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Critiques de Henry de Montherlant (205)
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La reine morte

"Promets-moi si tu me survis

D'être plus fort que jamais

Je serai toujours dans ta vie.

Près de toi, je te promets."

Immortelle Inès de Castro, la Reine morte!

Elle était la dame de compagnie de Constance de Castille, lors de son mariage avec Don Pedro du Portugal.





"Il y a tant de beautés dans La Reine morte ! "

Inès parle à Pedro de l'enfant qu'elle porte en elle ( ils se sont mariés en secret, et Ferrante , le roi du Portugal et père de Don Pedro, l'ignore)

-"Le jour, il ne me préoccupe pas trop. C'est la nuit… Il est au chaud de mon coeur, et je voudrais me faire plus chaude encore pour l'abriter mieux. Parfois il bouge, à peine, comme une barque sur une eau calme, puis soudain un mouvement plus vif me fait un peu mal.





-Ton nom prononcé dans ma solitude, prononcé dans mes rêves. Et voilà que je t'ai retrouvé. Et j'ai retrouvé l'odeur de tes vêtements… Quand je t'ai vu, mon coeur a éclaté.

Car j'accepterais de mourir, moi et ce que je porte en moi, oui, j'accepterais de mourir si la mort devait me fixer à jamais dans un moment tel que celui-ci.

Pedro est en prison, et le roi Ferrante a accepté qu'Inès reparte, saine et sauve... "





"N'oublie pas ce que je t'ai dit

L'amour est plus fort que tout

Ni l'enfer ni le paradis

Ne se mettront entre nous."





Mais, si le Roi Ferrante décide de faire tuer Inès, à la fin de la pièce, la raison d'État n'y est pour rien. le pape n'annulera pas le mariage d'Inès et de Don Pedro..." Ferrante est un peu hagard... Il se souvient avoir dit à Inès, à son arrivée:

- La cour est un lieu plein de ténèbres. Vous y auriez été une petite lumière…

- Oui, une petite lumière… Inès avait 26 ans!





Une petite lumière éblouissante de pureté qui révèle le côté obscur de l'âme du Roi (et lui fait prendre conscience de sa faiblesse, de ses échecs et de son fils Pedro qu'il n'a pas su aimer...)"





"Pense à moi, comme je t'aime

Et tu me délivreras

Tu briseras l'anathème

Qui me tient loin de tes bras". On se retrouvera, Francis Lalanne.





Devenu roi après la mort de son père, Don Pedro fera déterrer, puis couronner Inès. Il obligera ensuite tous les grands du royaume à baiser la main de la Reine morte...

Mortels, vous qui passez au Monastère d'Alcobaça, au nord de Lisbonne recueillez vous devant les tombeaux d'Inès et de Don Pedro...
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Les jeunes filles, tome 1

Peut-on séparer le blanc du jaune sans tout monter en neige ?



Disons-le d'emblée, et parce que sa réputation précède l'ouvrage : oui c'est une lecture malaisante, mais parce que son auteur, Montherlant est un écrivain malaisant, pour un tas de raisons.



Oeuvre de friction. Dans cet ouvrage, on ne peut s'empêcher, depuis sa parution d'ailleurs, d'y voir le point de vue de l'auteur. Pourquoi n'admet on pas qu'il puisse s'agir simplement d'une oeuvre de fiction ? Et, à l'inverse, pourquoi le fait pour l'auteur et ses défenseurs de se cacher derrière l'alibi, la licence littéraire n'a jamais convaincu ?



Montherlant a, toute sa vie, suscité la polémique, son oeuvre jugée géniale par certains et surfaite par d'autres, ses pièces de théâtre, autrefois à succès, semblent aujourd'hui oubliées et ce qui fait sa discrète postérité est cette série de romans “les Jeunes Filles”.



Le personnage d'anti-héros de Pierre Costals est un séducteur méprisant, suffisant, qui entretient des correspondances avec plusieurs jeunes femmes totalement raides de lui. le roman est d'ailleurs en grande partie épistolaire, ce qui est à porter au crédit de l'oeuvre. le lecteur est ainsi témoin de ce courrier des fans où les déclarations les plus enflammées se heurtent au silence, au dédain, et aux outrances misogynes d'un personnage qui croit avoir tout compris.



Certes Costals avec honnêteté décourage, tente de dégriser les élans de ses admiratrices, mais d'autre part il joue aussi avec les sentiments de Solange et la manipule pour arriver à ses fins, sachant très bien où finira l'affaire : “c'était ce menton un peu lourd qui lui permettrait un jour de la quitter le coeur léger.”



Cependant Costals a des idées arrêtées sur tout, cela parfois avec la complicité du narrateur (suivez mon regard). Surtout, Costals se trompe en essentialisant l'état amoureux, et en le rattachant à un sexe ou l'autre. Par exemple, à Andrée qui écrit “vous ne savez pas ce que c'est que la volonté d'une femme”, Pierre Costals répond : “je vous mets en garde, aussi, contre votre croyance au pouvoir du désir et de la volonté. Vous savez mon opinion sur la maladresse des femmes : une de ces maladresses me paraît être leur foi dans l'efficacité de l'insistance.”



Or, l'état amoureux n'a pas de sexe. On peut avoir bien sûr, avec toute la nuance requise, une discussion sociologique, historique, culturelle sur le conditionnement des genres, sur le rose et le bleu, les poupées et les camions etc, ce que d'ailleurs reconnaissons-le, Montherlant n'ignore pas, faisant parfois allusion aux problèmes liés à l'éducation des femmes et à leur place dans la société des années trente, regrettant que celle ci ne permette pas leur émancipation, notamment vis à vis des hommes.



Pourtant on ne peut pas réduire à une dimension sexuée les comportements amoureux. Dans le reproche adressé par Costals dans la citation plus haut, il n'y a pas de stigmate spécifique à un genre ou à l'autre dans “efficacité de l'insistance” me semble-t-il, les hommes ne sont pas en reste dans ce domaine. Et cela, je crois, Roland Barthes, lorsqu'il livra Fragments d'un discours amoureux, l'avait bien compris, chacune et chacun se retrouve dans les tourments, les élans de la passion, indifféremment du genre. Barthes, qui au demeurant n'était pas tendre avec Montherlant, jugeant notamment : «Je relisais précisément ces jours-ci une oeuvre bien “littéraire” : La Reine morte : texte anachronique, bouffon de pose littéraire, singeant le classique comme un film de Sacha Guitry la Révolution».



