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Critiques de J. M. Coetzee (419)
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L'abattoir de verre

Chez Cotzee, inutile de s'attendre à la chaleur humaine, le rayon de soleil qui réchauffe est absent. Dans ces sept histoires qui suivent, écrites entre 2003 et 2017, il y va de même. Les rapports entre les hommes, entre les hommes et les animaux sont sombres, glacés, voir sinistres.



Dés le premier épisode "Le Chien", nous sommes en milieu hostile. Il est question de la peur, où en se référant à Saint-Augustin qui "dit que la meilleure preuve que nous sommes des créatures déchues tient au fait que nous ne pouvons pas contrôler les mouvements de notre propre corps.", Coetzee semble nous dire, autant accepter le hasard et nos conditions d'être humain, il n'y a pas à proprement parler de choix.



S'en suit une histoire d'adultère amoral, intitulé simplement "Histoire ".

"Une femme mariée peut-elle cesser, suite à une décision mûrie, d'être mariée pendant un laps de temps, d'être elle-même, puis de redevenir ensuite une femme mariée ? Qu'est-ce que cela signifie, être une femme mariée ?", référence à Robert Musil , et sans doute à son livre "L'homme sans qualités ", que l'amant donne à lire à

la femme adultère. Recherche d'une réponse qui n'existe pas, si ça nous convient autant le vivre, sans remords, sans scrupules ?



À partir de la troisième histoire entre en scène Elisabeth Costello, un personnage déjà présent dans les précédents livres de Coetzee. Une écrivaine vieillissante, l'alter ego décalé de Coetzee. Elle a 65 ans et cherche à retrouver une dernière fois, une seconde jeunesse. Sa bru impitoyable, se référant à une nouvelle de Tchekov, annonce le verdict, "elle risque d'être déçue ", terrible.

La suite c'est toujours elle, Une femme résignée à la vieillesse et qui l'accepte sans trop de mélo, sans doute la vision lucide que l'auteur a de lui-même. Et cette terrible pensée pour son fils qui lui propose de venir vivre avec eux....

« Un garçon sombre, fils de parents sombres. Comment pourrait-elle rêver de trouver refuge chez lui, avec sa femme désapprobatrice aux lèvres serrées !

Au moins, songe-t-elle, ils ne me traitent pas en idiote. Mes enfants me font au moins cet honneur. ».



Coetzee continue à enfoncer la vérité concernant la vieillesse et à travers Castello revient sur un thème cher à lui, l'antispécisme, avec un vibrant plaidoyer en faveur d'une redéfinition de notre rapport au monde animal. « L'abattoir de verre » qui donne le titre à la traduction française en est la plus marquante, avec une critique virulente de la pensée de Heidegger sur les animaux. Selon lui, leur appréhension du monde est limitée ou dépouillée. "Les sens des tiques sont en alerte, mais seulement face à certains stimuli, par exemple l'odeur qui flotte dans l'air ou la vibration dans le sol qui trahit l'approche d'une créature à sang chaud". Costello retourne l'argument au philosophe, déclinant que ce que recherchait Heidegger à travers ses maîtresse est identique aux pulsions des tiques, "ce moment où la conscience se concentre en une palpitation , une intensité univoque avant qu'elle ne s'éteigne ?".

Ici l'important c'est l'état d'esprit de Costello ( Coetzee), pour qui ces questions d'ordre moral, importent très profondément, et pensant qu'elle fait partie d'une minorité, elle craint qu'avec sa mort elles disparaissent. Je pense donc que le titre de la v.o. « Moral tales » , serait ici plus explicite vu le fond de ces récits.



Derrière ces histoires minimalistes qui traitent des faits apparemment ordinaires, se profilent nos multiples identités complexes, "Combien suis-je ?". Coetzee touche des points sensibles de l'existence, avec son pessimisme de toujours, pourtant il dit, à un moment, à travers Costello, "La vie comme un ensemble de problèmes à résoudre, la vie comme un ensemble de choix à faire : quelle façon bizarre de voir les choses !”.

Une prose fluide, claire qui se lit avec plaisir. Coetzee est aussi un de ces auteurs qui me défient intellectuellement, et malgré le côté sombre de ses livres, que j'apprécie énormément. Un grand auteur, dont je voudrais rappeler qu'il reçut le Prix Nobel de Littérature en 2003.



"Où en serait l'art de la fiction s'il n'y avait aucun double sens ? Que serait la vie même s'il n'y avait que des têtes et des queues, sans rien au milieu ?"
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Le maître de Pétersbourg

Un homme reçoit un télégramme. Il doit quitter Dresde pour se rendre à Pétersbourg où son beau-fils Pavel est victime d’un accident mortel. Afin de s’imprégner des derniers instants du mort, il se rend dans les bureaux de la police car il souhaite ardemment récupérer tout objet lui ayant appartenu. Mais les choses ne sont pas si simples face au brigadier, puis auprès du conseiller Maximov. Tandis que le faussement dénommé Issaïev s’énerve, on comprend mieux son appétence des mots quand on sait qu’il est écrivain, et que l’essentiel des objets du défunt sont des lettres, des papiers et des listes. Mais des listes compromettantes pour le mort, attestant de son soutien à l’organisation clandestine d’un certain Netchaïev « La Vengeance du Peuple ». C’est fort, et quand plus tard il va rencontrer le groupe d’anarchistes, il lui faudra sonder les âmes comme il le fait dans ses livres, pour connaître le sens de cette fin de son beau-fils Pavel. S’est-il suicidé, ou bien a-t-il été suicidé/sacrifié ? Nous toucherons alors à l’âme russe et à ses démons ou plutôt aux Possédés de Dostoïevski alias Issaïev ici et pour Pavel à la Confession de Stavroguine. C’est très fort vraiment, un livre que j’ai lu lentement pour bien le déguster. Une histoire captivante qui nous donne de pénétrer dans l’univers intime des personnages, avec beaucoup de charme envers Anna Sergueïevna, de perspicacité pour l’enfant Matriona, de subtilité allant du chien hurlant à l’errance d’Ivanov, et de stratégie sur l’échiquier des terroristes à travers le tumulte, les conflits des pères et des fils.
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Disgrâce

Je découvre Coetzee et j’aime. Beaucoup de vraisemblance dans ce livre. David Lurie enseigne à l’Université du Cap. Il lui arrive bien de succomber à la tentation pour s’accoupler avec quelque élève qui lui confère une certaine suprématie et il en use. Est-ce mal ? Est-ce bien ? Des escapades qui durent peu jusque là, c’est-à-dire, jusqu’à la dernière. Celle-ci, il ne sait pas comment la conclure, il n’en a plus la maîtrise et il se perd. C’est la passion qui l’emporte, le désir qui commande à la raison. Puis, sans qu’il sache bien pourquoi Mélanie l’accuse. Elle porte plainte contre lui. Un conseil d’administration se charge de recueillir son témoignage en exigeant de lui qu’il se soumette, qu’il fasse des excuses publiques, et même qu’il exprime son repentir... Mais David refuse. Fierté ? Roublardise ? Dignité ? Il s’accuse ! Oui ! il est coupable et le revendique haut et fort mais il ne veut pas s’excuser. Non ! Il ne se livrera pas à cet exercice d’exprimer ses regrets publiquement et de se confondre en excuses, même s’il perd son poste, même s’il perd ses droits, son salaire... David estime que ses agissements relèvent de la sphère privée, même si Mélanie a 20 ans et lui 52. Il revendique son droit au plaisir, au désir, même s’il est vieux, même s’il n’est plus un prétendant au renouvellement de l’espèce, à moins que d’être châtré comme il dit et que la force d’attraction s’éteigne et le libère, enfin !

