l'Homme, et donc inhérent à la vie), la raison qui privilégiera plutôt la connaissance de toute chose ne peut mener au bonheur qui est pourtant ici le bien suprême



Je ne peut que recommander cette nouvelle à tous, lecteur de Dostoïevski ou pas !
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Crime et Châtiment

Un classique du XIXème siècle comme on en trouve peu: rythmé avec des descriptions... brèves. De là, cette impression de filer de page en page- il en contient tout de même 600- et de retrouver, après chaque pause, ce roman policier comme on retrouverait un ami. Sa parution en feuilleton doit y être pour quelque chose, on ressent la dynamique du récit avec un suspense renouvelé à chaque chapitre.



Le personnage principal est Raskolnikov. Un jeune étudiant qui médite, doute, fuit les autres et ses études à l'université car il ploie sous les dettes. Son ambition de devenir quelqu'un le dévore. Mais ce solitaire est imprévisible, sur un coup de tête, après avoir épuisé toutes ses ressources, il se prépare à commettre l'impensable.

C'est ainsi qu'en appliquant sa théorie qui l'autoriserait à assassiner le pou de la société -la féroce prêteuse sur gages Alela Ivanovna- pour le bien-être d'autrui que les ennuis prennent une autre dimension. N'est pas Napoléon qui veut, même s'il y fait référence, il est conscient que les "assassins de l'histoire" ont plus de droit que lui. Raskolnikov a une haute estime de lui mais sans le sou ni le réseau et peut-être pas le courage, il se désespère.



La question centrale du livre, qui est le droit de tuer le parasite de la société non seulement pour la délivrer mais aussi pour se libérer soi-même de contraintes qui nous empêche de progresser, ne devrait pourtant pas faire débat. A cette époque comme aujourd'hui on ne peut transiger sur l'interdiction d'assassiner.



Pourtant j'ai été pris dans cette intrigue et même par ce questionnement qui engage son auteur. A travers le personnage de Raskolnikov, Dostoievski se vengerait-il de cette société qui ne reconnait pas encore son génie à sa juste mesure et de ce fait l'oblige à vivre dans le besoin et surtout loin de ses créanciers? Le doute est permis.



C'est aussi un roman social. Une fois de plus avec Dosto, le Pétersbourg de la fin du XIX est vu du côté des "pauvres gens". Et parmi eux, les moins considérés: on y rencontre des poivrots et des prostituées. La question de l'argent y est central. L'argent permet de corrompre et d'asseoir son pouvoir mais l'ignoble fiancé de Dounia va tomber sur un os avec la rencontre avec Raskolnikov qui voit clair dans son jeu.

Le contexte politique de l'époque appuie ce propos avec le développement des idées du socialisme qui vont bouleverser la société russe dans la génération suivante.



Au delà de ce débat original sur le meurtre permis, ce roman est vraiment plaisant à lire car on est étonné de savoir jusqu'à quel point les personnages dépassent leur folie. On ne s'attend pas à lire des situations atteindre un tel paroxysme. Comment peut-il écrire cela?

Tout simplement un chef d'œuvre peut-être parce que Dostoïevski y a mis son sang et son coeur.

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La Femme d'un autre et le Mari sous le lit

Une autre corde de plus à l’arc de Fiodor Dostoïevski, il peut être drôle !



Il nous livre ici, une comédie sur la jalousie et le mari trompé, ou qui croit l’être, un récit proche du Vaudeville. Mais bien sûr, avec sa touche personnelle avec un héros tourmenté qui interprète tout en fonction de sa présomption.



La nouvelle est composée de deux parties : dans la première, Ivan espionne sa femme, prenant un passant à témoin ce qui donne un long dialogue qui permet de penser qu'il pourrait s'agir de l'amant présumé.



Dans la deuxième partie, c’est beaucoup plus drôle, avec un comique de situation et des échanges savoureux. En fait, il s’agissait au départ de deux nouvelles différentes écrites en 1848 :"La femme d'un autre" et "Le mari jaloux" que l’auteur a réunies à son retour du bagne.



Il y a beaucoup de dialogues, comme au théâtre et des scènes très drôles, notamment dans la deuxième partie, où il se trouve dans un appartement, caché sous le lit avec celui qui est censé être l’amant de sa femme, car ils se sont trompés d’appartement. Il s’en suit un échange truculent, alors que le couple de propriétaires discute dans cette chambre !



Un texte très drôle, mais féroce, ironique car il insiste sur le côté ridicule du personnage, qui au départ, est dans le déni (il enquête pour un ami !) et de sa jalousie et l’épisode du chien est à lui seul un moment de fou-rire. En fait, ce texte aurait pu être écrit directement pour le théâtre, et il a d'ailleurs été adapté, en 2015, par la jeune troupe des "Nuits humides"...



Challenge XIXe siècle 2017
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Le Joueur

Le titre ne décrit pas une condition actuelle mais une condition à venir.



Je me souviens lorsqu’un professeur à l’université nous disait que l’auteur qui a le plus gêné et préoccupé Freud c’était Dostoïevski. Cela est sûr, il n’y a pas deux comme Alexeï Ivanovich dans le monde littéraire. Ce personnage à lui seul mérite une ample analyse. Un homme qui aime jusqu’à l’humiliation une femme pour laquelle il pourrait se jeter du haut d’une montagne, il déguste avec délectation cet abaissement. En discussion, il préfère les propos les plus déplacés et embrouillés avec la plus grande éloquence arrivant à bouleverser ses interlocuteurs voire les convaincre. Ce personnage curieux qui étonne même les autres protagonistes par son caractère lunatique se détruit au fur et à mesure pour se perdre.