Les “portraits de femmes” ne sont finalement pas si caricaturaux. Je veux dire qu'elles n'ont pas à rougir d'être amoureuses et qu'elles font preuve d'une introspection souvent lucide, toujours exigeante et intelligente, notamment Andrée, le véritable souffre-douleur du personnage principal. Consciemment ou malgré lui, Henry de Montherlant démiurge est derrière chacun de ses personnages féminins et peut-être malgré lui, leur fait honneur aussi. Alors certes on a parfois envie de secouer Andrée, de lui dire “lâche l'affaire” pour autant, ai-je envie de dire, minute papillon ! Il faut parfois passer par chaque étape d'une passion, et la colère, l'illusion, le déni, se mentir à soi-même, s'accrocher, se fabriquer un peu d'espoir et mal interpréter certains gestes, certaines paroles, sont aussi des passages, sinon obligés, du moins qu'on peut tous comprendre, parce que c'est trop tôt pour renoncer, parce qu'on a rien d'autre à quoi s'accrocher, parce qu'une chimie secrète se forme dans notre cerveau reptilien et qu'il faut laisser décanter tout ça etc…



Mais de là à théoriser, comme le fit en d'autres occasions Montherlant, sur une faiblesse congénitale, un péril civilisationnel ou l'avènement d'une société de “midinettes” qui “émascule la France”, on préférera croire à la mauvaise foi plutôt qu'à la crédulité, pour ne pas insulter l'intelligence d'un auteur qui s'est assez fourvoyé lui-même dans des écrits jugés collaborateurs, après la victoire de l'Allemagne nazie en 1940…



Les écrivaines elles-mêmes semblent en désaccord sur l'appréciation de cet ouvrage, dans le Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir est intraitable sur la misogynie de l'auteur des Jeunes Filles, de leur coté Marguerite Yourcenar ou encore Amélie Nothomb saluent le génie littéraire.



Sur l'oeuvre littéraire, intrinsèquement, d'abord le style est très bon, l'écrivain ne manque pas d'humour ; par exemple une scène d'anthologie au cours de laquelle Montherlant se moque du public bourgeois assistant à un concert de musique classique, portant sur la société galante parisienne de son époque un regard souvent juste mais cynique. Ainsi, il vilipende les moeurs de son temps, le mariage, la famille et son obligation procréatrice qu'il juge très sévèrement : “c'est toujours la même chose. Faire des enfants, puis ne savoir qu'en faire.”



Néanmoins, on ne peut pas s'empêcher de lire aussi cette oeuvre à la lumière de la biographie de l'écrivain (c'est le moment #balancetonporc) car lorsqu'on constate cette acerbité envers les femmes on s'interroge, est-ce qu'elle peut être le reflet de ses propres peurs ? Quand on a peur on peut vite détester, rabaisser, pour tenter vainement de garder le dessus sur des injonctions sociales qu'on ne peut honorer. Montherlant en effet a fuit, jusqu'à son suicide en 1972, à la fois le mariage et la paternité, est-ce uniquement la marque d'un désir absolu de liberté ? Si l'on en croit les confidences indiscrètes de son ami l'encombrant Roger Peyrefitte (qui rappelait à un Jean d'Ormesson exaspéré leurs aventures en Thaïlande en direct sur le plateau de Bernard Pivot), l'académicien français, que ses biographes ont présenté à demi mot comme homosexuel, avait en fait des pulsions pédérastiques qui n'avaient hélas pour ses victimes, rien d'inassouvies, cela lui en aurait même coûté un oeil ; il entretint du reste, des rapports étroits avec un certain Gabriel Matzneff… J'en veux pour preuve cette citation pour le moins étrange dans le bouquin : “J'ai mis ange au féminin. En effet, puisque les anges sont de purs esprits, je ne vois pas pourquoi on les représenterait exclusivement sous forme mâle, sinon pour satisfaire la pédérastie inavouée du genre humain.” du “genre humain”, ben voyons, c'est celui qui dit qui est… Montherlant essayerait-il de se dédouaner de ses propres penchants pédo-criminels en les attribuant au “genre humain” tout entier ?



Il n'en reste pas moins, pour conclure, que l'auteur provocateur a bien du, face à la persistance de la critique sur son livre, se défendre en expliquant “c'est un livre composé de gags à la Charlot, un livre comique, au second degré, ce que le public n'a peut-être pas vu.” L'auteur disait encore «la recette la plus sûre pour faire une oeuvre de valeur, c'est de recueillir sur le papier, tout chaud, ce qui gicle de vous” … peut-être bien, mais l'envie de poursuivre cette saga avec des opus aux titres, plus lourdeaux que finement ironiques, tels que “Le Démon du bien”, “Les Lépreuses” ou encore “Pitié pour les Femmes” ne me démange pas vraiment.



Cette critique restera t-elle, comme les nombreuses lettres d'Andrée à Pierre Costals, “sans réponse” ? Qu'en pensez-vous ?

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La reine morte

Théâtre, Montherlant, La Reine Morte... des mots qui peuvent faire peur à celui qui n'est pas tellement adepte des classiques ni du théâtre ni des choses un peu vieilles comme on croit en déceler à chaque fois qu'on entend parler de rois ou de reines de temps révolus et de contrées lointaines.

Je conçois qu'on ne soit pas forcément très sensible au cadre formel contraignant des pièces de théâtre et, ce faisant, qu'on s'avance toujours prudemment sur le terrain parfois lourd ou glissant de la prose si particulière à ce genre. Je conçois qu'on ressente toujours une certaine appréhension quand on se lance dans les bras d'un auteur qui nous est inconnu et dont la réputation forme comme une chape de plomb au-dessus de nos têtes.

Personnellement, je n'avais jamais rien lu de Montherlant avant d'aborder cette pièce et je peux seulement dire qu'elle m'a donné l'envie d'en lire d'autres.

Quelle ne fut pas ma surprise de trouver chez cet écrivain français du XXè des accents dignes de Lope de Vega et des intonations qui ne sont pas sans me rappeler un Shakespeare !

Un beau style, sobre mais travaillé et surtout, un propos, à mon sens, tout aussi philosophique que du Sartre ou du Camus qu'on monte aux nues. (Sans que je sache toujours bien pourquoi, mais ça, c'est une autre histoire.)

Ici, Henry de Montherlant nous emmène à la fois dans un autre pays (le Portugal) et une autre époque (une sorte d'Ancien Régime à la portugaise) afin probablement qu'on ne se focalise que sur le propos qui, lui, est intemporel et universel.