C’est après, tout ce désordre administratif qu’il part chez sa fille, Lucy, pour se ressourcer, se réfugier dans une ferme isolée, une petite exploitation qu’elle partage avec Pétrus, l’Africain. Le désordre et le désert affectif qui l’habite le poussent à se surpasser dans son rôle de père tandis que Lucy est une femme émancipée, forte et fort différente de l’image que son père a construite inconsciemment pour elle, sur son devenir de femme et quand elle est à la campagne ce qu’il est à la ville. Puis, c’est l’agression. Trois hommes s’introduisent dans la ferme et contre toute attente Lucy reste passive. Elle refuse de porter les faits réels à la connaissance de la police. Il se creuse alors un fossé entre le père et la fille. Lucy n’entend pas ses recommandations. Non ! Elle ne quittera pas la ferme, même si une blanche européenne n’a pas en ces lieux d’après la colonisation, un régime de faveur. Elle, ce qu’elle veut, c’est se fondre dans le paysage, avec ses productions de légumes, ses fleurs et ses chiens. C’est ici qu’elle veut vivre. David est déconcerté. Pourtant, sans y trouver d’explication plausible, il se découvre peu à peu une sensibilité envers les animaux. Et même auprès de Bev, une femme de sa génération qui gère une sorte de S.P.A, du moins ce qu’il en reste après un passé florissant. Une femme que tout d’abord il trouve moche et que la compassion exaspère, envers ces animaux, ceux-là même qu’elle est amenée à euthanasier, parce qu’ils sont trop nombreux, parce qu’il faut bien que quelqu’un le fasse. Puis, il y a ces deux moutons, des moutons qu’il voudrait voir paître au loin, bien plus loin, les deux caraculs que Pétrus destinent au festin lors d’une fête prochaine. Des moutons qu’il mangerait bien à condition qu’ils soient anonymes et dont il boudera l’assiettée. Une fête à laquelle se rend un des agresseurs. Un agresseur que Lucy se résoudra à ne pas poursuivre cependant puisqu’il fait partie de la famille de Pétrus. Pétrus qui se propose de la prendre sous son aile et même plus, de la marier, tandis qu’il a déjà deux femmes. Et Lucy qui confie à son père son intention d’accepter sa protection. Et son père, sidéré ! Et David qui se libère du dernier lien, ce chien qu’il aime, un chien qui l’aime aussi et qui le suit partout, celui au postérieur atrophié et que personne ne voudra adopter, le mélomane, celui qui l’entend jouer et soliloquer avec Byron.

– « Tu ne veux pas lui donner encore une semaine » lui dit Bev.

– « Non ! » Il doit se libérer pour demain. Demain qui renaît de ses cendres, demain qui le porte vers sa descendance....

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Disgrâce

Désespérée, un peu désespérante, mais assurément juste et intéressante... voilà comment j'ai trouvé la Disgrâce de JM Coetzee.



L'histoire commence comme l'histoire universelle d'un homme vieillissant et vaguement paumé, avant de devenir l'histoire spécifique de l'Afrique du Sud post-apartheid, celle des remords, des vengeances et surtout des souffrances. Mais, au-delà des tribulations de David Lurie avec son étudiante sexy, sa fille New-Age traumatisée, les voyous noirs ou les paysans ploucs blancs, ce livre m'a plu par ses thèmes et son écriture.



Car ce livre parle des désillusions, des injustices, des problèmes de société, des animaux, de la mauvaise conscience, du racisme, de Byron, de l'hypocrisie, du sexe, de l'amitié, des relations familiales, de la rédemption. Tout ça en posant des questions plutôt qu'en donnant des réponses, et avec un style désabusé et poussif correspondant parfaitement à l'état d'esprit du héros.



Je n'ai pas forcément tout compris au roman, je n'ai assurément pas compris le mode de pensée de David Lurie, mais j'ai compris avec ce roman pourquoi Coetzee avait obtenu le prix Nobel. Challenge Nobel 15/15.
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Disgrâce

« Nous n'enfermons rien d'autre en prison qu'une partie de nous-mêmes, comme d'autres abandonnent sur le bord de la route leurs souvenirs encombrants ou leurs chiens en disgrâce... »

Jean-Pierre Guéno - Paroles de détenus



Disgrâce est ma première incursion dans l'univers littéraire de J. M. Coetzee.

Comment vous écrire le pitch de ce livre en quelques mots essentiels. Mais surtout, comment aussi vous mettre en valeur le sens de ce roman, - un roman à la fois beau, sombre et très complexe, ces questionnements, ces errances, ce qu'il en reste après...

Âgé de cinquante-deux ans, deux fois marié et deux fois divorcé, David Lurie enseigne à l'université du Cap. Comment vous le décrire ? C'est un vieux beau qui le sait, qui connaît son charme sur son environnement. À quoi tient-il, ce charme qui opère encore mais peut-être plus tout à fait, -et en particulier sur ses étudiantes ? Il est beau, érudit, intelligent, possède un charisme qui touche quand il parle en public. Profitant de son statut d'enseignant, il tente d'en usurper des droits au-delà du champ légal. Sans doute par ailleurs, a-t-il jusqu'ici sur le plan sexuel, un succès qui le rassure ? Il est conscient de son pouvoir de séduction et cela pourrait même en faire une sorte de prédateur sexuel auprès des jeunes populations qu'il côtoie. Sauf que...

Tout va bien jusqu'à cette aventure avec l'une de ses étudiantes, pas vraiment consentante. Ce n'est pas tout à fait un viol mais ce n'est pas non plus un consentement mutuel. Convaincu de harcèlement sexuel, David Lurie démissionne même s'il conteste les faits.

Suite à cette démission, il rejoint sa fille qui gère une ferme en pleine brousse africaine. Il va vivre un changement d'ambiance et un choc des cultures dans ce milieu presque sauvage où la nature reprend ses droits, loin du milieu intellectuel du Cap.

Sa fille va être confrontée à un drame qui va trouver une résonance auprès de celui-ci, l'affectant lui et sa fille...

Cet événement sera le catalyseur d'une remise en question de sa vie et le début d'une chute progressive.

Nous sommes ici en Afrique du Sud, dans la période post-apartheid. Je me suis demandé si cela avait de l'importance dans le récit tant les thèmes sont multiples et entremêlés, mais oui avec le recul je pense que oui forcément. On pourrait même se poser la question : ce roman est-il une peinture sociale de l'Afrique du Sud post-apartheid ?

Disgrâce, c'est avant tout la chute d'un homme, une caricature d'un personnage qui est une sorte de Casanova vieillissant, fini, celui d'un autre monde, c'est un homme qui trébuche, s'accroche aux derniers lambeaux de sa vie, à l'image qu'il a de la représentation de sa vie masculine, de l'existence. C'est touchant et pathétique.

J'y ai vu un roman qui questionne l'intime d'un homme. Dans un texte épuré, J. M. Coetzee explore ici les thèmes de la faute, de la culpabilité, de l'injustice, de la rédemption. Mais pourquoi pas aussi celui du désir masculin et de la violence sous-tendue.

Le thème du mal est majeur et chacun lira ce récit avec sa propre histoire, religieuse ou pas. le thème de l'éthique aussi.

Les questions raciales s'entremêlent dans la toile de fond de ce récit, dans une Afrique du Sud post-apartheid.

Questionnant l'intime, le roman invite forcément à l'universel, à chaque instant, à partir d'une noirceur lumineuse, questionnant la progressive déchéance d'un homme plus ou moins résigné face à ce qui lui arrive.

Comment absoudre ce sentiment de culpabilité qui peut naître à la faveur du chaos d'une vie, ce qu'il en résulte ?