Avant de lire ce roman, je croyais qu’il s’agissait de l’histoire (à vrai dire monotone) que mène un amoureux du jeu, gagnant tantôt et perdant tantôt. Or, la trame ingénieuse que choisit Dostoïevski est surprenante et a aboli mon horizon d’attente. L’histoire est digne d’un drame en cinq actes avec ses coups de théâtre et les relations conflictuelles qu’on y trouve. D’un rythme effréné de la narration, Fiodor nous captive. Et dire que ce livre a été écrit en vingt sept jours seulement. Dostoïevski n’a pas beaucoup chercher pour trouver l’essence de son roman puisque lui aussi joueur et amoureux de la roulette. Par ailleurs, Dostoïevski n’oublie pas d’y mettre une critique acerbe envers les allemands et les français calculateurs et pragmatiques et de vanter la négligence et la simplicité des russes.

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Crime et Châtiment

Petersbourg, 1866.

D'abord le CRIME (s) : Rodia Raskolnikov, étudiant, tue et vole une vieille usurière et sa sœur, par idéalisme mais aussi pour sortir de la misère. Il a de la chance ne ne pas être repéré.

Puis le CHATIMENT : les 600 pages restantes, il se pose tellement de questions sur son crime qu'il en devient presque fou.

Malgré les 200 pages de trop à la fin, à mon avis, c'est un superbe roman, écrit d'une plume magistrale.

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Les personnages du roman sont hauts en couleurs. la mère de Rodia se fait du soucis, sa sœur et son ami semblent être les seuls à avoir les pieds sur terre, Je ne vous dévoile pas les autres personnages, sauf un peu Svidrigaïlov, un fou pervers assassin et violeur, ainsi que Porphyre, le juge d'instruction qui semble jouer au chat et à la souris avec Rodia, et, comme le décrit si bien Nastasia- B. dans sa critique, nous fait penser à l'inspecteur Colombo. Nous avons aussi la famille Marmeladov, qui nous rapproche de l'Assommoir d'Emile Zola, écrit à peu près à la même époque.

Rodia, doté d'un immense orgueil, ne comprend pas que, pour le service rendu ( "tuer un poux qui pratique une usure exorbitante" ) , il doive être châtié alors que Mahomet et Napoléon qui ont versé bien plus de sang, ont été honorés et adulés.

Dostoïevski touche là un problème philosophique et existentiel comparable à celui induit par Louis Ferdinand Céline quand son anti-héros est étonné d'être glorifié à Paris au retour des tranchées.

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Fiodor Dostoïevski est mon écrivain Russe préféré, l'âme russe....Ah ! L'âme russe est torturée, malmenée, triturée, analysée...Et pourtant pas libérée, sous sa plume.



Rodia, c'est la souffrance si bien comprise par Stefan Zweig, c'est un peu Fiodor par son côté idéaliste, ses errances, la prison...
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Les Démons (Les Possédés)

Dostoïevski mêle avec talent roman, philosophie, politique et réflexions métaphysiques. Les Démons, dont le titre initial choisi par le traducteur était Les Possédés, est un roman puissant. Certains personnages font preuve d’une noirceur troublante. Piotr Stépanovitch Verkhovenski est à la tête d’une cellule révolutionnaire nihiliste et harcèle Nicolas Stavroguine afin qu’il en devienne le chef. Celui-ci refuse. Tourmenté, il a causé de nombreux esclandres qui ont fait douter de sa santé mentale. Ce thème de la folie était déjà présent dans Crime et Châtiment à travers le personnage de Raskolnikov, étudiant féru de théories politiques sur les grands hommes, qui en vient à tuer une vieille usurière. Il est persuadé d’agir pour le Bien de l’humanité.

Avec Les Démons, Dostoïevski approfondit ce thème de l’homme intelligent que l’idéologie rend fou quand elle devient extrémiste. Il lui donne plus de force et de violence. Verkhovenski est un criminel froid, calculateur, implacable, redoutable et sans pitié. Son pouvoir de nuisance est effrayant. Il n’a rien à voir avec Raskolnikov, étudiant sympathique et compatissant, malgré son arrogance. Verkhovenski commandite l’assassinat d’un membre de sa cellule révolutionnaire, Chatov, car ce dernier veut les quitter et pourrait les dénoncer, provoquant ainsi leur arrestation. Chatov ne partage plus les idées extrémistes de ses camarades qui prônent le terrorisme, la destruction radicale des structures sociales. Touché par le retour de sa femme enceinte, qui vient accoucher chez lui après avoir été séduite et abandonnée par Nicolas Stavroguine, il n’est pas vigilant et se laisse piéger. Dostoïevski s’est inspiré de l’actualité : Netchaïev, chef d’une organisation révolutionnaire, avait assassiné, avec quatre complices, l’étudiant Ivanov, soupçonné d’avoir voulu dénoncer l’organisation à la police.