Le vieux roi (Ferrante) aimerait que son fils épousât l'Infante de Navarre pour des raisons politiques, peu importe qu'ils s'aimassent ou non, lui n'ayant aucune illusion, ni sur l'amour, ni sur l'humain en général.

Ce vieux roi désabusé et conscient de toutes formes de bassesses au sein de ses propres rangs est particulièrement attachant malgré les apparences.

Son fils n'a que faire du pouvoir et a bien compris que son bonheur personnel ne passait pas par les exigences du trône, c'est pourquoi il a de longue date préféré une belle bâtarde plutôt que l'Infante d'un quelconque royaume, aussi mirifique et bon pour le Portugal soit-il.

Évidemment, c'est un revers pour la politique royale, pour l'Infante bafouée et la vie de la dulcinée du Prince ne tient plus alors qu'à un fil, sachant que les conseillers du roi, qui eux n'ont aucun intérêt dans le bonheur du prince mais par contre en ont probablement dans les alliances intéressées poussent à la roue pour évincer la belle roturière...

Intérêt général contre intérêt personnel, que dit votre âme ?

En somme, une bien belle pièce, qui réussit le dépaysement qu'elle nous propose tout en ne lâchant rien sur la teneur du fond.

Chapeau bas Monsieur de Montherlant, en tout cas c'est mon avis, certes, ce n'est pas grand-chose.
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Le cardinal d'Espagne

Au théâtre ce soir : le Cardinal d’Espagne.



Cette pièce dramatique nous plonge dans la très catholique Espagne du début du XVIe siècle, pas celle du Don Carlos de Verdi mais celle de Jeanne la Folle, fille de Ferdinand d’Aragon et Blanche de Castille et mère de Charles de Habsbourg.



Il y est question des derniers instants de la régence, le jeune Charles Quint est en route pour Madrid et le cardinal régent, ayant accompli son office (ou son œuvre) se prépare à le recevoir et passer le flambeau. Les personnages principaux sont le cardinal Cisneros, homme d’Etat assurant la conduite des affaires du royaume le temps de la régence, comparable à Mazarin ou Wolsey, son neveu Cardona et la reine Jeanne.



Le nom de Cisneros ne vous évoque rien ? C’est normal, le cardinal est passé de la gloire à l’oubli. Le personnage est pétri de contrariétés, partagé entre un désir d’ascèse conforme à ses vœux chrétiens et les compromis(sions) du pouvoir. Ces derniers instants sont propices à l’introspection et la rétrospective et le cardinal se plonge, à quatre-vingt-deux ans, dans l’examen de sa postérité.



Il n’est pas aisé de voir où l’auteur, aujourd’hui au purgatoire des auteurs oubliés, veut en venir avec cette pièce, mal accueillie à sa sortie en 1960. Alors je me suis appuyé sur les notes abondantes d’un Montherlant loquace en fin de livre. Certes, la mort rode, et la mort est toujours source de réflexion au théâtre. La relation entre le cardinal et son neveu laisse entrevoir des sentiments d’admiration et de frustration mêlés. Puis l’intervention de la reine, oscillant entre sagesse et folie, sonne comme une charge virulente contre l’obsession pour le pouvoir de Cisneros.



« Agir ! Toujours agir ! La maladie des actes. La bouffonnerie des actes. On laisse les actes à ceux qui ne sont capables de rien d’autre. » J’ai été particulièrement séduit par la langue de Montherlant. Mais plus que par le style, c’est le propos de l’auteur qui entre en résonnance. Cette pièce est prétexte à de nombreux aphorismes et maximes. Montherlant, dont l’attitude face aux évènements du XXème siècle reste ambiguë, esquisse une morale critique de l’action politique versus le refus de l’engagement – qu’il tient pour une autre forme d’engagement.



Il fut souvent reproché sa misogynie à l’auteur des « Jeunes Filles » (le livre le plus lu par Amélie Nothomb par ailleurs), dans cet ouvrage au contraire, le personnage le plus magistral est celui de la reine Jeanne dont l’apparition, inquiétante, poétique et polémique est le point d’orgue de la pièce. Celle qui réussit finalement – en renonçant au pouvoir - là où le Cardinal échoue – dans l’ascèse - lui donne une leçon magistrale.



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Celles qu'on prend dans ses bras

C'est toujours un grand plaisir de retrouver la langue d'Henry de Monterlant. Un petit côté précieux, un petit côté guindé, un petit côté châtié, un petit côté désuet (ça commence à faire beaucoup de petits côtés, je vous le concède) mais assurément un petit côté agréable pour les amoureux de la langue dont je fais partie.



Et puisque la désuétude semble le lot lorsqu'on souhaite parler de cette pièce, je m'en vais vous rechercher une référence absolument désuète. Si vous avez le bon âge, c'est-à-dire plutôt la génération de mes parents, vous avez encore forcément dans la tête quelques airs du fort désuet Joe Dassin. Et parmi ses titres désuets, l'un d'eux l'est plus que tout autre et me semble particulièrement adéquat pour parler de la pièce :



♫ Il y a des filles dont on rêve

Et celles avec qui l´on dort

Il y a des filles qu´on regrette

Et celles qui laissent des remords

Il y a des filles que l´on aime

Et celles qu´on aurait pu aimer

Puis un jour il y a la femme

Qu´on attendait... ♪



Ravier est un antiquaire parisien très en vue et formidablement réputé. Il a ses entrées dans tous les musées et surtout, dans tous les ministères. On peut dire sans peur qu'il est plein aux as. À l'approche de la soixantaine, sa jolie figure commence à ressentir les effets de ses longues années de vie dissolue auprès des femmes, que par dizaines il a fait asseoir dans ses bergères Louis XV avant de leur faire essayer le moelleux d'autres meubles de style.



Et donc, après avoir joui de tout et à tous les prix, commençant à reconnaître la vanité de l'existence, le voilà, surpris, ému, par une jeunesse de dix-huit ans. Une petite provinciale fraîchement débarquée de sa Lorraine, qui n'accepte ni ses cadeaux ni ses flatteries, qui se fiche de la longueur de son bras comme de l'épaisseur de son porte-feuilles. Bref, une œuvre d'art qui n'a pas de prix.



Ravier se désespère de ce dédain et lui, le jouisseur par excellence, sent monter en lui un sentiment manifestement plus noble pour cette créature. Il n'a même pas envie de la toucher, il ne veut pas la souiller de son désir, il voudrait simplement qu'il comptât pour elle. Et même ce peu semble loin d'être acquis.