Lisant ce roman, je ne sais pas pourquoi, j'ai pensé à Philip Roth, plus ironique, moins pessimiste que J. M. Coetzee.

Les personnages vont-ils se détacher de ce qui leur arrive, sont-ils en capacité de prendre l'ascendant sur leurs existences ? Retrouver la grâce perdue ?

Disgrâce est aussi le roman de la résignation nécessaire et c'est cet apprentissage que fait le personnage principal.

S'agissant des personnages du roman, - du moins certains d'entre eux, je fus de ceux-là. Je fus de ceux-là en dépit du côté crépusculaire du roman.

Pour tout cela, j'ai adoré ce roman et j'ai aimé vous en parler. J'ai adoré l'écriture de J. M. Coetzee, sa manière de manier et bousculer les personnages, les faire vivre, nous faire aussi les heurter avec nos propres représentations...

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Trois Histoires

Comment un recueil de 70 pages et de trois histoires peuvent-ils nous renseigner sur un auteur ? Est-ce forcément une bonne idée que de découvrir un Nobel, par ailleurs habituellement plus romancier, même si pas forcément producteur de paves, par une forme si courte puisque chacune des nouvelles fait une vingtaine de pages ?



L'intention première est de dégager une vue d'ensemble, un rapprochement entre les histoires. On y décèle la nostalgie, le regret du temps qui passe et des bouleversements de la société, une analyse sociologique fine de ce qui est à l’œuvre. Un goût particulier pour les lieux et ce qu'ils disent de nous quand on les choisit ou quand le destin nous les assignent. Une maison, un cercle de terre sèche, une île, un port où on choisit de s'installer. D'abord un ton ironique pour moquer l'amour des lieux, puis finalement, tout au long du recueil, une éloge de ces lieux de vie qui nous font, nous fondent.



S'attarder sur la dernière histoire, forcément, parce qu'alors que les deux autres sont limpides dans leur sens, jolies mais surtout totalement accessibles, la dernière se ferme, nous rejette presque en nous indiquant "ne cherche pas, tu ne comprendras pas". Qui est cet homme "son homme", existe-t-il, quel est son rôle auprès du narrateur ? Beaucoup de questions, peu de réponses. On cherche un peu, la magie de Google qui nous apportera au moins un début d'éclaircissement. Et là, un choc: le texte est le Discours de remerciement de l'obtention du Prix Nobel de littérature !



Il faut donc y retourner puisque une des clés pour comprendre l'auteur doit s'y trouver, surtout que plus que de lieux, l'auteur nous parle surtout dans cette dernière d'écriture. On pense alors au pseudonyme, à l'éditeur, au nègre, au lecteur comme solutions possibles de l'énigme. On comprend en tout cas que Coetzee s'interroge sur des thèmes essentiels: faut-il raconter l'histoire telle qu'elle s'est produite ou l'arranger, la fictionner; utiliser les symboles, la métaphore, se dire à travers des histoires qui ne sont pas forcément les siennes; relater des choses qu'on rencontre , dire ce qui nous touche et nous intrigue pour le transmettre à un lecteur qui l'ignore; avoir conscience que toutes les histoires ont déjà été écrites et que les nouveaux auteurs ne peuvent que s'inspirer des récits fondateurs pour chercher leur propre voi(e)x.



Il peut finalement y avoir beaucoup dans trois histoires et soixante-dix pages, pour peur qu'on se donne la peine de s'y pencher. Il y a surtout l'envie augmentée d'aller lire autre chose, d'aller lire plus, d'aller lire mieux, de rencontrer un nouvel auteur.



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Une enfance de Jésus

Malgré son titre, rien de religieux dans ce délicieux roman du lauréat du prix Nobel 2003. Il s’agit plutôt d’une étrange fable, un conte philosophique dans un pays imaginaire.



Dans la ville où l’homme et l’enfant arrivent, la mémoire des immigrants est effacée pour leur permettre de prendre un nouveau départ. On leur donne aussi une nouvelle identité, un travail et un logement. On suivra leur intégration et leur vie dans ce milieu d’accueil.



Un monde tiède. On y trouve bienveillance, plutôt que passion. Le plaisir n’y est pas un objectif : les vêtements stricts, la nourriture fade, le sexe fonctionnel. Pas de passé, mais pas non plus de projets d’avenir, pas de regrets, ni de rêves.



Sans lourdeur, dans un ton quasi ludique, ce contexte permet toutes sortes de réflexions. Sur l’immigration par exemple, ce qu’on peut ressentir lorsqu’on dépend de la bureaucratie, qu’on doit maîtriser une nouvelle langue, s’adapter sans regarder en arrière et prendre une nouvelle identité.



Sur l’éducation des enfants, rigidité ou liberté, conformisme ou imagination.

Sur le rôle des parents, des géniteurs à l’amour maternel.



Sur le travail, qui libère, mais qui asservit. Sur la machine qui peut remplacer l’effort physique, mais éliminer le gagne-pain des travailleurs.



Et même sur la philosophie, sur l’essence des objets, la vie et la mort, ou sur l’infini mathématique.



Un coup de cœur et une titillation de l’esprit…

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Michael K, sa vie, son temps

Ce roman raconte la vie de Michael K, sa vie, son temps.



Michael est différent. Il vit en Afrique du sud, au Cap, à une époque où les conflits font rage. Il traverse ces champs de batailles pour rejoindre la campagne, sans réellement comprendre ce qui l’entoure.



Depuis sa naissance, on le rejette. Son bec-de-lièvre le marque comme indésirable, ou comme un idiot qui sourit bizarrement. Est-il vraiment idiot ?

Plus taupe ou ver de terre que jardinier, il survit comme un insecte, comme un phasme, se terrant et se confondant avec son milieu.



Interné plusieurs fois dans des camps de travail, personne ne pourra le modeler ou lui faire raconter son histoire. Sa vie n’est pas celle des hommes qui se livrent à des guerres imbéciles. Son temps n’est pas le leur non plus. Il vit comme les graines qui germent dans la terre, lentement, au gré des intempéries, selon ce que la nature lui offrira. Il a une autre compréhension du monde. Elle ne semble pas plus idiote qu’une autre.



Ce caillou, ce galet, tourné vers une vie intérieure, paisible et silencieuse, ne se laissera pas casser ni lancer dans un monde qu’il ne voit pas, qu’il n’entend pas, qui n’est pas le sien, tout simplement.



Un homme brindille à la fois faible et fort, qui illustre magnifiquement la ténacité dont peuvent faire preuve les hommes face à l’absurdité de la vie. Peu importe de savoir qu’il soit noir ou blanc, ou de connaître l’époque à laquelle il vit, le message s’adapte à tous les temps et à tous les hommes.



Un roman étonnant et puissant d’un auteur que je découvre.

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Scènes de la vie d'un jeune garçon

Plongée dans les années 50 , à Worcester, nord est du Cap, proche du veld , "la steppe sud africaine". Le futur auteur nous y narre son enfance , avec un 'il' qui impose de suite une distance entre ce qu'il fut et ce qu'il est.



Le père rentre de la guerre et ses déboires professionnels obligent la famille à déménager . La mère est quantité négligeable pour l'enfant, elle l'instit, que l'on peut faire tourner en bourrique sans regrets ni remord.



Pourtant, ce livre va , fort pudiquement et tout en retenu, traduire l'amour d'un fils pour sa mère, la réciprocité étant prégnante dès les premières lignes.



Pudeur , retenue, modération. La plume de l'auteur "sucre" les faits les plus durs et rend son texte encore plus fort. Découverte de la religion , de l'amour ou tout au moins du désir , désillusion familiale, déchéance paternelle , l'auteur ne nous épargne rien de son enfance , mais le fait tout en modération .