Ce livre sur, entre autres, l’activité d’une cellule terroriste et la folie idéologique de ses membres m’a fait réfléchir à notre époque, même si le contexte est différent. Le terrorisme et les attentats perpétrés par des étudiants dans la société russe des années 1860 étaient dirigés contre le pouvoir absolu du tsar. Néanmoins, la description de cette violence est intemporelle. Dostoïevski a lui-même côtoyé ces étudiants, en a fait partie dans sa jeunesse, au point d’être arrêté, envoyé au bagne et croire qu’il allait être condamné à mort. Les tourments des personnages sur le bien, le mal, la violence politique sont sans doute le reflet de ceux de l’écrivain.



Les Démons est une œuvre forte qui garde encore aujourd’hui une part de mystère et est source de débats, notamment autour d’un chapitre censuré par l’éditeur d’origine « Chez Tikhone ». Stavroguine s’y confesse à l’évêque Tikhone, il lui explique l’origine des démons qui le hantent : il a abusé d’une fille d’une dizaine d’années pour se distraire et elle s’est ensuite suicidée, elle s’est pendue dans le grenier pour échapper au poids de la honte. Ce drame, qui aide à mieux comprendre le comportement perturbé de Stavroguine, avait été effacé des premières éditions car il avait été jugé trop choquant. Dostoïevski s’était-il inspiré d’une réalité dont il avait été le témoin comme pour la cellule terroriste ? Il laisse en tout cas une œuvre et des personnages riches et complexes.

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Crime et Châtiment

Découverte tardive d’un monument de la littérature : il n’est jamais trop tard! Autour d’un événement banal, l’assassinat de deux femmes par un étudiant indigent et perturbé, Dostoïevski rédige un roman dense, riche et profus.

Chronique sociale de la Russie tsariste, qui permet à l’auteur de critiquer ouvertement le socialisme :

Pour eux [les socialistes], l'humanité n'évolue pas suivant une loi historique et vivante qui amène finalement une société normale, mais au contraire, c'est un système social, sorti de quelque cerveau matérialiste, qui organise toute l'humanité et en fera rapidement une communauté de justes et purs.

Il souligne également la précarité, l’alcoolisme, la piètre condition des femmes en cette fin de dix-neuvième siècle.



C’est aussi le portrait d’un personnage complexe, décrit par son ami comme :



Sombre, triste, altier et fier ; dans les derniers temps et peut-être même avant, impressionnable et hypocondriaque . Généreux et bon. Il n’aime pas exprimer ses propres sentiments… Terriblement refermé. Tout l’ennuie ; il demeure étendu sans rien faire ; il ne s’intéresse à rien de ce qui intéresse les autres . il a une très haute opinion de lui-même, et, semble-t-il, non sans raison…



La détresse le conduit à commettre l’irréparable, et il entraine malgré lui dans son sillage sa famille et ses amis.



Tous les personnages souffrent dans ce roman : de maladie, de traitrise, d’indigence.. Et malgré tout, le lecteur a plus d’opportunité de cogiter que de se morfondre. C’est une lecture lente, parce que tout est matière à s’arrêter pour réfléchir.



Le roman fait alterner des dialogues qui sont très théâtraux et les longs passages analytiques.

La traduction de l’édition présente laisse à désirer (гимназия n’es pas le gymnase mais le lycée, on comprend donc mieux qu’une jeune fille le quitte avant la fin de ses études!) et mes connaissances en russe ne sont pas suffisamment précises pour déjouer tous les pièges…



Enfin, et grâce à Nastasia-B, le petit inspecteur Porphyre Petrovich, plus rusé que ballot, s’est définitivement incarné sous les traits d’un future conducteur d’une 403 vintage!


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Le rêve de l'oncle

Entre 1856 et 1859; Dostoieveski est en Sibérie. Il vient d'être libéré du bagne d'Omsk après avoir purgé une peine de prison pour ses opinions politiques. L'auteur est un militant progressiste invétéré.Il a le courage de ses opinions. C' est à cette époque qu 'il écrit "Le Rêve de l'oncle".Ce dernier est son premier ouvrage romanesque. Initialement, l'écrivain a pensé en faire une pièce théâtrale mais il a changé d'opinion

et il a opté pour le roman. Ce dernier est court et bref.

L' oncle dont il s'agit est celui du narrateur. Ce dernier est très proche de son parent et le connaît assez bien.Il s 'agit d'un prince. Il est vieux. Sénile et gâteux. Il confond rêve et réalité. De part son titre de noblesse et ses bien, le prince rallume la convoitise de Maria Alexandrovna Moskaliova, une femme considérée comme une des grandes dames de la ville.La prétention de cette perfide et machiavélique femme est de faire marier sa jeune et belle fille, Zina, au prince !

On assiste alors à la mise en scène de cette grotesque comédie.

Les événements se dérouleront-ils comme prévus par la mère de Zina ?

Dans ce roman, Dostoieveski" témoigne d'une fascination sordide pour le ridicule et fouille les limites les plus secrètes de nos consciences" .