Auprès de Ravier, depuis sept longues années gravite Mlle Andriot, une brave vieille femme d'un goût, d'une intelligence et d'une sûreté d'expertise rares, et dont les qualités s'avèrent précieuses pour l'antiquaire. Elle a, quant à elle, déjà atteint la barre symbolique des soixante ans.



Elle est raide dingue de Ravier et l'aime du plus pur amour qu'on puisse imaginer même si au fond d'elle-même, elle aimerait, vous vous imaginez, être appréciée du grand antiquaire pas seulement pour son goût raffiné en matière d'art. C'est pourtant à elle que Ravier confie ses peines de cœur, elle, peut-être la seule à pouvoir pleinement le comprendre dans toute sa déchirure...



Je vous laisse découvrir cet échange à trois, assez psychologique, parfois même presque philosophique, ayant pour centre l'amour et le prix qu'on y fixe. Du beau texte, peut-être pas extraordinairement scénique, mais très agréable à lire. Mais ce n'est bien sûr qu'un avis duquel un maître expertiseur pourrait probablement vous dire qu'il ne vaut pas grand-chose...
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La reine morte

Montherlant fait partie de mes dramaturges préférés et je le préfère de loin dans ses pièces plutôt que dans ses romans ou ses essais. Comme quoi…



La reine morte met en scène un vieux roi portugais, Ferrante qui, sentant sa mort arriver, veut mettre en ordre son royaume. Il ordonne ainsi à son fils, le prince Don Pedro, d’épouser l’infante de Navarre, Dona Bianca. Il la fait venir en son royaume afin que les deux jeunes se rencontrent. Mais il y a un problème : le rejeton est amoureux de la belle Inès de Castro. Il ne se préoccupe donc pas de Bianca. Cette dernière, déçue, bafouée dans sa fierté, ne tarde pas à trouver le vieux roi afin de lui faire part de ses sentiments à ce sujet. Ferrante entre dans une colère noire. Il fait enfermer Inès et tente de la persuader qu’elle doit faire changer d’avis le prince afin qu’il épouse l’infante. Mais ce qu’il va apprendre à ce moment-là risque de le surprendre…



Cette pièce, parue en 1942, est inspirée par celle d’un autre écrivain, Luis Velez de Guevara, Régner après sa mort (1570). Montherlant s’est servi du fait réel qui avait donné lieu au texte, l’assassinat d’Inès de Castro par Alphonse IV) mais en a fait une oeuvre toute personnelle. Les personnages sont travaillés. Ainsi, le vieux roi Ferrante paraît complètement hermétique. Certaines réactions peuvent surprendre car il peut prôner la sagesse et faire preuve, pourtant, de haine et de sadisme. Viennent ensuite les femmes au caractère bien trempé. Quant à Pedro… la pauvre garçon fait bien pâle figure face à Bianca ou Inès. Le jeune prince est un pleutre. Le seul acte qui le fera remonter dans notre estime sera le dernier.



Quel talent ce Montherlant !
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Encore un instant de bonheur

Je m’adonnais à cette poésie comme aux caresses :

« Sa jambe pensive, pareille à une personne »,

ou

« J’adore son âme quand elle monte dans sa bouche et qu’elle l’entrouvre »…



Je tenais entre les mains un livre rare ( exemplaire numéroté ! ) avec les illustrations originales en couleur de Marianne Clouzot (édtitions Rombaldi, 1934). Les feuilles étaient "rongées" à l'ancienne... Tout ce raffinement me poussait à tourner les pages d'une façon sensuelle.

Mais je retiens un poème en particulier : "Il fait beau". En plus de sa pureté formelle je le trouve si vrai ! Tristesse de l'été, cette phrase est répétée plusieurs fois. Il m’est arrivé aussi de détester l'été, solitude de l'été, solitude éprouvée en compagnie de quelqu'un, souffrance du silence. « Hideuses journées trop belles. Une face pâle aux yeux de cendre, me regarde du fond de cette splendeur. »



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La reine morte



Le titre de cette pièce nous indique quel sera le choix dicté par la raison d’état qui triomphe de l’amour. Deux femmes obstinées et monolitiques, et un prince falot, permettent de mieux comprendre les desseins d’un roi vieillissant, personnage complexe et véritable héros de cette pièce.

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Les jeunes filles, tome 1

Il est des livres dont le nom de l'auteur évoque bien quelque chose mais qui me semble t-il sont tombés en désuétude", ce roman de H de Montherlant premier tome de la série Les jeunes filles, me parait en faire partie. Et bien je trouve cela fort dommage....

Années 1925, Pierre Costals est un écrivain célèbre. Il vit de sa plume, a du succès auprès des femmes, fréquente peu les salons mondains, bref mène la vie aisée d’un jeune bourgeois parisien où l'écriture est primordiale et la gent féminine fort présente. Sa notoriété littéraire lui vaut des lettres passionnées de ses admiratrices. Parmi elles des jeunes femmes, encore jeunes filles, plus toutes jeunes, pas forcément jolies, C'est ainsi que nous découvrons mademoiselle Thérèse Pantevin, jeune fille dévote écartelée entre son amour pour Costals et sa vocation religieuse.

Andrée Hacquebaut, bientôt trente ans, est elle une jeune fille cultivée, préférant les occupations intellectuelles à celles qui lui permettrait de sortir de la misère décente dans laquelle elle vit. Elle vient une fois de temps en temps à Paris et ne cesse de vouloir le rencontrer…

Ce dernier répond parfois à leurs missives enflammées, usant souvent du silence, il attise ainsi leur passion .Véritable pourfendeur de la gent féminine où seules les plus jolies, bêtes de préférence ou les filles de joie trouvent grâce à ses yeux, Costals démonte la psychologie féminine et les regarde à travers un prisme déformant ...Rien n’échappe à sa verve ironique .mordante, caustique. Pour lui Les Jeunes Filles sont comme ces chiens abandonnés, que vous ne pouvez regarder avec un peu de bienveillance sans qu'ils croient que vous les appelez, que vous allez les recueillir, et sans qu'ils vous mettent en frétillant les pattes sur le pantalon. »

Un roman au ton certes misogyne mais fidèle portrait de la société de l’époque où pour seul avenir la jeune fille n’avait que celui de son futur époux,…

Jubilatoire à souhait, un pur bonheur de lecture.