En toile de fond , les problèmes ethniques Sud Africains, entre Afrikaners, Anglais , métis ou noirs et le racisme écœurant envers les noirs.

il y a longtemps que je n'avais pas lu Coetzee . C'est toujours aussi bien , mais il ne faut pas que j'en abuse, malgré l'extrême qualité du propos et la force de la plume .

Sans doute que cette force justement cette écriture qui peut apparaitre neutre , peut être lassante.
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Disgrâce

"Descartes aurait dû penser à ça : l'âme en suspens dans le noir, fiel amer, qui se cache."



J'ai été scotchée par cette lecture. Hypnotisée, un roman que j'ai littéralement dévoré. J'ai tout aimé. C'est noir, dur, profond. On tombe dans un gouffre et pourtant ce personnage principal avait toujours un petit mot qui me faisait remonter en selle. Son caractère me plaisait. Et pour cela l'écriture collait tellement à ce qui se passait, j'étais embarquée dans son impasse.



Divorcé, la cinquantaine, un professeur de lettres à l'université, plutôt content de sa solitude qu'il comble par une activité sexuelle tarifée une fois par semaine. Et ça s'arrête brusquement. A nouveau seul, il croise une jeune étudiante, belle, qui l'enivre, lui redonne l'envie de désirer. Elle tombe sous le charme. Lui tombe dans la disgrâce…



Il va alors voir sa fille pendant que cette affaire le laisse sur le carreau. Elle vit dans une ferme loin du Cap, seule dans cette contrée difficile où l'apartheid a morcelé les esprits.



" il est persuadé que l'anglais n'est pas le médium capable d'exprimer la vérité de l'Afrique du Sud"



Ensemble, ils tentent, père et fille, une coexistence pacifique. Lui, le citadin ironique, elle, la campagnarde introvertie. Jusqu'au moment où se produit un vol (j'ai volé le "i" à ce petit mot de trois lettres pour faire comme si.. pas remuer la boue. Mais est-ce que ce vol ne va pas laisser des traces ?) dans la ferme.



"Le plaisir qu'il trouvait à la vie a été mouché comme une chandelle."

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Au coeur de ce pays

Dans une Afrique du Sud encore sous l’apartheid, une famille réside sur une ferme isolée. Une famille ? Disons un vieux maitre autoritaire et sa fille unique Magda, plus toute jeune, peut-être un peu laide, dans tous les cas vierge et surtout frustrée. Le veld, ce lieu désertique, hostile, doit jouer pour beaucoup dans le malaise croissant de cette femme délaissée, abandonnée. Mais bon, ça semble avoir été le lot de plus d’une femme, pas la peine d’en faire toute une histoire. Mais un jour, Hendrick, leur serviteur noir, leur esclave, arrive un jour avec une jeune épouse, Klein-Anna. Aussi noire que lui, évidemment. Certains soirs, le maitre la retient... Si Hendrick ne dit rien (est-il vraiment ignorant de ce qui se passe ou préfère-t-il détourner le regard ?), Magda, elle, perd la boule. Comment son père ose-t-il avoir une aventure avec une mulatre ? Dans un accès de folie, elle tire au plafond, sous la chambre du maitre. La balle passe au travers et blesse son père, qui meurt au bout de son sang quelques jours plus tard.



Le maitre disparu, plus rien ne va. Dysfonction. D’abord, comment faire fonctionner la ferme, où se procurer l’argent pour payer les employés, etc. Les tracas de la vie sont trop pour Magda, qui commence une longue descente en enfer, une déchéance. Hendrick et Klein-Anna l’aideront un certain temps dans la gestion du domaine mais, pas payés, ils s’en lasseront. Surtout, ils découvriront qu’elle est incapable toute seule, qu’elle est maintenant dépendante d’eux. Cette nouvelle relation assez particulière, dans le genre amour-haine, contribuera à la chute de la suprémacie blanche. Un peu à l’image du pays.



Au cœur de ce pays est un roman est présenté dans le style d’un journal intime, je ne crois pas que ça en soit un pour vrai. Ça ressemble plus à long monologue, bien qu’il soit divisé en plus de deux cents petits chapitres. Il y a quelque chose trop spontanée, d’irréfléchie, de fou… C’est qu’on tombe dans les rouages de la folie de Magda. C’est déroutant. Troublant. Violent. Aggressant. Puis le dénouement est tout aussi barbare. Sauvage. Tout sombre dans l’anarchie et ça se ressent jusque dans l’écriture. Ouf ! C’est une lecture intéressante mais surtout intense, je ne peux pas dire que c’est une partie de plaisir. Toutefois, c’est le genre de lecture intense parfois nécessaire qu’on se permet à intervalles espacés, question de se rappeler que nous sommes des êtres humains…



C’est un des premiers romans de John Maxwell Coetzee et, pourtant, la finesse de son écriture est épatante. Il a su mettre le doigt sur le mal qui rongeait Magda, et gratter, gratter, gratter jusqu’à ce que folie s’ensuivre. Et pareillement pour le maitre et Hendrick, en peu de mots, il a réussi à les rendre vivants, plus grands que nature, à la fois faibles et monstrueux, plein d’espoirs et de désirs, transformés en ogres tout-puissants. Tout un tour de main. Et que dire de ce veld sud-africain, de cette terre rouge et sèche. Le pays et son isolation (peut-on faire le parallèle avec la situation du pays sur le plan internationnal, isolé à cause de sa politique de l’apartheid ?) joue pour beaucoup dans le malaise croissant des personnages. En tous cas, c’est l’interprétation que j’en ai retirée. Avec Au cœur de ce pays, l’auteur nous fait plonger tête première dans cette Afrique du Sud à la fois terrible et magnifique.
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L'été de la vie

Voilà une lecture insolite où le peu « d’ordinaire » est pour tout dire enthousiasmant. J. M. nous livre une autobiographie de fiction, ce qui laisse à penser que nous aurons encore d’autres occasions de le rencontrer hors liens posthumes. Ce qui est assez surprenant, ou pas tout compte fait, c’est que plus l’auteur penche vers des semblants de maladresses ou des manquements, plus il nous attache et nous conforte vers l’intérêt qu’on lui porte. Il est en fait à côté du prototype ou du protocole auquel Sieur « On » l’attend et le situe tant il n’est pas assez « formaté ». Non ! John Maxwell Coetzee n’est pas suffisamment « conditionné » pour répondre à notre attente, du moins de celles que l’on s’attend communément de subvenir dans telles ou telles représentations interactives du vivre en société. Ce qui ne manque pas de provoquer une certaine confusion dans un premier temps puis de façon moins subjective mais beaucoup plus perspicace, amène une réflexion sur le caractère de la condition humaine. L’homme nous est décrit au travers du récit formulé par quelques proches, choisis, dans une période qui se situe dans les année 1970, propos recueillis par un jeune universitaire qui interroge quatre femmes et un collègue de notre écrivain en devenir. Soit ! un entretien où nous sommes coite restant tout ouïe.
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L'abattoir de verre

Commencer un recueil de nouvelles pour moi, c'est souvent suivre le même schéma. A la première nouvelle, apprécier simplement l'écriture, la façon d'aborder le sujet, se laisser porter par la simplicité qu'amène la brièveté... profiter. Dès la deuxième nouvelle, se poser la question du pourquoi l'auteur a décidé d'associer les deux, y a-t-il un fil conducteur, un message, quelque chose qu'il cherche à m dire... cogiter.