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L'éternel mari

Un homme, un dénommé Trousotsky, devient veuf. En fouillant les papiers de son épouse, il découvre que leur fille unique… N’est pas la sienne. Elle a eu un amant. Il était laid, plus vieux qu’elle. Elle ne l’a jamais aimé, ça il le savait. Et ce bel homme charmant qu’il croyait être son ami, Veltchaninov, c’était lui qu’elle aimait. Un amour brusque, enflammé, sans lendemains, mais qui a tout de même débouché sur une fillette sage et modeste, aimante pour celui qu’elle croit être son père…



Un plan insensé nait dans son esprit malade : retrouver l’amant, lui faire comprendre que cette enfant est la sienne, et qu’elle devienne l’instrument de sa vengeance. Cette dernière est fort simple : utiliser l’amour qu’elle a pour lui. Sous un prétexte quelconque il la laisse à son vrai père, célibataire endurci. Bien ennuyé, celui-ci la confie à une famille de ses amis. Elle tombe gravement malade. Et ce père qu’elle aime tant… S’en moque. Et la laisse mourir, à la grande souffrance de Veltchaninov. Un esprit pervers seul sait les peindre DostoIevski, comme dans ‘’Le sous-sol’’ ou ‘à propos de neiges fondues’’. Hideux, méprisables, mais bon comme d’habitude on aurait envie de dire. Sauf qu’il y a une deuxième partie.



Et c’est sans doute le plus choquant : en quelques semaines à peine, pouf, la pauvre Lisa est oubliée ! Par son père de l’état civil comme par son père biologique. Le premier a eu sa vengeance, le deuxième a souffert mais a trouvé la paix intérieure en visitant sa tombe ; les deux sont passés à autre chose, et voila tout. ‘’Autre chose’’ en l’occurrence, c’est une jeune fille. Une adolescente plutôt, dont s’est entiché Troussotsky. Quarante ans d’écart ? Bah ! Ce sont des choses qui arrivent. Que va faire Veltchaninov ? Laisser faire ? Ecouter l’un de ses sursauts de conscience épisodique ? Ou renvoyer le mari à son statut de cocu ?



Un texte complexe, grinçant, où revient encore et toujours, en filigrane, le thème très dostoïevskien de la fillette maltraitée. Celui à lire juste après ‘’Le joueur’’ si l’on veut rentrer dans son œuvre.
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Souvenirs de la maison des morts (Les carne..

De 1850 à 1854, Dostoïevski purge une peine d'emprisonnement en Sibérie. A sa sortie, il publie "Souvenirs de la maison des morts" aujourd'hui considéré comme un classique de la littérature concentrationnaire. C'était la première fois qu'un roman était publié sur ce sujet politiquement incorrect et dévoilait les coulisses du système pénitentiaire russe.



Dostoïevski passe par le roman pour témoigner, ce qui lui donne davantage de liberté mais on n'a pas de peine à se projeter avec lui au coeur de la Sibérie pour découvrir non seulement l'organisation pénitentiaire mais aussi sa communauté de prisonniers. La force du récit vient du fait qu'il ne s'agit pas d'un pamphlet (contrairement à Victor Hugo qui a fustigé le système judiciaire français à travers "Le dernier jour d'un condamné" et "Claude Gueux") mais bien d'une exploration sociologique de la vie au bagne. le tour de force de ce grand auteur russe est de nous rendre attachants les criminels condamnés.



Les descriptions des scènes de la vie quotidiennes sont incroyables de vie et de précision, et le lecteur est subtilement invité à se forger sa propre opinion au spectacle des usages et coutumes de la prison. L'approche psychologique est fine et sert à merveille un récit tout en action dans lequel il est impossible de s'ennuyer.



Dostoïevski est un auteur qui a été condamné à mort dans sa jeunesse. La sentence fut exécutée par un simulacre avant d'être transformée en déportation. Quand on a vécu ce type d'expérience et qu'on s'est retrouvé les yeux bandés devant un peloton d'exécution, le besoin de témoigner semble plus que légitime, indispensable pour goûter à nouveau au réel.





Challenge XIXème siècle 2020

Challenge MULTI-DÉFIS 2020

Challenge NOTRE-DAME de PARIS

Challenge PAVES 2020
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Le Double

"Voili-voilà" comme dirait Iakov Pétrovitch Goliadkine «conseiller titulaire» d'une administration russe, vivant à Pétersbourg.

Monsieur Goliadkine "notre héros" comme l'écrit Dostoïevski rencontre son double sur un pont, une nuit. Et ce double va transformer sa vie en ronde infernale.

Très jeune, Dostoïevski écrivit à son frère qu'il avait le projet de devenir fou. C'était en somme un projet de vie. L'aliénation sociale, mentale, émotionnelle, thèmes chers à l'écrivain, se mêlent dans ce roman "de jeunesse" qui reçu un accueil glacial à sa sortie. Dostoïevski tenta de le réécrire sans y parvenir.

Je me suis plongée dans la psychose paranoïaque de Iakov Pétrovitch Goliadkine avec empathie et enthousiasme. Avec cette question : comment ce roman va-t-il se terminer ? Résistant à l'envie de lire les dernières pages, j'ai cheminé dans l'esprit malade de Goliadkine, car ce qui intéresse Dostoïevski n'est pas la description de la maladie, mais son cheminement dans la vie et l'esprit de son héros. Goliadkine est d'abord aliéné par une société codifiée à l'extrême, ou la place, le rang dans la société, le travail, détermine la personnalité du sujet. D'ailleurs Goliadkine s'inquiète toujours d'être à sa place, "dans le bon ton" comme il dit, d'avoir le discours adéquat, bref une aliénation de classe sociale très forte et déshumanisante. Iakov Pétrovitch Goliadkine aspire à rompre les barrières sociales, son échec va déclencher l'apparition du double. Il veut être désormais un "autre". Plus fort, plus sûr de lui, pur et parfait. Mais cet "autre" est aussi son ennemi, son double maléfique et malicieux.