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Fils de personne

[Je commente ici "Fils de personne" lu dans une autre édition et ignore donc "Un incompris"]

**

Ceux qui viennent ici lire une critique d'une chanson de « Johnny » peuvent sortir : Fils de personne est une pièce courte, un drame en quatre actes, écrit par Montherlant lors d'une période particulière de notre histoire puisqu'en 1943.

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Cette pièce, dont l'action est toute intérieure, se passe à Cannes lors de l'hiver 1940-1941. Georges Carrion, 43 ans, évadé depuis peu puis passé en zone libre, retrouve par hasard Marie Sandoval, une ancienne amante dont il a eu un enfant, Gillou, qu'il n'avait alors pas reconnu. Ce fils, de maintenant 14 ans, est l'enjeu principal de la pièce.

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Le père est violemment attiré par cet enfant (sur un plan non sensuel), l'aime à sa façon et voudrait jouer son rôle de parent pleinement, voire en évinçant sa mère, présentée comme fort médiocre à tous points de vue. Mais, simultanément, il est très déçu par divers traits de Gillou qui « ne respire pas à la même hauteur » selon lui et le rejette non moins violemment. Gillou est intéressé par son père mais a aussi d'autres passions, plus de son âge, comme le cinéma, les journaux, la radio... Marie a un amant, inconnu de Georges, qu'elle voudrait retrouver au Havre, alors zone occupée et bombardée par les anglais. Que va devenir ce trio ?

*

Oui, mais est-il, déjà, intéressant de lire Fils de personne ? Montherlant n'est pratiquement plus étudié aujourd'hui et, lorsque c'est le cas, seules 3 ou 4 oeuvres sont reprises, dont celle-ci ne fait jamais partie. Pièce « mineure » d'un homme jugé dépassé ? Pièce écrite durant l'occupation par un homme qui n'a pas spécialement été vécu comme un résistant et texte sur l'amour d'un homme pour un enfant de 14 ans écrite par quelqu'un qui a été accusé d'être pédophile/hébéphile, disons que cela peut faire hésiter. Ajoutons que Montherlant, ici comme ailleurs, ne fait pas vraiment preuve d'un féminisme exacerbé (sic) et que la question principale, celle de la qualité d'un être, peut sembler largement incompréhensible à beaucoup aujourd'hui. le reste sera mieux perçu mais a toutes les chances de choquer : le droit pour un homme de ne pas reconnaître son enfant, de mépriser son ancienne maîtresse mais de se sentir des droits sur elle, la liberté de ne pas aimer son enfant et de le lui faire savoir, avec une violence qui aujourd'hui ne semble plus vraiment tolérée, alors même que cet enfant est gentil et vous aime… Jugez plutôt à partir de quelques exemples :

« J'avais misé sur toi. J'ai perdu. Cela aussi était un songe »

« Tu me trahis et étant ce que tu es »

« La mémoire je te la laisse : elle est l'intelligence des imbéciles »

« Fils de la femme ! »

*

Oui, mille fois oui, cette pièce mérite d'être (re)découverte !

- Elle est très intéressante pour son contexte historique, pour les réflexions de cette France humiliée, sous le joug nazi et qui rêve de grandeur, de pureté, de… qualité. Cette France qui voudrait croire que ses enfants vont réussir à sauver le pays du naufrage et qui sont confrontés simultanément à mille compromis et compromissions, à commencer par les leurs.

- Elle est passionnante aussi comme mise en abyme de notre société actuelle, celle de l'écriture inclusive et de la « cancel culture », celle où il ne faut surtout pas choquer, ne jamais dire quoi que ce soit qui puisse heurter quiconque (objectif infiniment hypocrite en plus d'être absurde soit dit en passant). Montherlant est rafraichissant à lire aujourd'hui, justement car il est transgressif à nos yeux… Transgressif mais pas seulement.

- Au-delà des différences d'expression un mérite essentiel De Montherlant est de donner à réfléchir sur des questions fondamentales, qui transcendent les époques et les cultures. Ici les sujets principaux sont de savoir s'il peut être licite de rejeter un enfant qui vous aime et de le faire pour une notion telle que le manque de qualités, si un homme, par ailleurs égoïste et très imparfait, a le droit de juger de la valeur d'un être alors qu'il a juste 14 ans, s'il a le droit (et le devoir ?) de le faire savoir à son entourage, y compris à cet enfant. Par ailleurs est-on libre d'aimer, choisit-on de désaimer ?

- Enfin Montherlant a un talent certain pour saisir la vie dans sa complexité, dans ce qu'il appelle un « certain flou ». Les personnages sont souvent excessifs mais ne semblent jamais absurdes ou caricaturaux, ils sont crédibles y compris dans leurs emportements, dans leurs contradictions. C'est si vrai que, selon les époques, le jugement du public vis-à-vis de ces personnages peut changer du tout au tout. Oui, « Là est la vie ». de même le « Je suis au-delà. » de Georges à la fin de la pièce est bouleversant de justesse et de finesse.

*

Lire cette courte pièce est très enrichissant. le faire dans la collection de la Pléiade l'est encore bien plus du fait des nombreuses notes De Montherlant qui accompagnent les textes. Comme l'écrit si justement Montherlant : « Un lecteur qui ne s'intéresse pas à ce qui est écrit d'une oeuvre ne s'intéresse pas à cette oeuvre ». Ici prendre connaissance des notes de l'auteur comme des propos de différents critiques aide vraiment à avoir une perception plus fine de ce drame faussement simple que Montherlant reconnaissait influencé par le nô japonais.

**

Pour conclure ce texte a une suite : « Demain il fera jour », écrite en 1948. Je rejoins Montherlant sur le fait que c'est un « surgeon assez frêle ». Ce court texte est bien moins polysémique et, paradoxalement, devait affaiblir de ce fait la richesse de « fils de personne » lorsque les deux oeuvres étaient jouées à la suite. « Demain il fera jour » se lit plaisamment mais j'encourage à ne le découvrir qu'après s'être offert le temps nécessaire pour laisser maturer « Fils de personne ». En procédant ainsi il a le mérite d'offrir un éclairage, parmi des centaines d'autres possibles, sur ce qu'auraient pu devenir les différents protagonistes après quelques années. Cette autre mise en abyme, si elle n'est pas indispensable, n'est alors pas pour autant sans mérites.

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La reine morte

Il m'en aura fallu du temps pour me lancer dans l'oeuvre De Montherlant! Ce dernier a longtemps eu pour moi, je crois, une image un peu faussée d'auteur inaccessible et un peu désuet.