Ce qui est bien avec Coetzee ici, c'est qu'il me laisse parfaitement faire ces deux temps, puisque la première nouvelle est vraiment assez simple et parle d'un évènement brut du quotidien, mais avec une fin qui nous pousse à nous interroger en profondeur sur les rapports humains. Que le lien avec la deuxième nouvelle est pas évident du tout... mais comme à chaque fois entre deux choses, il y a toujours les moyens de faire un lien (si, si, essayer, c'est très facile, il y a toujours un lien entre deux choses)... Et qu'à partir de la troisième jusqu'à la dernière, le lien devient évident entre toutes ces dernières nouvelles, et qu'il n'y a plus qu'à les rattacher à ces deux premières, un peu à part, plus courtes.



Coetzee nous parle principalement de deux sujets dans ce recueil : notre rapport aux animaux et comment nous décidons de nous comporter avec eux et notre rapport à la vieillesse.... et comment nous décidons de nous comporter avec nos vieux. La dernière nouvelle est l'abattoir de verre qui donne le titre à l'ouvrage et ce n'est pas anodin. Elle part d'un premier postulat qui est que si on était confronté quotidiennement et directement à la façon dont on traite les animaux, les opinions sur le sujet évolueraient... basique (?). Et vous me voyez venir avec mes gros sabots... et si on était confrontés quotidiennement et directement à la façon dont on traite la vieillesse dans nos sociétés...



Le parallèle n'est pas du tout clairement énoncé par l'auteur mais il m'a semblé assez évident en tant que lecteur... surtout parce que dans mon processus de lecteur de recueil de nouvelles, l'analyse du titre est également importante, que ce soit un titre créé de toute pièces pour regrouper l'ensemble ou le choix d'une nouvelle pour devenir la nouvelle titre.



Au delà de ce processus de réflexion autour de la thématique et de la façon dont le recueil la fait ressortir, Coetzee nous offre sa façon très tranquille et simple d'analyser les rapports humains, sans violence ou brusquerie, et de nous amener à nous interroger du coup tout aussi tranquillement sur nos propres engagements. Il n'impose aucune position en faisant le choix de ne jamais diaboliser les personnages qu'il nous présente et en laissant s'exprimer leur vérité. C'est sans doute par son amour du vivant (puisqu'il serait ici mal venu d'évoquer son "humanité) qu'il parvient à nous amener à mieux réfléchir.... bien mieux en tout cas que les nombreux anathèmes médiatiques et opération coup de poing dont on nous abreuve en nous sommant de nous positionner au risque d'être immédiatement jugé et mis au ban de la société.
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En attendant les barbares

En ces temps de peur et de stigmatisation de l'Etranger, de l'Autre, j'avais besoin de m'offrir un antidote littéraire et le roman de J.M Coetzee : En attendant les barbares m'a paru correspondre en tous points à ce que je cherchais.Dire que je suis déçue serait injuste mais au début de ma lecture ce roman m'a surprise et déroutée.

Cette fable dystopique nous emmène dans un Empire situé hors de l'espace et du temps, avec une omniprésence du militaire et de tout ce qui va avec : obéissance aveugle aux ordres, exactions commises auprès des populations indigènes, ces fameux "barbares" dont on se sait pas grand chose mais que la rumeur populaire présente comme menaçants. Le décor est planté et dès le début du récit, on sait que si barbarie il y a, ce sera celle de l'homme civilisé contre les populations autochtones, celles qui vivent aux confins de cette ville de garnison dont on ne connaîtra jamais le nom.

Mais tout cela constitue - du moins à mes yeux - une toile de fond pour un récit plutôt centré sur un personnage, celui du narrateur, un magistrat vieillissant et fatigué, n'aspirant plus qu'au repos et la quiétude. Et c'est bien malgré lui qu'il va se trouver confronté à une situation qu'il ne pourra accepter au nom de ses valeurs. C'est un personnage complexe, à mi-chemin entre l'anti-héros et le héros tragique, qui au début du roman va se boucher les oreilles plutôt que d'entendre le cri des suppliciés. Sa lucidité désespérée n'a d'égale que le dégoût qu'il éprouve pour son propre corps vieillissant. Cette thématique du délitement, qu'il s'agisse du corps ou du paysage désertique qui entoure la ville est d'ailleurs omniprésente dans tout le première partie du récit duquel se dégage une ambiance délétère et oppressante qui n'est pas démentie par le caractère très répétitif de certaines scènes à l'érotisme éthéré entre le Magistrat et la jeune nomade qu'il a enlevée aux griffes de la soldatesque.

Heureusement que la deuxième partie change de tonalité et donne à voir aussi à travers la révolte du magistrat contre les tortionnaires que sont devenus les soldats, une autre facette du personnage : celle de son refus de la torture et des sévices infligés aux victimes. Là encore le corps est omniprésent et l'on suit le Magistrat devenu lui aussi ennemi et supplicié dans tout le long parcours qui va le faire passer du paroxysme de la douleur à sa domestication. J'ai beaucoup aimé certaines scènes très fortes où la plume de Coetzee s'envole, s'enflamme et cerne au plus près les ressentis et les émotions liés à la souffrance physique et morale.

Pour conclure, je dirais que même si cette thématique des difficultés liées à l'engagement personnel n'est pas celle à laquelle je m'attendais, j'ai été conquise par le traitement littéraire qu'en fait Coetzee. Mais j'aurais aimé qu'elle survienne plus rapidement et qu'elle prenne aussi plus vite le pas sur cette thématique du corps vieillissant en proie aux tourments d'une sexualité dans laquelle il ne se reconnaît plus.
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Disgrâce

« Un changement en prépare un autre » (Nicolas Machiavel)





« Disgrâce » est un roman de J.M. Coetzee, publié en 1999, qui raconte l'histoire de David Lurie, un professeur universitaire sud-africain qui est renvoyé de son poste après avoir eu une relation avec une étudiante. Il se retire alors dans une ferme isolée où il vit avec sa fille Lucy, qui est violée par des hommes initialement non identifiés.





Le roman explore les thèmes de la culpabilité, de la rédemption et de la race en Afrique du Sud post-apartheid.





J.M. Coetzee est un écrivain et professeur sud-africain, né en 1940. Il est considéré comme l'un des écrivains les plus importants de l'Afrique australe et a remporté de nombreux prix pour ses œuvres, notamment le Prix Nobel de littérature en 2003. Il est connu pour son style épuré et pour son exploration des thèmes sociaux et politiques de l'Afrique du Sud.





Disgrâce est un roman poignant et profond de J.M. Coetzee qui aborde des thèmes tels que la culpabilité, la rédemption et la race en Afrique du Sud post-apartheid.





Dans « Disgrâce », il utilise un style simple, mais efficace pour décrire les événements et les personnages, créant ainsi une atmosphère de tension et de désolation. le personnage principal, David Lurie, est complexe et humain, et le lecteur est entraîné dans son parcours personnel, de la culpabilité à la rédemption. le personnage de sa fille, Lucy, est également bien décrit, elle est indépendante et forte, malgré les événements tragiques qui lui arrivent.





Le roman aborde aussi des sujets importants tels que la responsabilité personnelle face à l'injustice et les conséquences de l'histoire sur les individus. Coetzee utilise par ailleurs des motifs tels que la nature pour renforcer l'atmosphère de désolation et de désintégration qui accompagne les personnages dans leur parcours.





Le personnage de sa fille, Lucy, est pareillement bien décrit, elle est indépendante et forte, malgré les événements tragiques qui lui arrivent.





Le roman aborde enfin des sujets importants tels que la responsabilité personnelle face à l'injustice et les conséquences de l'histoire sur les individus.





