Comment un recueil de 70 pages et de
trois histoires peuvent-ils nous renseigner sur un auteur ? Est-ce forcément une bonne idée que de découvrir un Nobel, par ailleurs habituellement plus romancier, même si pas forcément producteur de paves, par une forme si courte puisque chacune des nouvelles fait une vingtaine de pages ?
L'intention première est de dégager une vue d'ensemble, un rapprochement entre les histoires. On y décèle la nostalgie, le regret du temps qui passe et des bouleversements de la société, une analyse sociologique fine de ce qui est à l'oeuvre. Un goût particulier pour les lieux et ce qu'ils disent de nous quand on les choisit ou quand le destin nous les assignent. Une maison, un cercle de terre sèche, une île, un port où on choisit de s'installer. D'abord un ton ironique pour moquer l'amour des lieux, puis finalement, tout au long du recueil, une éloge de ces lieux de vie qui nous font, nous fondent.
S'attarder sur la dernière histoire, forcément, parce qu'alors que les deux autres sont limpides dans leur sens, jolies mais surtout totalement accessibles, la dernière se ferme, nous rejette presque en nous indiquant "ne cherche pas, tu ne comprendras pas". Qui est cet homme "son homme", existe-t-il, quel est son rôle auprès du narrateur ? Beaucoup de questions, peu de réponses. On cherche un peu, la magie de Google qui nous apportera au moins un début d'éclaircissement. Et là, un choc: le texte est le Discours de remerciement de l'obtention du
Prix Nobel de littérature !
Il faut donc y retourner puisque une des clés pour comprendre l'auteur doit s'y trouver, surtout que plus que de lieux, l'auteur nous parle surtout dans cette dernière d'écriture. On pense alors au pseudonyme, à l'éditeur, au nègre, au lecteur comme solutions possibles de l'énigme. On comprend en tout cas que Coetzee s'interroge sur des thèmes essentiels: faut-il raconter l'histoire telle qu'elle s'est produite ou l'arranger, la fictionner; utiliser les symboles, la métaphore, se dire à travers des histoires qui ne sont pas forcément les siennes; relater des choses qu'on rencontre , dire ce qui nous touche et nous intrigue pour le transmettre à un lecteur qui l'ignore; avoir conscience que toutes les histoires ont déjà été écrites et que les nouveaux auteurs ne peuvent que s'inspirer des récits fondateurs pour chercher leur propre voi(e)x.
Il peut finalement y avoir beaucoup dans
trois histoires et soixante-dix pages, pour peur qu'on se donne la peine de s'y pencher. Il y a surtout l'envie augmentée d'aller lire autre chose, d'aller lire plus, d'aller lire mieux, de rencontrer un nouvel auteur.