Pour autant, il y a tout de même quelque temps que je lorgnais du côté de "La Reine Morte" en me disant que quitte à rencontrer Montherlant, autant le faire par l'entremise d'Inès de Castro.

C'est en effet l'argument de la pièce -grandiose drame en trois actes- qui m'a d'abord attiré chez l'auteur. le fait historique, authentique, dont il s'inspire avait tout pour attiser mes ardeurs et j'en ai conçu une durable fascination depuis ma lecture adolescente de "La Reine Crucifiée" de Gilbert Sinoué. Rien de plus fou, de plus inquiétant et de plus extrême que ce ténébreux prince du Portugal qui força, le jour de son couronnement, ses courtisans à s'incliner face au cadavre d'une épouse idolâtrée, assassinée quelques années plus tôt sur les ordres d'un roi qui voulait d'une autre belle-fille dont le sang coulerait bien bleu, plus bleu en tout cas que celui d'Ines qui éclaboussa sans doute les capes de ses meurtriers.

Quand on y pense, c'est assez surprenant que si peu d'auteurs -romanciers ou dramaturges- se soient emparés du sujet. Passé "Les Lusiades", il faudra attendre Victor Hugo et ses dix-sept ans (!) pour que la reine morte sorte de l'ombre. Un sujet pareil… Imaginez ce qu'aurait pu en faire un Corneille, lui qui se passionnait pour l'irréconciliable conflit entre la passion et la raison… Ce qu'en aurait fait aussi et surtout un William Shakespeare... Cet épilogue mortifère, glauque même, il en aurait fait de l'or, un sublime incendie.



Maurice Maeterlinck a dit: "Avoir écrit La Reine Morte suffit à justifier une vie", peut-être est-ce excessif, mais je me dis que l'avoir écrit excuse et efface les siècles de silence. En effet, si j'ai longtemps regretté que la fiction ne se soit pas davantage emparée de la passion tragique de Pedro et d'Inès, je dois confesser que ces regrets ont fini par fondre comme neige au soleil à la lecture de "La Reine Morte": les personnages, en définitive, pouvaient bien attendre Montherlant et 1942 pour revenir brûler les planches, parce que cette pièce est un somptueux écrin, un chef d'oeuvre qui les rend éternels et incroyablement vivants, humains.



Montherlant a donc su s'emparer de cette histoire avec brio, brillance. Au delà du plaisir que j'ai ressenti à l'idée de l'intrigue, j'ai été happée par sa langue que j'ai trouvé sublime: sobre, sans impuretés ni volutes inutiles mais profonde, travaillée, ciselée. Elle n'a pas été sans me rappeler les accents, la poésie un peu sombre et avec eux les angoisses et les obsessions d'un Shakespeare. A chaque scène, à chaque page, j'aurai voulu souligner une réplique, une phrase tant les mots sonnent justes et beaux, tant ils ont du sens, de la profondeur. Et une beauté confondante. Ce texte, il est beau à pleurer et à trembler.

Sous la plume du dramaturge, cette tragédie -fable d'amour et de mort, de pouvoir et de mensonges- d'un autre temps et d'un pays presque lointain devient intemporelle, universelle même. L'amour et l'intérêt personnel se cognent contre la raison d'état, le pouvoir et la corruption, entament un combat perdu d'avance qui les laisse exsangues. Au pays du roi Ferrante, les jeunes, les amoureux sont des naïfs, des rêveurs que le temps et la réalité finiront par corrompre ou piétiner tandis que les vieux ne se font plus d'illusions et nimbent leurs actes de leur désenchantement. C'est beau quoique désespéré et immensément pessimiste.



A cet égard, le personnage le plus réussi de la pièce n'est ni Pedro -"le veuf, le ténébreux, l'inconsolé"-, ni Inès, si douce, si émouvante. Ce n'est pas non plus l'Infante de Navarre, pourtant si grande, si singulière. Non.

C'est Ferrante, le roi, pour qui on ne peut s'empêcher d'éprouver de la compassion malgré la cruauté dont il fait preuve, malgré ses atermoiements et son hypocrisie, malgré enfin le dédain et la haine même que lui inspire son fils. On le prend en pitié, on s'y attache parce que lui sait.

Il sait la vanité du monde et ses mirages. Il sait que ce n'est qu'un théâtre où chacun avance masqué, que tout file et se corrompt, que rien ne demeure que l'amour le plus pur qu'un rien peut tuer, que le pouvoir est un nectar autant qu'un poison, qu'on se lasse de tout et qu'il vaut mieux souffrir de lassitude que mourir de vouloir vivre heureux.



Histoire d'amour tragique sublimée par la langue De Montherlant, "La Reine Morte" est aussi une pièce de théâtre magnifique sur l'absurdité de la condition humaine, sur les conflits de générations jaillis de la cruauté du temps qui passe.

J'espère tant pouvoir la voir sur scène un jour...

Quand on sait qu'elle fut créée en décembre 1942 à la Comédie Française, alors que le bruit des bottes résonnait sur le pavé parisien, ça laisse songeur quand même...























































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La reine morte

La Reine morte, créée en 1942 à la Comédie Française, est la première pièce de Henry de Montherlant. Il s'agit d'un drame en trois actes, qui se déroule à la cour du Portugal. Le roi Ferrante décide de marier son fils à l'Infante d'Espagne, pour des raisons politiques. Le prince n'est pas attiré par le pouvoir et encore moins par l'Infante, car il s'est marié en secret à Inès. Ferrante, roi rodé, n'entend pas accepter la situation car il veut un rapprochement avec l'Espagne et d'autre part ne souhaite pas de mésalliance. En Inès, femme de caractère et éduquée pour régner, il trouverait de plus une alliée. Pedro, le Prince et Inès, sont des rêveurs qui ne voient que bonté et amour. Le roi est entouré de conseillers qui le poussent aussi à se montrer intraitable. Cet homme en fin de vie et de règne a été un souverain rude, pensant plus au royaume qu'au bien-être de ses sujets, même détaché de son propre fils, et il est fatigué de sa vie... La question se pose va-t-il être miséricordieux ou intransigeant? Il sait souffler le chaud et le froid, et sait aussi faire de la peur son alliée. Il ne se montre humain que lorsqu'il se confesse à Inès, mais ceci arrive trop tardivement pour le rendre sympathique, et la pièce reste ancrée dans la noirceur et le drame.
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Les jeunes filles, tome 1