Ce qui est remarquable chez l'auteur, plus particulièrement s'agissant de la situation de l'Afrique du Sud et de l'Apartheid, est la neutralité de l'auteur face aux évènements ; Coetzee, comme toujours dans ses romans, se borne à décrire les situations telles qu'elles sont sans faire preuve d'acte militant. Et qu'apprenons-nous, lorsque David Lury refuse de reconnaitre sa responsabilité face aux accusations émises davantage par l'entourage de l'étudiante que par celle-ci ? La certitude, qu'il n'a commis aucun acte illégal. Les reproches qui lui sont adressés, dans la nouvelle société sud-africaine, sont d'avoir pris certaines libertés avec la morale. Pour David, qui est un homme de bien, cette accusation n'est pas concevable et admissible. Elle est est le signe d'une dérive extrême d'une société revancharde. Il se considère comme une victime de la politique de l'université et de la société en général, qui sont devenues trop puritaines et trop promptes à condamner les relations entre professeurs et étudiants. Il se sent persécuté et injustement accusé.





Mais il est vrai, aussi, que David Lurie est aveugle à ses propres actions et à leurs conséquences sur les autres. Il a une vision très égocentrique de la situation et ne peut comprendre comment il est la cause de la douleur de l'étudiante. Il se considère comme un artiste et une personne cultivée, il est inapte à comprendre à quel point ses actions ont pu être mal perçues.

À sa décharge, Lurie est en proie à des troubles psychologiques tels que la dépression et la solitude, qui l'empêchent de voir clairement les choses et de prendre ses responsabilités. Il vieillit mal, et se sent rejeté par la société.





La finesse de l'analyse du roman, dont certaines scènes manquent, parfois, d'un peu de rythme - il s'agit d'un défaut des qualités de l'œuvre - peut désarçonner certains lecteurs, à l'exemple de celle du viol de sa fille Lucy, laquelle, au premier abord, pourrait sembler difficile à lire du fait d'une écriture très psychologique et précise, sollicitant une lecture soutenue.





Mais, « Disgrâce », est un roman puissant qui offre une vision profonde et complexe de l'Afrique du Sud post-apartheid. J.M Coetzee manie avec brio le style, il est écrit d'une manière simple, mais avec une efficacité qui rend l'histoire encore plus percutante.





Bref, je recommande sans réserve, la lecture de ce roman puissant et émouvant Il est écrit avec une grande maîtrise de la langue et offre une plongée profonde dans les pensées et les émotions des personnages. Il donne aussi un aperçu pertinent sur la société sud-africaine contemporaine. C'est une œuvre remarquable et riche.





Bonne lecture.





Michel.






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Disgrâce

Afrique du Sud, fin des années 90.

David Lurie est prof de fac. Féru de poésie, il enseigne sans passion depuis que son poste a été transformé en « prof de communication ». Mais bon, il s'en contente. Cela lui permet de vivre tranquillement.

Marié deux fois, divorcé deux fois, cet homme de 52 ans sent bien que sa séduction ne fonctionne plus auprès des femmes.

Est-ce pour cela qu'il « séduit » Mélanie, une de ses étudiantes ? Pour se prouver quelque chose ? Ou simplement pour assouvir son désir ?

Toujours est-il que la jeune fille porte plainte. Sommé de s'expliquer devant une commission disciplinaire, Lurie admet ses torts mais refuse tout mea culpa. Il est viré.

Il trouve alors refuge chez sa fille, Lucy, qui vit seule dans une ferme reculée sur les plateaux orientaux, où elle cultive des légumes et des fleurs qu'elle vend au marché et garde des chiens dans son chenil.

Sa visite est bouleversée par une agression brutale dont ils sont victimes.

Dés lors, l'incompréhension, l'incommunicabilité règnent dans leurs rapports.

Si le personnage de Lurie m'a profondément dérangée au début dans sa relation de séducteur vieillissant, lourd, insistant, égoïste, je me suis laissé embarquer par le père qui cherche à comprendre sa fille qui a choisi de vivre si loin de son monde, de son mode de vie.

Je ne suis pas certaine d'avoir tout compris à ce récit court mais dense qui met en évidence les nombreuses fractures de la société et en particulier la société sud-africaine post apartheid. Les désaccords entre générations, mésententes entre les sexes, oppositions entre le mode de vie urbain et rural n'ont-ils pas pour objet de mettre en valeur les dissensions entre les races dans ce pays qui cherche à se reconstruire ?

Lurie est un homme de l'apartheid, qui a vécu cette Afrique du sud là. Lucy, elle, profondément attachée à sa terre est prête au sacrifice pour y rester, peut-être même à payer le prix de la culpabilité du passé.

Lui est un homme qui a profité des femmes toute sa vie, qui assouvit son désir sans se préoccuper de celui de sa partenaire et qui en a parfaitement conscience : « Ce n'est pas un viol, pas tout à fait, mais sans désir, sans le moindre désir au plus profond de son être. ». Elle est une femme, lesbienne de surcroit, qui a subi l'outrage suprême, qui a décidé de vivre avec cette réalité-là : « Les hommes, le sexe, tu sais, rien ne m'étonne plus sur ce chapitre. Peut-être que, pour les hommes, c'est plus excitant de haïr les femmes. Tu es un homme, tu dois savoir cela mieux que moi. »

Et puis, il y a les animaux… les agneaux à sacrifier et les chiens.

C'est un roman d'une grande richesse qu'il me faudra relire car je reste pleine d'interrogations.

C'est bien ça.

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Disgrâce

Faut-il un malheur pour abandonner ses mauvaises habitudes, ses vieux réflexes, modifier sa mentalité, changer de vie à défaut de pouvoir changer de peau..? On aimerait, bien évidemment, le cas échéant, pouvoir y arriver parce que touchés par la grâce, alors qu'en réalité ce sont, hélas, nos «disgrâces» qui la plupart du temps semblent ouvrir la voie aux véritables transformations...



David Lurie pensait, quant à lui, avoir réussi à régler sa vie comme du papier à musique. Tout compte fait, «à l'aune dont on mesure le bonheur», il se croyait provisoirement «heureux».

Vraiment ?

Lurie, 52 ans, est enseignant à l'Université du Cap. Suite à une restructuration interne, il s'était vu à contrecoeur reléguer de la chaire de langues modernes qu'il occupait auparavant vers un département et un poste sans aucun intérêt pour lui, en tant que «professeur associé en communication». Auteur frustré de trois essais «passés inaperçus dans le monde universitaire», sa carrière académique ronronne entre un vague projet constamment différé d'écriture d'un opéra de chambre inspiré d'un épisode de la vie de Lord Byron («Byron en Italie») et la carotte encore une peu verte d'une retraite paisible dans quelques années.



Marié et divorcé deux fois, ex-homme-à-femmes au magnétisme sexuel sur lequel il avait pu compter à chaque occasion par le passé, avant de constater un beau jour que «le pouvoir de son charme l'avait abandonné», ses besoins affectifs et sexuels sont assouvis par une liaison avec une call-girl dont il est depuis quelque temps aux abonnés fidèles («1h30 tous les jeudis après-midi»). Cependant, à partir d'un concours de circonstances anodin, absorbé malgré lui et malgré tout le bon sens dont il se croyait pourvu, par l'idée de sortir leurs rapports de l'anonymat implicite à ce type de transaction, David se met à enquêter sur sa vie. Devenu trop envahissant et pressant aux yeux de cette femme, qui tient quant à elle à garder une barrière infranchissable entre sa vie professionnelle et sa vie familiale, celle-ci lui signifie brusquement un terme définitif à leurs rapports tarifés.