La paranoïa de "notre héros" s'agrandit, tout le monde complote contre lui, tous sont ralliés à son double que l'on trouve plus drôle, plus spirituel, plus à l'aise en société, plus habile, plus intelligent, meilleur travailleur et .... plus jeune. Car l'entourage de Goliadkine, même son domestique voient son double. La réalité elle-même est contaminée. Et plus Monsieur Goliadkine veut s'expliquer, plus il s'enfonce dans les affres de son cauchemar. Il perd aussi peu a peu l'usage correct et courant du langage. Son parlé est aussi désordonné, désarticulé et bousculé que son esprit. Atteint d'une forme de jargonaphasie, Goliadkine perd pied, jusqu'à l'abdication.

Le double est un roman drolatique et désespéré, flou et fou comme Iakov Pétrovitch Goliadkine.
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L'idiot, tome 1

Ce premier volume qui comprend deux livres par l'excellente traduction d'André Markowicz nous plonge dans les ténèbres et méandres psychologiques et labyrinthiques dont Dostoïevski reste le grand maître.

L'Idiot, c'est l'histoire du prince Mychkine, un homme atteint de crises d'épilepsie qu'on associait alors à un comportement idiot.

Après des années passées à se faire soigner en Suisse, il rentre dans son pays: la Russie.

Rapidement, cet homme qui paraît simple et innocent va recevoir les confidences d'une kyrielle de personnages, lui-même se retrouve au milieu d'une intrigue complexe qui va le rendre très riche.

Ce qui est fascinant dans ce roman, c'est l'incarnation du prince Mychkine, on pourrait l'associer au Christ réincarné. Alors que le monde qui l'entoure est assez vil et mauvais, son innocence et sa naïveté poussent à le faire apparaître comme le Sauveur du genre humain.

L' écriture est rapide, sans souffle réel et nous transporte aisément.

La plupart des personnages sont emportés dans des passions, notamment une passion amoureuse qui borde la folie.

Dostoïevski connaît l'âme humaine et sa noirceur et nous la décrit admirablement.

Si l'Idiot fait partie de la littérature russe classique, il reste marquant qu'on y trouve bien encore son compte à le lire aujourd'hui.





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Bobok

Ivan Ivanovitch, notre héros, écrivain sans le sou, plus ou moins raté, décide d’aller se distraire en assistant à l’enterrement d’un membre de sa famille. On l’ignore royalement, mais il décide de rester dans le cimetière et là il commence à entendre des voix…



Ce sont les morts qui discutent entre eux, sur ce qui fut leur vie, leurs regrets, n’hésitant pas à jouer aux cartes entre eux, et les conversations sont à peu près aussi animées que chez les vivants. On rencontre un général, une vieille dame, un boutiquier… Ils attendent en fait, l’arrivée des nouveaux pour mettre un peu de sel dans la conversation.



Dans cette nouvelle extravagante presque surréaliste, on retrouve les thèmes chers à Dostoïevski : la pauvreté, la mort, l’écrivain maudit et même les références au jeu (il a choisi de faire jouer les morts aux cartes, les osselets, cela aurait été plus drôle !), mais aussi ce qui le hante toujours : la souffrance, la maladie, la mort.



Cependant, l’air de rien, il dénonce aussi, au passage, les droits bafoués ou le manque de liberté du régime Tsariste, qui n’a jamais été tendre avec lui, allant jusqu’à l’envoyer en déportation.



J’ai bien aimé cette nouvelle, même si ce n’est pas l’enthousiasme habituel, force est de constater que Dostoïevski réussit toujours à m’emmener dans son univers, car il aborde des choses tristes toujours avec une pointe d’ironie. Il est brillant dans le drame, comme dans l’interrogation philosophique, ou ici quand il frôle l’absurde. De toute manière, tout le monde sait que je suis une groupie de l’auteur, donc le plaisir sera toujours présent…



En ce qui concerne le titre, « Bobok » signifie petit haricot mais, dans le cas présent il est plutôt synonyme de « non-sens ».



C’est ma quatrième lecture dans le cadre du Challenge du mois de l’Europe de l’Est et je remercie le site « bibliothèque russe et slave.com » où je déniche toujours des pépites
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La Logeuse

La marque du maître Dostoievski est déjà inscrite dans cette oeuvre de jeunesse. Une nouvelle qui condense doute, passion et folie.



Une belle logeuse vivant avec un terrifiant vieillard accueille un jeune étudiant sans le sou.



Le vieillard a l'oeil diabolique. La logeuse devient peu à peu sensible au charme du jeune homme et c'est réciproque.



L'intensité des relations, le foudroiement des regards, les conversations enflammées, la violence et le désarroi face à des situations que le jeune Ordynov est le seul, avec le lecteur, à ne pas comprendre sont les principaux ingrédients de cette histoire étrange.