Les auteurs de romans d’amour sont les premières victimes de leur sentimentalité. Pierre Costals, le personnage central des Jeunes Filles, serait-il le représentant précoce –quoique plus complexe et psychologiquement plus profond- d’un Marc Lévy ou d’un Guillaume Musso ? Ses talents à mettre en scène les flux et reflux amoureux de ses personnages déchaînent les fantasmes de lectrices pour lesquelles l’amour n’est encore qu’un rêve parsemé de préjugés romantiques et bourgeois. Thérèse et Andrée vivent ici ou là, dans des coins perdus de province et, à l’aube de la trentaine, elles ne connaissent rien de plus de l’amour que ce que Pierre Costals, par le biais de ses romans, veut bien leur en montrer. Passionnées par désespoir, elles assaillent l’écrivain de lettres dans lesquelles toute l’infamie de leur existence transparaît, espérant susciter chez leur lecteur sinon l’amour, au moins la compassion débordante dont il fait preuve dans ses romans.si Thérèse, dévote et larmoyante, et Andrée, intellectuelle au moral solide, ne se ressemblent pas dans leurs caractères, elles sont en revanches aussi laides l’une que l’autre. Ce détail semble suffire à Pierre Costals qui, déjà bien occupé par ailleurs avec d’autres amantes -jeune fille, maîtresse et prostituée-, dédaigne longtemps de leur répondre, malgré l’abondance de leurs courriers. Et puis, il consent enfin à donner signe de vie au moment où l’engouement de ses lectrices allait s’éteindre, relançant mieux que jamais leur ardeur et les précipitant, de fait, vers une ruine douloureuse.





La forme fluide de ce roman se montre passionnante et fait s’alterner à un rythme rapide les lettres envoyées par Pierre, Andrée ou Thérèse, parfois entrecoupées d’annonces matrimoniales, de dissertations d’écrivain et de narration plus classique, venue à point nommé pour éclaircir et relancer la tension des échanges épistolaires. Cette forme éclatante s’accompagne d’un fond délicieux qui n’échappe pas à une virulente cruauté nietzschéenne. Alors que les années 30 valorisaient le mariage, Henry de Montherlant signe un acte de mort à la conception bourgeoise du couple. Plus encore que la laideur et le désespoir de ses lectrices, ce sont les fantasmes dans lesquels se repaissent Andrée et Thérèse qui dégoûtent Pierre Costals. Parle-t-on alors davantage de méchanceté que de fatigue ? Pierre Costals ne fait-il finalement pas preuve de charité en essayant de guérir deux femmes perdues de leurs illusions ? Celles-ci croient ne pouvoir assurer leur bonheur qu’à la condition de s’allier à un parti convenable ou passionné ; il semble plutôt temps qu'elles essaient de décoller par la propre force de leurs talents. Leur souffrance est un instrument d’instruction. Même s’il ne semble pas s’en rendre compte, Pierre Costals cherche à faire grandir ses maîtresses en leur donnant à croire en elles-mêmes, bien que son ambivalence nourrie d’une passion intarissable pour la nouveauté et la diversité des visages humaines le pousse lui-même à courir sans cesse après une forme d’idéal négatif : celui de la femme passive, dénuée de tout sentiment et de tout intellect.





Henry de Montherlant se promène d’ambivalences en contradictions pour tracer des portraits nuancés de ses personnages. Le sentiment amoureux et la notion de couple passent au crible d’idées qui apparaissent comme un savoureux mélange d’influences nietzschéennes et de prémisses kunderiens. Le premier réapparaît dans sa façon de considérer la relation amoureuse à la manière d’une annexion(« On ne devrait jamais dire à quelqu’un qu’on l’aime, sans lui en demander pardon ») et le deuxième se laisse présager dans la mélancolie que ressent Pierre à chaque fois que, choisissant momentanément une femme, il comprend devoir se priver de toutes les autres qu’il aurait pu choisir de manière tout à fait égale (« Ce monstrueux hasard à la base : l’homme qui est forcé de prendre une compagne pour la vie, alors qu’il n’y a pas de raison pour que ce soit celle-là plutôt qu’une autre, puisque des millions d’autres sont aussi dignes d’être aimées »). Si Pierre Costals rejette la notion de couple bourgeois, ce n’est pas par avarie mais au contraire par excès d’amour : amour de soi-même, et amour de l’altérité en général. Amour de la vie demandant une plénitude et une pleine disposition de l’individu, plutôt que restriction des possibilités et enfermement dans une routine d’idées et de comportements menant à terme le dépérissement de l’individu : « Tout ce qui crée des rencontres mérite encouragement, même quand il s’agit de rencontres à fin sentimentale, et malgré tout ce qu’elles supposent de niaiserie et de médiocrité ». On retrouve également le cynisme joueur d’un Oscar Wilde dans les piques lancées par Pierre Costals. Lorsque le second écrit : « Chacun de ces restaurants du Blois évoquait pour Costa des souvenirs contradictoires : heures d’ivresse, quand il y était avec une femme qu’il n’avait pas encore possédée, heures d’embêtement mortel, quand il y était avec une femme à lui », on retrouve un peu des idées du premier : « J’aime bien tout savoir de mes nouveaux amis, et rien de mes anciens ».





Pierre Costals et ses Jeunes filles sont des amis aux passions et à l’audace stimulantes, dépassés par les fluctuations de leurs désirs, maintenus par les idées qu’ils brandissent pour se justifier. Henry de Montherlant, brillant manipulateur, sait aussi maintenir son lecteur en haleine en dispersant sa série en plusieurs volumes qu’il faudrait découvrir presque aussitôt…


Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Les Célibataires

Connu pour ses récits venimeux adressés à la gent féminine, Henry de Montherlant se dédie cette fois-ci à portraiturer un vieux garçon selon son habitude persiflante et habile à souligner le ridicule des gestes, habitudes et paroles issus de la bêtise – qui est celle de collaborer par l’ignorance à l’ignominie d’un destin.





Montherlant n’épargne personne mais il assassine dans la soie d’une écriture volubile et primesautière. Dans les intrigues, les mascarades et les faux-semblants, l’art de Montherlant consiste à jouer habilement de l’identification et de la distanciation. Nous ressortons de sa lecture un brin vexés, bien que toujours souhaitant croire que l’insulte s’adressait à un autre.

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La Ville dont le prince est un enfant

Drame en trois courts actes au sein d'un collège catholique, à peine transposé du vécu de l'auteur, où l'on excelle, au nom du bien, à séparer sans états d'âme les enfants des influences néfastes qu'ils tiennent pour amis. Surtout quand ces amis sont en réalité des amants. Et plus encore lorsque le prêtre est lui aussi amoureux.