L'arrêt brutal de cette relation amoureuse aseptisée, lâchant dans la nature un démon de midi désormais délesté de toutes chaînes, conduira notre héros à sa «disgrâce». Tombé dans un véritable imbroglio érotico-amoureux impliquant une de ses élèves qu'il aura réussi à séduire grâce à son rôle et à son statut plutôt qu'à - tel qu'il aurait bien aimé pouvoir l'attribuer- des attraits irrésistibles résiduels ayant pu subsister chez lui, la jeune femme en question, apparemment consentante au départ (?), à ses yeux en tout cas, finit cependant par estimer avoir été abusée sexuellement par lui et par le dénoncer publiquement. David Lurie, de son côté, refusant inexplicablement, vis-à-vis de son entourage et de ses collègues, de fournir la moindre justification à ses actes, se récusant surtout à tout procès disciplinaire interne, décide de plaider coupable et se retrouve bientôt démis de ses fonctions.



Ni particulièrement sympathique, ni franchement antipathique, comme c'est souvent le cas avec les personnages au centre des récits de Coetzee, mâle hétérosexuel blanc vieillissant lambda, représentant d'une espèce qui se verrait en l'espace de quelques années sérieusement menacée d'émasculation ontologique par la peur des assauts dévastateurs d'un «Metoo», entre autres, David Lurie ne semblait visiblement pas, à l'aube du nouveau millénium, réaliser encore à quel point l'avènement d'un nouvel ordre, à la fois sur le plan moral et sociétal, entraînant par la même occasion une polarisation croissante entre individus et groupes d'appartenances différentes, pourrait avoir des conséquences directes et dramatiques sur sa vie personnelle jusque-là solidement balisée. Un ordre nouveau surgissant à ce moment-là et auquel l'impact représenté par les années Sida et la violence exponentielle d'un ultralibéralisme économique décomplexé auront probablement contribué à faire émerger.



Cette grosse déconfiture subie par le personnage au début du roman constituera en quelque sorte le paradigme à partir duquel une série d'évènements présentant une analogie possible, directe ou indirectement, avec cette disgrâce inaugurale va être déployée par l'auteur. Point de départ d'un récit dont la simplicité n'est qu'apparente, la narration s'y révèlera néanmoins toujours limpide, très incisive et réaliste, attelée surtout aux faits et à leur enchaînement, composée d'instantanés, de scènes et de dialogues dans lesquels, comme d'habitude chez l'auteur, chaque détail est révélateur, chaque mot semble avoir sa juste place et où rien ne paraît accessoire ou gratuit.



Suite donc au scandale et à la perte de son travail, David cherche un refuge provisoire auprès de Lucy, sa fille. Lucy, de son côté, mène une existence aux antipodes de celle de son père, néo-rurale et alternative, cohérente avec ses valeurs anti-bourgeoises et écologiques. Depuis le départ de sa compagne, elle vit seule dans une vielle ferme qu'elle tient à bout de bras, grâce notamment à son fort caractère et à la force inamovible de ses convictions personnelles. Installée dans une zone reculée dans les hautes terres du Cap-Oriental, dans une région particulièrement éprouvée sur le plan historique par des conflits violents entre les anciens colonisateurs et le peuple autochtone Xhosa, et où dans le cadre de la politique d'apartheid, le gouvernement sud-africain avait créé en 1959 deux bantoustans à l'intention de ceux-ci, une tension importante entre les deux principales communautés raciales, malgré la fin de l'apartheid, y subsisterait toujours de manière assez palpable, prête à s'embraser à la moindre étincelle. Une violence qui se manifestera de manière spectaculaire pendant le séjour de David, à laquelle Lucy et son père devront directement faire face, mais que la jeune femme voudra passer sous silence, préférant à son tour pâtir des traumatismes provoqués par cet épisode déplorable, par ailleurs lourd de sens pour son avenir à elle, au lieu de chercher à se défendre ouvertement contre ses agresseurs.



Témoin actif de ce qui arrive à sa fille, entre les deux les rôles d'une certaine manière s'échangeront, s'inverseront, les disgrâces se feront miroir l'une de l'autre, les interrogations et les incompréhensions aussi, les reproches entre père et fille, entre deux générations, entre deux visions du monde, entre deux manières d'envisager une reconstruction possible de soi-même s'affronteront et s'accumuleront sans qu'aucun des deux ne puisse véritablement prendre le dessus sur l'autre.



L'on a parfois le sentiment que ce qui arrive aux personnages de Coetzee, leurs réactions ou absence de réactions, ne sert pas simplement à illustrer un propos quelconque, philosophique, moral ou existentiel, à extraire un sens en particulier au détriment d'autres, voire à essayer d'établir une hiérarchie parmi ces derniers. Leurs attitudes ne sont d'ailleurs pas toujours susceptibles d'être interprétées de manière univoque. Voilà peut-être ce qu'il faut retenir avant tout de cette prose sagace et subtilement subversive. Voilà peut-être ce que ses personnages eux-mêmes devraient en fin compte apprendre de ce qui leur tombe dessus, y compris de leurs disgrâces, et qu'ils refusaient au départ d'entendre. «Tu peux penser ce que tu veux -rappelle une Lucy excédée à son père- mais les réalités sont là».



La prose de Coetzee aspirerait-elle à une sorte d'extra-lucidité qui consisterait avant tout à pointer différentes possibilités envisageables aux problématiques soulevées par l'existence, sans qu'aucune soit exclue, suggérant au contraire des symétries possibles entre elles, des liens et des résonnances multiples entre des éléments en apparence indépendants ou disparates, ici, en l'occurrence, entre les domaines du public et du privé, entre histoire collective et individuelle, entre violences infligées et violences subies, entre «crimes du passé» et «souffrance dans le présent», entre disgrâces à expier et l'élaboration possible d'un projet viable d'avenir ?



Une dizaine d'années se sont écoulées depuis la fin officielle de l'apartheid, cinq depuis l'élection de Nelson Mandela à la présidence de l'Afrique du Sud (1994) – emblème s'il en est de la normalisation qu'ont censé avoir connu les relations interraciales dans le pays -, au moment où paraît le roman.



La publication de «Disgrâce» déclencherait néanmoins quelque chose d'absolument imprévisible pour son auteur, et qu'on pourrait très bien imaginer comme relevant d'une symétrie de plus, complémentaire à celles développées dans son roman, confirmant en même temps l'extrême pertinence de son propos : la mise au ban de l'écrivain lui-même par une partie considérable de l'opinion dans son pays, puis, quelque temps après sa «disgrâce» à lui, son départ volontaire et son installation définitive à l'étranger, en Australie, où J.M. Coetzee vit depuis 2002 et dont il finirait par acquérir la nationalité en 2006.