En effet, tout concorde pour semer le doute dans cette nouvelle labyrinthique dont il n'est pas sûr que j'ai tout compris. Les trous de la narration tournent autour de ce mystérieux vieillard, Mourine, et restent à combler par chacun.



Le thème du jeune homme en proie aux tiraillements et aux plus brûlantes passions deviendra récurrent dans l'oeuvre du maître. Ce novice reste souvent sur le carreau, le cœur blessé et le corps a bien du mal à s'en remettre.



Après "Les Pauvres", que j'ai trouvé assez ennuyeux, c'est une nouvelle de jeunesse plus dynamique que, pour citer Desproges, l'on feindra de comprendre puisqu'elle nous échappe.



Sans oublier un style reconnaissable entre tous, le livre est vraiment à découvrir.

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Le Joueur

Un roman du Maître assez bref, surtout si l'on considère la somme de pavés tels que "Crime et châtiment" ou encore "Les frères Karamazov", et qui met en scène Alexei Ivanovitch, le narrateur, être sans classe sociale ni âge bien définis, épris de Paulina, elle-même pupille d'un général russe qui bave devant les charmes d'une demi-mondaine française intrigante et déterminée ; un riche et discret industriel anglais, un français à particule jouant les Don Juan, une vieille tante fortunée tout à fait toquée... un récit où sont mis en miroir la passion et ses illusions, le jeu et ses addictions, à moins que ce ne soit la passion et ses addictions, et le jeu et ses illusions ?



Un roman certes bien écrit - on parle quand même du Maître - mais qui a, à mon goût, un rythme un peu trop rapide, presque théâtral (d'où le petit air de vaudeville de la première partie ?), sans doute parce qu'il s'agit d'une oeuvre dictée dans un délai serré pour échapper au chantage d'un éditeur peu scrupuleux.



J'oserai un rapprochement quelque peu anachronique avec "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" de Stefan Zweig qui traite également du jeu et de ses conséquences, simplement parce qu'à la lecture de ces deux oeuvres j'ai ressenti la même chose : une grande fascination pour la description de l'emprise des jeux de hasard sur les hommes et leur destin, et en même temps un manque quasi total d'empathie et d'affection pour les personnages, aussi bien envers les hommes qu'envers les femmes.



Néanmoins, une belle peinture de la société d'une époque (révolue ?) où se dessinaient en filigrane, derrière les cartes, les ambitions, les peurs, les espoirs et les détresses humaines.





Challenge XIXème siècle 2018

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Crime et Châtiment

Je viens à l’instant de terminer ce livre, et oui, Dostoïevski est vraiment un Grand. Quel dommage de ne pas avoir eu l’idée de le lire avant. Il y a tant dans ce roman que je ne sais comment en parler.

Tout le monde ou presque y compris ceux qui n’ont pas lu cet ouvrage connait le nom de Raskolnikov.

Raskolnikov, cet étudiant en droit qui a tué. Disant cela je ne révèle rien on devine assez vite son projet et on le voit l’exécuter. Mais tout l’intérêt est dans sa pensée après ce meurtre car on suit celle-ci. Il avait quelques mois auparavant publié un article expliquant que si la loi doit être observée par le plus grand nombre, les grands esprits, qui ont un projet, qui voient grand, ne sauraient être arrêtés dans leur progression par un quelconque obstacle et que celui-ci doit être écarté par le meurtre si nécessaire.

Raskolnikov a tué une usurière – un pou – il n’a nuit en rien. Mais alors pourquoi sombre-t-il dans la maladie, pourquoi son esprit est-il perturbé ?

Esprit complexe que celui de cet homme qui s’en est pris à une femme pour la voler, mais qui n’hésite pas à donner ces dernières pièces à des inconnus ou presque inconnus, qui a une haute idée de l’honneur puisqu’il ne peut accepter que sa sœur épouse un homme non par amour mais par esprit de sacrifice pour apporter une certaine sécurité à sa mère et son frère.

Bien d’autres personnages vivent dans ces rues de Petersbourg. Je crois qu’ils valent aussi d’être rencontrés.

Quant au style de Dostoïevski souvent salué, je n'ai pu vraiment le juger. Je l'ai lu en ligne dans la traduction de je ne sais qui, pas d'indication à ce sujet. Mais je sais que pendant longtemps on a voulu "franciser" son écriture et là c'était surement le cas. La prochaine fois je tâcherai de me procurer celle de Markowicz puisqu'elle semble faire l'unanimité.



Challenge pavés 2014-2015

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Crime et Châtiment

Retour aux classiques, et avec quelle jubilation lorsqu'il s'agit d'un des grands initiateurs du roman moderne : maître Fiodor Dostoïevski en personne.

Lorsque l'on entend prononcer son nom, on pense aussitôt à - Les frères Karamazov -.

Et force est de convenir que l'univers de Raskolnikov, Marmeladov, Svidrigaïlov, Loujine, Porphyre, Aliona et Lizaveta Ivanovna, Katerina Marmeladova, Sofia Marmeladova et tous les autres protagonistes, univers qui s'inscrit dans un roman considéré à juste titre comme une des oeuvres majeures de la littérature universelle, tutoie à n'en pas douter son cousin mentionné précédemment... sans compter quelques autres géants de l'oeuvre dostoïevskienne, auxquels on peut associer une parentèle "étrangère", dont font partie - Les mystères de Paris - d'Eugène Sue, - Les misérables - de Victor Hugo -... par exemple.