Découverte admirative du sulfureux et controversé Montherlant avec ce texte implacable, d'où perce entre les lignes la douleur de profondes blessures de jeunesse et une rage cinglante contre l'hypocrisie de l'ordre établi.
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Les jeunes filles, tome 2 : Pitié pour les fe..

Un peu d’originalité s’introduit dans l’existence amoureuse de Pierre Costals, jusqu’alors marquée par la monotonie de la succession des partenaires. Cette fois, Pierre Costals s’est épris d’une jeune fille encore vierge qui le surprend d’abord par son indifférence –du jamais-vu- et par le biais de laquelle s’éprouvera de plus en plus puissamment la force du mythe de Pygmalion et Galatée. Pierre Costals découvrira en effet le bonheur de plonger ses mains dans les terres physique et mentale encore vierges de sa jeune partenaire. Est-ce bien raisonnable de laisser cette construction aux mains d’un détraqué sentimental ? La tension de ce roman croît et varie autour d’une interrogation, qui constitue également une envie ou une crainte : Galatée va-t-elle pouvoir transformer son Pygmalion ? Heureusement non !





Pierre Costals s’est un peu amolli mais ses réflexions restent encore lapidaires et détruisent toute velléité conjugale. La noblesse de son élocution n’a d’égale que la cruauté de ses réflexions et l’inhumanité de ses sentiments. Son amour doit être bien amer, mais ce roman est un délice.

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Le Maître de Santiago

L'écriture est belle, mais cette pièce est sombre. L'intrigue est simple, au 16 ème siècle, un chevalier espagnol vit retiré du monde avec sa fille. Epris de religion, de charité, et de chevalerie, il renonce à tout confort et à tous biens terrestres. Campé sur ses positions et son honneur, il va entraîner sa fille à sa suite, lui refusant ainsi tout bonheur terrestre, pour lui offrir un idéal de vertu et de don de soi.
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Port-Royal

Accusées, sous couvert de jansénisme, de porter atteinte au pouvoir catholique en place par un christianisme rigoriste attaché aux sources non séculières de la religion, les soeurs de Port-Royal sont sous le joug de graves menaces, orchestrées par l'archevêque, sous les ordres de Louis XIV. L'arrivée de celui-ci, accompagné d'importantes forces de police, pour punir et disperser les religieuses, met ces dernières face à la solidité de leur foi et la vérité de leurs âmes. Parmi elle, la sous-prieure soeur Angélique, pilier tellurique de la communauté, vacille...

Tension dramatique croissante et majesté de la langue sont au rendez-vous de cette pièce intimiste et tragique dont, étant fort loin du sujet et des valeurs de l'auteur, j'ai préféré admirer la lecture politique universelle qui peut en être faite.

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Les jeunes filles, tome 1

Ah, Les Jeunes Filles... ! Je garde un délicieux souvenir de cynisme provocateur à la lecture de ce roman dans lequel Montherlant faisait une analyse jubilatoire de la psychologie féminine.

Costals, écrivain parisien libertin, cynique, désabusé et séducteur est l’objet d’adoration des jeunes filles qui, comme de juste, rêvent de trouver le grand amour et de convoler en justes noces.

Malheureusement pour elles, elles trouvent en la personne de Costals un homme totalement allergique à l’idée même d’amour et de mariage, qui joue avec leurs sentiments avec un cynisme redoutable.

Montherlant décortique avec brio et beaucoup de justesse psychologique la complexité des sentiments qui agitent les protagonistes de l’amour à la pitié en passant par l’amitié et pose la question de la possibilité de l’amitié dans les rapports hommes-femmes… On n’est pas loin de Bridget Jones !

En 1977, Jean Piat prêta brillamment ses traits à Pierre Costals dans une interprétation teintée d'ironie désabusée.
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Les jeunes filles, tome 3 : Le démon du bien

Poursuite de ma lecture de la série des «Jeunes Filles». Dans «Le démon du bien», Montherlant concentre son récit sur la question du mariage à travers ses personnages Costals et Solange.



Ce 3ème opus est divisé en deux parties.



Dans la première partie, la question du mariage émerge entre nos deux protagonistes. On découvre la volonté pour Solange de se marier, souhait de jeune fille prévisible, mais il faut avouer que sa personnalité jusqu’ici présentée ne rendait pas cette volonté si évidente.

On a en face un Costals plus qu’hésitant ce qui ne surprend pas, ce dernier ayant toujours clamé son horreur pour le mariage. Mais, par affection pour Solange, il se sent prêt à l’envisager, sous certaines conditions... mais quelles conditions ?! S’engagent alors discussions et négociations entre Costals et la mère de Solange sur les termes d’un éventuel mariage.



«Il fallait cette rupture brutale pour me sortir de l’enfer de mes incertitudes et de mes variations quotidiennes.»



Il a fui... Dans la seconde partie du roman, on retrouve Costals, seul, à Gênes en pleine écriture de son oeuvre. Mais la visite de Solange le replonge dans ses indécisions, apportant des instants de tendresse, mais aussi d’autres chargés de cruauté et de rejet...



Dans ce volume, les questions sur le mariage sont clairement exposées. Pourquoi se marier ? Le mariage est-il d’ailleurs envisageable pour tous ? Est-ce plus important que l’amour entre les deux personnes ? Qu’est-ce qu’aimer ? Quelles concessions est-on près à accepter dans un mariage ? Peut-on épouser une personne par charité ?...



«Je connaîtrai, à votre choix, si vous aviez seulement du goût pour un état - le mariage - ou si vous aviez de l’amour pour un individu.»



On pourrait penser au premier abord qu’il s’agit d’un roman où l’auteur dénonce le mariage, mais son personnage extrême, qu’est Costals, n’est pas le meilleur ambassadeur pour convaincre le lecteur.

En revanche, je nuancerais en disant qu’ici, c’est plutôt l’imposition de cet état du mariage - présentée comme une évidence, comme la régularisation d’une situation, à priori indispensable afin de gagner en respectabilité, en réputation et en moralité - qui est dénoncée. Ici, Costals doit épouser Solange s’il veut poursuivre sa relation avec elle... Bien agir pour l’autre, en sachant que ce ne sera pas forcément bon pour soi, le dilemme, le démon du bien...



Je ne sais pas si je suis dans le vrai, c’est en tout cas comme cela que j’ai ressenti cette lecture. Reste le dernier volume à lire, «Les lépreuses», un titre qui m’interpelle et m’interroge...
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