«Il n'est bon bruit que d'homme banni» (François Villon)



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En attendant les barbares

JM Coetzee nous propose une histoire bien étrange, avec son roman En attendant les barbares. On ne sait pas trop où ni quand elle se déroule et ce n’est pas vraiment important. Le narrateur est le magistrat d’une ville frontalière repliée sur elle-même. Au-delà des murailles, dans le désert montagneux, aride et froid, se cachent des barbares. On ne sait pas beaucoup de choses sur eux, sinon que tout ce territoire leur appartenait autrefois, il y a très longtemps. On les craint mais on ne sait pas trop pourquoi. Sans doute parce que l’Empire en a décidé ainsi, il faut un ennemi commun alors on invente cette menace. Pourtant, les rares barbares qu’on a vus vivaient misérablement dans des huttes près du lac et de la rivière. Quoiqu’il en soit, le lecteur assiste surtout au malaise croissant dans la petite communauté puis à l’arrivée réjouissante d’une compagnie armée envoyée en renfort. Mais le narrateur, lui, voit cette arrivée d’un mauvais œil…



Beaucoup comparent En attendant les barbares avec Le désert des Tartares, de Dino Buzzati. Oui, il y a des ressemblances. Parr exemple, cette forteresse, ce bastion de la civilisation aux frontières de nulle part. Mais, alors que le héros de Buzzati perd la raison en croyant accomplir son devoir absurde de tenir tête à un ennemi invisible (peut-être même disparu ?), celui de Coetzee doit faire la guerre aux siens. C’est que l’Empire redoute ces barbares qui sont à ses portes. D’ailleurs, la nouvelle compagnie armée tout droit de la capitale disperse quelques groupuscules de ces barbares, en fait quelques uns prisonniers et les torture. Le magistrat s’y oppose, les prend en pitié, surtout leur vient en aide. D’ailleurs, il recueille l’une d’entre eux chez lui. Ce geste lui vaut l’animosité des soldats et l’incompréhension des civils, qui se détachent de lui. Pourquoi les aime-t-il ? Est-il en ligue avec eux ? » La peur, toujours la peur gouverne les esprits, alors on s’acharne davantage sur les barbares, on les provoque.



Coetzee nous propose une réflexion sur la condition humaine. Au nom de la civilisation, plusieurs protagonistes commettent les pires atrocités. C’est beaucoup dire. Mais, finalement, la compagnie armée est défaite et éparpillée, les rares soldats à revenir laissent tomber les armes. Les civils sont maintenant sans défense. Et le magistrat est maintenant trop vieux et isolé pour y faire quoi que ce soit. Il ne reste plus qu’à attendre les barbares. Alors que leur avancée menace la ville, les passions se déchainent, on s’entre-déchire. Les civils qui le peuvent s’enfuient, pour les autres, c’est la déchéance. On se rend compte à quel point la civilisation est fragile… C’est tout un retournement : les barbares, les indigènes reprennent leurs droits sur leurs terres ancestrales. Beaucoup y voient une allégorie, on peut en effet comparer cette situation avec le régime ségrégationnsite qui sévissait en Afrique du Sud, assurant la suprémacie des Afrikaans sur les Noirs. On peut dire que, avec En attendant les barbares, l’auteur avait vu juste car l’Apartheid fut abolie onze ans plus tard…
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Au coeur de ce pays

Début du 20ème siècle (... peut-être).

Dans une ferme isolée, très isolée, du veld sud-africain, une femme écrit son journal.

Elle vit là, seule avec son père et des serviteurs noirs, elle a perdu tout espoir de se marier et de quitter la ferme.

Elle est vieille, elle est laide, elle est aigrie, et pourtant elle a des rêves.

Voir la mer.

Être courtisée.

Obtenir l’amour de son père.

Alors, premier avertissement : ne vous attendez pas à "Cher journal, aujourd’hui…"

Non non, ça n’est pas du tout son style. Son style c’est plutôt :

"Suis-je une chose parmi les choses, un corps qui évolue le long d’un rail, mu par des tendons et des leviers osseux, ou suis-je un monologue qui se déplace dans le temps, à un mètre cinquante environ au-dessus du sol – à moins que le sol lui-même se révèle n’être qu’un mot de plus, auquel cas je suis bel et bien perdue ?"

Deuxième avertissement : ne vous attendez pas non plus à découvrir des faits véridiques.

Ce qu’elle raconte sur un ton presque suave, ce sont – entre autres choses – des meurtres.

Ceux qu’elle commet ? Ceux qu’elle rêve de commettre ?

Faites votre choix.

Parce qu’elle vit dans un atroce climat de violence, violence raciste, violence du pouvoir qui permet au baas (le patron) de se taper impunément la jeune épouse du régisseur.

"Il suffit d’avoir autour de soi des gens dociles, et de leur en vouloir parce qu’ils ne répondent pas. Si je suis hargneuse, c’est qu’autour de moi s’étend un espace infini, qu’avant et qu’après moi, l’histoire semble avoir reflué hors du temps, que je lis sur ces visages inclinés les indices d’un pouvoir sans limites."

Il est magistral, le talent de John M. Coetzee pour nous faire entrer dans la tête de cette femme misérable.

Il est magistral, son talent pour nous faire appréhender toute la tension de la société sud-africaine, et la manière dont le pouvoir blanc est condamné à s’effondrer.



Traduction quasi-parfaite de Sophie Mayoux.



Challenge Solidaire 2024

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Club de lecture février 2024 : "La PAL fraîche"
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Disgrâce

Disgrâce aborde des thèmes qui, généralement, ne m’attirent pas. D’abord, il y a ce professeur d’université David Lurie qui, pour meubler sa solitude après deux divorces, emploi les services d’une prostituée. Puis, tout d’un coup, il ressent une passion violente à l’endroit d’une de ses étudiantes, Mélanie. Elle a beau être majeure, c’est mal d’un point de vue éthique. Ses états d’âmes, ses démêlés avec le comité de discipline, tout le bataclan, pas intéressé ! Ces romans et personnages qui montrent de pareils côtés sombres ne m’ont jamais attiré. C’est bien le nom de J.M. Coetzee qui m’a poussé à choisir ce livre à la bibliothèque et à en continuer la lecture après avoir découvert de quoi il s’agissait. Mais bon, tout le monde a droit au plaisir, même âgé. (Et peut-être encore plus !) Ceci dit, pour un cinquagénaire qui est supposé ressentir plein de plaisir et de passion, je l’ai trouvé distant. Dans tous les cas, jamais je ne me suis associé à lui ni même été capable de me mettre dans sa peau. Je ne sais toujours pas si c’est à cause de moi (de mes goûts ou dégoûts) ou du style de l’auteur.



Éventuellement, le professeur David Lurie démissionne de son poste et quitte LeCap pour rejoindre sa fille dans une ferme isolée. Lucy s’occupe d’un chenil, prend soin des animaux, cultive la terre, etc. Lui, il pourra écrire un livre. Mais les malheurs les rattrapent : une bande de Noirs les attaquent et les cambriolent (et on soupçonne qu’ils violent sa fille). Lucy a une drôle de réaction, que je comprends et, en même temps, que je ne comprends pas. C’est contradictoire, je sais, mais je n’y peux rien. Elle ne veut rien entendre, ni trouver les coupables ni s’en aller, alors que son voisin Petrus devient de plus en plus suspect… C’est probablement cet événement qui pousse Lurie vers la rédemption. Ça et leur cohabitation difficile.



Rendu à ce point de ma lecture, je ne savais plus très bien à quoi m’en tenir. Quel est le sujet principal de ce bouquin ? Remarquez, on peut très bien cumuler… J. M. Coetzee revient à son intrigue première, ramène David Lurie au Cap. Il cherche un sens à donner aux événements, peut-être le pardon du père de Mélanie. C’est assez ironique que sa fille se soit fait agresser après qu’il ait abusé d’une étudiante (sans vouloir placer sur le même pied une relation consentente avec un viol). Des sujets très délicats…



Je ne veux pas dévoiler les derniers éléments de l’intrigue. Ils m’ont donné froid dans le dos. La situation en Afrique du Sud me dépasse (je ne suis pas trop l’actualité de ce pays) mais les relations tendues entre les Blancs et les Noirs décrites dans ce roman sont troublantes et désespérantes. Même dans cette ère post-Apartheid. Parce que, sous couvert de retour aux sources et d’abus de femmes, Coetzee revient encore et toujours à ça : l’occupation du territoire et du désir de vengence qui en découle. Ouf ! Disgrâce ne fut pas une lecture plaisante, mais tout de même enrichissante, marquante et probablement nécessaire.
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