D'ailleurs, on retrouve dans les traits des personnages de - Crime et châtiment -, quelques-uns de ceux d'Ivan, Dimitri, Alexeï, Pavel ( fil de Lizaveta... tiens tiens tiens...) et Smerdiakov pour ne citer que les principaux protagonistes des "Frères".

En outre, " le Grand Inquisiteur", fait pendant , résonne comme en écho à une grande partie du questionnement de " Crime..."

On tergiverse encore aujourd'hui sur la genèse de ce chef-d'oeuvre dans lequel certains voient poindre l'influence du bagne, dont l'auteur fit pendant quelques années sibériennes la triste expérience... et elle est présente... De là à affirmer que c'est en observant ses compagnons de détention qu'a germé en Dostoïevski l'idée de - Crime et châtiment -, il y a quelques verstes que j'hésiterai à franchir tant d'autres explications sont envisageables même si dans un courrier de 1859 adressé à son frère Mikhaïl, il confiait à celui-ci :

« En décembre, je commencerai un roman... Tu te souviens peut-être que je t'avais parlé d'un roman-confession que je voulais écrire après tous les autres, en disant qu'il me fallait encore vivre cela moi-même. Maintenant, j'ai décidé de l'écrire sans retard... Je mettrai mon cœur et mon sang dans ce roman. Je l'ai projeté au bagne, couché sur les bats-flancs, en une minute douloureuse de chagrin et de découragement... Cette Confession assoira définitivement mon nom. »

Les constantes de l'oeuvre du maître russe sont, elles, présentes : la lutte entre le bien et le mal, la place de la conscience morale, celle de Dieu, le libre arbitre, le poids et le sens de la culpabilité, l'incontournable présence de la rédemption, le contexte historique, ses racines, ses influences contemporaines... nihilisme, socialisme..., mais également, et ce roman leur offre une part belle : la psychologie et le mythe du surhomme qui fait que l'on ne peut lire ce livre sans sentir planer la présence de Nietzsche, lequel fut un admirateur de Dostoïevski.

Raskolnikov est un ancien étudiant en droit, pauvre, intelligent, très orgueilleux, rêveur, sans foi ni loi, mais enclin à voir des signes et à sentir qu'il est peut-être guidé par la main du destin ( ? ), qui voit le monde scindé entre deux espèces d'hommes : "les ordinaires" et "les extraordinaires", ceux auxquels tout est permis, y compris le crime, pour peu qu'il soit légitimé par de grands desseins.

Lui, appartient à la race des seigneurs.

Il est un surhomme au sens nietzschéen du terme.

Une "vermine" usurière et sa pauvre soeur, qui va se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, vont être les victimes du "surhomme", et payer de leurs misérables vies le "grand dessein" d'un Raskolnikov... qui bien que devenu assassin va pitoyablement échouer dans son rêve "napoléonien".

Redevenu un homme "ordinaire", Il va, dans une lutte acharnée entre le bien et le mal, entre le Jekyll et l'Hyde au-dessus des lois des hommes et celles de Dieu, rencontrer Sonia une prostituée, à laquelle il va confier son crime, et d'une certaine façon le fardeau trop lourd de sa conscience.

Celle-ci va le convaincre de se livrer.

Raskolnikov va être condamné à huit années de bagne.

Sonia le suit.

Grâce à elle, il va découvrir l'amour, et obtenir la rédemption.

Je ne pouvais pas faire plus court pour résumer un roman qui mêle une kyrielle de personnages, dont ceux que j'ai cités un peu plus avant.

Il eut été difficile d'évoquer en détail les confrontations, les face à face entre Raskolnikov et le juge Porphyre, ou celles qui vont "l'opposer" à Loujine, à Marmeladov, à Svidrigaïlov, à sa mère et à sa soeur.

Ce sont des moments pleins, intenses, des "aventures" dans l'aventure, des romans dans le roman.

Chacun est détenteur et responsable de sa lecture et de la grille qui fait que cette dernière aboutit à telle ou telle explication, telle ou telle interprétation.

Contrairement à ce que j'ai croisé dans un commentaire, je n'ai vu aucune histoire policière dans - Crime et châtiment -.

C'est avant tout une confession, la confession d'un criminel.

Le jeu du chat et de la souris auquel se livrent le juge Porphyre et l'assassin Raskolnikov relève moins d'un numéro cabotin de Peter Falk alias l'inspecteur Colombo que d'une subtile séance freudienne... avant l'heure.

Andrea.H.Japp a d'ailleurs écrit à ce propos que : " Crime et châtiment est la première histoire d’un homme qui se demande s’il est ou non sociopathe. Il veut voir voir s’il peut tuer et ne pas avoir de remords. L’exemple type du meurtre gratuit."

Lafcadio dans - Les caves du Vatican - de Gide, est un petit petit-fils de Raskolnikov, tout comme le seront Brandon Shaw et Philip Morgan dans - La corde - la pièce de Patrick Hamilton... sans oublier Leopold et Loeb, deux criminels abreuvés aux mêmes sources " nietzschéennes ", qui enlèveront et assassineront dans les années 20 le jeune Bobby Franks âgé de quatorze ans... un crime odieux qui soulèvera d'effroi l'Amérique et inspirera à Meyer Levin son fameux bouquin intitulé - Crime... - eh oui, ça ne s'invente pas !

Car le duo Porphyre-Raskolnikov est le noeud gordien de l'entreprise psychologique mise en oeuvre par Dostoïevski dans son roman.

Et là où je pourrais être d'accord avec le commentaire auquel j'ai fait allusion précédemment, c'est que Porphyre, dans une certaine mesure, anticipe par exemple les contours de ce que sera chez Doyle un certain Mister Holmes.

Mais c'est là mon seul point d'accord.

On voudrait pouvoir développer ad infinitum une oeuvre de cette envergure.

Je me contenterai de dire pour conclure que là où il y a génie, on ne peut être que gratitude et admiration pour le partage et la richesse qu'il implique et dont il reste quelque chose, ne serait-ce qu'infime... mais c'est suffisant ... après les heures passées dans son ombre.

Rajouter, bien évidemment, que s'il est un livre incontournable, indispensable, - Crime et châtiment - peut-être ce livre.

Tout est dans cette oeuvre magistrale... je ne vais donc pas me répéter... comme D. Ergaz qui en a fait la traduction française et qui n'a pas craint d'employer à peine un peu moins d'une centaine de fois le verbe "marmotter".

N'eût été le génie du livre... j'en aurais presque pleuré...
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Les Carnets du sous-sol (Notes d'un sous-te..

Sous-sol, sous-terrain, la notion de "bas" est omniprésente dans l'arrière-plan de ce roman monologue (ou dialogue avec le lecteur). Un homme original, en marge de la société détruit toute les idées reçues, les conventions admises; un homme pessimiste que rien n'attire dans cette vie; un anti-héros détesté de tous et se veut détestable. Il s'accuse dès le début du roman (certaines phrases nous rappellent des passages de Lautréamont dans ses "Chants"). Habitant dans un sous-sol, haïssant les bassesses humaines, lui même d'une condition basse et mettant au plus bas toutes les impulsions humaines. Ce personnage est la première version qui deviendra Raskolnikov, (il nous rappelle aussi le héros de "La Faim" d'Hamsun, et d'autres personnages de Kafka). Ce court roman- qui va ouvrir la voie à d'autres écrivains- est un vrai chef-d'oeuvre. Un roman (comme les aimait Kafka) qui secoue, qui remue les marécages de l'esprit et qui tombe comme un coup de marteau sur la tête.
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L'Idiot

"L'Idiot" est considéré par beaucoup comme le meilleur roman de Dostoïevski pour la raison que l'auteur a voulu en faire le roman de "l'âme russe" par excellence, ce concept poétique cher au cœur des Slaves, condensé identitaire d'une psychologie complexe dans laquelle entrent à la fois en conflit et en communion réalité sociale, spiritualité, fierté, dignité et quête d'éternité, traditions, aspirations lyriques et bon sens paysan. Rentrant de mon troisième voyage en Russie "chez l'habitant", je peux affirmer qu'il existe bien une "âme russe" aussi palpable qu'indéfinissable, mais tout comme il existe une identité latine, une manière de penser anglo-saxonne, un spleen germanique, un pragmatisme scandinave, etc. Chaque nationalité, finalement, possède son propre caractère issu de son histoire et de son vécu politique, historique, économique, social et littéraire.



Mais revenons à "L'Idiot". Oeuvre colossale mettant en scène près d'une quarantaine de personnages (aux noms, prénoms, surnoms et patronymes pas toujours faciles à retenir, comme toujours en littérature russe classique), représentatifs de différents milieux sociaux. Dostoïevski a voulu représenter la grande variété des tempéraments masculins et féminins à travers cette vaste galerie colorée et complexe, à seules fins de déterminer un "type russe" et de (dé)montrer si la bonté peut gouverner les relations humaines, quelque que soit leur nature.



Le caractère du prince Léon Nicolaïévitch Mychkine, épileptique et, à mon avis, quelque peu autiste, se distingue par une bonté infinie qui confine à la naïveté, vertu outrageante pour la société pétersbourgeoise coutumière des convenances hypocrites de la bourgeoisie. Comment se fier à une bonté aussi démonstrative et sans fard ? Rien de moins naturelle que cette propension à la mansuétude et à l'affection gratuite. Et quand une telle disposition se double d'une intelligence fine, aux abris !, cela ne peut cacher que de sombres calculs et dissimuler de sombres arrière-pensées.



"L'Idiot" est sans conteste un tour de force littéraire. Donner à quarante personnages, tant hommes que femmes, des caractères bien distincts tout en réussissant à dérouler une narration romanesque et à émailler son récit de considérations philanthropiques ou analytiques ne peut que susciter une grande admiration. D'autant que l'ensemble est cimenté par un style brillant, classique pour l'époque, savoureux pour nous, lecteurs du XXIème siècle dont le langage tant parlé qu'écrit est plutôt malmené.



Recommandée par mon libraire, la lecture de "L'Idiot" devait se révéler une suite fulgurante à ma passionnante lecture de "Crime et châtiment". Pourtant, mon verdict est sans appel : je préfère le second au premier. Malgré tout l'intérêt à porter à "L'Idiot", il m'a souvent paru fort long et confus et je n'ai jamais ressenti à sa lecture l’extraordinaire tension de "Crime et châtiment".





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